Citations de Paul Éluard (1675)
IV
Je te l'ai dit pour les nuages
Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer
Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles Pour les cailloux du bruit
Pour les mains familières
Pour l'œil qui devient visage ou paysage
Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur
Pour toute la nuit bue
Pour la grille des routes
Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert
Je te l'ai dit pour tes pensées pour tes paroles
Toute caresse toute confiance se survivent.
(extrait de "Premièrement").
Pleure : les larmes sont les pétales du coeur ...
L’AVENTURE
Prends garde c’est l’instant où se rompent les digues
C’est l’instant échappé aux processions du temps
Où l’on joue une aurore contre une naissance
Bats la campagne
Comme un éclair
Répands tes mains
Sur un visage sans raison
Connais ce qui n’est pas à ton image
Doute de toi
Connais la terre de ton cœur
Que germe le feu qui te brûle
Que fleurisse ton œil
Lumière.
Je n'ai envie que de t'aimer
Un orage emplit la vallée
Un poisson la rivière
Je t'ai faite à la taille de ma solitude
Le monde entier pour se cacher
Des jours et des nuits pour se comprendre
Pour ne plus rien voir dans tes yeux
Que ce que je pense de toi
Et d'un monde à ton image
Et des jours et des nuits réglés par tes paupières.
(" La Vie immédiate ")
De morts anciennes de fleurs jeunes
Dans des bouquets incorruptibles
Et la vie donne tout son coeur
Et la mort donne son secret
Les belles manières d'être avec les femmes
Dans une maison grise et chaude
Sous un drap transparent
Journée mondiale de la poésie! Libérez les mots au vent du printemps et en toutes saisons!
L'amoureuse
Elle est debout sur mes paupières
Et ses cheveux sont dans les miens,
Elle a la forme de mes mains,
Elle a la couleur de mes yeux,
Elle s'engloutit dans mon ombre
Comme une pierre sur le ciel.
Elle a toujours les yeux ouverts
Et ne me laisse pas dormir.
Ses rêves en pleine lumière
Font s'évaporer les soleils,
Me font rire, pleurer et rire,
Parler sans avoir rien à dire.
(" Capitale de la douleur")
Ma morte vivante
Dans mon chagrin, rien n'est en mouvement
J'attends, personne ne viendra
Ni de jour, ni de nuit
Ni jamais plus de ce qui fut moi-même
Mes yeux se sont séparés de tes yeux
Ils perdent leur confiance, ils perdent leur lumière
Ma bouche s'est séparée de ta bouche
Ma bouche s'est séparée du plaisir
Et du sens de l'amour, et du sens de la vie
Mes mains se sont séparées de tes mains
Mes mains laissent tout échapper
Mes pieds se sont séparés de tes pieds
Ils n'avanceront plus, il n'y a plus de route
Ils ne connaîtront plus mon poids, ni le repos
Il m'est donné de voir ma vie finir
Avec la tienne
Ma vie en ton pouvoir
Que j'ai crue infinie
Et l'avenir mon seul espoir c'est mon tombeau
Pareil au tien, cerné d'un monde indifférent
J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres.
Je t'aime je t'adore toi
Par-dessus la ligne des toits
Aux confins des vallées fertiles
Au seuil des rires et des îles
Où nul ne se noie ni ne brûle
Dans la foule future où nul
Ne peut éteindre son plaisir
La nuit protège le désir
Pourtant ce tout petit miroir
Pour y voir en riant les deux yeux oeil par oeil
Et le nez sans rien d'autre
Et le bout de l'oreille et le temps de bouder
Ce miroir sans limites
Où nous ne faisions qu'un avec notre univers
Ce tout petit miroir où jouaient avec nous
Une par mille filles
Mille promesses définies
Le soleil qui court sur le monde
J'en suis certain comme de toi
Le soleil met la terre au monde
Un sourire au-dessus des nuits
Sur le visage dépouillé
D'une dormeuse rêvant d'aube
Le grand mystère du plaisir
Cet étrange tournoi de brumes
Qui nous enlève ciel et terre
Mais qui nous laisse l'un à l'autre
Faits l'un pour l'autre à tout jamais
Ô toi que j'arrache à l'oubli
Ô toi que j'ai voulue heureuse
(" Derniers poèmes d'amour")
Quelle aubaine insensée le printemps tout de suite.
Des aveugles invisibles préparent les linges du sommeil. La nuit, la lune et leur cœur se poursuivent.
LE TEMPS QU'IL FAISAIT LE 14 MARS
Enjôleur d'enfants et charmeur d'oiseaux
J'attends la venue du printemps
La terre est timide et fraîche
Les aiguilles de midi
Cousent la traîne du matin
Je me vois moi ma jeunesse
Parmi les couleurs volatiles
Des premières végétations
Sur les rivages de verdure
Où l'eau devient de la lumière.
POUVOIR
Il la saisit au vol
L'empoigne par le milieu du corps
La ceinturant de ses doigts robustes
Il la réduit à l'impuissance
Vertige la main dominante
Couvre toutes les distances
Sans plus bouger que sa proie
La rivière que j'ai sous la langue,
L’eau qu'on n’imagine pas, mon petit bateau,
Et, les rideaux baissés, parlons.
LES TOURS D’ÉLIANE
Un espoir insensé
une fenêtre au fond d’une mine
Sommes-nous hommes et femmes
De ces enfants que nous fûmes
Tous les mots se reflètent
Et les larmes aussi
Dans la force perdue
Dans la force rêvée
Ses yeux sont des tours de lumière
Sous le front de sa nudité.
A fleur de transparence
Les retours de pensées
Annulent les mots qui sont sourds.
Elle efface toutes les images
Elle éblouit l'amour et ses ombres rétives
Elle aime — elle aime à s'oublier.