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Critiques de Michèle Desbordes (54)
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L'emprise

Un texte à l'image d'une pelote de fils emmêlés, entrecroisés, tressés les uns aux autres comme images en miroir des souvenirs égrenés, des fulgurances de l'enfance qui s'échappent de l'esprit que l'on sonde.





Des fils légers et doux comme des plumes ou pesants et rêches des moments passés, des fils précieux comme la langue qui les évente, comme les mots qui les ébruitent...



Tantôt des fils tout en lumière, colorés, irisés, moirés pour essayer d'écrire une ébauche de la définition du mot bonheur, celui de l'instant, celui des petites choses, de celles qu'on oublie et qui sont souvent les plus précieuses. Tantôt des fils ternes sans tons vifs, à l'extrémité de la gamme des couleurs, des fils comme l'ombre des oiseaux noirs des ciels d'hiver, de ceux qui ne sont cohorte que de tristesse et de peine, de culpabilité et de remords...

Il y a ceux dont les reflets chatoyants font briller les yeux, dessinent l'ébauche d'un sourire, et il y a les autres qui dialoguent avec les larmes, les dessinent et les font perler… On ne peut les retenir même si la bienséance l'exige, même s'il ne faut rien montrer de cette part de faiblesse que le chagrin tisse dans l'âme.



D'ailleurs, il ne faut rien avouer, ni dénuder de ce que l'on pense, ressent, désirerait... Il faut se tenir là, en marge, à l'extrême limite du cadre, juste à la lisière de l'insondable intimité qu'on dévoile si peu…

Juste consenti était le droit d’observer, de regarder intensément, mais en aucun cas celui d’exister, simplement de laisser entendre un souffle, de prendre présence dans le moment.





Ce livre, c'est tout cela, le visage qui se tourne sur l'avant, l'autrefois, pour un dernier regard, une dernière caresse des moments. Un cheminement, à l'image d'une déambulation sous une arcade végétale, sous les entrelacs des branches qui retiennent ou dévient la lumière, une part d'ombre, des moments soudains de brillance, des étincelles de lumière parce que tout est ainsi, tantôt lumineux, tantôt ténèbres, tout se côtoie, tantôt merveille du moment, tantôt désespérance de ce qu'on ne peut réécrire. L’évocation de pérégrinations le long du fleuve inlassablement contemplé et les fils évoqués et imaginés ne seraient peut-être que le reflet des cascades des eaux, des tourbillons autour des pierres et des berges, de l’évanescence devinée des herbes accrochées au lit de ce dernier, une illusion de l’imaginaire qui caracole.



Tout est suggéré, esquissé, les mots se font traits effilés, rien n'est appuyé, on ne touche pas le sol, on glisse d'un passé vers l'autre, d'un visage vers un lieu, d'une émotion vers un regret, parfois une amertume, et tout s'inscrit au fond de l'être, en écrit l'avenir et le devenir, en sculpte la vie qui éclot, qui grandit de ces années, cela n'était pas si palpable à ce moment mais reste indéniable dans cette tardive évocation, la dernière, la plus vraie, la moins travestie, la plus sincère et la plus bouleversante.





Une écrivaine à lire pour se nourrir d’une langue autant poétique que raffinée, toujours éloquente et imagée. Une lecture dont on s’éloigne devenu autre...

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La demande

Enroulé dans cette poésie,

je survole cette fin de vie.

La douceur des mots,

la tendresse des regards,

d'une infinie sensibilité.

L'émotion de l'autre

font de cette œuvre,

une œuvre à part.

Une œuvre ou l'humain

se régale du quotidien,

de la simplicité de la vie.

Peu importe la grandeur ou la petitesse

Deux âmes s'unissent pleine de sagesse.

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La demande

Seulement 132 pages et pourtant ce roman m’a paru bien long et sans grand intérêt.

Cette histoire à l’écriture fine relate la vie quotidienne des dernières années d’un maitre italien du 16ème siècle exclusivement évoqué par un « Il » tellement distant que je me suis presque immédiatement désintéressé de lui.

Chaque chapitre dont l’allure bien que poétique soit très lente donne l’impression d’être figée comme un petit camée absent de relief.

Après un voyage de soixante-douze jours avec quelques élèves et trois toiles dont « Il » ne veut pas se séparer, ils atteignent leur but imposé par une obligation royale :

Les bords de Loire.



Installé dans une demeure, « Il » aura une servante : « Elle ».

Ils resteront toujours deux à la troisième personne. Pas une ligne de dialogue entre eux.

Ils se complairont dans leurs souvenirs distincts, dans l’observation de leurs habitudes et dans la contemplation de la douce Touraine. Je m’y suis beaucoup moins plu.

Les saisons s’égraineront, ils ne s’abandonneront jamais à d’autres ouvrages que leurs besognes respectives.

« Elle » sera irréprochable, dure aux tâches répétitives, vaillante malgré son grand âge.

Elle ne se permettra jamais aucun écart. Juste un monologue, une demande.

« Il » sentira la fin approcher, la lassitude l’envahir. Moi aussi.



Pour moi, la Demande n’avait pas lieu d’être formulée, elle est restée finalement sans Raiponce, qui est d’ailleurs partie avec un inconnu réaliser ses rêves.

Ma dernière phrase est un peu tirée par les cheveux, mais c’est juste pour égayer un peu ce texte qui m’a semblé bien terne. Ne coupons pas les cheveux en quatre, je suis passé à côté.



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L'emprise

Je découvre tardivement Michèle Desbordes, puisqu’elle est décédée depuis bientôt vingt ans. C’est le deuxième de ses romans que je lis, et je suis vraiment conquise, encore plus que pas La demande, avec lequel je l’ai découvert, voilà quelques mois.



C’est un livre très personnel, puisqu’il évoque les souvenirs que semblent être les siens, de ses jeunes années, de ses proches, et nous le comprendrons progressivement, surtout les souvenirs, et encore plus le manque de son père, disparu soudainement et laissant une sorte de béance. Mais la construction du livre, tout en volutes et détours, nous fait voyager, dans le temps et dans l’espace, dans les premiers souvenirs, tellement lointains, que la possibilités qu’ils aient été récrées, réarrangés, voire fantasmés, ne quitte pas le lecteur, ni l’auteure d’ailleurs, qui est sans illusion sur les infidélités de la mémoire. Mais peut importe au final : les souvenirs écrans peuvent être aussi vrais que la réalité tangible, ils participent à la construction de la personnalité.



Nous voyons donc par les yeux d’une enfant, puis adolescente, les événements, les êtres proches, ce qui a eu lieu, ce qui aurait pu ou dû avoir lieu. Ce qu’elle a appréhendé sur le moment, et surtout reconstruit ensuite, de la vie de ses grands-parents, et parents. Tout cela arrive dans une sorte de désordre, ce n’est pas un récit linéaire, à aucun moment il n’y a d’arbre généalogique, de documents d’état civil. Il s’agit de se souvenir, avec les méandres, les fuites de la mémoire, sa manière de passer d’un moment à un autre. Sans oublier les ressassements, les retours des souvenirs importants. Bien qu’à la fin du livre, on réalise à quel point tout cela est construit et pensé, nous suivons le récit comme il vient, les moments les uns après les autres, avec parfois une difficulté à se repérer dans le temps, dans la nature du morceau qui nous est livré. Avant de saisir dans un éblouissement le sens, la raison d’être profonde et essentielle.



Le tout dans un style merveilleux, poétique, une véritable musique, qui enchante de bout en bout.



Une petite merveille, en dehors du temps, essentielle.
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La demande

Un court roman, 120 pages, deuxième texte en prose de l’auteure, par ailleurs poète, paru en 1998. Un homme, un artiste, jamais nommé dans le roman vient d’Italie en France, à la demande du roi. Il amène des tableaux, et doit construire un château pour le roi. Qui le loge dans un bel endroit, avec pour le servir, Tassine, une vieille femme, qui n’a fait que cela toute sa vie, servir les autres. L’artiste (qui ressemble beaucoup à Léonard de Vinci) dessine, fait les projets du château avec ses élèves, écrit en Italie, et se souvient de son passé, tout au moins quelques bribes. Tassine, lave, nettoie, prépare à manger, n’arrête pas de rendre la vie plus agréable pour les autres. Entre les deux surgit une familiarité, une compréhension, au-delà des mots.



Beau livre, dans une écriture splendide, qui évoque une rencontre improbable et rare. Les deux personnages sont proches de la fin de leurs vies, et le savent. Chacun d’entre eux fait ce qu’il a toujours fait, ce pourquoi d’une certaine manière il a le sentiment d’avoir été fait, avoir été destiné. Reste à sa place, qu’il ressent comme la place juste. Tassine allant plus loin encore, et voulant poursuivre même au-delà de la mort à servir, à se rendre utile.



Il ne se passe pas grand-chose en apparence, tout est dans les regards, dans les gestes, dans les habitudes, dans une harmonie avec les paysages, les lieux, les saisons. Certains pourront trouver cela très lent, statique, mais une émotion vient progressivement, émerge, s’installe, et va crescendo jusqu’au dénouement, prévisible en un sens comme l’est par définition celui de toute vie humaine, mais en même temps d’une grande densité, comme une sorte d’acmé.



Une jolie découverte.
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La demande

Magnifique poème ou roman poétique qui nous retrace les deux dernières années de la vie de Léonard de Vinci.

La langue est d’une douceur inouïe toute en caresses, en bonheurs.

La vie s’écoule calmement, facilement pour un Léonard repu de sagesse et de savoir. Il jouit de chaque instant, du simple fait d’observer la nature, d’observer sa servante affairée.

Une relation intime quoique non dite va se tisser entre Léonard et sa servante jusqu’au moment de « la demande »…

Peut être, lassés par tant de douceur, finit-on par trouver le « poème » un peu long, comme une caresse trop insistante qui deviendrait pénible.

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La robe bleue

Voltaire : « ce monde est un grand Bedlam, où des fous enchaînent d'autres fous».

La robe bleue c'est le récit d'une mise au secret, d'une mise au tombeau.

Fous, folles, folie. Combien de mots tissent le linceul du génie.

Évidement hors norme. Évidement étrange. Évidement abondant.

Dépasser par la puissance qu'il contient. Submerger du dedans.

Un chagrin, une ombre, une parole, une absence suffit à fêler le plus pur cristal.

Nous n'étendons pas toujours ce vibrato qui provoque la fêlure.

Nous en sommes presque toujours tous ensemble les instrumentistes de cette fêlure.

Comment en songeant à cette femme assise devant le porche de cette maison, ne pas penser au coeur des agates ? Ces pierres que Roger Caillois nous a conté.

Ce cœur enfermé dans une gangue de pierre, là depuis la nuit des temps, et qui pour peu qu'il retrouve une chaleur extrême se remet à battre.

Un cœur pétrifié dans une gangue de pierre.

Elle aura eu le malheur de naître à une époque qui n'était pas la sienne.

Dans un monde qui n'était pas le sien.

Prisonnière d'un temps qui ne la reconnaissait pas, ne voulait pas la savoir.

Différents, ainsi nomme-t-on les fous.

Douce folie, folie furieuse.

La musique du fou répond le plus souvent à la violence des mains qui frappent contre sa porte.



Fille, sœur, voilà le malheur. Maîtresse, voilà le marteau qui portait ses coups contre son cœur.

Le bon ton, la bonne mesure, cela ne convient pas à ces âmes là. Étroitesse d'un homme qui cache sa défigure sous l'étiquette du maître, étroitesse d'une famille, d'une mère, d'une sœur, d'un frère.

Déniant qui elle était pour sauvegarder ce qu'ils espéraient pouvoir atteindre.

Étroitesse d'un siècle, d'une société. Qui ne voit en la femme qu'un ventre et qui lui refuse l'outil de sa main.

La mise au tombeau au nom d'une paix sociale, au nom de l'équilibre d'un monde qui allait basculer sa « bien- disante » saine raison dans deux guerres mondiale apocalyptiques.

Un mondé choqué par le corps, les bouches et les baisers d'un femme. Un monde choqué par la beauté d'un nu entre les mains d'une femme mais qui acceptera au son des ses tambours de produire des millions de corps mutilés, estropiés, démembrés, brûlés, pulvérisés.

La petite robe bleue a comme un parfum de fin du monde.

Un texte terrible comme leurs actes, un texte magnifique comme ce qu'elle sera toujours.



Astrid Shriqui Garain.
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La demande

Lui, l'artiste, quitte un beau jour l'Italie pour ne plus y revenir. Il sait qu'il mourra en France, dans ce château près d'Orléans, entouré de ses travaux pour le Roi et de sa solitude d'exilé. Elle, la servante dévouée et discrète, est auréolée de la lumière des jours banals et des travaux érintants du quotidien. On ne sait rien d'elle ; même sa parole est rare. Ils passent des mois côte à côte, s'effleurant, se parlant à peine, ne se connaissant pas et se comprenant pourtant, au-delà des mots. En filigrane de cette relation étrange, indicible et sensible, la mort tisse son nid et prépare la demande au terme de quelques saisons.



Couronné par le Prix France Télévision, entre autres, cet ouvrage - deuxième de l'auteur - a été encensé sans exception par la critique. Pour ma part, je suis dans l'impossibilité d'émettre un avis aussi enthousiaste pour la raison suivante : J'ai découvert Michèle Desbordes il y a quelques années, peu de temps après la publication de son dernier ouvrage, Les petites terres, et suis littéralement tombée amoureuse de ce style au plus près de l'âme, ruisselant dans la demi-teinte de l'attente et du ressassement. Aussitôt, j'ai décidé qu'elle serait l'une des trois auteurs dont j'étudierai l'oeuvre pour mon mémoire de Littérature comparée. De ce fait, j'ai lu beaucoup de ces travaux et au final, je m'en suis lassée - le présent livre, d'ailleurs, avait été acheté à cette époque et laissé en jachère pour cette raison. Le style et le propos de Michèle Desbordes sont captivants, envoûtants lorsqu'on lit un livre ou deux de la sorte. Trois peut-être. Mais au-delà, c'est perpétuellement la répétition du même livre. Alors bien sûr, tous les auteurs ont leur sujet de prédilection et leur manière de le dire mais à ce point là ?! Chez Desbordes, j'en viens à retrouver les mêmes phrases qui n'en finissent pas d'attendre on ne sait quoi, les mêmes paysages, le même déroulement du propos et c'est bien au-delà du simple tic d'écriture. Je ne sais pas... Trop de ressassement tue le ressassement.



C'est quand même étrange comme on peut être passionnément touchée par un auteur et le trouver profondément ennuyeux par la suite...



Cela étant dit, si vous n'avez jamais lu Michèle Desbordes, découvrez-là ! Son écriture est délicate et perçante et d'une grande beauté au premier abord !
Lien : http://lapetitemarchandedepr..
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L'emprise

C'est un livre qui s'ancre au fond de soi. Michèle Desbordes a écrit ce livre alors qu'elle savait sa mort prochaine et il y a un accent qui ne trompe pas, une sincérité. Elle nous amène au bord des larmes car c'est un adieu à tout ce qu'elle a aimé, souffert. C'est aussi un hymne à la vie
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La robe bleue

A partir d’une photo de vieille femme assise sur une chaise, Michèle Desbordes déroule le fil de l’attente. La photo a été prise en 1929 à Mondevergues, un asile psychiatrique du Vaucluse. La femme, c’est Camille Claudel. Celui qu’elle attend, c’est son frère Paul, son « petit Paul ». Depuis l’enfance, ces deux-là sont liés, inexorablement. Liés par un amour indéfectible, par leur envie d’aller croquer la vie autrement, ailleurs, loin des codes imposés par leur famille bourgeoise. Paul, c’est aussi le seul membre de la famille qui viendra visiter cette sœur internée lors de ces longues années à l’asile. Quand il peut, entre deux voyages, entre deux postes de consul ou d’ambassadeur. Le reste du temps, Camille attend et Michèle Desbordes imagine cette attente plongeant dans le passé talentueux et tumultueux de la sculptrice.



La langue de Michèle Desbordes traduit à elle seule les journées monotones, l’attente continue, le vide des jours, l’ « exil » de près de trente ans. L’auteur aborde aussi les souvenirs, ceux de l’enfance, d’étés lumineux, ceux de l’amour, du désir et de la rupture avec Rodin, l’enfermement ensuite dans l’atelier où Camille Claudel restait cloîtrée, le manque d’argent, le bruit infernal qui gêne les voisins, les enfermements dans le silence ou la grande volubilité, la chute lente dans la folie et le bruit des chevaux qui l’emportent vers l’asile de Ville-Evrard avant d’être transférée à Mondevergues. Il y est aussi question de création, du travail acharné, des splendeurs qui naissent de la puissante énergie créative de Camille Claudel.



Récit envoûtant, nourri de l’œuvre, de la correspondance et de la vie de Camille Claudel, La robe bleue est aussi un récit imaginaire, celui des années d’enfermement. Un livre-hommage magnifique au plus près de Camille la femme, Camille la rebelle, Camille la talentueuse, Camille l’amoureuse, Camille la sœur, Camille la passionnée.
Lien : http://lencreuse.over-blog.com
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La demande

Michèle Desbordes imagine la rencontre improbable entre un Maître italien et la servante du manoir qui les accueille sur les bords de Loire.



Ce maître italien – son nom n’est jamais dévoilé mais on peut imaginer lequel – a été invité par le roi pour établir les plans d’un futur château destiné à signifier la puissance de François Premier. Il quitte donc l’Italie où il est devenu un maître incontesté pour rejoindre par un voyage hasardeux les bords de la Loire qu’il ne connaît pas.

Elle, c’est une femme qui n’a jamais quitté son territoire.



Une paysanne, c’est ce qu’on leur avait dit, et venue des tourbières, plus bas après la première forêt, de celles qui servaient dans les maisons du fleuve.



Une vieille servante, qui prépare le repas du maître et de ses élèves, qui entretient ce manoir sans jamais se plaindre.

Entre eux : aucun lien commun. Il est très instruit, elle ne sait rien. Il a beaucoup voyagé, elle n’a jamais quitté le fleuve des yeux. Seul l’âge – la fin approche pour l’un comme pour l’autre – peut les rapprocher.

Et pourtant, avec une écriture d’une très grande finesse, Michèle Desbordes va faire opérer la magie : un lien ténu et très fin se tisse entre eux, sans que jamais rien ne soit dit, jusqu’à cette ultime et singulière proposition qu’elle lui fera.



Entre les deux ?

Il y a les saisons, il y a la Loire.



Sous les arbres ils entendaient la rivière, obscure et fraîche au creux du coteau, les soirs sans vent ils l’entendaient rouler sur les cailloux, un bruit clair, réjouissant. (…) Quand le soleil déclinait ils voyaient sur la pierre la lumière faire trembler la couleur, calmement, minute après minute, la falaise qui blondissait.



Une langue magnifique pour décrire cette relation qui n’en est pas une.

Qu’est-ce qui se tisse en effet entre ces deux personnages ? Une saison faite de tout et de riens : lui dessinant, transmettant, raturant, recommençant, puisant dans son expérience et dans sa science pour dessiner le plus beau château du monde. S’il le faut on détournera le cours de la Loire par un canal qui alimentera les douves.

Elle lavant, dépoussiérant, préparant pour eux carpes et lamproies, petits brochets, anguilles, melons, figues et citrons.

Tous deux vieillissant.



Il y a aussi la peinture bien sûr et son côté éphémère puisque même les plus belles fresques italiennes subissent l’assaut du temps.



Parfois ils disaient les mauvaises nouvelles, les voyageurs venus d’Italie, rapportaient que les grandes fresques s’abimaient, se défaisaient dans la moiteur aigre des églises, de celles qu’ils avaient mis des mois, des années à peindre hissés sur les échafaudages dans le froid et la pénombre des chapelles.



On voit ce maître dessiner et reprendre, imaginer l’escalier « le plus haut et le plus large qu’on ait jamais vu, où chacun pourrait monter et descendre sans apercevoir quiconque ferait de même. »



Et elle de son côté, regarde les pinceaux, devine les espaces, ne dit rien.



Il la voyait traverser la terrasse avec ses seaux et trébucher sur les graviers, quand elle passait devant l’écurie les chevaux hennissaient, elle disait quelque chose qu’il n’entendait pas et continuait son chemin, parfois elle boitait sur le sable des allées, il la regardait boiter, continuait d’écrire, doucement le vent arrivait, un vent du fleuve, il voyait bouger les chênes et sur les terrasses le haut des grands ifs.



L’écriture de Michèle Desbordes est magnifique. Pleine de finesse et de retenue, elle décrit les petits riens qui font la vie de tous les jours. La Loire, elle la connaît bien.

"J'ai grandi en Sologne, entourée de paysannes, dit-elle. Ma grand-mère passait ses journées assise près de la fenêtre à contempler le paysage." Son besoin d'écrire vient sans doute de cela : du désir de retrouver les moments enfuis de l'enfance en créant un univers de silence, de solitude, de soumission à la vie et aux saisons. Cette langue, une langue en même temps fluide et extrêmement travaillée, accordée tant au souffle lent, au calme du regard, qu’à l’intensité des vibrations internes.



La servante a un secret.

Elle sera contrainte de le révéler à ses nobles invités italiens, même s’il lui en coûtera. Et par une nuit pas comme les autres, elle osera enfin s’ouvrir au maître et lui présenter sa requête.

Une requête extraordinaire – on n’en révèlera pas les détails pour ménager le récit – mais qui témoigne d’un total don se soi. Être utile - jusqu’au bout.



Récit magistral, cet ouvrage. Michèle Desbordes, trop tôt disparue – elle décède en 2006 à Beaugency en Sologne – laisse derrière elle des livres (La robe bleue, Les petites terres et bien d’autres) d’une très grande qualité. A redécouvrir avec un immense plaisir.
Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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La demande

Il s'agit d'un court récit dont un des protagonistes n'est autre que Léonard de Vinci et qui a pour cadre principal le château du Clos Lucé à Amboise où le peintre passa les deux dernières années de sa vie entouré de quelques élèves et, ici, d'une servante dont Michèle Desbordes fait le personnage principal. La peinture de l'époque, notamment des petites gens, se veut minutieuse ainsi que celle des faits et gestes de la servante. On est un comme devant certains tableaux de Bruegel l'Ancien, peignant la vie d'un village et les occupations variées de ses habitants. Puis il y a les non-dits entre Léonard et sa servante, le jeu des regards rendant leur silence plus oppressant. L'écriture est très ciselée mais j'avoue que pour ma part, j'ai trouvé ce silence parfois un peu trop pesant.
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Les Petites Terres

Quel dommage que cet immense écrivain soit si peu connue. Mazette quelle écriture ! Quelle émotion à la lire! Il faut aimer une écriture travaillée, intimiste, étouffante par endroits, serrée, à longues phrases interminables et se laisser porter par les mots, les riens remplis de mots. elle dit ici le souvenir, la mort, le deuil, la vie et convoque Duras, Herzog, Friedrich, la Guadeloupe, les Cornouailles, Wolf, la Bretagne, la Beauce, la Loire, Andresy, paris, Cendrars,.... et son amour qu’elle retrouve et qu’elle accompagne aux confins de la mort. C’est intense et beau, que dire de plus si ce n’set Lisez cet auteur...
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La demande

Oh là là,ce style littéraire rare,riche et maîtrisé comme un classique.

Je l'ai goûté à voix haute.

Lui,peintre, elle servante,

se regardent longtemps avant de se Dire. Et, tous ces éléments naturels qui ruissellent dans ce livre :, la Loire (fleuve "bleu"), falaises, bois, vignes..

Magistralement sensuel...



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L'habituée

La dévastation d’une famille qui atteint chacun de ses membres par méandres successifs, sournois et brutaux. Un livre sur le silence et l’enfermement comme réponses à l’épreuve, quand celle qui en est à l’origine a pris la fuite. Un livre sur le poids des regards et des rumeurs de l’environnement qui, plutôt que d’accepter simplement ce qui est tu, s’aventure en suppositions péjoratives.

Ce silence qui s’est imposé pendant des années, et le on-dit qui s’épuise à mesure du temps qui passe, parlent par l’écriture longue, lente, ciselée en clair-obscur, de Michelle Desbordes. Une merveille !

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La demande

Vers la fin de sa vie, Léonard de Vinci quitte l’Italie pour venir vivre en France où il est invité par François 1er. Même si son nom n’est jamais prononcé, c’est bien de ce génie de la Renaissance que nous parle Michèle Desbordes en nous contant ses dernières années passées sur les bords de Loire. Pour ce voyage il est accompagné par quatre élèves, dont le célèbre Salaï, qui fut longtemps son modèle et sans doute son compagnon. Tous, vont s’installer dans un manoir où ils travailleront à divers projets pour le roi de France. Afin de prendre soin d’eux, une servante réside dans cette demeure et c’est entre cette femme, âgée déjà, d’origine très modeste, n’ayant jamais quitté sa région, et le vieux maître toscan, que va se tisser une douce relation faite de regards et de silences.

La plume de l’auteure parvient parfaitement à nous faire ressentir l’atmosphère à la fois tendre et mélancolique qui règne en ces lieux et nous offre une lecture empreinte de nostalgie et d’humanité.
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La robe bleue

Figée dans l'éternelle attente, assise sur une chaise dans le parc de l'asile de Montdevergues, Camille attend la venue hypothétique de son frère Paul,ce frère qu'elle a tant chéri. Résignée, après avoir longtemps lutté, abandonné de tous, la fougueuse jeune fille, passionnée, amoureuse intransigeante, déterminée et entière, s'est laissée dompter. Muette à présent, enfermée de longues années, cette force vivante ne vit plus que de souvenirs. Michèle Desbordes fait revivre avec force cette femme qui s'est donnée corps et âme à ses passions qui l'ont dévorée et consumée. Comme tous les écrits de Michèle Desbordes, celui-ci est lumineux et bouleversant.

Ecrivain de l'intime, du questionnement, du retour vers les années d'enfance, celle qui ont blessé, les traces indélébiles, elle fouille la mémoire, les souvenirs sous la forme d'un long cheminement, elle va chercher au plus profond ce qui lui tient à coeur et la bouleverse, les drames qui jalonnent l'existence.
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La demande

La rencontre entre un maître italien, invité par François 1er, et d'une servante, dans un manoir, sur les bords de la Loire. Ils sont différents, mais pas seulement. Une connivence naît entre eux, racontée d'une manière très subtile par Michèle Desbordes.

Beaucoup de silences et de non-dits, de sensibilité, de poésie.
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La demande

Ce court roman pourrait se résumer en une phrase, si l'on suit l'indication donnée par le titre: une servante fait une demande particulière à son maître, dans la France du 16ème siècle. Et pourtant, quelle que soit cette demande, la façon dont on n'y répond ou non, le roman évoque le pli des robes, les brumes matinales, ce qu'on voit des fenêtres, le temps qui passe à un autre rythme que le nôtre...et cela fait du bien, comme si on retrouvait le sens de des petites et grandes choses.

Les personnages sont '"il", "elle" et d'autres "ils". C'est tout. Et cela suffit à nous ramener à nos questions existentielles : ce que l'on fait de sa vie, de son temps, de sa mort, de nos paysages familiers, des êtres que l'on croise sur notre route. Un roman magistral.
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L'emprise

Que peut on dire de cette immense écrivaine peu connue, exigeante, d’une écriture poétique, travaillée, contenue et dense, magnifique, intense, puissante, portée par les mots, l’inscription pour le lecteur d’images et de sentiments. Et celui-ci est particulièrement émouvant, revenant sur sa vie par bribes, et celle de sa famille, tout en ellipses et métaphores alors que c’est son dernier livre et qu’elle se sait condamnée. Bouleversant
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