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Critiques de Olivier Pétré-Grenouilleau (14)
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L'invention du travail

Olivier Grenouilleau, historien connu nationalement notamment pour ses ouvrages sur les traites négrières, publie en 2022 L’Invention du travail chez les éditions du Cerf.



Il produit là non pas un essai issu de ses propres recherches, étant notamment spécialiste du travail forcé et de l’esclavagisme, mais plutôt une compilation de toutes les visions du travail qu’il a pu glaner ici et là. Ainsi, contrairement à ce que j’avoue avoir espéré y trouver, cet essai est bien une synthèse sur les principaux avis tenus à propos de l’activité désignée comme du travail. On y croise quelques historiens, des sociologues mais aussi et surtout beaucoup de penseurs, souvent religieux pour les siècles anciens, davantage philosophes pour les plus récents, afin de comprendre comment le travail a été pensé (et non réalisé) dans notre histoire. L’auteur se concentre (et il précise bien ce biais) sur la sphère occidentale, tant géographiquement qu’historiquement (en piochant dans l’Antiquité qui nous inspire encore, c’est-à-dire les civilisations mésopotamiennes, égyptiennes, grecques et romaines). Il organise son propos en trois temps majeurs. D’abord, un temps préhistorique et antique où le travail désigne avant tout le produit de l’effort et non l’effort produit. Puis, un temps médiéval et moderne, très marqué par la vision chrétienne catholique (toujours dans le biais occidentalocentré) où le travail est une nécessaire besogne pour faire tenir la société sous l’égide de la divinité. Enfin, depuis l’industrialisation des sociétés occidentales, un temps contemporain où le travail est une norme qui organise la société. Le problème de rester dans de tels éléments généraux est de ne pas faire de focalisations sur les formes de travail, mais uniquement regarder comment il est pensé, le plus souvent par celles et ceux qui l’organisent justement, pas par celles et ceux qui le font.



Nous avons donc là surtout un catalogage, cela ressemble à une (très) longue liste à la Prévert ; les titres des parties réussissent à périodiser le propos généraliste de l’auteur, mais sinon c’est assez difficile de voir une trame, une thèse se dessiner.



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Les traites négrières

Dès son introduction Olivier Pétré-Grenouilleau nous rappelle quelques faits et quelques points de méthode :



L’histoire globale est forcement comparative,

« A l’heure de l’histoire mémoire, une déportation organisée d’êtres humains, la plus importante de tous les temps, continue ainsi d’être largement oubliée »,

« L’analyste qui reconstitue les événements a posteriori a trop souvent tendance à considérer que le déroulement qu’il a lui-même contribué à construire correspond à quelque chose de logique et d’inéluctable . On sait évidemment qu’il n’en est rien ».

La partie introductive de l’ouvrage d’Olivier Petré-Grenouilleau expose l’engrenage négrier avec l’invention de la traite et la place de l’Afrique noire comme acteur à part entière de cette traite. Une série de thématiques seront abordées autour du rôle de l’expansion musulmane, le choix du système de plantation américaine, de la main d’œuvre africaine différenciée de la main d’œuvre amérindienne et des travailleurs blancs sous contrat, la place de la traite dans l’organisation fonctionnelle de l’Afrique noire.



La première partie du livre présente l’essor et l’évolution des traites négrières. L’analyse fouille les modes de production des esclaves, le rôle des pouvoirs en place et celui des entrepreneurs privés. Les traites orientales et internes seront comparées aux traites occidentales entre autres pour l’acquisition et le transport des esclaves.



Le flux et le reflux des traites donnent lieu à une analyse quantitative, les hypothèses chiffrées sont assises sur le croisement des données disponibles ou d’hypothèses argumentées permettant d’élaborer des scénarii plausibles tant pour les traites occidentales, que pour les traites internes.



A l’issue de cette partie, l’auteur fait ressortir que « tout en étant connectées, traites occidentales, orientale et africaine continuèrent sur le temps long à répondre à leurs propres logiques. »



La seconde partie décrit les processus abolitionnistes avec notamment des développements sur les sources du mouvement abolitionniste, l’exemplarité et l’importance du modèle britannique. La « machine » abolitionniste nécessitera de convaincre pour interdire, de réprimer pour faire cesser. Les « adieux qui n’en finissent pas » se déclineront de manière différentes suivant les zones géographiques.



Si le processus abolitionniste en occident est plutôt connu, il n’en est pas de même pour celui en Afrique et en Orient. L’éradication de la traite en Afrique sera difficile et l’auteur insiste sur le rôle des esclaves dans le processus.



Les rapports entre colonisation et traite ne seront pas oubliés et donc abordés dans leurs dimensions en partie contradictoires.



La troisième partie du livre revient sur le traite dans l’histoire mondiale.



Pour la traite dans l’histoire de l’occident, O. Pétré-Grenouilleau analyse la rentabilité de cette traite en faisant ressortir « la très grande irrégularité des profits, à l’origine de réussites spectaculaires comme retentissantes faillites » puis met en rapport les dynamiques sociales et le développement économique en nous rappelant « qu’en histoire, un ordre de succession chronologique ne saurait être confondu avec un facteur de causalité ».



Des chapitres particuliers sont consacrés aux différentes configurations régionales.



Je souligne le chapitre 7 « La traite dans l’histoire de l’Afrique et du monde musulman » qui sera au centre de la polémique publique. Ce chapitre, compte tenu de la nature des sources écrites, nécessite un travail méthodologique en profondeur pour « évaluer la ponction démographique et ses conséquences pour l’Afrique ».



L’auteur, et je partage cette orientation de recherche, contrairement à d’autres ne néglige pas la part africaine : « Une histoire dans laquelle, comme partout ailleurs, les élites locales ont souvent eu la meilleure part. Dire cela, c’est penser que l’analyse affinée de la traite comme catalyseur ou frein de la dynamique politique et sociale africaine serait peut-être en mesure de renouveler la quête, classique et importante, mais en partie illusoire, d’un bilan global de la traite qui serait mesurable en termes de profits et de pertes. C’est aussi refuser l’idée selon laquelle toute transformation n’a pu s’opérer que par la médiation de l’Occident ou du monde musulman. C’est enfin croire que les Africains ne furent pas seulement des victimes, des collaborateurs ou des opposants aux influences venues de l’extérieur, mais aussi des acteurs de leur propre histoire. »



Un sous chapitre est consacré à la traite souvent négligée, voir déniée dans l’histoire du monde musulman.



Dans sa conclusion, l’auteur nous invite à revisiter des horizons plus ou moins connus, de refuser les a-priori. « La compréhension des différentes parties d’un système composite est impossible sans la compréhension du comportement du système dans son ensemble (Freeman Dyson). »



Une lecture incontournable sur un sujet très humain dans son infamie même.



Une fois de plus cet ouvrage et les polémiques soulevées autour de la libre recherche comparative des historiens interroge sur la fonctionnalité des lois mémorielles, en l’occurrence ici la loi Taubira.



Plus généralement, une réflexion devrait se développer sur l’écart grandissant entre histoire érudite et simplifications scolaires ou vulgates journalistiques, entre savoirs scientifiques et expressions politiques. Comment rendre accessible la complexité du monde, comment s’appuyer sur les expertise scientifiques pour débattre et assumer des choix démocratiques ?
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L'argent de la traite

Nantes port maritime et fluvial est une très bonne place de commerce. On suit le développement de la catégorie des négociants qui ont armés moultes navires qui ont franchi les océans et abordé différents continents. Le sujet ici, porte plus particulièrement sur le commerce des esclaves. Autorisé, ce commerce permet la percée de belles fortunes, non dénué de risques économiques , c'est un peu un jeu de casino, pile tu perds tout, face tu gagnes le casino - Une fois entendu, que le contenu du commerce n'est pas attaché à des valeurs morales ou humanistes mais consiste bien en une marchandise comme une autre .



J'ai trouvé que cette prise de risques avait un peu un côté pirates et qu'il y avait là du jeu comme quand on se risquait à la course, mais ce n'est que mon avis. ( Cela m'a fait pense à "Ces messieurs de Saint Malo") Le grand avantage c'est qu'avec la fortune on peut travailler à s'incruster dans une classe sociale supérieure et c'est l'objectif essentiel de ce petit monde de négociants, armateurs, marins que d'arriver à s'embourgeoiser. ( et donc aucune chance de s'émouvoir sur la condition des esclaves si il y a enrichissement ...)



La révolution et ses soubresauts passés, le commerce perdurera même une fois interdit car il porte l'image embellie de fortunes vite faites et finalement, est un point d'appui du port.



Globalement l'enrichissement et l'embourgeoisement de ce groupe a mené Nantes à vivoter car cette classe sociale est passéiste, non-innovante et se tourne plus vers le passé que vers l'avenir, rechignant à modifier ses coutumes.



Le livre est très dense et sans doute pour un public plus pointu en histoire que moi, la lecture n'en est pas très facile mais intéressante. Je vais essayer de trouver d'autres livres du même auteur, car visiblement il connait son sujet, mais plus abordables.
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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L'invention du travail

Reçu dans le cadre de Masse critique, cet ouvrage est une très intéressante analyse historique de la notion de travail dans le monde occidental. Selon les époques et les sociétés, les humains ont pensé différemment le travail, sa nature, sa signification. Ainsi, les chasseurs-cueilleurs du Néolithique accomplissaient des activités susceptibles d'être considérées aujourd'hui comme du travail, alors qu'ils n'avaient sans doute pas le sentiment de travailler. On peut considérer que le travail tel que nous le concevons aujourd’hui apparaît dès lors que les hominidés fabriquent des outils dits secondaires, c’est à dire réutilisables, à partir d’autres outils. De nombreux auteurs, de l’Antiquité à aujourd’hui, pensent que l’outil fait l’humain. Le travail, porteur de sens social et spirituel pour l’individu et la société peut être repéré à trois moments de l’histoire humaine. Dans la Bible d’abord, lorsque Adam et Eve sont évincés du Paradis, et sont désormais contraints de travailler pour subvenir à leurs besoins. Dans un 2ème temps, au Néolithique lorsque Homo Sapiens invente l’agriculture et l’élevage puis avec l’apparition des cités-états en Mésopotamie, apparaissent des formes de divisions du travail. Enfin, au XVIIIème siècle, à l’époque de la révolution industrielle, avec l’affirmation du capitalisme, appelé à devenir le clé de voûte de l’édifice socio-économique et politico-culturel, apparaît le travail tel que nous le connaissons aujourd’hui. Se référant aussi bien aux auteurs de l’Antiquité qu'à la Bible et aux auteurs de l’époque moderne et contemporaine, notamment Adam Smith, mais aussi les utopistes, Marx, Hanna Arendt, pour ne citer que les plus marquants, cet ouvrage expose de façon précise l’évolution du travail au fil du temps. Mais, il s’interroge aussi sur le sens de la notion de travail. Du travail délaissé à une partie de la population pour permettre à l’autre de s’adonner à des activités de loisirs, du travail pour expier ses fautes et plaire à Dieu, au travail comme facteur de progrès social ou au contraire facteur d’aliénation, autant d’approches de la notion qui jalonne l’histoire de l’humanité. Ouvrage d’histoire d’abord mais jalonné de questions d’ordre philosophique d’un grand intérêt à l’heure où nous nous interrogeons sur le partage du travail ou la nécessité de travailler plus, et sur l’impact du travail humain sur l’environnement.
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Les traites négrières

Ce livre n'est pas facile d'accès. Dommage parce que le sujet et la thèse sont intéressantes. Hélas, la prose de l'auteur n'est pas particulièrement agréable, ou l'ensemble m'a paru peu aisé à lire. Ces remarques n'enlèvent rien au connaissances érudites de Petre-Grenouilleau : l'ouvrage est bien une référence.
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Les traites négrières

Trafics négriers continentaux et maritimes des origines à l'abolition. Mes ancêtres y étaient. Dans la cale et sur la passerelle.
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Qu'est-ce que l'esclavage ?

Très intéressant.

A mon avis indispensable à qui s'intéresse à n'importe quelle périose ou lieu esclavagiste. Et il y en a eu beaucoup. La traite atlantique n'est pas la seule. La traite arabe et la traite interne en Afrique ont aussi existé.

Mais le plus important sont les éléments de définition, pour savoir de quoi l'on parle et ne pas dire : "c'est de l'esclavage" pour "c'est révoltant".
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Qu'est-ce que l'esclavage ?

Transformé-e en autre, possédé-e et utilisé-e



Qu’est ce que l’esclavage ? Cette question est cœur des analyses d’Olivier Grenouilleau, « Comment en effet analyser un objet si l’on ne sait pas en quoi il consiste ? ». Circonscrire cet objet nécessite de le discuter et de comparer les situations à travers les temps et les lieux, afin d’en faire ressortir les caractéristiques principales, caractéristiques qui le sépare d’autres formes d’exploitation ou dépendance, « toute forme d’exploitation de l’homme ou de dépendance n’est pas forcément assimilable à l’esclavage ».



Et si les esclaves et les systèmes esclavagistes furent variés, il ne saurait y avoir d’esclavage « doux », de relativisme en la matière. « Toute forme d’esclavage constitue une atteinte intolérable aux droits élémentaires de tout homme ». Je note, une fois de plus, l’utilisation du terme « homme » pour être humain, j’y reviendrai en fin de note.



Esclavage. L’auteur propose de replacer « concrètement l’esclave au cœur de l’analyse », de penser « la définition de l’esclavage à partir de celle de l’esclave » et d’en avoir une « approche systémique ».



L’auteur choisit un ordre de présentation, qui pour être atypique n’en est pas moins cohérent avec son projet :



Première partie : Miroirs déformants



Partie II : Éléments de définition



Partie III : Dynamique



Je n’aborde que certains points de la riche argumentation.



La première partie est consacrée aux dires sur l’esclavage, aux justifications et discours scientifiques, à la rhétorique abolitionnisme, aux variations argumentaires… Olivier Grenouilleau met en garde, « Il nous faut en effet oublier d’emblée l’idée selon laquelle esclavage et modernité auraient été antinomiques ». L’esclavage a d’abord été approché avec une vision déterministe et naturaliste. Vision souvent partagée par le abolitionnistes « Les définitions de l’esclavage forgées sous l’influence des abolitionnistes ne rejettent donc pas la naturalité. Simplement, mais cela est déterminant, elles se cristallisent à un moment où cette dernière tend en de nombreux domaines à être redéfinie »



L’infâme institution sera considérée comme un obstacle au progrès. Une sorte d’archaïsme en quelque sorte… Je souligne que cette caractérisation reste, pour certain-ne-s, toujours d’actualité dans nombre de rapports sociaux, non historicisés.



L’auteur parle de l’émergence des « droits de l’homme », de liberté, et analyse les argumentaires, entre autres, autour de « l’esclavage comme contraire absolu de l’idée de liberté », de « forme d’exploitation contraire aux droits de l’homme », de la réduction dans les discours de l’esclave au travailleur. Il détaille les appréciations autour de l’ordre esclavagiste versus l’ordre industriel, autour de l’esclave – le travailleur – le pauvre et indique que « la figure du prolétaire sert à édulcorer celle de l’esclave ». Il est en effet illusoire de rabattre la situation prolétarienne sur celle de l’esclave, ou vice versa, il faut en analyser les différences, souligner les nouvelles contradictions entre l’ordre d’exploitation et les droits des êtres humains. Je souligne que cette approche, comme le souligne dans la troisième partie aussi l’auteur, rencontre nécessairement le problème de l’inclusion du droit de la propriété dans les « droits de l’homme ». L’auteur poursuit sur l’esclavage domestique, sur les comparaisons entre esclave et domestique, leur proximité longtemps admise, sur la « macule servile » marquant les individu-e-s très longtemps après la fin légale de l’esclavage.



Olivier Grenouilleau poursuit avec les jeux de miroirs, les comparaisons inadéquates, la concurrence entre les porteurs/porteuses de différentes « mémoires traumatiques », les représentations (les civilisation n’ont ni vertus ni vices) et leur polarisation plus particulière par certaines périodes historiques. « Arrêtons-nous ici pour l’instant, à ce mouvement pendulaire nous ayant fait passer, en un siècle, d’une perception raciste et idyllique de l’esclavage américain à une analyse historique de sa véritable et cruelle nature, réduite, en termes d’opinion commune, à la figure d’un mal subsumant toutes les autres formes d’esclavages anciens ».



L’auteur revient sur les esclavages dans les différentes parties du monde, sur la colonisation, sur les constructions « scientifiques » (dont ceux des anthropologues et des ethnologues) et politiques, sur l’invention de traditions, sur les classements visant à justifier les pratiques. « On voit comment l’érection d’un modèle répulsif englobant – l’esclavage américain – a pour conséquence l’adoucissement d’autres formes d’esclavage, voire leur disparition de la nomenclature esclavagiste ». J’ajoute que d’autres « modèle répulsif englobant » dominent actuellement, comme dans l’étude des génocides, rendant difficile les études comparatives et historiques, et empêchant de penser politiquement les constructions sociales.



Dans la seconde partie, Olivier Grenouilleau donnent des éléments de définition. L’auteur aborde l’esclave comme « autre », en soulignant « Il s’agit de faire croire que l’on est esclave alors qu’on le devient ». Il parle de l’esclavage pénal, de l’esclavage pour dette, des personnes vendues par leurs parents, du « protoracisme » touchant les catégories défavorisées socialement, des effets de l’extranéité, des positions religieuses, de ségrégation, de racisme, « Le racisme est ainsi potentiellement toujours présent en matière d’esclavage »…. L’esclavage comme forme d’institutionnalisation de la différence, de l’exploitation et de la ségrégation…



L’auteur poursuit avec l’esclave comme être humain possédé par un autre et parle de propriété, de possession, d’utilité, d’aliénabilité, de marchandisation des être humains en tant que tels, de transmission héréditaire, de « non-dissociation entre l’exploitation de certaines facultés et celle d’un individu donné ». Il indique que l’on ne peut aborder l’esclavage uniquement à travers « le prisme du travail et de la liberté ».



Dans un chapitre « La question à poser de l’utilité relative de l’esclavage », Olivier Grenouilleau passe en revue six autres formes d’exploitation : les dépendances communautaires, l’engagement, le péonage, le travail forcé, le salariat et le clientélisme. Il aborde onze points d’observation : la nature de l’exploitation, individuelle ou collective, le mode d’entrée dans le système, sa durée, le degré d’aliénation possible de l’individu, l’avantage recherché par la personne en situation dominante, la nature du rapport exploiteur/exploité/employé, les tensions induites par l’exploitation, le coût d’encadrement du système, son coût de reproduction, son extension dans le temps et dans l’espace.



J’indique, sans m’y arrêter ici, que l’utilisation des termes « travail » et « exploitation » non historicisés pose problème. Les notions de travail et d’exploitation devraient être elles-mêmes interrogées, sauf à en avoir une conception essentialiste…



La mise en relation, au delà de la remarque précédente, permet de faire ressortir des dimensions communes ou non entre les exploitations présentées. Je parlerai, en fin note, du biais introduit, en absence de prise en compte de la confiscation/exploitation du travail des femmes par les hommes.



Olivier Grenouilleau poursuit par l’analyse de l’utilité, des liens avec le pouvoir d’État, l’institutionnalisation de l’esclavage, des charges exercées par certains esclaves et des grandes révoltes. « Possession de son maître, l’esclave lui est toujours utile, quelle que soit la tâche qui lui étant confiée. Cette utilité de l’esclave, qu’il importe de mesurer non pas dans l’absolu, mais dans le contexte des sociétés où l’esclavage est pratiqué, constitue le second de nos éléments définissants de l’esclave »



Si l’esclave est un être humain possédé par un autre, il est aussi un être humain « en sursis ». Un être humain rejeté de l’humanité des êtres humains, une contradiction, « le fait de rejeter l’esclave hors du monde des autres hommes tout en le reconnaissant néanmoins, simultanément, comme un homme à part entière ». Une humanité dépouillée, une désocialisation, une exclusion du groupe d’origine, la dénégation de sa capacité d’agir sur sa propre vie, un renvoi du coté de l’animalité…



L’auteur insiste sur la violence exercée sur les êtres humains et leurs corps, sur les processus de réification, sur la place du marché, sur les représentations/constructions des « autres », sur le fait que « l’esclave demeure un homme »… L’esclave est « un homme frontière ».



Dans la troisième partie, Olivier Grenouilleau pose des questions sur les origines historiques de l’esclavage et comment l’esclavage peut devenir un mode d’exploitation important, voire principal, dans certaines sociétés. L’auteur analyse les approches évolutionnistes, fonctionnalistes ou transitionnelles pour mettre l’accent sur la combinaison d’éléments, le « dépassement » de contradictions internes aux sociétés ou l’imbrication de logiques différenciées.



Il souligne que les sociétés esclavagistes ne peuvent être abordées uniquement par l’économique et le quantitatif. Il poursuit par la reproduction de ces sociétés en soulignant le nécessaire caractère systémique de l’approche.



Esclavage et sortie de l’esclavage. L’affranchissement pose la question du consentement, de l’arbitraire du maître. L’auteur montre son lien avec le maintien du système. Il discute de la contrainte versus l’autonomie et de la capacité des esclaves à constituer des espace d’autonomie, des religions des esclaves, des métissages, des processus de créolisation…



Olivier Grenouilleau termine par les résistances des esclaves, les fuites, le marronnage, les révoltes et la fin des sociétés esclavagistes. Il indique « le seul moyen d’en finir vraiment avec l’esclavage consiste donc à l’abolir », tout en indiquant que les mesures abolitionnistes ne sont pas suffisantes. L’auteur soulève quelques paradoxes sur les « libres » propriétaires d’esclaves, sur abolitionnisme au moment de l’apogée du système colonial…



Plus discutable me semble son opinion sur l’importance des réformes dans les processus.



En conclusion, Olivier Grenouilleau revient sur les questions posées le long du livre, sur l’esclave d’abord « un autre ou celui transformé en un autre », sur les liens complexes mais intrinsèques entre esclavage, ségrégation et racisme, sur la possession par le maître et l’arbitraire total qui en découle…



Comparant différentes formes d’exploitation, l’auteur omet celle que les hommes exercent sur les femmes, sous des formes diverses dans toutes les sociétés. Comment faire une histoire globale sans prendre en compte les apports des féministes, le concept de genre, les rapports sociaux de sexe, les divisions sexuelles et leur hiérarchie ? D’ailleurs l’auteur cite par exemple, pour Athènes, le rite de katachysmata et sa proximité avec les pratiques d’entrée de la jeune mariée dans la maison des parents de son époux.



Qu’en est-il donc du sexe de l’esclavage ?
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L'invention du travail

L'année dernière, j'ai tenté de lire un livre sur le travail (dont j'ai complètement oublié le titre), paru chez Flammarion. Ça n'avait pas été une grande réussite. Celui-ci n'est pas plus une réussite quand bien même je l'ai trouvé plus accessible, plus intéressant ; mais je vais être franche je l'ai trouvé très inégal. J'ai décroché souvent et apprécié régulièrement.



Ce que j'en ai néanmoins retenu est très intéressant, étant donné que l'auteur part de la préhistoire jusqu'à nos jours pour offrir au lecteur un panorama sur la valeur travail, tout en combattant les clichés/idées reçues que certains peuvent avoir sur les époques. Comme notamment l'âge préhistorique qui serait une sorte d’âge d'or avant l'aliénation de l’homme par le travail, qui irait de pair avec le progrès ou encore la civilisation. Or, comme le montre l'auteur, l'homme préhistorique ne fondent sans doute pas une civilisation en tant que telle, mais il a néanmoins cherché à améliorer son quotidien avec des outils, donc il y a bien l'idée du progrès et de travail.



Bien évidemment, ce livre n'est pas seulement une succession d'étape progressiste dans le travail pour arriver à aujourd'hui. Même si évidemment Olivier Grenouilleau parle de la machine qui aliène l'homme, plus qu'elle ne le libère. En effet, ces pages parlent également des approches philosophiques du travail qui change ou se télescope selon les périodes. D'un malheur divin depuis Eve et Adam, à un devoir divin (après tout la Bible regorge de travailleurs et travailleuses), et sociétal car il faut bien manger, s'habiller, se loger, sans oublier l'ordre qu'il permet, le travail a toujours était matière à réflexion.



Mais dans cette manière de le penser, l'historien - qui a fait un remarquable travail de recherche sur des textes bien divers (on y verra autant Weil, que Calvin ou encore l'historien Moses I. Finley) – montre, que plus que la manière de le condamner ou de l'encourager, les hommes ont souvent hiérarchisé le travail. Qu'il soit manuel ou intellectuel, pour soi ou encore pour autrui, servile ou patronal, on se rend compte que personne ne le voit de la même manière sur le temps long de l'histoire. Par exemple, lors d'une lecture de Master je me souviens que dans un livre de Moses I, Finley le travail plus noble était relié à Athéna quand celui plus sale, plus servile était lié à Héphaïstos. Ici, si l'humanité admet que le travail est nécessaire pour vivre, les moines de l'époque médiévale font de leur travail spirituel le meilleur. Sans doute pour cela que le haut du panier de l’église souvent issu de l'aristocratie, laissait aux frères lais le dur labeur. A travers la réflexion sur le travail, on voit aussi cette vision dichotomique du riche et du pauvre, du vilain et du noble.



Cependant, interroger le travail, c'est aussi interroger l'idée de repos que l'église cadre, le temps de loisir qui aliène l'homme autrement ou encore le droit à la paresse qui selon Lafargue rend à l'homme corvéable son humanité. C'est interroger pareillement le travail et son but, le travail et son changement, etc. etc...



En résumé, c'est un bon livre accessible mais pour ma part il me faudra une nouvelle lecture pour reprendre les passages qui m'ont rebutée.
Lien : http://encreenpapier.canalbl..
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La vie quotidienne à Nantes au temps de la tr..

Très bon traité de la question de la traite à Nantes, avec toute la rigueur universitaire indispensable à ce genre de sujet, qui nous apprend la place importante du négoce nantais dans ce trafic, les lacunes de la connaissance qu'il reste à combler, et le manque de conscience morale de la société de l'époque dont l'alibi des nécessités économiques servent toujours comme aujourd'hui pour refuser le changement.

Reste à écrire l'histoire du côté africain par des chercheurs africains.
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Qu'est-ce que l'esclavage ?

Olivier Grenouilleau livre un ouvrage important sur l’histoire de l’esclavage et le statut de l’esclave, cet « homme frontière ». Être esclave ne préjuge ni de la profession, ni de la place dans la hiérarchie sociale. Mais l’ouvrage traite moins l’histoire globale du concept d’esclave que l’histoire de la pensée occidentale et française sur l’esclavage dans le monde.
Lien : http://www.laviedesidees.fr/..
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Nos petites patries

Une République "une et indivisible" peut-elle s'accorder avec les identités régionales ? Parfois, comme le montre brillamment l'historien Olivier Grenouilleau.
Lien : https://www.lexpress.fr/cult..
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La révolution abolitionniste

Une étude globale et ambitieuse du mouvement abolitionniste.
Lien : http://www.nonfiction.fr/art..
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Et le marché devint roi

L'institution clef du capitalisme a toujours fait l'objet de critiques acerbes. Un historien les réexamine. Éclairant.


Lien : http://rss.feedsportal.com/c..
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