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Citations de Olga Tokarczuk (631)


La mobilité, la variabilité, le caractère illusoire de ce qu’il entreprend, voilà ce qui caractérise l’homme civilisé. Les barbares ne voyagent pas, ils ne font que cheminer d’un point vers un autre, pour un objet précis ou pour lancer une invasion.
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Je ne parvins à m’endormir qu’avec un somnifère qui me plongea à nouveau dans mon trou temporel bien-aimé, où mon corps et moi tombâmes comme dans un nid tapissé de duvet d’oiseaux. Depuis que ma maladie s’était déclarée, je m’entraînais ainsi chaque nuit à l’inexistence.
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Cependant, ne croyez pas, mon frère, que je ne ferais que lire. J’aimerais me rendre utile, et je sais que votre ordre, les réformateurs de Dieu, c’est précisément ce qu’il me faut. Je voudrais améliorer le monde, y réparer tout ce qui est mauvais…
Le religieux se leva, et coupa Isidor au milieu de sa phrase :
—Réparer le monde, dis-tu. C’est très intéressant, mais irréaliste. Le monde ne saurait être amélioré ni rendu pire. Il doit rester tel qu’il est.
—Mais pourtant, vous vous êtes appelés « réformateurs ».
—Ah, tu as mal compris, mon garçon. Nous n’avons pas l’intention de réformer le monde. Nous réformons Dieu.
Un silence passa.
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Dans le monde idéal de Lukas, tout a sa place, et il est plus particulièrement sensible à la place dévolue aux femmes. Selon lui, ce sont elles qui, en raison de leur biologie débridée, leur proximité inquiétante avec la nature, sont l’élément qui déstabilise l’ordre social. Oui, elles devraient être totalement confinées dans la sphère privée, de manière qu’elles ne soient plus une menace pour l’ordre du monde.
Quand il marche dans la rue, Longin Lukas est dérangé par les chapeaux des femmes, il renâcle alors, irrité par cette esthétique ostentatoire qu’il compare à l’exhibition des organes sexuels chez les chimpanzés ou d’autres singes. Au café, il est dérangé par leur jacasserie aiguë. Ces endroits devraient leur être interdits.
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Je travaillais dans une école [...] Je m'étais toujours efforcée de capter toute l'attention des enfants afin qu'ils se souviennent des choses importantes, non par peur de récolter une mauvaise note, mais par passion et curiosité.

p. 133
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Quand il se promène sur le cours, il donne l’impression de se frayer un passage, avec les pieds comme retenus, qui semblent avoir à surmonter une résistance inopinée de l’air. Ainsi se meuvent les personnes qui, pour être nées avec un manque d’assurance, à force d’un travail soutenu, ne se sont pas moins forgé la certitude d’être exceptionnelles et d’une immense valeur.
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L’âge venant, beaucoup d’hommes souffrent d’une sorte de déficit, que j’appelle « autisme testostéronien ». Il se manifeste par une atrophie progressive de l’intelligence dite sociale et de la capacité à communiquer, et cela handicape également l’expression de la pensée. Atteint de ce mal, l’homme devient taciturne et semble plongé dans sa rêverie. Il éprouve un attrait particulier pour toutes sortes d’appareils et de mécanismes. Il s’intéresse à la Seconde Guerre mondiale et aux biographies de gens célèbres, politiciens et criminels en tête. Son aptitude à lire un roman disparaît peu à peu, étant entendu que l’autisme dû à la testostérone perturbe la perception psychologique des personnages.
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Je suis à présent à un âge et dans un état de santé tel que je devrais penser à me laver soigneusement les pieds avant d’aller me coucher, au cas où une ambulance viendrait me chercher en pleine nuit.
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J’avais beau traquer la vie, elle m’échappait toujours. Je ne tombais que sur ses traces, les pauvres restes de ses mues. Quand je cherchais à la repérer, elle était déjà ailleurs.
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Lorsqu'on regarde certaines personnes, notre gorge se noue et nos yeux se voilent de larmes d'émotion. Ces personnes-là donnent l'impression d'avoir su préserver en elles le souvenir de notre ancienne innocence comme si elles relevaient d'un égarement de la nature et qu'elles avaient, dans une certaine mesure, échappé à la Chute. Peut-être sont-elles des messagers, à l'instar de ces serviteurs qui, retrouvant leur prince égaré, incapable de se rappeler qui il est, lui montrent une robe d'apparat qu'il portait dans son pays et lui font ainsi comprendre qu'il est temps de reprendre le chemin de la maison (p. 136).
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Peu après, une chaussure gauche y apparaît. Marron, d’un cuir qui a connu des temps meilleurs, elle est aussitôt rejointe par une autre, la droite. Celle-là semble encore plus fatiguée : elle a le bout râpé et sa tige montre des mouchetures décolorées. Les deux chaussures demeurent un instant indécises, mais la gauche finit par avancer. Son mouvement découvre brièvement une chaussette en coton noir sous la jambe du pantalon. Le noir se répète avec les pans ouverts du manteau en loden, car la journée est chaude. Une main fluette, blême, exsangue porte une valise en cuir marron dont le poids fait gonfler les veines du bras qui remontent jusqu’à leur origine dans les profondeurs de la manche. Sous le manteau, par intermittence, apparaît une veste en flanelle de piètre qualité, froissée au cours du long voyage. Rognures du monde, des petits points clairs d’une vague saleté la parsèment. Le col blanc de la chemise, de ceux que l’on fixe par de minuscules boutons, a dû être changé tout à fait récemment car sa blancheur est plus affirmée que celle de la chemise et contraste avec le teint terreux du visage. Les yeux clairs, aux cils et aux sourcils pâles, ont quelque chose de maladif. Sur le fond du ciel intensément rouge au couchant, dans ces montagnes mélancoliques, la silhouette dans son ensemble donne l’impression inquiétante d’arriver de l’au-delà.
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Il faut absolument que vous alliez aux Caraïbes ! Et surtout à Cuba, tant que Fidel est encore au pouvoir. Quand il sera mort, Cuba deviendra comme tout le reste. Pour l’instant, on peut encore y voir un peu de pauvreté authentique. Ah, si vous voyiez dans quels tacots ils roulent ! Mais il faut vraiment se dépêcher, il paraît que Fidel est très malade.
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L’homme est un être bête qui doit apprendre. Il s’enrobe de savoir, il le butine telle une abeille, l’accumule, l’utilise et le transforme. Mais les connaissances qui, comme une couche de crasse, se collent à un homme en surface ne modifient pas cet homme davantage que ne le ferait un changement d’habit.
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"Un chien qui meurt de faim sur le seuil de son maître
Prédit la ruine de l'Etat" (p. 27).
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J'ai une théorie. C'est en fait une grave erreur que notre cervelet n'ait pas été correctement connecté à notre cerveau. Il s'agit là sans doute du plus grand bug survenu dans notre programmation. Quelqu'un nous a mal conçus. C'est pourquoi on aurait dû nous remplacer par un autre modèle. Si notre cervelet avait été connecté au cerveau, nous aurions joui de la pleine connaissance de notre anatomie, des processus survenant à l'intérieur de notre corps.

p. 98-99
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Olga Tokarczuk
Jeune, l’être humain est obnubilé par son propre épanouissement, par le recul des frontières : son champ d’activités s’étend du lit d’enfant aux cloisons de la chambre, puis à toute la maison, au parc, à la ville, au pays, au monde. À l’âge d’homme vient le temps de rêver à quelque chose d’encore plus grand. Mais aux environs de la quarantaine survient un clivage. À force de manifester sa puissance, la jeunesse se fatigue. Une nuit, un matin, l’homme franchit la ligne de démarcation, atteint son sommet, esquisse le premier pas de descente. Survient la question : faut-il descendre fièrement, défier le crépuscule, ou bien tourner son visage vers le passé, s’efforcer de sauver les apparences, prétendre que cette pénombre résulte simplement du fait qu’on a provisoirement éteint la lumière dans la chambre ?
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Vint ensuite le tour des timbres. Un jour où il prenait son courrier dans la boîte aux lettres, monsieur B. se figea : tous les timbres étaient ronds. Avec des dents, en couleurs, de la taille d’une pièce d’un zloty. Il sentit le sang lui monter à la tête. Sans se préoccuper de son mal de genou, il grimpa rapidement l’escalier, ouvrit sa porte et, sans même ôter ses chaussures, il courut vers le meuble où il conservait ses lettres. Il fut pris de vertiges quand il vit que tous les timbres étaient ronds sur toutes les enveloppes, y compris les plus anciennes.
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Le cœur. Dans sa réalité toute nue, sans son voile de mystère. Une masse informe de la taille d’un poing, couleur gris beige. Car telle est la couleur de notre corps, gris crème, gris marron, une vilaine couleur indécise, on a tendance à l’oublier. Personne ne choisirait pareille couleur pour les murs de son séjour ou la carrosserie de sa voiture. C’est la couleur de nos entrailles, de nos tréfonds, de ces endroits où la lumière n’accède jamais, où la matière se cache dans l’humidité, à l’abri des regards extérieurs–ce qui la dispense de bien présenter. Il n’y a qu’avec le sang qu’elle s’autorise une touche d’extravagance.
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En fait, toute notre psychologie si compliquée a été élaborée dans un seul dessein : empêcher l'homme de comprendre ce qu'il voit réellement. Pour que la vérité, masquée par des paroles creuses, lui échappe à jamais. Le monde est une prison pleine de souffrances, organisée de telle façon que, pour survivre, il faut faire du mal aux autres.
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— D’une manière générale, il ne faudrait rien que des filles. Si toutes les bonnes femmes se mettaient d’accord pour n’accoucher que de filles, il y aurait la paix dans le monde.
Elles éclatèrent de rire.
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