Citations de Paul Éluard (1676)
Le Cimetière des fous
Ce cimetière enfanté par la lune
Entre deux vagues de ciel noir
Ce cimetière archipel de mémoire
Vit de vents fous et d' esprits en ruine
Trois cents tombeaux réglés de terre nue
Pour trois cents morts masqués de terre
Des croix sans nom corps du mystère
La terre éteinte et l'homme disparu
Les inconnus sont sortis de prison
Coiffés d'absence et déchaussés
N'ayant plus rien à espérer
Les inconnus sont morts dans la prison
Leur cimetière est un lieu sans raison
Saint- Alban, 1943
Saint- Alban, terre d'asile
" Saint- Alban, c'était le Château du Graal.On ne savait pas où c'était, on ne savait pas exactement ce que c'était, mais on parlait de Saint-Alban comme d'un lieu fondateur d'une psychiatrie nouvelle".**
Aujourd'hui reconnu comme le berceau de ce que l'on nomme la psychothérapie institutionnelle, l'asile de Saint- Alban développe à l'orée des années 1940 une conception nouvelle de la psychiatrie et du traitement des malades.Il deviendra l'un des asiles les plus célèbres de France grâce à ses praticiens, mais aussi aux intellectuels qui y trouvèrent refuge pendant la guerre.L' un d'entre eux, Paul Éluard, consacrera à cette " maison des fous" l'un de ses plus émouvants poèmes.
**In Patrick Faugeras" L'Ombre portée de François Tosquelles", 2007
Petite et belle elle peut vivre sans miroir
Petite et belle elle peut vivre sans espoir
Les longs charrois de nuit et l'aube à petit feu
Ont dégradé son corps ont dévasté son coeur
Vivre toujours peut-être et patient je regarde
Le jour pâle épouser sans plaisir ses yeux vagues
POÈMES
Le cœur sur l’arbre vous n’aviez qu’à le cueillir,
Sourire et rire, rire et douceur d’outre-sens.
Vaincu, vainqueur et lumineux, pur comme un ange,
Haut vers le ciel, avec les arbres.
Au loin, geint une belle qui voudrait lutter
Et qui ne peut, couchée au pied de la colline.
Et que le ciel soit misérable ou transparent
On ne peut la voir sans l’aimer.
p25
SUITE
Pour l’éclat du jour des bonheurs en l’air
Pour vivre aisément des goûts des couleurs
Pour se régaler des amours pour rire
Pour ouvrir les yeux au dernier instant
Elle a toutes les complaisances.
p14
J'ai la beauté facile et c'est heureux.
p21
LA RIVIÈRE
La rivière que j'ai sous la langue,
L'eau qu'on n'imagine pas, mon petit bateau,
Et, les rideaux baissées, parlons.
p22
Autant rêver d'ouvrir les portes de la mer.
p23
Elle dit l'avenir. Et je suis chargé de la vérifier
p30
Constellations,
Vous connaissez la forme de sa tête
Ici, tout s'obscurcit :
Le paysage se complète, sang aux joues
Les masses diminuent et coulent dans mon coeur
Avec le sommeil
Et qui donc veut me prendre le coeur?
p53
Que le monde m'entraine et j'aurai des souvenirs.
p64
Une ombre...
Toute l'infortune du monde
Et mon amour dessus
Comme une bête nue
p70
Étoiles de son cœur aux yeux de tout le monde
p71
I
Sur la maison du rire
Un oiseau rit dans ses ailes
Le monde est si léger
Qu'il n'est plus à sa place
Et si gai
Qu'il ne lui manque rien
p77
VIII
Elle se refuse toujours à comprendre, à entendre,
Elle rit pour cacher sa terreur d'elle-même.
Elle a toujours marché sous les arches des nuits
Et partout où elle a passé
Elle a laissé
L'emprunte des choses brisées.
p84
X
Inconnue, elle était ma forme préférée
Celle qui m'enlevait le souci d'être un homme,
Et je la vois et je la perds et je subis
Ma douleur, comme un peu de soleil dans l'eau froide"
p86
"Ne peux-tu prendre les étoiles ?
Écartelée, tu leur ressembles,
Dans leur nid de feu tu demeures
Et ton éclat s'en multiplie.
De l'aube bâillonnée un seul cri veut jaillir,
Un soleil tournoyant ruisselle sous l'écorce
Il ira se fixer sur tes paupières closes.
O douce, quand tu dors, la nuit se mêle au jour."
p 97-98
"Si nous l'abandonnons, l'horizon a des ailes
Et nos regards au loin dissipent les erreurs"
p96
"J'ai besoin des oiseaux pour parler à la foule"
p113
FIL ET AIGUILLE
Sans fin donner naissance
A des passions sans corps
A des étoiles mortes
Qui endeuillent la vue.