Citations de Milan Kundera (2987)
Il n'existe aucun moyen de vérifier quelle décision est la bonne car il n'existe aucune comparaison. Tout est vécu tout de suite pour la première fois et sans préparation. Comme si un acteur entrait en scène sans avoir jamais répété. Mais que peut valoir la vie, si la première répétition de la vie est la vie même? C'est ce qui fait que la vie ressemble toujours à une esquisse. Mais même "esquisse" n'est pas le mot juste, car une esquisse est toujours l'ébauche de quelque chose, la préparation d'un tableau, tandis que l'esquisse qu'est notre vie est une esquisse de rien, une ébauche sans tableau.
La vie humaine n'a lieu qu'une seule fois et nous ne pourrons jamais vérifier quelle était la bonne et quelle était la mauvaise décision, parce que, dans toute situation, nous ne pouvons décider qu'une seule fois. Il ne nous est pas donné une deuxième, une troisième, une quatrième vie pour que nous puissions comparer différentes décisions.
Je crois qu'un homme et une femme s'aiment davantage quand ils ne vivent pas ensemble et quand ils ne savent l'un de l'autre qu'une seule chose, qu'ils existent, et quand ils sont reconnaissants l'un envers l'autre parce qu'ils existent et parce qu'ils savent qu'ils existent. Et ça leur suffit pour être heureux. Je te remercie (...), je te remercie d'exister
Le vertige, c'est autre chose que la peur de tomber. C'est la voix du vide au dessous de nous qui nous attire et nous envoûte, le désir de chute dont nous nous défendons ensuite avec effroi.
Quand on tue de grands rêves,
il coule beaucoup de sang.
Si tout homme avait la possibilité d'assassiner clandestinement et à distance, l'humanité disparaîtrait en quelques minutes.
Thomas se disait : coucher avec une femme et dormir avec elle, voilà deux passions non seulement différentes mais presque contradictoires. L'amour ne se manifeste pas par le désir de faire l'amour (ce désir s'applique à une innombrable multitude de femmes) mais par le désir du sommeil partagé (ce désir-là ne concerne qu'une seule femme).
Notre vie quotidienne est bombardée de hasards, plus exactement de rencontres fortuites entre les gens et les évènements, ce qu'on appelle des coïncidences.
«Pour qu'un amour soit inoubliable, il faut que les hasards s'y rejoignent dès le premier instant.»
Nous avons tous besoin que quelqu’un nous regarde.
Qui cherche l'infini n'a qu'à fermer les yeux!
Lorsque le coeur a parlé, il n'est pas convenable que la raison élève des objections.
Vivre dans la vérité, ne mentir ni à soi-même ni aux autres, ce n'est possible qu'à la condition de vivre sans public. Dès lors qu'il y a un témoin à nos actes, nous nous adaptons bon gré mal gré aux yeux qui nous observent, et plus rien de ce que nous faisons n'est vrai.
Le fleuve coule de siècle en siècle et les histoires des hommes ont lieu sur la rive. Elles ont lieu pour être oubliées demain et que le fleuve n'en finisse pas de couler.
Le roman est le fruit d'une illusion humaine. L'illusion de pouvoir comprendre autrui. Mais que savons-nous les uns des autres ? […] Tout ce qu'on peut faire, […] c'est présenter un rapport sur soi-même. Un rapport chacun sur soi. Tout le reste n'est qu'abus de pouvoir. Tout le reste est mensonge.
LE LIVRE DU RIRE ET DE L'OUBLI. Quatrième partie : Les lettres perdues, 8.
S'il voulait effacer des photographies de sa vie, ce n'était pas parce qu'il ne l'aimait pas, mais parce qu'il l'avait aimée. Il l'avait gommée, elle et son amour pour elle, il avait gratté son image jusqu'à la faire disparaître comme la section de propagande du parti avait fait disparaître Clementis du balcon où Gottwald avait prononcé son discours historique. Mirek récrit l'Histoire exactement comme le parti communiste, comme tous les partis politiques, comme tous les peuples, comme l'homme. On crie qu'on veut façonner un avenir meilleur, mais ce n'est pas vrai. L'avenir n'est qu'un vide indifférent qui n'intéresse personne, mais le passé est plein de vie et son visage irrite, révolte, blesse, au point que nous voulons le détruire ou le repeindre. On ne veut être maître de l'avenir que pour pouvoir changer le passé. On se bat pour avoir accès aux laboratoires où on peut retoucher les photos et récrire les biographies et l'Histoire.
Première partie : Les Lettres perdues, 17.
Vous savez ce qui se passe quand deux personnes bavardent. L'une parle et l'autre lui coupe la parole : « c'est tout à fait comme moi, je… » et se met à parler d'elle jusqu'à ce que la première réussisse à glisser à son tour : « c'est tout à fait comme moi, je… »
Cette phrase, « c'est tout à fait comme moi, je… », semble être un écho approbateur, une manière de continuer la réflexion de l'autre, mais c'est un leurre : en réalité c'est une révolte brutale contre une violence brutale, un effort pour libérer notre propre oreille de l'esclavage et occuper de force l'oreille de l'adversaire. Car toute la vie de l'homme parmi ses semblables n'est rien d'autre qu'un combat pour s'emparer de l'oreille d'autrui.
Quatrième partie : Les lettres perdues, 1.
Il semble qu'il existe dans le cerveau une zone tout à fait spécifique qu'on pourrait appeler la mémoire poétique et qui enregistre ce qui nous a charmés, ce qui nous a émus, ce qui donne à notre vie sa beauté.
L'histoire est tout aussi légère que l'individu, insoutenablement légère, légère comme un duvet, comme une poussière qui s'envole, comme une chose qui va disparaître demain.
Celui qui veut continuellement «s'élever» doit s'attendre à avoir un jour le vertige.