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Critiques de Paul B. Preciado (37)
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Testo Junkie : Sexe, drogue et biopolitique

Avec Paul B. Preciado, c’est soit tout, soit pas grand chose.



Les passages quasi-encyclopédiques étaient agréables à lire : on en apprend beaucoup sur toutes sortes de thématiques et ces nombreux fun facts sont contés avec habileté et maîtrise.



Néanmoins, l’accumulation de belles formules, de mots inutilement complexifiés et d’images assez capilotractées ne rendent pas l'œuvre plus intéressante. Au lieu de se focaliser sur des constats déjà généralisants et approximatifs qui ne manqueraient pas à être plus étayés, plus scientifiquement fondés et généralement mieux démontrés, Preciado s’obstine à répéter sans cesse les mêmes choses. Les 150 dernières pages m’ont tellement fait souffler... J’avais l’impression de devenir sénile à force de lire en boucle les mêmes “preuves” du caractère pharmacopornographique de l’ère globalisée dans laquelle nous nous trouvons et j'ai mis beaucoup de temps à finir ces derniers chapitres.



Et puis de nombreuses conclusions sortent un peu de son chapeau. Dans certains passages, il s’applique tellement à sourcer et expliquer par les productions scientifiques d’universitaires tout ce qu’il raconte, qu’on ne peut qu’être déstabilisé par ce contraste gênant et excessif.



Il y a de nombreuses références passionnantes dans ce texte, une bonne introduction à pas mal de concepts philosophiques et penseur·se·s. À nouveau, c’est très regrettable qu’il n’y ait pas plus d’ancrage sociologique, mais ce n’est pas ce que la plupart du lectorat-cible de Preciado recherche, je pense. Ce défaut rend l’œuvre moins appréciable à mes yeux car la position d'écriture de départ qui était celle d’un carnet sur sa prise de testo et ses réflexions personnelles autour, évolue très rapidement en manifeste de philosophie politique un peu grossier dans ses démonstrations et perd tout intérêt dès qu’il narre ses aventures passionnelles avec Despentes. Alors, il sombre dans des élucubrations inutilement compliquées mais qui prennent le soin d’éviter toutes explications/prescriptions de stratégies politiques concrètes (autre que la subversion des normes de genre à échelle individuelle ou micro-militante). Mais bon, je suppose que c'est comme ça, il faut savoir être moins carré et plus flexible, notamment lorsque l'on lit des personnes aussi brillantes (mais un peu perchées quand même).



Pour les scènes de sexe avec Virginie Despentes : bon, en tant que lecteurices, on porte clairement la chandelle. Au début, c’est “intéressant” de découvrir leur dynamique artistes-amants-penseurs féministes ; ensuite, ça devient redondant et un peu cringe sur les bords, surtout dans la manière qu’il a parfois de parler de “V. D.” presque comme un gros mascu (que leur roleplay peut expliquer partiellement mais pas du tout intégralement).



Je suis beaucoup restée sur ma faim. De nombreux passages ne demandaient qu’à être plus détaillés, mais c’est là que l’on voit les limites de ce travail : l’auteur ne parvient pas à donner réponse (rigoureusement) à toutes les questions qu’il ambitionnait d’explorer.



Quoi qu'il en soit, cette lecture m'a permis de visualiser en quoi les apports de la pensée postmoderniste sont tout de même importants et m'a fait noter des dizaines et dizaines de références biblio qui ont l'air incroyables. Petit conseil : il vaut mieux débuter cette lecture en ayant une connaissance (même superficielle) des travaux de Foucault, de Deleuze & Guattari.



Impression finale : Preciado arrive à de nombreuses reprises à être un grand pédagogue et je lirai certainement ses autres livres !

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Dysphoria Mundi

Ce livre est une très grande de réussite. Il explore le concept de dysphorie, qui s'entrechoque à bon nombre de marginalité, au-delà du genre. La dypshorie comme symptôme sous un régime de domination violente. C'est tout à la fois puissant, doux, inventif et intelligent. Preciado m'embarque encore une fois, et chaque page me fait dire un "mais oui c'est ça !" enthousiaste. En plus, c'est un essai hybride, c'est vraiment de la recherche-création, un bel exemple pour les futur.e.s chercheur.euses qui s'essayent à la discipline. Avec ce livre, la recherche fait un sublime pas de côté audacieux, le pas de côté des marges qui explosent le carcan académique. Un gros pavé très nécessaire (en passe de devenir un essentiel à toute bonne bibliothèque de gaucho)
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Dysphoria Mundi

Au début de Dysphoria Mundi, Preciado nous rappelle combien nous sommes cernés par une épistémologie binaire. La dysphorie de genre par lequel on le catégorise n’est rien d’autre que la marque du refus d’un programme politique binaire auquel nous sommes sommés de consentir. Sa dysphorie de genre n’est pas une maladie mentale, mais une inadéquation politique et esthétique. C’est une résistance à ne pas être subalternisés, objectivés. La dysphorie c’est à la fois la pathologie que le monde désigne comme telle, mais qu’il produit par son emprise. Les déviants ne sont plus hystériques ou schizophrènes, à l’ère du “néolibéralisme cybernétique et pharmacopornographique”, ils sont dysphoriques. La dysphorie désormais recouvre tous les troubles, c’est un concept “élastique et mutant qui imprègne toutes les autres symptomatologies”. La dysphorie désigne tous ceux qui ne s’adaptent pas aux changements du monde. Pour Preciado, cette inadéquation, cette dissidence, cette désidentification est une force. Si “notre condition de précarité et d’expropriation, d’emprisonnement et d’exil, d’assujettissement et d’impuissance s’est généralisée, nous ne sommes pas de simples témoins du changement du monde”. “Nous sommes les corps à travers lesquels la mutation arrive et s’installe”. Le capitalisme et ses fictions (nations, identité… autant de fantasmes symboliques qui cherchent à créer des cohésions sociales) sont un irréalisme dans lequel de plus en plus de monde ne se retrouve plus (alors qu’ils sont plus affirmés par quelques-uns que jamais !).



Confronté au mode d’organisation “pétro-sexo-racial” du monde, nous sommes classés en catégories binaires, comme les profils du monde numérique nous classent eux-mêmes en catégories binaires. Pour nous extraire de l’épistémologie simpliste que le monde nous assigne, qui nous cerne et nous pousse à la dépression de masse qu’engendrent le temps des plateformes, il faut sortir du cadre en masse. S’opposer, déserter, faire exode… faire le pas de côté nécessaire pour regarder le monde autrement. Mais là où Preciado peut le faire jusque dans son corps et par son corps, nous autres, assignés aux écrans, nous sommes comme dépossédés de cet outil de lutte. Il nous faut nous en trouver un autre. Et c’est peut-être ce qui explique notre errance dans le désespoir des réseaux. Nous n'y avons plus de corps pour lutter !
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Pornotopie

Les questions de genre, de sexualité, de pornographie et des technologies associées animent les débats actuels et bouleversent notre société post-contemporaine.

Se replonger dans un essai d’une quinzaine d’années environ en arrière, cela présente-t-il un quelconque intérêt pour décoder ces questions ? C’est la question que je me suis posée en lisant "Pornotopie" Son auteur, Paul B. Preciado, chercheur, commissaire d’exposition et écrivain, proche des mouvements féministe, queer, transgenre…en a théorisé différents aspects. Et a questionné les nouvelles technologies, leur impact concret sur ces sujets.

Son ouvrage (sorti en 2010) aborde en effet ces questions et explore les transformations technologiques politiques et sociales, et ce depuis les années soixante. Il analyse comment la pornographie et la technologie ont remodelé la compréhension du genre, de la sexualité et du corps.

Quelles technologies ? En particulier l’Internet, qui a permis une diffusion généralisée, sans précédent à la pornographie, remodelant complètement le rapport au corps et nos propres perceptions de la sexualité, et celle des autres.

Il remet en question les normes établies ; des analyses et des exemples concrets illustrent son propos clair et d’accès facile/

Si un certain radicalisme peut véritablement surprendre, voire choquer dans cet essai provocateur, ma conclusion est que cet essai reste intéressant, pour qui s’intéresse au sujet et réfléchit à ces questions.

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Un appartement sur Uranus

De sublimes chroniques sociales, politiques, culturelles, humaines, transidentitaires.

Il fait parti des livres les plus fédérateurs que j'ai pu lire. Paul B Preciado nous réunit, nous questionne, nous donne envie de nous tenir debout, de réapprendre à s'aimer soi-même et à aimer les autres. À aimer le monde qui nous entoure, chats, bigorneaux, libellules, terre, forêt, mer.

Il est important de l'avoir entre les mains une fois dans sa vie.
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Un appartement sur Uranus

Ce livre est un recueil d'articles écrits par Paul B. Preciado pour 'Libération'. Cela fait que nous pouvons étaler sa lecture sur une durée assez longue (comme j'ai fait) sans perdre le fil de son discours.

Je l'ai noté 3.5 étoiles car si j'ai aimé certains articles, il y en a d'autres que je n'ai pas apprécié, ou qui simplement ne m'intéressaient pas. Preciado parle de sujets très différents, de la philosophie à la politique aux faits divers; son point de vue est toujours intéressant et subversif, il dous donne de quoi réfléchir. J'ai particulièrement apprécié les articles plus "personnels", quand il raconte son expérience de transition et tout ce qu'il a entraîné. J'ai adoré son dernier article, "Fils", et sa "Lettre d'un homme trans à l'ancien régime sexuel".

Cependant, si les sujets sont toujours fascinants, parfois ils sont expliqués de façon pas très accessible pour des personnes (comme moi) qui ne maîtrisent pas (ou peu) le vocabulaire philosophique. J'aurais aimé qu'il essaie de simplifier certains raisonnements, qu'il parle à un public plus vaste, car il vaut la peine d'écouter ce qu'il a à nous dire.
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Un appartement sur Uranus

Paul B. Preciado est une figure gargantuesque à bien des égards. Philosophe, essayiste et écrivain espagnol, français et anglais - avec une grande expertise dans les domaines de la politique sexuelle et de l'identité.

Un appartement sur Uranus est une collection d'essais chronologiques qui commence en mars 2013 à Paris, l'un des trois grands amours géographiques de Paul, et se termine en janvier 2018 à Arles (autour du tableau de Van Gogh Terrasse de café la nuit).

Mélangeant des observations personnelles - à la fois intérieures et extérieures - avec des réflexions sur les frontières, les lois, la pornographie, le sexe, le patriarcat, le capitalisme, le marxisme et les questions entourant les droits des trans et la vie des personnes trans, Un appartement sur Uranus est énorme en termes de terrain qui qu'il couvre et les concepts qu'il aborde.

Nous voyageons avec Paul de Paris à Athènes à Kiev à New York, Londres, San Francisco, Barcelone dans un livre, plus audacieux que ce nous lisons habituellement....


Lien : http://holophernes.over-blog..
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Dysphoria Mundi

Dans «Dysphoria Mundi», face à l’état du monde, le philosophe espagnol en appelle à une mutation globale de l’humanité.
Lien : https://www.ledevoir.com/lir..
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Dysphoria Mundi

Dysphorie (Wikimedia) :

(Psychiatrie) Perturbation de l’humeur caractérisée par l’irritabilité et un sentiment déplaisant de tristesse, d’anxiété.

(Médecine) Sentiment désagréable de tristesse, d'inadéquation, de déception.

(Sociologie) État de malaise social.

(Spécialement) Dysphorie de genre : détresse cliniquement significative ou altération fonctionnelle associée à une incongruence entre le sexe expérimenté/exprimé et le sexe attribué à la naissance.



C'est à partir de ces diverses définitions que l'on peut comprendre en quoi Paul B. Preciado, philosophe qui a lui-même sauté le cap de la transition, particulièrement touché par une forme violente du COVID dès mars 2020, alors qu'il se trouvait à Paris, a choisi de nommer son ouvrage Dysphoria Mundi.



En effet, selon lui, notre monde est en complète dysphorie, depuis de nombreuses années, en raison d'une domination capitaliste, masculine et blanche, dysphorie totalement exacerbée par la pandémie qui n'a fait qu'exacerber encore les inégalités, sociales, raciales, médicales... et le réchauffement climatique, malgré une brève accalmie permise, à ce sujet, par les confinements. Mais, toujours selon lui, il est encore possible, et certains signes le prouvent, comme les divers mouvements qui ont pu voir le jour, dès avant, mais plus encore pendant la pandémie - Black Lives Matter, les nombreuses révoltes contre les féminicides un peu partout dans le monde...-, de contrer cette dysphorie par une révolution qui parviendrait à rendre nos sociétés plus justes, plus égalitaires, non plus dominées par ce qu'il nomme le monde pétro-sexo-racial (renvoyant au capitalisme, au patriarcat, à l'hégémonie blanche).



Dysphorie qu'il a lui-même connue, de diverses manières, mais qu'il a justement dépassée ; dysphorie remarquable dans la forme même de son récit qui mêle journal relatant sa situation pendant le premier confinement, alors qu'il était lui-même malade depuis plusieurs semaines, réflexions philosophiques, sociologiques, biologiques... sur notre monde ultra-capitaliste qui s'effondre, le tout étant parfois perturbant quant à cette forme disparate, mais aussi quant à la richesse du contenu et des références.



Même si je ne suis pas toujours d'accord avec ce qu'il dénonce ou propose, je trouve que Paul B Preciado mène ici de très intéressantes pistes de réflexion pour les générations, actuelles comme futures, pour mener à un monde tout simplement plus juste et plus humain.



Je remercie les éditions Grasset et NetGalley de m'en avoir permis la découverte.
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Dysphoria Mundi

Dans un nouvel essai labyrinthique écrit en temps de pandémie, le philosophe entremêle théorie et autobiographie pour penser la révolution qui vient. Politique et poétique, un manifeste très beau mais parfois un peu confus pour désirer mieux et plus librement.
Lien : https://www.lesinrocks.com/l..
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Dysphoria Mundi

Le philosophe Paul B. Preciado évoque dans son dernier ouvrage les nouvelles façons d’appréhender nos sociétés, portées notamment par les personnes trans. Selon lui, c’est un bouleversement total qui est en germe, au-delà de l’individualité.
Lien : https://www.lemonde.fr/idees..
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Dysphoria Mundi

TRANSFIGURATION D'UN MONDE INSOUTENABLE



Nature, culture. Vivant, mort. Mâle, femelle. Science, croyance. Organique, mécanique. Présentiel, distanciel. Concret, conceptuel. Hôte, intrus. Analogique, numérique. Créateur, destructeur. Bien, mal. Sain, toxique. Blanc, noir. “Reality is out of joint”… Paul .Preciado, c'est un monstre qui vous parle depuis son appartement sur Uranus, c'est un alchimiste qui a réalisé l'oeuvre au rouge dans le creuset de son propre corps. Et ce livre est bien une pierre philosophale qui transforme le plomb du Covid en Or-texte viral et libérateur, qui transmute ce "monde d'après" raté en jalon de paradigme d'un autre futur possible, bâtissant sur les ruines d'un "monde d'avant" dés-idéalisé. Et il fallait bien que l'affaire de la pandémie se tasse pour pouvoir constater ce qui avait malgré tout changé dans ce monde d'après.

Le sujet de ce livre c'est ce que le virus a fait de nous et de ce qu'on appelle le "réel" mais pas seulement. Il y est surtout question de la révolution ascendante en cours qui se heurte au retour des bûchers du vieux monde. Il nous rappelle les batailles gagnées et celles à venir, celles qu'on pourrait perdre si l'on ne se dresse pas.

Vous l'aurez compris, on est ici dans la veine qui a bifurqué, dans ce monde en reconstruction/redéfinition constante mais désirable, celui du "tournant ontologique” chère à Philippe Descola ou Bruno Latour. L'ordre du jour est d'embrasser toutes les luttes comme une seule tout en gardant à l'esprit qu'on n'unifiera rien, qu'il n'est pas question d'"universel" mais d'alliances situées et de circonstance, de renégociations infinies.

Le travail de ce philosophe n'est pas désincarné, il ne se prétend ni d'un "universel" tout terrain ni d'une "vérité" plus légitime qu'une autre. Dans la lignée de l'épistémologie féministe, c'est un "savoir situé", Paul B. écrit d'où il est; la marge de la non binarité sexuelle et de genre. Mais ce n'est pas un livre sur la transidentité. Il n'est pas manichéen, il n'y a pas le mal contre le bien, pas de resucée moralisante, il y est question d'émancipations et d'ordre autoritaires, de forces libres et créatrices face à un imaginaire réchauffé et belliqueux. D'un vieux monde qui se ment sur ses propres mutations mais qui, dans un ultime râle, tente de tout (re)mettre au pas de sa marche militaire. Tel un Zarathoustra, qui décrétant la mort de Dieu met à bas tous les dogmes moraux sans les remplacer mais au contraire en appelant tout un chacun à exprimer les volontés de justice de son coeur, Paul B nous invite à changer d'angle de vue et à résister. Comme il y aborde quasi tous les sujets, il n'est pas non plus possible de synthétiser son propos. Sur la forme le même problème se pose tant il s'est tout permis. Je m'attarderai donc principalement à tenter de développer les motifs récurrents de l'oeuvre.





Dysphoria Mundi





Paul B. Preciado a dû confirmer le diagnostic de "dysphorie de genre" pour pouvoir suivre le processus de "changement de sexe", avant de se perdre/trouver en chemin et de choisir que la destination (être un "homme") n'était pas la fin en soit de sa mutation. Il nous propose d'élargir ce diagnostic de "dysphorie" au monde qui nous entoure, non pas comme une pathologie qui nous toucherait mais comme un outil utile à ce virage ontologique. Car ce monde qu'on nous vend est définitivement insoutenable et ce n'est pas nous qui sommes malades mais la "réalité" comme matière unifiée par le capitalisme pétro-sexo-racial (il ne faut être allergique aux termes valises à rallonge). "Dysphoria mundi" est le mantra central de ce livre, car où que se pose tes yeux, il y est. Un monde étouffé de béton, de bitume, d'écrans, de publicités, de brumes toxiques, d'êtres vivants définis par le marketing et les totems libéraux occidentaux, d'objets au coût externalisé dans une misère lointaine et invisibilisée, d'individus enfermés dans leurs prothèses cybernétiques se pensant libres dans le monologue avec la machine, se pensant uniques comme copies conformes, un monde qu'on ne peut penser qu'avec des concepts calibrés pour garder l'ordre en place, où tout est sclérosés/absolutisés comme d'un cotés ou de l'autre de frontières mentales prédéfinies mais artificiel. Car il n'y a pas de fatalité, et ces mots nous pouvons nous les réapproprier et transformer la matière même du réel. Défaire les binarités, les valeurs et les hiérarchies d'un régime de pouvoir en bout de course et autodestructeur. Bref, hacker la pensée pour buguer le logiciel néo-réactionnaire et capitaliste. L'auteur ne se gène d'ailleurs pas pour manipuler la langue, pour s'essayer à créer des pleines brouette de mots, de concepts (parfois même sous la forme de liste de variations sur un même motif). Puisqu'”au commencement était le Verbe” dans la digne continuité des penseurs du constructivisme social (comme Donna Haraway avec son "matériel-sémiotique" et sa “nature-culture”) et W. Burroughs qui envisageait les mots comme des virus modifiant leurs hôtes machine-humaines. Il est temps de faire du Verbe vivant qui bouleverse les humains et retisse la trame du réel.





Wuhan est partout





Reprenant le "Hiroshima est partout" de Günther Anders, Preciado propose "Wuhan est partout" et c'est presque plus explicitement vrai que pour la bombe, tant le virus a modifié la face et les habitudes de la planète de façon quasi-simultané et uniforme. L'affirmation est fondamentale, ce qu'il s'est passé au printemps 2020 est sans précédent et irréversible pour l'humanité. le confinement général de l'humanité a marqué les esprits, a tout changé à sa façon. Changement de la perception qu'on avait d'une "nature" qui après avoir été ressource généreuse et passive s'est mutée en un dieu invisible, vengeur et actif. Une nature qui aura brièvement réinvesti nos rues en nôtre absence, peut être l'image la plus porteuse d'espoir de la décennie. Changement de perception sur nos corps, finalement plus vulnérables et mortels qu'on n'arrivait à le concevoir. Mais surtout, vulnérabilité des corps de ce nord économique blanc et âgé. La pandémie aura mis à jour la dépendance économique de nos superpuissances mondiales et comme une malédiction qui remonte la chaîne alimentaire capitaliste sera venu jusque dans le lit de nos vieux riches qui se pensaient inatteignable dans leur puissance. Wuhan est partout à plus d'un titre car en réduisant nos interactions à n'être plus que virtuelle, c'est aussi nos appareils, produits dans les quartier-usines de Wuhan pour la plupart, qui sont devenus indispensables.





Narrator is out of joint





Preciado reprend les mots d'Hamlet après l'apparition du spectre de son père, “time is out of joint”, le temps est détraqué. La plupart des chapitres du livre en sont une variation “XXX is out of joint”. Pour beaucoup de cas le Covid est le catalyseur mettant en exergue ce qui clochait déjà avant de façon plus diffuse. L'auteur aura souffert du virus très tôt dans la pandémie, période qu'il relate à la manière d'un journal intime. le monde qui déraille dehors, à travers les écrans, en une dystopie surréaliste inconcevable quelques jours plus tôt. le confinement mettant à distance le monde, mettant à bas les masque de ce qui n'a jamais vraiment tourné rond, de ce qui roulait sur des rail qui n'avait aucune raison d'être ainsi, de nous mener à ce nul part là.





Nôtre-Dame de la pédocriminalité institutionnelle, priez pour nous





Autre motif textuel repris en multiple variations; l'oraison funèbre.

2020 a commencé avec la cathédrale Nôtre-Dame en flamme à Paris et c'est tout un symbole, préfigurant pour certain la catastrophe à venir, pour d'autres les effets des crimes de l'église. La cathédrale qui brûle c'est certainement pour Paul avant tout le symbole de l'effondrement d'un astronef qui emmena le peuple médiéval à la rencontre de son créateur, l'appareil de propagande d'une autre époque, aujourd'hui révolue, à l'heure du rapport de la CIASE. Ces oraisons sont adressées à de multiples plaies qui nous accablent, les entreprises du technococcon (GAFAM), le gavage aux antidépresseurs, anxiolytiques et consorts comme seule réponse au mal-être, la réponse nécrobiopolitique à toute problématique de santé de la main d'oeuvre occidentale (Bigpharma), etc.... Au passage il relate un événement, que j'avoue n'avoir pas vu passé non plus, la dernière révision en date de la déclaration de Genève en Octobre 2020 qui aura vue un tas de dirigeant du monde se mettre d'accord pour rouvrir la liberté des états à légiférer sur l'avortement et replacer la famille hétéro-patriarcale comme seul et unique modèle de reproduction (excluant l'homoparentalité et la plupart des dispositifs de naissances assistés). Les dirigeants de ces États n'ont pour certains rien en commun, des petits dictateurs africains, Trump ou Orban. Ils sont indifféremment musulman intégriste ou fondamentaliste chrétien comme le souligne l'auteur. Leur point commun est l'intention de lever le bouclier des repères patriarco-religieux contre les “déviances” du monde contemporain qui menacent la famille, le mariage ou les enfants(sic).



Le livre n'est pas seulement critique, ou théorique, il nous donne des clés pour traverser le feu. Il nous donne une feuille de route pour venir en aide à nos soeurs polonaises dont les droits sont en train de reculer. Preciado dit ne jamais avoir connu de véritable démocratie, le choc du putsch espagnol de 1981 est gravé dans sa mémoire. La fragilité et l'illusion de nos systèmes représentatifs, où chaque progrès social est susceptible d'être écrasé du jour au lendemain. Où l'opinion publique, influencée et infantilisée peut elle-même réclamer le bâton. Où le “there is no alternative” a été rentré au forceps dans nos consciences à la faveur d'une économie de marché omnipotente vorace et débridée. A la manière d'une initiation chamanique, il décrit le voyage orphique où la crise du covid nous aura mené. le résultat en est la conjuration des anciennes limites, la découverte de nos essences niées si longtemps. le livre s'achève sur une lettre ouverte au nouvelles générations de militant.e.s et d'activistes, un texte plein d'espoir nous encourageant à créer des réseaux à innover dans nos pratiques, à considérer les institutions oppressives comme des coquilles vides où la pantomime jouée ne berne plus personne, à considérer nos adversaires politique comme effrayés et jaloux face à l'étrangeté des nouvelles formes de vies qui s'éveillent et s'épanouissent de partout. Créant un nouveau langage et de nouvelles pratiques, c'est le bonheur dans nos luttes, les liens qu'on y tisse qui nous sauveront de la barbarie techno-féodale et la de la destruction de l'équilibre du vivant qui menace.
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Testo Junkie : Sexe, drogue et biopolitique

Testo Junkie est un livre au format très original, un peu foutraque : l'auteur-e (qui, depuis, se fait genrer au masculin mais ce n'tait pas le cas en 2008) raconte sa prise de testostérone hors de tout accompagnement médical, mais aussi des considérations théoriques sur le capitalisme et la pharmacologie, sans oublier de nombreux passages autobiographiques qui font la part belle aux scènes de sexe racontées très directement. On est donc à la fois sur un essai, une autobiographie, un récit porno lesbien.



Au niveau du contenu, prenons les choses une par une. La partie autobiographique est celle qui m'a le plus intéressée. Parce que Preciado y raconte son enfance de gamine, déjà lesbienne, dans une société très patriarcale (on est dans l'Espagne de Franco). Aussi parce qu'elle s'y étend sur sa relation avec Virginie Despentes, qui était sa compagne à l'époque, et il y a un petit coté fascinant à entrer ainsi leur intimité passée. La partie porno est étonnante, mais ça m'a amusé que l'auteure ose écrire ces passages dans un livre de philosophie, discipline en général beaucoup plus prude. Je note une fascination pour le godemiché, déjà présente dans le Manifeste Contra-Sexuel du même auteur-e.



La partie théorique est plus ardue, parce que très confuse. Sa thèse principale est qu'on aurait changé de régime de subjectivation. En mélangeant la biopolitique de Michel Foucault et la construction performative du genre de Judith Butler, Preciado théorise l'idée d'un capitalisme qui fabrique et contrôle les corps via la commercialisation d'hormones synthétiques d'une part, et la pornographie d'autre part. Un contrôle qui n'est pas imposé par un pouvoir extérieur donc, mais produit depuis et par les individus eux mêmes. En résistance à ce régime de pouvoir, elle décrit plusieurs pratiques, notamment du « Gender hacking » comme les ateliers drags qui permettent de se réapproprier la production d'un rôle de genre et de jouer avec lui.



Preciado multiplie les références, sans prendre le temps de définir clairement de quoi elle parle. Elle aime bien également inventer des mots, comme ce régime « phamacopornographique » qu'elle théorise. Ça donne parfois l'impression d'un travail assez superficiel. D'autres fois, elle a des trouvailles intéressantes. J'aime beaucoup par exemple l'utilisation du vocable bio-femmes / techno femmes, qui me parle beaucoup plus et me semble plus pertinent que la formule classique cis / trans. Par contre, sa façon de penser sa transition comme une résistance politique est assez étonnante. Certes elle le fait en dehors d'un accompagnement médical ou psychanalytique, mais elle finira par adopter un genre et un état civil masculin, une apparence assez classique, dans un processus en soi très banal. Je comprends mal en quoi ses pratiques perturbent l'ordre hétérosexuel.



En résumé, voilà un livre qui a été écrit de façon inutilement compliqué car la thèse défendue ne l'est pas tant que ça. C'est peut être volontaire, comme une façon de noyer le poisson.
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Dysphoria Mundi

C'est la première fois que je ne veux pas parler d'un livre. Non pas parce qu'il n'est pas intéressant, mais c'est juste qu'il m'a fatiguée.

Je me fiche de savoir à quel sexe appartient une personne/un individu, je me fiche royalement des iels, de l'écriture inclusive, des féministes actuelles, qui n'ont aucune carrure, grandeur. La vie privée : choisir d'étaler ses choix fait qu'on va forcément se heurter à des difficultés. Si l'auteur n'a pas compris cela, je ne peux rien faire pour lui. Parlez moi d'" Annabel" de Kathleen Winter de "Middlesex" de Jeffrey Eugenides, là, on est dans la réflexion intelligente.

Toutes mes excuses et mes remerciements aux Editions Grasset et merci également à NetGalley de m'avoir permis de me rendre compte que tout le monde ne joue pas dans la même cour.
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Testo Junkie : Sexe, drogue et biopolitique

J'avais découvert l'auteur via l'ouvrage de Victoire Tuaillon, adapté de son podcast Les Couilles sur la table. Je me suis ruée sur les livres, pensant découvrir une pensée originale, pour creuser en particulier les conséquences d'une politique où l'Etat ne se soucierait plus des sexes des personnes.

J'avais déjà lu Un appartement sur Uranus, mais j'avais été déçue de n'y trouver que des chroniques compilées. Je pensais trouver dans Testo junkie un ouvrage plus construit et cohérent. Les chapitres où il déploie sa pensée m'ont paru très confus, avec certaines références obligées (j'aimerais une fois trouver quelqu'un qui cite Zygmunt Bauman et en allant plus loin que la référence au titre). Un passage m'a même écoeurée : quand il accuse les femmes de s'être faites complices du système Etat-pharmacologique etc. en acceptant la pilule comme méthode contraceptive, alors qu'il y aurait eu d'autres méthodes, citant là diverses méthodes comme la vasectomie (ok pourquoi pas) mais aussi l'avortement (qui reste toujours difficile !) voire l'infanticide (!!). C'est nier ce qu'a pu représenter la pilule au moment de son apparition, et surtout ce que pouvait représenter une grossesse non désirée pour toute femme jusque-là. Evidemment, on a depuis pris du recul sur les pilules, mais le manque de contextualisation m'a énervée. Je me suis également dit alors que pour des éléments plus abscons de son livre, il fallait les prendre avec prudence.

J'aurais préféré à la rigueur un essai qui témoigne avec un peu plus de détail des effets de la testostérone sur son corps et son esprit, avec des passages pseudo-philosophiques allégés.
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Je suis un monstre qui vous parle

Changer d'épistémologie, balayer le vieux paradigme, les vieux paradigmes. Une indispensable mutation que la psychanalyse doit faire pour survivre. La révolution est en marche de toute façon, implacable. Paul B. Preciado envoie un message limpide, direct, fort à toute cette communauté bien trop rigide et arc-boutée sur ses idées patriarco-colonialistes, cette différenciation sexuelle qui commence à ne plus sentir qu'un âcre sapin.



Et cette identité, ces identités qu'elle force à déterminer du haut de sa norme masculine-blanche-occidentale...



Paul B. Preciado ne parle pas sans savoir, il a son vécu intime et personnel et a beaucoup lu, étudié, compris pour déconstruire les machineries, donnant à toute son attaque un poids qu'on ne peut plus déconsidérer.



Tout revoir. Tout recréer.



Preciado ne précise pas ce qu'il imagine post-freudisme ou post-lacanisme, mais il invite à oeuvre pour... « nos enfants » qui sont en mutation, et dans un monde en mutation que les épistémologies qui sont encore dominantes ne savent plus ni intégrer, ni assimiler, ni digérer.



Place. Faites place.

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Un appartement sur Uranus

J’avoue avoir beaucoup aimé les différentes chroniques. Outre le fait de dynamiter le connu et son politiquement correct, j’ai apprécié le chant des possible offert. Ses interrogations sont un peu les nôtres, ou tout du moins, elles correspondent aux questionnements des personnes qui n’en peuvent plus des cases dans lesquelles on les enferme sans qu’on ne les respecte forcément.



J’ai apprécié la plus incisive de l’Auteur, dont les mots tranchés résonnent encore en moi. Il livre une analyse sans concession de la société et de nos corps étriqués dans la grande matrice systémique. C’est un Auteur libre, qui s’affranchit de l’hétéropatriarcat et de toutes les toxicités du monde des dernières années, de la culture dominante tout en en saisissant les enjeux au fil de sa transition. Il descend avec brio le féodalisme de l’hérédité façon « manif pour tous », aborde le préservatif chimique qu’est la Prep. Il partage ses doutes sur le couple et la façon dont nos histoires d’amours condamnées à n’être que des statistiques sociologiques. Il regarde le monde et le dissèque pour nous permettre d’éveiller nos consciences, nous évader, créer nos nouveaux repères. Il ne se limite pas à nos identités de genre, bien au contraire, il traduit les évènements de la dernière décennie et ouvre le chant des possibles à tous les domaines on peut réfléchir.



Pour ma part, c’est un livre que j’ai préféré lire en plusieurs fois car chaque sujet mérite qu’on s’y attarde réellement et qu’on prenne le temps de le digérer. C’est une lecture que je recommande vivement.

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Testo Junkie : Sexe, drogue et biopolitique

Un essai philosophique ultra ardu autour du genre et de la société hétéropatriarcale.



J’ai, de loin, préféré les chapitres autobiographiques que les passages qui analysaient tout de façon giga poussée.



Très intéressant malgré tous les nœuds au cerveau que P. Preciado nous fait.
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Un appartement sur Uranus

Une fois de plus avec Preciado, il m’est difficile de juger un texte qui me parle entièrement.



L’auteur aborde une multitude de questions queer et systémiques avec rage et philosophie.

C’est un putain de génie.

Lisez-le, c’est tout.



J’ai envie de déménager sur Uranus désormais.
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Testo Junkie : Sexe, drogue et biopolitique

J'ai commencé ce livre avec intérêt et une grande ouverture d'esprit. J'ai malheureusement arrêté ma lecture très rapidement ; je trouve que le livre n'est pas du tout accessible. Certaines idées me paraissent douteuses et le sexe omniprésent. Peut-être est-ce juste trop poussé pour moi, mais certains passages m'ont même mis mal à l'aise. Je ne recommande pas
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