Citations de Michèle Manceaux (38)
Que l'on soit garçon ou fille, pourquoi la mère est-elle la cible principale, alors que le père bénéficie d'une mansuétude si souvent imméritée ? (...)
Tandis que les pères, ah les pères ! Ils vaquent, ils voguent, ils sont loin, silencieux, intouchables, on peut leur prêter des mobiles cachés, des sentiments inavoués et même des désirs retenus, on peut rêver qu'un jour on découvrira leur cœur. Aux pères, on signe un chèque en blanc. Ils paieront un jour et ce jour sera magnifique. (p.14)
Comparaisons idiotes,il n'y a pas de bon malheur.Cependant,à se concentrer sur sa propre douleur,on l'agrandit ,on la creuse ,on en fait sa tombe.
Vous voulez absolument devenir un personnage de roman.Je vous ai dit que l'on écrit pas ce que l'on vit.C'etait une boutade,mais vous l'avez prise au pied de la lettre et vous avez disparu pour que je vous invente.Vous n'êtes pas habitué aux griseries solitaires des voyageuses .Vous avez peut-être cru que je vous aimais .Comme presque tous les hommes ,l'amour vous fait peur.Vous m'avez prévenue dès notre rencontre:
--Aussitôt que je sens un engagement dans l'air,je fuis.
Je sais qu'elle est perdue, qu'elle se perd, mais on sait sans savoir. On espère se tromper, on s'accorde l'erreur en même temps que la certitude.
Elle rit et dit au jeune homme: "Je n'écris vraiment que des bêtises mais je m'amuse." Elle l'associait à cette belle humeur.
Elle dit:"On ne sait jamais où peuvent aller les mots.Parfois ils tombent en poussière,parfois ils résistent."
Ils n'avaient pas la même façon de regarder la peinture.Elle cherchait ce qui se dégageait de l'ensemble du tableau,ne s'accrochant à rien de particulier.Une couleur,un mouvement suffisaient à la bouleverser.Après,seulement,elle voyait ce que le tableau représentait.
Lui, s'attachait à l'histoire.Celle du peintre,celle de la scène peinte.Il replaçait le tableau dans la société de l'époque. Il lisait les guides,les catalogues.
Elle avait dû montrer un agacement.Il dit:"L'intimité immédiate avec la peinture est une question d'éducation.On voit bien là notre différence de classe.
-C'est ridicule,dit-elle.L'histoire aussi m'intéresse,mais^pas en premier.
-C'est bien ce que je disais",insista-t-il.
Ils auraient pu encore se disputer.
Marcus garde, comme moi, de ces lundis matin, les mêmes émotions secrètes. Qui n'a jamais accompagné à l'aube, en hiver, un enfant sur le chemin de l'école, à manqué une impression de bonheur.
Elle disait: "Toi et moi, on peut pas se brouiller, on est dans une nécessité géographique." Elle avait cette façon de parler. À la fois populaire et sophistiqué, négligent la grammaire, utilisant le "on" plutôt que le nous, et dans la proposition suivante, inventant une abstraction si personnelle que le mélange des deux surprenait et faisait rire comme toute incongruité.
On ne peut rien faire sans enlever ce qui a été fait.On ne peut rien construire sans avoir détruit. Tu passes ta vie à détruire ce que tu as fait.Ou alors, tu passes ta vie à t'imiter.
verbatim M.D.
Il dit:"Parfois j'ai l'impression que tu m'aimes vraiment."
Elle le regarde avec émerveillement.Elle se sent rassurée,heureuse de marcher à son côté,d'être une femme qui aime vraiment.
De l'embarcadère de San Zaccaria,on voyait cinq églises illuminées,cinq diamants sur les cinq doigts d'une main ondoyante,gantée de velours noir,le pouce de la Salute et les quatre doigts de la Giudecca:l'entrée et le bas-côté de San Giorgio, Santa Maria della Presentazione et le Redentore.Les diamants scintillaient et les étoiles aussi,la terre rivalisait avec le ciel.
Elle dit:"Tu comprends tellement bien les choses que je suis obligée de t'aimer.
-Alors,dit-il,on peut affronter la pluie?
-Tu me donnes des ailes",répondit-elle.Elle se sentit réellement forte et aérienne d'avoir à la fois un projet et un amour.
Elle se dit aussi que les moments heureux étaient des moments d'enfance retrouvée et que la béatitude n'était rien de mieux que l'aveu consenti de sa nullité.Elle se crut profonde et regarda autour d'elle avec satisfaction.
Les fenêtres avaient aussi cela de merveilleux qu'elles faisaient naître la tendresse.Quand on regardait à deux par la même fenêtre, on avait l'illusion de partager un sentiment.
De la sincérité à la cruauté, le pas se franchit vite, mais les personnes qui ne craignent pas de faire mal présentent aussi un aspect bénéfique : quand elles prononcent des éloges, on est sûr que ce ne sont pas des complaisances.
Enfin à Neauphle, c'est chez moi.Je mélange toutes les influences. On ne discerne que plus tard ce que l'on invente.(Elle dit:"Pour écrire c'est pareil.D'abord, tu lis, tu copies.Et puis, un jour, tu laisses de côté ce que tu as lu.Enfin, tu écris toi-même.")
Pour nous deux, ces maisons ganées avec notre plume représentent une indépendance, une victoire. Nous y apportons nos délicatesses.
Elle inscrivit sur le cahier quelques phrases qu'elle prévoyait pour la suite du roman.Il lui semblait que tout ce qu'elle avait vécu était tombé si profond en elle,pendant des années,qu'elle n'aurait plus la force de l'en extraire, mais cela s'était rangé dans dans un tiroir, comme ces objets inutiles que l'on garde un moment,avant de les jeter.Elle n'avait,en fait qu'à ouvrir le tiroir,les phrases montaient,voletaient,des duvets qui se posaient légèrement sur le papier.
Elle dit:"Pourquoi peut-on si bien parler au lit et pas à table?"
Il dit:"Sans doute parce qu'au lit, on se parle à soi-même".
Elle sortit vite son carnet pour noter cette phrase.
Elle avait l'intuition que, pour écrire, il ne fallait presque plus vivre. Seulement s'isoler,glacer le temps, pour en tirer,à force de tenacité,des cristaux transperçants.
Mon drame est de croire encore au travail et même au bonheur.