AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Nichita Danilov (51)


Nichita Danilov
Paysage nocturne

La main oubliée dans les yeux du Poète
peint un paysage de blé et des coquelicots.
Des lys aussi noirs que des cierges allumés
fument au milieu du champ : Tais-toi,
tais-toi, mon âme, tais-toi !

Un ange aux lunettes noires
arrêtera sa limousine dans le blé.
Les mannequins quitteront la Ville
et viendront se baigner, le soir, dans la Rivière.

Leurs épaules dénudées, leurs pieds bleus
courront à travers prés étendus et montagnes…
Les poissons flotteront dans les rues,
se débattront aux portes…

Un cierge d’or s’élève au-dessus de la Ville.
Je suis allongé au milieu du champ de blé,
un livre ouvert sur ma poitrine.
Chaque épi est un cierge allumé par le vent.
Silencieux, j’observe mes mains
et je me demande : Est-ce j’ai existé ? Est-ce j’existe encore ?

(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
Commenter  J’apprécie          450
Nichita Danilov
Paysage avec des mains et des ailes

Derrière chaque homme
veille un ange. L’ange derrière
mon dos est tombé
et pourtant à qui sont ces mains,
ces mains fines comme des ailes
qui, si nostalgiquement, si nostalgiquement
recouvrent mes yeux.

(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
Commenter  J’apprécie          371
Nichita Danilov
Au-dessus des choses, le néant

Vous ne verrez pas ma face, car elle
est par trop en face de vous.
Le bien et le mal, la partie et le tout,
la lumière et le noir
et ce chemin infini
qui finit en toutes choses.
Vous ne verrez pas ma face
ni ne sentirez mon ombre,
car mon ombre est toujours dans votre ombre :
le bien et le mal, la partie et le tout,
la lumière et le noir
et ce chemin infini
qui finit en toutes choses.

(traduit du roumain par Emanoil Marcu)
Commenter  J’apprécie          340
Nichita Danilov
Poème pour l’absence

Le jour de ses trente ans il disparut.
À table il avait ri, il avait bu. Il avait diverti ses hôtes.
Personne ne se rendit compte de son absence. Ils continuèrent
à manger, à boire. La danse battait son plein dans
la salle. Tous se lâchèrent.

… Il se dirigeait lentement sur un chemin de soirée.
Paisiblement se levait derrière lui
la poussière du chemin. Paisiblement croissaient les cendres…
Commenter  J’apprécie          323
Nichita Danilov
Le XXe siècle

Je suis mort alors que Dieu
n’était pas encore né
et je suis né alors que Dieu
était déjà mort !

Le XXe siècle était finissant,
Márquez avait déjà écrit Cent ans de solitude
Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra
L’homme avait déjà fait son premier pas sur la Lune,
Des cieux tombaient
les anges morts !

À l’horizon on entrevoyait
une troisième guerre mondiale.
Einstein était mort
et Dieu également était déjà mort !
S’achevait la fin d’un monde
et commençait le début d’un homme
dans lequel plus personne ne croyait.
Les rues étaient balayées par un vent de plus en plus noir,
dans le ciel les vautours tournaient en rond
de manière de plus en plus inquiétante.
Un tintement de cloche de plus en plus funeste
annonçait un nouveau commencement.
Alléluia !
Commenter  J’apprécie          250
Nichita Danilov
Ombre dorée, mélancolie

Qui dans ton immensité ne craindrait pas ton cri ?

Mais lui, dont on soupçonne à peine l’ombre
parmi les ombres des choses, de qui est-il l’ombre ?
La joie et le cri, la vague de terreur et la vague de froid
et une autre vague qui mélange les choses.
Nuit blanche inondée de sphères.
Et voici ton visage qui grandit à l’horizon
et les pas qui toujours s’éloignent… Pas le moindre battement d’ailes,
ni drapeaux flottants, ni les trompettes
de la nuit, mais seulement un immense silence et ton visage
comme un ciel lumineux englouti dans la pourpre du soir.
Les yeux lourds dont s’élève la vapeur
de la mort. Combien de fois jaillit cette fontaine
dont tu es l’eau ? Visage détaché d’une autre visage :
tu t’éloignes, image effacée, brisée
par une autre image. Le miroir d’un autre miroir,
l’heure d’une autre heure. Le temps d’un autre temps.
Douleur nostalgique des choses,
l’ombre de quel ciel es-tu, mélancolie ?
Commenter  J’apprécie          181
Nichita Danilov
Rivage

Un arc-en-ciel de cloches : le soir
lave ses plaies dans la Rivière,
s’écoule une rouge eau,
s’écoule une rouge eau
depuis Je fus vers Je serai.

Un arc-en-ciel de cloches : le soir
perle des tintements froids sur ta joue
s’écoule une limpide eau,
s’écoule une limpide eau
depuis Hier vers Aujourd’hui.

Prépare-toi, mon âme,
il est tard, ah, il est tard !
L’arc-en-ciel de cloches,
l’arc-en-ciel de cloches
a bu tout notre sang
toute notre quiétude dans la Rivière.

Un arc-en-ciel de cloches : le soir
colle ses plantes des pieds blanches à la vitre,
s’écoule une trouble eau,
s’écoule une trouble eau
depuis Je Fus vers J’étais.
Commenter  J’apprécie          171
Nichita Danilov
Clés

Les maisons se chevauchent
l’une l’autre dans la rue
comme des animaux
en période de rut…

Depuis les portes et les fenêtres grandes ouvertes
se fraye un chemin dans la nuit
un fou rire de lumière…

… Je marche avec empressement,
de plus en plus pressé dans les rues.
Je m’arrête devant
chaque vitre,
je palpe mes clés dans les poches
et j’éclate de rire…
Commenter  J’apprécie          150
Nichita Danilov
Un autre siècle

Mon ange guérisseur
n’a pas d’aura, ni d’ailes.
Il pose son doigt sur ma plaie et me dit :
« Tu existes, Danilov, tu existes ? »
« J’existe, j’existe, je lui réponds.
Depuis plus d’un quart de siècle
je ne fais qu’exister. »

« Dans ce cas, sois un peu plus sûr de toi
et fais en sorte d’exister vraiment ! »
« J’existe, j’existe », je lui réponds.

« À ton âge, j’étais autrement, me dit-il.
Toi, on dirait que tu n’as pas du sang dans les veines,
que tu n’as pas de vie, pas de démon. »
« J’existe, j’existe, je lui réponds,
Depuis plus d’un quart de siècle
je m’efforce d’exister. »

« Dans ce cas, cherche ton autre moitié
et fais en sorte d’exister vraiment ! »
« Mon autre moitié est
restée de l’autre côté. De l’autre côté, je lui réponds.
Amène-moi dans un autre temps, dans un autre siècle ! »
Commenter  J’apprécie          100
Nichita Danilov
Nuit éternelle

Le pied tournait en rond, tout seul, dans la chambre.Tantôt rouge de colère,
tantôt blême de froid, il s’arrêtait ou, vaguement fébrile, reprenait sa promenade d’un coin à l’autre de la pièce. A un moment donné, il jeta nerveusement son métatarse sous le lit et sortit.
Dehors, il faisait nuit, une nuit éternelle, une nuit sans fin.

(traduit du roumain par Emanoil Marcu)
Commenter  J’apprécie          100
Serenity

With me eyes empty, my sight extinguished,
I will sink into my country.
I will walk barefoot through the snow,
torn with longing for an old white field.
[…]

Sky blue, sky as red as a tear
you go dark slowly, so slowly...
Commenter  J’apprécie          90
Nichita Danilov
Saison

Cette tristesse sacrée des nuages
peinte sur la vitre.
Cette fin de siècle
projetée sur les murs !
Telle une eau lourde s’écoule dans les rues le soir…

… Qui nous a ouvert dans le front ces fenêtres,
qui nous a maçonné dans la poitrine
ces portes cachées ?
À travers moi j’erre comme dans une saison souffrante.
La voix de ma mère je l’entends à travers le mur sombre :
Pourquoi es-tu venu ici,
pourquoi es-tu revenu ?
Pars, sors tant qu’il te reste du temps.

La voix du frère je t’entends éteinte, comme à travers les eaux :
Sors au plus vite de cette lumière
et laisse-moi seul
à respirer mon ombre…

Les visages de qui sont-ils conservés ici
dans cette putride lumière de soirée ?
Mille têtes décapitées
attendent quelle saison ?
Les bras de qui seront semés dans le champ,
les dents de qui pousseront de l’herbe ?

À travers moi je passe comme à travers une étrange saison,
Avec le crâne de Yorick entre mes mains, je me demande :
Si j’ai moissonné
où et quoi ai-je moissonné ?
Si je récolte, quand et qui je récolte ?
Commenter  J’apprécie          90
Nichita Danilov
Lied (V)

Il faisait un seul et même rêve : un lit blanc
entouré de lys noirs avec au milieu
un corps tout blanc, ailé, de femme.
Toujours un lit blanc rempli de lys noirs
avec au milieu un corps nu
de femme, et dont le cou poussait
encore et encore : et dont il embrassait –
tombé à genoux – encore et encore, le cou.

(traduit du roumain par Emanoil Marcu)
Commenter  J’apprécie          90
Nichita Danilov
Lied (I)

Nos mains se mêlent dans le brouillard :
quelles sont les miennes,
quelles sont les tiennes ?
Elles sont toutes miennes,
elles sont toutes tiennes,
elles sont toutes tiennes.
Nos mains se mêlent dans le brouillard.
Au crépuscule, la fenêtre
tremble de froid.
Au crépuscule la porte baille entre les fenêtres :
elles sont toutes miennes,
elles sont toutes tiennes,
elles sont toutes tiennes…

(traduit du roumain par Emanoil Marcu)
Commenter  J’apprécie          90
Nichita Danilov
Rayon de lucidité

Comme une leucémie noire des étoiles
mon âme revient à elle-même
de plus en plus seule et de plus en plus souffrante.

Au-dessus, les mêmes paysages désolants
de ta sombre solitude
et en bas, de noirs paysages !

Ni le cri éloigné de l’amour
ni l’appel nostalgique de la mort
ne troublent plus rien à l’intérieur.

Et seul l’impitoyable rayon de lucidité
perce, de plus en plus froid et cruel,
tout doute, tout espoir, tout frisson !

(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
Commenter  J’apprécie          90
Nichita Danilov
Le visage

Tu frappes l’eau avec tes poings,
mais tu ne touches pas ton visage.
Tu plonges tes mains dans l’eau
mais tu ne touches pas ton visage.
… Comme une pièce de cuivre, il glisse
lentement, de plus en plus profondément.

(traduit du roumain par Emanoil Marcu)
Commenter  J’apprécie          80
Nichita Danilov
Coucher de soleil

Tout comme l’oiseau revient
des voyages à l’étranger
en érigeant avec de la paille et de la glaise
un nouveau nid sous le toit ancien de la Maison,
ainsi revient
ta lumière en moi, Seigneur !

Et je ne vois plus tour autour
autre chose que paix et joie.

… Là où hier
il faisait noir et triste
aujourd’hui raisonne une douce chanson d’oiseau.
Pourquoi me cajoles tu,
avec ta lumière, Seigneur ?

(traduit du roumain par Gabrielle Danoux)
Commenter  J’apprécie          80
Nichita Danilov
Loi

Tant qu’un seul
grain de sable
s’opposera
au Désert
tant qu’une seule
goutte d’eau
s’opposera à la Mer
les Fils de Satan
seront maîtres du monde

(traduit du roumain par Emanoil Marcu)
Commenter  J’apprécie          70
Nichita Danilov
Médaillon (xy)

Le soir dans la ville, passaient bras dessus, bras dessous,
un homme rouge et une femme bleue
et chacun portait sa propre tête sur ses épaules.

Dans la tête de l’homme rouge
battait un cœur bleu,
dans le cœur de la femme bleue
fonctionnait un cerveau rouge.

Au-dessus de l’homme rouge
s’allumaient et s’éteignaient
des réclames lumineuses bleues et rouges.
Au-dessus de la femme bleue
s’éteignaient et s’allumaient
des réclames lumineuses rouges et bleues.
Le soir dans la ville, passaient bras dessus, bras dessous,
un homme rouge et une femme bleue
mais chacun portait sa propre tête sur ses épaules.

Commenter  J’apprécie          60
Nichita Danilov
Ombre

Mon visage tu ne pourras jamais
le voir troublé comme les eaux,
toi celui qui m’appelle des profondeurs
et me hèle dans les profondeurs !
Des vapeurs légères flotteront
en signe d’interrogation
et en lieu et place d’une réponse
se répandra au-dessus du lac
un vol étrange de cygnes au soir
en troublant le coucher du soleil et les eaux,
et non pas le visage, car mon visage
jamais tu ne pourras le troubler !
Commenter  J’apprécie          60



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Nichita Danilov (2)Voir plus

Quiz Voir plus

QUIZZ SUR NO ET MOI

Qui est le personnage principal?

No
Lucas
Lou
Loïc

21 questions
2512 lecteurs ont répondu
Thème : No et moi de Delphine de ViganCréer un quiz sur cet auteur

{* *}