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Critiques de Pascal Quignard (674)
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Tous les matins du monde

Curieux petit roman aux allures de nouvelle, sur un maître de musique et son élève, Marin Marais, également soupirant de sa fille. Amours tragiques, société compassée, poids du veuvage, sont autant de thèmes délicatement abordés par ce roman au charme suranné, surprenant quand on voit sa date d'écriture. Il a tout d'un classique !
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Tous les matins du monde

Tous les matins du monde de Pascal Quignard illustre avec beaucoup de pudeur et de tendresse la vie de Monsieur de Sainte-Colombe joueur de viole, ce musicien du XXVIIème Siècles et d’un autre compositeur de viole Marin Marais.

Ce roman semble être un écho à La Leçon de musique publié en 1987, une inspiration adaptée au cinéma sous le même titre par Alain Corneau la même année, avec Gérard Depardieu et Jean Pierre Marielle.

Tous les matins du monde sera littéraire et cinématographique l’un aura la musique et les couleurs muettes de l’image, l’autre sera les mots, la musique sourde d’un langage silencieux où tinte la mélancolie d’un amour, le musicien solitaire aspire l’inspiration des tableaux l’entourant.

Pascal Quignard ouvre son roman par la mort de la femme de Sainte-Colombe, cette mort sera l’âme vibrant de ce roman avec la musique comme une composition de cet amour, d’une vie solitaire célébrant cette alchimie pour la sublimer, pour la faire revivre encore et encore.

Un amour au-delà de la vie, réveillant les fantômes de sa femme, cette vision venant le visiter, lui parler, lui chuchoter son amour. Pascal Quignard appelle à sa culture, pour nous faire découvrir le peintre Lubin Baugin. Pour immortaliser la première apparition, vision de sa femme morte, fait commande du tableau Le désert des gaufrettes peint entre 1630-1635 de ce peintre du XVIIème siècle puis du tableau La nature morte de l’échiquier, œuvre référence de ce peintre pour nous dire.

« Tout ce que la mort ôtera est dans sa nuit. Ce sont tous les plaisirs du monde qui se retirent en nous disant adieux.

Ce roman Tous les matins du monde concentre sa magnificence dans ses lettres de noblesses de l’écriture, celle épurée, toujours aussi puissante et émouvante de force et d’émotion. Sainte-Colombe homme de musique, s’isole dans l’œuvre de sa vie, la pratique de la viole avec le souvenir lointain et proche de sa femme morte et ses deux filles Madeleine et Toinette, formant un trio de viole frôlant la perfection absolu, s’attirant la cours.

La venue du jeune Marin Marais réveille l’amour dans cette maison, celle de Sainte-Colombe dans sa musique et celui de Madeleine, l’ainée pour Marin dans une passion charnelle passionnelle, leur corps se baise, s’aime puis la musique ensorcelle ces deux amants dans le secret de Sainte-Colombe. Il y a dans ce court roman de l’érotisme, le corps est à nu, le sexe des hommes est souvent décrit sous les vêtements dans leur forme et leur taille. Toinette aura aussi la faveur de la chair avec Marais sans honte, elle le possédera.

« J’ai eu du désir »

La littérature s’enracine dans l’emphase des phrases comme celle de Britannicus de Jean Racine, cette scène 2 de l’acte II de cette tirade de Néron où Sainte-Colombe s’exclame.

« Voilà comment s’articule l’emphase d’une phrase. La musique aussi est une langue humaine.

Pascal Quignard aime les mots, la littérature, la musique, les arts qu’il livre avec douceur dans ce livre d’une beauté merveilleuse. La mort est aussi présente déjà avec la femme de Sainte-Colombe mais aussi avec la pauvre Madeleine, son enfant mort-né et puis épuisé dans une maladie l’amaigrissant elle osera dans l’absurdité de l’être se donner la mort avec la présence de Marais, son amour passé l’ayant quitté par lâcheté de chair, le tabouret, les chaussons offerts seront les dernières sensations ressentis par cette malheureuse, chaleur du passé de cet amour éventré, cette passion disparue comme cette mort l’emportant.

Ce roman est une poésie musicale amoureuse, une danse au rythme de la viole, de la passion et de l’amour et celui des mots orchestré par le Maitre Pascal Quignard.



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Princesse Vieille Reine

Cinq contes, indique le sous-titre. En vérité, ce sont bien cinq contes, mais c'est aussi un ensemble qui appartient au théâtre. Les récits sont jalonnés de sortes de didascalies, décrivant des danses et des chants, des gestuelles. Quant au style, par sa beauté épurée, il rattache ce livre au genre poétique.





Princesses et princes, empereurs et impératrices, et cette vieille reine... sont les personnages de ce livre. On y rencontre aussi deux célèbres romancières... Les saisons rythment son déroulement. L'amour, la solitude, la tristesse, la frayeur, le passage du temps, en sont les thèmes. Du Moyen Âge au XIXe siècle, de l'Orient au Mexique, nous sommes comme transportés sur un tapis volant, explorant les méandres du cœur humain.





C'est un livre très touchant par sa grâce et ce qu'il dit des sentiments. Tout en le lisant, je l'imaginais joué sur une scène tant ce texte à une grande force d'évocation. C'est selon moi un chef-d'œuvre.
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Tous les matins du monde

Pascal Quignard réussi ici tour tour de maître ! Avec très peu de mots il nous fait ressentir une palette d'émotions assez incroyable ! C'est un récit très court, il m'a fallu moins d'une heure pour le lire, mais je reste malgré tout plongée dans cette histoire... On y trouve tout : l'amour d'un père pour ses filles, la question de la musique et de la manière de la jouer, la relation d'un maître et de son apprenti, et surtout l'amour d'un mari pour sa femme décédée ... C'est une lecture assez percutante que je n'oublierais pas de sitôt malgré sa brièveté.



CHALLENGE VARIETES 2015 - Un livre d'un auteur que vous n'avez jamais lu

CHALLENGE ABC 2014/2015

CHALLENGE MELI-MELO 2015-2016

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Les heures heureuses

Une succession de chapitres, plus ou moins longs, se référant à une période de l’histoire ou à une anecdote avec le temps qui passe et les « heures heureuses » qui l’accompagnent. Erudition et charme poétique sont à l’œuvre comme toujours dans l’écriture de l’auteur.
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Les solidarités mystérieuses

Lire !



Une personne humaine lit.



Elle consacre une partie de son temps de vie éveillé à lire.



A lire un roman, un essai, une revue, une BD, un livre d’art, un tract, l’étiquette d’une boite de petit pois en conserve (private joke pour mon ami Gilles).

C’est un temps de « hors-là ». Que ce temps soit dans le transport en commun, dans un canapé, sur un banc public, une plage, une crique, un bar, un lit, ce temps n’est pas ici, il n’est pas là, il est « hors-là », il est dans des signes écrits.



Et cette personne est un être complexe, possédant un passé joyeux, douloureux, triste, mélancolique, exaltant, conscient ou inconscient ; possédant un présent de vie en un lieu concret animé de désirs, de peurs, de colères, d’envies, de jalousies, de gourmandises, de dégouts, de plaisirs. Pourtant elle lit.

Elle lit, ici, en ce moment plutôt que de se projeter, d’imaginer, de préparer, de calculer son futur, ou, au calme, accueillir son avenir toujours inattendu comme est l’avenir.



Elle lit.



Elle lit pour se distraire, avec tout ce que transporte l’idée de distraction. Elle lit pour provoquer des pensées inattendues, faire venir des questions qu’elle ne pensait pas se poser. Elle lit avec une attente quelle qu’elle soit.



Elle lit et continue d’appartenir à son milieu social, populaire, classe moyenne, petite bourgeoisie, bourgeoisie, aristocratie. Elle lit alors qu’elle est dans une vie, la sienne, dont elle ne connait pas la fin, pourtant elle lit et le livre qu’elle lit possède une dernière page, un dernier mot, un point final. Une fois refermé, il reste juste…



Que reste-t-il finalement ?



Un bon moment ?

Un oubli de soi momentanée ?

Des questions ?

Des milliers de questions peut-être ?

Et peut-être même une révélation, une transformation, une expérience inoubliable.



Eh, pourquoi ce préambule interminable pour parler des « solidarités mystérieuses par Pascal Guignard ». Pour écrire sur une histoire simple raconté à cinq voix. Une bête histoire d’amour chronologique et pourtant « dyschronique » ou chaque instant semble éternel.

Ce roman arrive dans ma vie, en synchronie avec une transformation physique (je vieilli), psychique (plus de souvenirs que de projets) et spirituel (le saut quantique de la foi vers Agapé).



Et je me demande si le roman que je viens de terminer est le même pour chaque lecteur, malgré le même enchainement de mots.

Le roman est inattendue, ou sourd l’avenir comme source sans cesse renouvelé et où le futur est enfin jugulé, tout cela dans le présent en étant PRÉSENT.

Évidement ce n’est pas un critique, mais juste un compte rendu d’expérience de lecture.



Posez vous un instant la question : pourquoi un tel compte rendu pour ce roman ?



Alors tentez l’expérience de cette même lecture et racontez-moi.



Bien à vous,



Tous.
Lien : https://tsuvadra.blog/2020/1..
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Les solidarités mystérieuses

Une écriture fort agréable avec de bonne descriptions, mais je reste un peu perplexe à la fin de la 1ère partie en ne sachant pas où l'auteur veut en venir avec Claire.

Le principal c'est que j'ai bien compris qu'on est en région Bretagne mais le reste est flou pour le moment.

Claire, notre personnage principal aura été décrite par son propre entourage que ça soit son ami d'enfance Simon, son frère Paul, sa fille Juliette ou encore le curé Jean, ami intime du frère. Un vrai meli melo de sentiments ambigus envers chacun, le frère et la soeur, le curé et le frère, la fille qui n'aimait pas sa mère et Claire et son frère eux mêmes orphelins très jeunes.

Dommage que l'histoire fut assez embrumée ce qui m'a tout de même donné cette impression de lire des pages et de rester dans le vide. Le registre pathétique était trop prononcé pour que j'apprécie les dits personnages.

Une lecture qui ne va pas me laisser beaucoup de trace par la suite.
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Dernier royaume, tome 10 : L'enfant d'Ingol..

Avec ce dixième volume du cycle « Dernier royaume », Quignard poursuit son étrange entreprise, qui, à ma connaissance, est unique en son genre. Seule certitude, ces textes érudits sont bien de la littérature, et de la plus exigeante. S'y entremêlent critique d'art, philosophie, étymologie, poésie, fragments biographiques, rites antiques et chrétiens, sexualité, théorie psychanalytique et réminiscences de contes, à la manière de « L'enfant entêté » un conte des frères Grimm issu d'une ballade du XVIème siècle, « Le garçon mort d'Ingolstadt ».



Ce conte très bref tient en quelques mots. Un enfant bat sa mère. Elle survit. Il meurt et on enterre son corps. Mais sa main ne cesse de se dresser de terre. Seule sa mère, en frappant cette main jusqu'au sang, met fin à ce désordre. Pascal Quignard en fait un exemple, parmi beaucoup d'autres, de la force vitale présente jusqu'à la mort, qui se manifeste dans tous les êtres, humains ou animaux, prédateurs et proies.



Le propos de Quignard n'est pas désincarné. Au contraire il est toujours au plus près des corps, de leurs exigences, de leurs défaillances aussi. La tonalité générale est donc sombre, marquée par l'angoisse, les souffrances mais aussi les brèves exultations des vivants.



Il déclare explicitement consacrer ce tome à « l'attrait » de tout ce qui est faux dans l'art et dans le rêve. Il y développe notamment de nombreuses variations autour du thème de la fascination : images dans lesquelles la pensée se perd devant leur force mais aussi, au delà de l'art et des mots, regard insondable entre proie et prédateur, qui renvoie bien évidemment à la mort.



En ce qui me concerne cette lecture m'a permis de découvrir deux types d'œuvres qui m'ont saisi : d'abord celle du peintre Jean Rustin, qui a été l'ami de Quignard et dont celui-ci donne ici une sorte de tombeau. Puis les mosaïques dites « chambre non balayée » dont Sôsos de Pergame passe pour avoir été le créateur, natures mortes assez incroyables.



Elle m'a également donné très envie de revenir au début de cette série du Dernier royaume, « Les ombres errantes » (prix Goncourt 2002) que je lirai prochainement.



J'ai pu lire et commenter ce livre grâce aux éditions Grasset et à NetGalley.
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Les larmes

Voilà un livre qui nous qui parle de la douleur des origines.

Dans un moyen âge où se mêlent histoire, fantasmes et invention poétique, Quignard nous emmène vers des temps primordiaux. Des temps rudes où la souffrance est partout, et génère les larmes.

Deux petits-fils jumeaux de Charles le Magne, Nithard et Hartnid connaissent des destins opposés. L'un est chroniqueur, attaché à son souverain, et ne bouge guère de son monastère, sauf quand le service le réclame. L'autre parcourt le monde à la poursuite d'une chimère. N'y aurait-il pas là quelque réminiscence de Narcisse et Goldmund d'Hermann Hesse?

Comme souvent c'est la perte qui cause les larmes: destructions et pillages, perte des yeux, perte d'un petit être aimé, perte de l'homme qui s'en va errer.

Mais en même de grandes choses sont en gestation. La plus importante est la naissance de la langue française dans le Serment de Strasbourg et la Cantilène de sainte Eulalie.

Les grandes choses ont un début modeste et sont enfantées dans la douleur.
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Tous les matins du monde

Ce petit roman est très intense, avec une écriture pleine de poésie, de musique.

Mr de Sainte Colombe nous fait vibrer par cet instrument de musique qu'est la viole de Gambe, car seule l'émotion que suscite une composition ou bien une interprétation est digne d'intérêt.

Beaucoup d'intensité aussi dans les relations humaines, une grande œuvre de la littérature, un hymne à la musique.

à découvrir
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Dernier royaume, tome 7 : Les désarçonnés

Un livre inclassable . Autant fable , qu'essai ou bien encore nouvelle , cet opus est tout simplement incroyable . Un trésor de réflexion à chaque page , une plongée dans la vision , la perception de ce que doit étre la littérature pour Quignard qui livre ici un opus certes complexe , mais qui est tellement fort que l'on ne peut que dire Bravo l'artiste pour une telle leçon d'intelligence . Un pur bijou tout simplement .
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Terrasse à Rome

« Meaume, le graveur, citoyen de la ville de Rome, apprit à dessiner chez Follin. Il apprit les rudiments du métier de cartier et les ombres auprès de Rhuys le Réformé à Toulouse. Il apprit la taille-douce et la technique de l’eau-forte chez Johann Heemkers à Bruges. Il apprit à graver les paysages de la nature après son arrivée à Rome dans l’atelier de Claude Gellée. »





Le reste de Terrasse à Rome est à l’image de ce court passage. L’écriture sèche et l’énumération des évènements marquants de la vie de Meaume, graveur français du XVIIe siècle, donnent l’impression de lire une histoire de l’art. Mais parce que l’auteur du livre est Pascal Quignard, et parce que certains passages s’introduisent dans la vie privée du personnage et de ses relations au-delà de ce qu’un simple biographe pourrait rapporter, on devine que Terrasse à Rome n’est pas seulement une histoire de l’art.





Tout de même, Pascal Quignard réussit à nous faire douter. Non seulement la description des faits artistiques du personnage se fait avec une précision rigoureuse, mais une grande majorité des pages de ce court roman s’immiscent dans les œuvres de Meaume le graveur comme si elles étaient réelles. Personnages, paysages, situations, lumières, couleurs et techniques employées subissent une analyse minutieuse qui nous ferait presque croire qu’elles existent vraiment. Mais non. On aura beau chercher, ces œuvres existent seulement dans l’imagination de Pascal Quignard. Elles sont le moyen d’expression d’un homme touché par de multiples crises existentielles au cours de son existence. En accéléré, nous suivons donc le rapport concomitant liant l’évolution de l’artiste et de son art.





La recherche est ascétique. Le regard est synthétique. Pascal Quignard élimine de la narration tout ce qui ne se rapporte ni à Meaume le graveur, ni à son art. Ce qui reste, il le rapporte froidement. Les émotions se balbutient en quelques phrases énigmatiques. Les sensations se condensent dans des atmosphères lourdes et pesantes, figées à la manière de l’expression artistique d’un siècle qui ne connaît pas encore la furie ni le déferlement d’informations des siècles qui suivront.





« Le ciel pyrénéen a déjà envahi, non pas le ciel qui était toujours aussi bleu au-dessus des crêtes, mais la vallée. Le hameau la route, le pont, toutes les fermes et les étables sont sur cette gravure à la manière noire presque absorbée dans la ténèbre. Car l’ombre de la montagne projette une véritable ténèbre qui paraît presque cramoisie à force d’être noire. Sauf un bout de route qui grimpe sur le flanc du pic d’en face. Un bout de route rose qui échappe à la couleur noire. »





Exceptés ces quelques beaux passages, Terrasse à Rome est un roman austère au sein duquel il est difficile de s’immiscer. Peut-être ne peut-il révéler sa saveur qu’aux lecteurs qui, semblables à Meaume, forgent l’acuité de leur regard à certaines prédispositions de leur caractère :





« Je pense que toute ma vie j’ai été jaloux. La jalousie précède l’imagination. La jalousie, c’est la vision plus forte que la vue. »





Mais si l’on manque d’imagination, et si la vision n’est pas plus forte que la vue, Terrasse à Rome ne restera qu’un objet littéraire inaccessible, que Pascal Quignard ne cherche absolument pas à rendre affable…
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Dernier royaume, tome 7 : Les désarçonnés

En cent deux chapitres courant sur plus de trois cents pages, Pascal Quignard se fait conteur, plutôt que professeur, pour nous offrir mille anecdotes historiques, mythologiques ou bibliques, le plus souvent écrites à la façon de brèves fables dans lesquelles reviennent parfois certains personnages tels Lancelot et Abélard. De temps à autre, dans cette anthologie de chutes de cheval, apparaissent de brefs éléments autobiographiques ou quelques notations contemporaines faisant écho au plus lointain passé. Nourrie de philosophie, l’analyse morale de Pascal Quignard ne ménage guère l’espèce humaine : haine, cruauté, vengeance, cupidité, lâcheté, etc. Le lecteur est proprement subjugué par ce trésor de connaissances ; chaque paragraphe lui apporte son enseignement. Et c’est encore en conteur que l’auteur traite de l’histoire des mots ou de leurs étymologies. Arrivant à la fin du livre, le lecteur se trouve un tantinet estourbi par un tel étalage de connaissances. Trop d’érudition nuirait-elle à l’érudition ?
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Georges de La Tour

Pascal Quignard, en véritable passeur, nous transporte dans sa barque silencieuse du royaume des vivants vers le royaume des morts ; de la lumière vacillante d’une chandelle vers les ténèbres insondables qui dévorent le cadre des peintures de Georges de La Latour.



A la façon du Caravage, La Tour fait tomber les auréoles. «Les dieux sont sans nimbes, les anges sont sans ailes, les fantômes sans ombre.» L’ordinaire devient sacré. «toute femme devient Marie». «A la fois elles font du Mystère la chose la plus domestique et elles rendent subitement solennelles les molécules de la condition humaine : naissance, séparation, sexualité, abandon, silence, angoisse, mort.»



Le regard sensible de Pascal Quignard pointe certains détails des oeuvres qui nous incitent à nous interroger avec lui.

«Dans le Songe de Saint Joseph» Pascal Quignard observe que «la main (de l’enfant) tendue ne touche pas encore le poignet du vieillard. Cette main, curieusement, ne porte pas d’ombre sur la poitrine du dormeur. Les fantômes sont reconnaissables à l’impuissance où sont leurs corps disparus de porter une ombre sur les choses.»

C'est magnifiquement dit et bien observé mais je m’interroge. Et si cette absence d’ombre avait pour but de concentrer notre regard sur une autre ombre ; celle des ciseaux projetée sur la table ; le ciseau de la Parque Atropos qui coupait le fil de la vie.

Un autre détail m’intrigue. La main gauche de l’enfant suspendue dans l’air, paume tournée vers le haut, doigts fléchis. On a l’impression que cette main est en attente de recevoir quelque chose. Serait-il alors possible de penser, si on prend en compte toute la composition, de voir les bras de l’enfant comme un mouvement de balancier arrêté ; une main en plateau ; suspendue dans l’air, en attente, pour la pesée de l’âme.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Georges_de_La_Tour_022.jpg



Des fils, des vies, Pascal Quignard en entrecroise plusieurs. Des bords obscurs des peintures de Georges de La Tour, il fait surgir le chant des Leçons de Ténèbres de Couperin, la parole de Jacques Esprit, celle de Saint Jean De La Croix, la guerre de 30 ans, la peste, les incendies, les tableaux brûlés ; la vie d’ «un homme aussi violent que fier. Sans charité» qui produisit entre quatre cents et cinq cents toiles dont il ne reste que vingt-trois originaux, trois gravures et deux lettres.

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Tous les matins du monde

"Tous les matins du monde" est un roman de l'écrivain français Pascal Quignard, publié en 1991.

Nous sommes au 17ème siècle. Monsieur de Sainte Colombe ne se remet pas de la mort de son épouse qui l'a laissé seul avec leurs deux filles. L'homme passe ses journées dans sa cabane et y joue de la viole des heures durant, refusant à maintes reprises de se rendre à la cour pour y divertir le roi.

Un jour, un jeune homme du nom de Marin Marais vient à frapper à sa porte et l'enjoint d'accepter de le prendre comme élève. Or les deux hommes nourrissent des conceptions bien différentes de ce que doit être la musique.



Voici un court roman qui traite avant de tout de la musique et de l'importance qu'elle revête pour les différents personnages. Monsieur de Sainte Colombe lui a dédié sa vie. C'est un homme taciturne entièrement tourné vers son art et pour le moins asocial. Nostalgique d'un passé qui n'est plus, il passe des journées entières à jouer de la viole ou à parler au fantôme de sa femme dont la mort l'a laissé inconsolable.



Marin Marais cherche dans la musique la fortune et la gloire à la cour de Versailles. Rapidement éconduit par l'homme qu'il aurait tant souhaité avoir pour maître, il trouve refuge dans les bras de sa fille, Madeleine de Sainte Colombe, qui semble détecter en lui un talent qu'elle est prête à révéler à l'aide des enseignements dispensés par son père. Madeleine et Marin passeront des heures à guetter le maître dans sa cabane, à l'affût de sonorités que Marin reproduira par la suite en son nom. Mais le jeune homme se lasse rapidement de Madeleine qui ne souffrira jamais son départ.

Il ne souhaite qu'une seule chose : les partitions du génial Sainte Colombe. Malheureusement pour lui, le vieux musicien ne conserve aucune trace de son art. Il ne restera plus à Marais que ses oreilles pour pleurer (oui oui c'est possible!)



N'ayant à mon compte aucune sensibilité musicale particulière, je pensais néanmoins pouvoir distinguer dans l'agencement des mots une quelconque mélodie... J'y ai vu des notes ça oui mais aucun enchaînement, aucune musicalité. Des phrases hâchées. Une histoire précipitée par plusieurs sauts chronologiques. Même pas le temps de tendre l'oreille que j'avais déjà tourné la dernière page, incapable de dégager une seule émotion de cette lecture. Sans compter que les personnages, tous en souffrance, m'ont davantage invitée à broyer du noir qu'à m'épancher sur leur sort.

Je me suis donc jetée sur le film, curieuse de savoir si il parviendrait à me rendre l'ouïe.
Lien : http://contesdefaits.blogspo..
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Les heures heureuses

Du grand Pascal Quignard avec ce douzième tome du Dernier Royaume. Ici encore, il couche en vrac et dans de très nombreux chapitres courts ses pensées, ses réflexions, des fragments de récits autour de la thématique de la nature. Mais on y retrouve aussi bon nombre de digressions sur le bonheur, son amitié E. Bernheim, sa passion pour l'Histoire. C'est un texte dense et intéressant. Ce texte est un ovni : inclassable et unique.

Cependant, en dépit de quelques grands moments d'écriture et de pensées, Les Heures Heureuses demeure très pompeux. Il n'y a pas de fluidité dans la lecture. On a bien du mal à suivre tous les sauts de puces que l'esprit de l'auteur nous offre. Difficile de se laisser porter par ce texte tant les changements de rythmes, de styles sont fréquents.

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L'amour la mer

Un livre qui est presque contenu dans son titre. Deux mots simples mais qui a eux seuls peuvent contenir toute une vie. C’est aussi l’histoire de musiciens dévoués à leur art dans une Europe du XVIIème siècle âpre et sanguinaire. La foi en leur musique les sauve de la violence. Leur musique nous est donnée sans excès de technicité et nul besoin d’en être pour en saisir toute la puissance car elle habite ce livre, et c’est là tout le talent de Pascal Quignard. Son écriture romanesque est tout en poésie et, au fil des pages, le lecteur voit naître devant lui comme une histoire du sentiment. Un florilège de personnages se croisent, se perdent, se retrouvent. L’absolu du sentiment amoureux se frotte à l’absolu de l’engagement artistique. Et la mer comme une image récurrente du destin humain, vivifiante, sonore, maudite et sans cesse renouvelée.
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Tous les matins du monde

Très bien écrit, ce roman est très bon d'un point de vue littéraire. Il traite avec minutie de toutes les émotions liées à la musique, si chère à l'auteur. Heureusement, ce livre est court car le style dépouillé peut faire paraître le temps long...
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Le sexe et l'effroi

L'esthète dans toute sa splendeur ! Quand Quignard vous pond -c'est Pâques, pardon, mais je n'avais pas d'autre verbe en bouche, oeufs en chocolat obligent, mais avec délice, vous l'aurez compris- quand il vous pond, dis-je, un ouvrage sur le sexe dans l'iconographie et les textes antiques (grecs et romains s'il vous plaît), ça donne un feu d'artifice de références les plus passionnantes qui soient. Choisir l'édition de luxe, accompagnée des images, parce que celle en poche vous prive de l'essentiel ! Il m'épate toujours un peu plus avec le temps, Quignard. Si profondément nourri d'histoire, si familier des textes sources qu'il vous donnerait envie d'y plonger vous-même! Le fascinus : that is the question ! C'est plus joli que"pénis", vous en conviendrez, même si ce dernier résonne lui aussi très latin! N'empêche que si notre société a toujours tourné autour de cette même chose-là, c'est bien à cause des romains! On tourne autour, on regarde en biais, jamais bien en face... Tiens ça me rappelle ce visiteur d'Orsay croisé il y a quelques années devant L'origine du Monde, dont les yeux ont été renvoyés comme un ressort à l'extérieur du tableau, comme si ça lui avait brûlé la pupille! Il était un spectacle à lui tout seul à vouloir regarder sans regarder! Incroyable tout de même que cette chose qui nous engendre, le sexe, soit ainsi voilée, périphrasée, métaphorisée ! Les grecs, eux, n'y allaient pas par quatre chemins! Et on a mis la pruderie occidentale sur le dos de la religion, pas du tout ! Quignard l'explique parfaitement, et c'est si incroyable de richesses à la fois littéraires, linguistiques et iconographiques qu'il faut prévoir un peu de temps pour le lire, lentement, doctement, histoire de faire honneur à tout ce travail et à cet écrivain vraiment épatant.
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Tous les matins du monde

[soupir]

Difficile de dire quelque chose sur ce livre que je viens tout juste de refermer. Comme je m’y attendais, ce texte me laisse sans voix. Les romans de Quignard ont ce don, c’est pour cela d’ailleurs que je me les autorise avec parcimonie, j’attends un délai raisonnable avant d’en choisir un autre : pour qu’il m’en reste…

Tous les matins du monde donc. Une merveille. Un texte superbe, tout en retenue, qu’on lit avec émotion et respect, une histoire toute simple mais vibrante comme les cordes d’une viole. Parfaite lecture pour ce jour pluvieux. Au fil des pages la musique vous enveloppe et la mélancolie vient avec, mais sans tristesse, avec douceur…

A la fin du livre, on a juste envie de recommencer et de se faufiler encore une fois sous la cabane sur le mûrier pour écouter la musique de Monsieur de Sainte Colombe. Une parenthèse hors du temps.
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