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Critiques de Pierre Choderlos de Laclos (450)
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De l'éducation des femmes

C'est en regardant le documentaire "Les Liaisons scandaleuses" sur Arte, qui porte sur "Les Liaisons dangereuses" de Choderlos de Laclos, que j'ai eu envie de lire "De l'éducation des femmes" qui y était cité à plusieurs reprises et qui a été publié à un an d’écart. Si la succession de ce roman sur le libertinage et de cet essai contre l’asservissement des femmes peut surprendre, c'est parce que les liens entre érotisme et égalité étaient, et sont encore aujourd'hui, complexes et délicats. En effet, le féminisme a été vu par certains comme un courant nourri de la frustration sexuelle des femmes, d’autres ont craint que le féminisme et sa demande d’égalité ne mène à une confusion des sexes, et d’autres enfin associent le féminisme à un appel à la sexualité débridée.



Lorsque l'Académie de Châlons-sur-Marne demande à l'auteur comment perfectionner l'éducation des femmes, celui-ci répond que c'est, en l'état, impossible. Si Choderlos de Laclos porte un regard parfois naïf sur la femme, il est néanmoins extrêmement conscient du poids que la société fait peser sur elle. Les institutions qui sont responsables de ce poids ont été mises en place dès la fondation de la civilisation avec la division des tâches, et c’est pourquoi il fonde son propos sur la comparaison de la "femme des origines" et de la "femme sociale". Son message est que la société ne peut améliorer l’éducation des femmes puisqu’elle les place en situation d’esclavage. Son ouvrage est néanmoins un appel à l’amélioration de la situation des femmes par l’éducation et la révolution.


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De l'éducation des femmes

On ne sort de l’esclavage que par une grande révolution



Dans sa préface « Paradoxe et vérité »,Geneviève Fraisse cite Choderlos de Laclos : « Le paradoxe est le commencement d’une vérité ». Un paradoxe. Le perfectionnement de l’éducation des femmes. « Un paradoxe, oui, puisque l’auteur affirme l’impossibilité de ce perfectionnement. Le commencement d’une vérité, oui, puisqu’il sera développé, dans cet essai, des analyses qui touchent à l’origine de ce problème, la hiérarchie des sexes, à une réflexion sur la stratégie pour sortir de cet « esclavage », par la révolution (le mot est bien là), par la ruse, et par le courage individuel. »



L’esclavage, la politique, les mots pour le dire : « Venez apprendre comment, nées compagnes de l’homme, vous êtes devenues son esclave. »



L’auteur plus connu pour sa défense d’un certain libertinage parle ici de l’avilissement des femmes. Contre les oppositions, le noir et le blanc, il convient de prendre en compte et d’exposer les contradictions. D’en finir avec la ritournelle qui ferait de l’égalité un obstacle au désir. D’affirmer l’égale puissance de jouissance des êtres humains.



Geneviève Fraisse précise : « Alors, le double geste d’écriture de Choderlos de Laclos nous est précieux par son impertinence. Il initie une problématique propre à la pensée démocratique de l’égalité des sexes. Il indique le défi à venir, celui de croiser désir et égalité » Il faut donc tenir ensemble l’érotisme et l’égalité, j’ajoute que cela a bien à voir avec la liberté.



Je souligne les paragraphes sur le consentement et rappelle "Du consentement" et "Le refus de consentir ?"



Mais à quoi pourrait servir d’identifier l’origine de l’oppression des femmes ? La question n’a pas de réponse du coté de l’éducation mais bien du coté de la révolution… Nous sommes là bien dans le siècle et à quelques années de 1789…



Et la question de l’égalité reste un des diamants pour éclairer et tailler le futur.



« Il n’est aucun moyen de perfectionner l’éducation des femmes ». Pour Choderlos de Laclos l’éducation prétendue « ne mérite pas en effet le nom d’éducation ». Si l’on peut discuter aujourd’hui de la « compagnie » (les femmes comme compagnes des hommes) en d’autres termes – égalité et non complémentarité – il n’en reste pas moins vrai que les femmes ont bien été privées de ce que les hommes considèrent comme leur naturel (je reviendrais plus bas sur l’idée de nature), « vous êtes devenues son esclave ». Et l’auteur le dit haut et fort : « on ne sort de l’esclavage que par une grande révolution » car il comprend bien ce qu’est « l’utilité sociale de l’esclavage » : « la liberté d’un esclave serait une atteinte portée au pacte social fondé sur l’esclave ». Il me semble utile de renvoyer au livre de Carole Pateman : Le contrat sexuel, et à la préface de Geneviève Fraisse : « À rebours », et à une phrase « Un ordre social libre ne peut être un ordre contractuel ».

Des êtres libres et puissant·es. Choderlos de Laclos oppose les êtres naturels et les êtres en société, celles et ceux qui « sont garrotté dans un maillot » dès la naissance, puis les évolutions lors des différents âges. Faut-il lire cela comme une recherche d’un passé mythique, comme la quête d’un possible à actualiser, comme une justification d’un futur radicalement autre ? Je laisse les historien·es faire justement ce travail d’historicisation des propos et des arguments.



Quoiqu’il en soit, l’auteur parle des faire qui ne sont pas de volonté, de ce que les femmes ont cédé « et non consenti », des travaux les plus vils et les plus pénibles dont sont chargées les femmes, des conventions reçues, des fausses lueurs, de la nécessité de s’examiner et de se connaître, de la lecture et de l’histoire…



« Mais souvent le paradoxe est le commencement de la vérité ».




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Des femmes et de leur éducation

Ayant lu et très apprécié récemment la lecture des Liaisons Dangereuses, l’occasion s’est présentée d’en découvrir davantage sur cet auteur qu’est Pierre Choderlos de Laclos.



«Des femmes et de leur éducation» regroupe en fait trois textes, rédigés indépendamment, inachevés, mais regroupés par leur sujet commun : la femme.



Le premier texte est l’ébauche d’un discours, provocateur, en réponse à une question posée par l’Académie de Châlons-sur-Marne : «Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes ?» Sa réponse est claire : aucun. Considérant que la femme est assujettie aux hommes, à leurs lois, à la société, elle est d’une certaine manière son esclave. Hors, il ne peut y avoir éducation s’il y a esclavagisme. J’ai apprécié avec quelle éloquence il prend position en faveur des femmes dans ce discours.



Le deuxième texte est un essai en 12 chapitres où l’auteur décrit et valorise l’être humain «naturel» et en se focalisant en particulier sur la femme «naturelle» (en opposition à la femme «sociale»), et où il appelle à une révolution des moeurs. Il s’inspire fortement des thèses de Rousseau concernant l’aspect naturellement bon de l’homme, malheureusement perverti par la société.

J’ai trouvé intéressant sa position sur le rapport qui doit pour lui demeurer privilégié entre la mère et son enfant, que ce soit elle qui s’en occupe et le nourrisse de son sein, et non une nourrice comme c’était le cas, pour la majorité des familles nobles à l’époque.

Il donne également des conseils aux femmes, qui peuvent prêter à sourire, concernant leur hygiène de vie et les apparats dont elles doivent se munir pour conserver leur beauté «naturelle».



Le dernier texte est consacré à la lecture qu’il juge importante et essentielle dans l’éducation d’une jeune femme. Il donne un aperçu de ce qu’elle doit lire et dans quel ordre : il établit un véritable programme avec des propositions de titres et d’auteurs ! Il propose même des méthodes pour intégrer ces lectures. Il s’adresse aux femmes, mais ses conseils valent pour les deux sexes à mon avis. Je ne peux m’empêcher d’inclure la citation ci-dessous qui fera certainement échos aux membres de Babelio qui la liront :



« Nous avons dit en commençant cet écrit, qu’au moral comme au physique la nourriture devait être choisie suivant les tempéraments ; et aussi que les aliments pris sans plaisir ne profitaient point. En suivant cette idée, nous ajouterons que ce n’est pas ce qu’on mange qui nourrit, mais seulement ce qu’on digère. Il ne suffit donc pas de lire beaucoup, ni même de lire avec méthode, il faut encore lire avec fruit ; de manière à retenir et à s’approprier en quelque sorte ce qu’on a lu. C’est l’ouvrage de la mémoire et du jugement. Le moyen le plus commode, le plus agréable et le plus facile de remplir ce double objet, serait d’avoir quelqu’un d’éclairé et d’adroit qui fît dans le même temps les mêmes lectures, avec qui on pût en causer chaque jour, et qui sût diriger l’opinion sans la dicter. À défaut de cette ressource, il est un moyen peut-être plus utile, mais aussi plus sévère : c’est de faire de chaque ouvrage, à mesure qu’on l’a lu un extrait dans le genre de ceux qu’on met dans les journaux, contenant un compte-rendu de l’ouvrage, suffisant pour en donner une idée, et un jugement motivé du même ouvrage.»



J’imagine que Laclos serait ravi en voyant le site de Babelio avec tous ces échanges entre hommes et femmes autour de la lecture aujourd’hui !



Un homme déconcertant que ce M. Laclos ! Époux et bon père de famille, militaire de carrière, puis membre actif des Jacobins, il passera quelques temps en prison pour ses liens avec Danton, puis se rapprochera de Napoléon. J’en omets beaucoup car il a effectué un parcours plus qu’intéressant, ayant vécu et participé à des moments importants de l’histoire de France. Et en parallèle, à ses heures perdues j’oserais dire, il trouve le temps et l’énergie d’être poète, philosophe et de nous faire cadeau du chef-d’oeuvre des «Liaisons dangereuses». Chapeau bas Monsieur Choderlos de Laclos !
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Des femmes et de leur éducation

Après avoir lu le discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes de Rousseau, j'ai eu envie de relire le traité sur l'éducation des femmes de Laclos où celui-ci, en grand admirateur de Rousseau, développe certaines théories rousseauistes. Je préfère d'ailleurs de très loin le style de Laclos à celui de Rousseau dans leurs essais. Ce traité est en réalité composé de trois essais, tous inachevés. Il a commencé à écrire sur ce sujet suite à la question de l'académie de Châlons-sur-Marne (comme Rousseau a répondu par deux fois à celle de l'académie de Dijon) "Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l'éducation des femmes?" Dans le premier essai, il prend le contrepied de la réponse attendue et affirme qu'il n'existe aucun moyen de perfectionner l'éducation des femmes à son époque, car celles-ci y sont les esclaves des hommes. Il poursuit dans cette voie lorsqu'il tente de réécrire sur ce sujet plus tard en reprenant la théorie de l'homme naturel de Rousseau et en l'appliquant plus particulièrement à la femme. Dans son dernier essai, il semble changer d'avis et propose une éducation des jeunes filles par la lecture (pour ceux qui ont lu Les liaisons dangereuses, c'est en partie cette éducation que la marquise de Merteuil s'est imposée en autodidacte)
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Faites l'amour avec Laclos

Premier titre lu dans le cadre du Challenge amoureux mis en place par Caroline ! J’ai donc commencé par la catégorie « Amours classiques », et par Faites l’amour avec Laclos, dont le titre me semblait être une bonne introduction pour ce challenge.Ce court essai (192 pages) comprend une introduction, un dictionnaire des citations de Laclos de A comme Absence à Y comme Yeux, une biographie, un petit descriptif des personnes et personnages cités et un répertoire permettant d’avoir précisément les sources des citations.

Dans un premier temps, Annie Collognat-Barès, qui a choisi et présenté les textes, nous explique le choix du titre : « Dans l’intimité de la lecture, "faites l’amour", c’est toujours "parlez(-moi) d’amour". » Je trouve l’expression plutôt jolie !

Ensuite, place à Laclos, et voici deux citations (la première est extraite des Liaisons dangereuses, Lettre CXXVI, Madame de Rosemonde à la présidente de Tourvel, la seconde de Des femmes et de leur éducation, Chapitre 11 : De la beauté) :



Amour

L’amour est un sentiment indépendant, que la prudence peut faire éviter, mais qu’elle ne saurait vaincre ; et qui, une fois né, ne meurt que de sa belle mort ou du défaut absolu d’espoir.



Curiosité

Lorsque les femmes commencèrent à se vêtir, l’imagination fut obligée de suppléer à ce que les yeux ne purent plus apercevoir ; et l’imagination est facile à séduire. La curiosité éveilla le désir, et le désir embellit toujours son objet.



Le principe de sélection des citations était plutôt intelligent, mais pour avoir lu et apprécié Laclos (énormément dans Les Liaisons dangereuses, et beaucoup moins dans Des femmes et de leur éducation néanmoins !), je trouve que sortir des phrases de leur contexte leur fait énormément perdre de puissance. Quand Mme de Merteuil ou Valmont parlent, ils ont un discours à double tranchant absolument fascinant, quand c’est la jeune Cécile de Volanges, oie blanche par excellence, il en est bien autrement. Or là, les phrases se succèdent par thématiques, il faut aller chercher dans le répertoire en fin d’ouvrage la référence, On passe à côté de la substantifique moelle de Laclos, c’est un peu dommage.
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L'art d'aimer : Les plus belles nuits d'amo..

Un petit livre qui nous conte des nuits d'amour de la littérature française ou étrangère.



On trouve ainsi Julien Sorel et Mathilde de la Mole,(Le Rouge et le Noir), odette dans un amour se Swann, Ariane et Solal dans Belle du Seigneur, Lady Chatterley et son amant, Les mille et une nuit, Roméo et Juliette et tant d'autres.

Ce fut, pour moi, un vrai moment de bonheur que de relire les extraits, merveilleusement choisis de ces auteurs dits classiques.

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L'art d'aimer : Les plus belles nuits d'amo..

J’ai reçu ce petit livre dans mon calendrier de l’Avent, j’étais donc curieux de le lire. L’art d’aimer, Les plus belles nuits d’amour de la littérature, est regroupe des extraits de textes connus parlant de désir et d’amour.



J’ai été agréablement surpris par cette lecture, déjà, hormis Les Mille et Une Nuits, tous les autres textes je les ai découverts. Ensuite, cela m’a fait plaisir de découvrir ces extraits de grands noms de la littérature pour moi qui lis peu, voir pas du tout, de classique.



Dans ces textes, plus ou moins érotiques, nous découvrons le désir, le désir amoureux, le désir physique, le désir de l’interdit. C’est magnifiquement bien écrit, cela éveille les sens et fait battre le coeur.



Désirer une personne, faire l’amour lorsque les sentiments amoureux sont partagés, est une expérience merveilleuse qui est ici retranscrite en mots.
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L'art d'aimer : Les plus belles nuits d'amo..

Le sujet m'a tout de suite interpellé et j'ai acheté ce livre dans l'espoir de retrouver de jolis mots sur les nuits d'amour. Un peu déçu de ce que j'ai pu trouvé, et n'en déplaise aux fervents défenseurs conservateurs des récits passés, j'aurais préféré qu'on n'inclut pas des extraits de sexualité où il n'y a strictement aucune notion de consentement.
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Les Liaisons dangereuses

Je ne suis pas fâchée d’avoir terminé ce livre… A l’époque de sa première publication il a dû provoquer un scandale affreux, mais aujourd’hui c’est juste dérangeant, inapproprié et un peu ennuyeux. Ceci dit, ça reste un grand classique de la littérature et même si j’ai du le lire pour mes cours, ça me fait ça de plus pour ma culture !
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Les Liaisons dangereuses

Première étape -peut-être la plus difficile- des Liaisons dangereuses : comprendre quels sont les ressorts de l’intrigue. N’est pas prodige du marivaudage qui veut, mais Choderlos de Laclos peut prétendre à la continuité du genre sans difficultés. La marquise de Merteuil, autrefois abandonnée par le comte de Gercourt, demande à son ancien amant, le vicomte de Valmont, de séduire la jeune Cécile Volanges que Gercourt doit épouser. Elle espère ainsi l’humilier et se venger de l’abandon dont elle a été l’objet. Valmont accepte ce défi mais n’abandonne pas celui qu’il s’est fixé pour son propre plaisir : séduire la présidente de Tourvel, une femme mariée et réputée pour son esprit avide de moralité. Lorsque toutes les proies autrefois désirées ont cédé, la figure de la chasteté et de la constance morale devient l’ultime fantasme.





L’intrigue n’est pas présentée aussi clairement dans les Liaisons dangereuses et c’est au lecteur de faire l’effort de comprendre les machinations qui s’élaborent dans l’esprit de ses personnages retors à travers leurs échanges épistolaires. Les lettres, longues et emplies du baratin qui sied à la personnalité des séducteurs professionnels, dissimulent souvent leurs intentions véritables derrière des jeux de rôle dont le lecteur prendra conscience au fur et à mesure des recoupements épistolaires. La forme du livre est laborieuse, donc, mais adaptée à la démonstration de l’hypocrisie dont Choderlos de Laclos a voulu se faire le dénonciateur.





Certainement provocant pour l’époque, l’écrivain dénonce les conventions et les apparences respectables d’une certaine bourgeoisie fricotant souvent avec la noblesse. On comprend que le livre ait pu ne pas faire plaisir à tous ses lecteurs au moment de sa publication, ceux y étant le plus fermement opposés étant ceux les plus directement concernés par le propos de Choderlos de Laclos. Malgré des tournures pompeuses, un style lourd et précieux, il se dégage parfois des idées violentes qui ne ménagent pas le lecteur. La rapacité, l’envie de jouir à tout prix, s’accompagnent d’une perte des valeurs qui font souvent considérer l’objet du désir comme un esclave auquel aucune considération n’exige d’être accordée. La peinture des personnages féminins exacerbe déjà ce qu’on appellera plus tard l’inégalité des sexes. Beaux objets muets, Choderlos de Laclos donne cependant aux femmes les moyens d’abuser leur monde en jouant leur rôle d’une manière subtile, leur permettant ainsi d’obtenir du sexe fort des avantages dont ils ne sont même pas conscients d’être les dupes.





« Plusieurs personnes ne s’étaient pas remises au jeu l’après-souper, la conversation fut plus générale et moins intéressante : mais nos yeux parlèrent beaucoup. Je dis nos yeux : je devrais dire les siens ; car les miens n’eurent qu’un langage, celui de la surprise. Il dut penser que je m’étonnais et m’occupais excessivement de l’effet prodigieux qu’il faisait sur moi. Je crois que je le laissai fort satisfait ; je n’étais pas moins contente. »





On comprend que Choderlos de Laclos utilise lui-même ce jeu de masques, se faisant passer pour un habile libertin lorsqu’il prône en réalité les valeurs de l’amour constant et fidèle, seul capable d’assurer une certaine stabilité à l’être perdu dans le faste d’une bourgeoisie décadente. On se demande parfois si Choderlos de Laclos ne se laisse pas prendre à son propre piège… Ses échanges épistolaires, longs et alambiqués, traduiraient presque une rage de ne pouvoir transposer à la réalité ces fantasmes de relations malsaines et dégradantes. Mais peut-être n’est-ce que l’apogée d’une démonstration qui se veut convaincante…





A condition d’arriver à dépasser la barrière des siècles –on la sentira dans toute sa puissance à travers l’écriture et les tournures emphatiques- et à ne pas se lasser des tours et détours empruntés par les jeux libertins, les Liaisons dangereuses pourront plaire du fait de leur vision des mœurs lucide. Pour les autres, ce sera seulement une grande lassitude –manière aussi d’être convaincu de l’insipidité des jeux libertins.
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Les Liaisons dangereuses

Ceci n’est pas une critique ordinaire, c’est un critique pleine de spoilers, une chronique-fleuve, ou plutôt une discussion sur tout ce que cette lecture a éveillé en moi. Pour exposer les réflexions et les sentiments nés lors de cette lecture, je suis obligée de suivre le chemin de Laclos qui, dans un faux « Avertissement de l’éditeur », dévoile la fin tragique de Cécile de Volanges et de Madame de Tourvel et d’en révéler certains rebondissements. Finalement, exceptionnellement, ce sera peut-être davantage une invitation à échanger sur un roman déjà lu qu’une simple volonté de faire connaître ce récit qui n’a pas besoin de moi pour cela. Je dois avouer que je ne m’attendais pas à ce que cette lecture soit si riche en questionnements et en remarques, il est rare que je prenne un tel flot de notes ! (D’ailleurs, cet article sera peut-être parfaitement indigeste…)



Dès le début, j’ai, basiquement, admiré ce chef-d’œuvre de la littérature épistolaire et la maîtrise de l’auteur. J’étais déjà enchantée par l’humour de l’Avertissement de l’éditeur et par ce jeu entre l’Avertissement et la Préface du rédacteur – l’un présentant le livre comme le manuscrit retrouvé d’échanges épistolaires réels, l’autre la démentant – qui raillent la tendance de l’époque à considérer le roman comme un genre mineur, incitant la prolifération des récits « véridiques ».

Les portraits se dessinent progressivement au fil des échanges, grâce à l’expression écrite de chaque personnage qui leur confère une voix individualisée, par ce qu’ils disent, ce que l’on dit d’eux, leurs points de vue sur une même personne, une même péripétie.

J’ai alors apprécié le double sens de certaines situations, l’érotisme dissimulé de certaines lettres à première vue chastes, la façon dont futures victimes se fourvoyaient totalement sur la marquise de Merteuil. J’ai savouré, chez ce personnage féminin mémorable, la dichotomie entre ses propos ou ses plans et la façon dont elle se présente au monde, dont elle est perçue par Cécile de Volanges, par la mère de celle-ci. Elle qui travaille à leur perte, à leur désespoir, est l’amie, la confidente, la guide. Un double-jeu parfait et assez réjouissant.



S’il devenait fascinant de suivre leurs machinations, la progression de leurs desseins, leur machiavélisme, le récit est également devenu hautement dérangeant. De ces deux manipulateurs sans scrupules, c’est tout d’abord Valmont qui m’a heurtée.

Dans ses relations avec Madame de Tourvel, il insiste encore et encore, revient à la charge en permanence, ne laisse aucun répit à la jeune femme. Là où il applique ce fameux principe de « elle dit non, mais pense oui », je ne vois qu’un acharnement psychologique, une chasse à courre dans laquelle sa proie est poussée dans ses retranchements. Sa ténacité induit une emprise, un épuisement mental qui m’a contaminée. Il devient totalement asphyxiant et, de là, Madame de Tourvel apparaît comme contrainte de céder, d’accéder à certaines de ses demandes pour, peut-être, espérer respirer à nouveau. Finalement, il ne la fera céder que par un chantage au suicide, pas par un triomphe de l’amour et du désir ; c’est sa bonté qui la perd plus que son amour, quoique réel à ce stade, pour Valmont.

« Tandis que, maniant avec adresse les armes de votre sexe, vous triomphiez par la finesse ; moi, rendant à l’homme ses droits imprescriptibles, je subjuguais par l’autorité. » (Lettre 96. Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil.)

Puis, l’écœurement survient quand il s’en prend à Cécile, se faisant prédateur pédophile. Il faut évidemment replacer l’œuvre dans son contexte, dans son époque – après tout, Cécile était à la veille de son mariage –, mais là où je peux relativement aisément fermer les yeux sur des mariages précoces, des femmes caricaturales ou absentes dans d’autres classiques, il est plus difficile de voiler mon regard d’aujourd’hui sur un roman qui traite ainsi des relations entre les hommes et les femmes, ainsi que sur des relations de manipulation, de domination et d’oppression qui apparaissent comme encore trop actuelles. D’où cet horrible malaise.



« Lettre 115. Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil.

J’espère qu’on me comptera même pour quelque chose l’aventure de la petite Volanges, dont vous paraissez faire si peu de cas : comme si ce n’était rien que d’enlever en une soirée une jeune fille à son Amant aimé, d’en user ensuite tant qu’on le veut et absolument comme de son bien, et sans plus d’embarras ; d’en obtenir ce qu’on n’ose pas même exiger de toutes les filles dont c’est le métier ; et cela, sans la déranger en rien de son tendre amour ; sans la rendre inconstante, pas même infidèle : car, en effet, je n’occupe seulement pas sa tête ! en sorte qu’après ma fantaisie passée, je la remettrai entre les bras de son Amant, pour ainsi dire, sans qu’elle se soit aperçue de rien. »



Quant à la Marquise de Merteuil, tant d’adjectifs peuvent être accolés à son nom : cultivée, comédienne, tacticienne, physionomiste et psychologue, ingénieuse, subtile et déterminée. Il n’y a pas à le nier : elle éblouit. Son intelligence est remarquable et, par contraste, critique l’ingénuité et l’ignorance volontaire dans lesquelles sont maintenues les jeunes filles. Son ironie et son cynisme sont absolument savoureux, tout comme son sens de la répartie qui nous régale de quelques répliques bien placées.

Et puis, elle a le mérite de jouer à un jeu dangereux dans lequel elle a plus à perdre que n’importe quel homme. Elle les empêche de révéler ses secrets, de nuire à son image vertueuse et chaste, de la bafouer et de la rabaisser, elle touche à leur orgueil de chasseur et leur vantardise. Ce qui est plaisant est qu’elle les piège à leur propre jeu et, au lieu qu’ils détruisent sa vie, elle détruit la leur. Elle se venge de cette injustice sexiste qui rend les conquêtes valorisantes pour les hommes et honteuses pour les femmes.



Mais voilà, certes, elle ne viole pas et les hommes viennent à elle consentants, mais elle et Valmont jouent un jeu particulièrement vicieux. Pas par leurs mœurs – leur libertinage n’a évidemment plus le même caractère licencieux qu’à l’époque –, mais par leur mépris total des conséquences sur la vie de leurs « jouets », par leur absence de compassion, leur pouvoir de nuisance pour leur plaisir ou vengeance.

D’autant que seule la chasse importe. « Ah ! le temps ne viendra que trop tôt, où, dégradée par sa chute, elle ne sera plus pour moi qu’une femme ordinaire », dit Valmont qui n’idéalise celle qui lui résiste que pour mieux la mépriser quand elle aura cédé. Rien n’est spontané, tout est calculé. Le champ lexical est militaire (« c’est une victoire complète, achetée par une campagne pénible, et décidée par de savantes manœuvres », « j’ai forcé à combattre l’ennemi qui ne voulait que temporiser ; je me suis donné, par de savantes manœuvres, je choix du terrain et celui des dispositions ; j’ai su inspirer la sécurité à l’ennemi, pour le joindre plus facilement dans sa retraite ; j’ai su y faire succéder la terreur, avant d’en venir au combat (…) »).

Je m’attendais à des antihéros charismatiques, mais finalement, ils m’ont souvent révulsée.



Ainsi les qualités indéniables de Madame de Merteuil ont été la source de nombreuses interrogations, sur le livre et sur des oppositions qui reviennent souvent. Je me suis interrogée sur le propos de Laclos qui semble louer l’intelligence de Merteuil, son éducation qui est source d’indépendance et de liberté, qui en fait l’égale des hommes (l’éducation, source de progrès social et moral pour les Lumières), mais la pervertit pour proposer un personnage parfois odieux. Était-ce pour critiquer la raison qui, mal utilisée, sert à la domination ? Finalement, l’intelligence est-elle si admirable quand elle est exercée sans compassion, sans considération pour la vie et les désirs d’autrui, sans respect ?

Au sujet de Madame de Tourvel, on peut sans doute se demander si elle désirait cette aventure sensuelle, même si il ne m’a pas semblé qu’elle exprimait beaucoup de regret face au manque de « piquant » dans sa vie. Par le regard de Valmont, son histoire est parfois présentée comme ennuyeuse, car réglée, car convenue, mais n’est-ce pas à chacun·e d’en juger ?

De même, là où semblent parfois s’opposer l’existence excitante et libre prônée par Valmont et Merteuil et le train-train du quotidien rangée de Madame de Tourvel, la passion sans sentiment des libertins semble quelque peu vide de sens. Car ce n’est pas l’amour qu’ils prônent, pas cette « passion pusillanime », mais uniquement le jeu et le plaisir charnel qui le conclut. Ils se coupent de leurs sentiments, dominent leurs émotions comme leurs partenaires, observent froidement… Ainsi, leurs personnages fascinent un temps, mais finissent par sembler un peu creux aussi.

C’est un tel questionnement sur des façons de vie, d’aborder l’existence et ses plaisirs ; il y a probablement autant d’interprétations que de lecteurs et lectrices. D’après ce que j’ai pu lire, il y a un gouffre entre la vie de Laclos et son œuvre, aucune explication simple sur la façon dont il faut lire ce roman, ce qui est d’autant plus captivant.



Au-delà de leurs relations avec leurs proies, je me suis régalée des joutes entre Merteuil et Valmont, jeu dans lequel la première se montre cheffe d’orchestre implacable. Comme elle s’en vante ici ou là, sa supériorité sur Valmont est parfois réjouissante quand elle le renvoie dans les cordes, analysant ses lettres comme nous pouvons le faire de notre place de lectrices.

Au fil du roman, leur relation se complexifie, ce qui noue le drame, ce qui accroît la tension. La complicité – également née du fait qu’ils se tiennent mutuellement – se teinte d’amour-haine. Merteuil devient impitoyable, elle se joue de Valmont et le fait danser à sa guise, jusqu’à cette lettre enchâssée d’une cruauté précise et absolue. Redoutable, elle se fait marionnettiste au doigté implacable.

Jusqu’à ce final qui m’a laissé avec des sentiments ambigus. J’ai trouvé la fin de Valmont brutale et trop facile, manquant de finesse, et celle de Merteuil un peu convenue, même si j’ai apprécié que ce soit les lettres qui les perdent, utilisant le format épistolaire jusqu’au bout. Et parallèlement, ils m’ont touchée. À cause de ces sentiments que l’on peut lire entre les lignes, qui se devinent sans s’écrire. À cause de leur emprisonnement dans leur rôle de libertins délivrés des émotions. À cause de ce flou autour de leurs motivations profondes, lié au fait qu’ils se racontent d’une certaine manière, se mettent en scène, ne se livrent jamais avec une complète sincérité. À cause des passions qui finalement les déchirent, même si ce ne sont que des suppositions que l’on peut faire. On referme le livre avec des hypothèses plein la tête, et le cœur rempli du sentiment général d’un grand gâchis.



C’est peut-être naïf de ma part, mais je suis émerveillée de constater qu’un classique vieux de près de 250 ans peut toujours se révéler absolument génial, porté par une richesse incroyable. Ouvrant la porte à mille réflexions, ce n’est peut-être pas le simple coup de cœur auquel je m’attendais, mais je ne me sens pas perdante au vu de l’intensité de cette lecture.
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Les Liaisons dangereuses

Très bon roman épistolaire, bien narré, une histoire intrigante et complexe : tout comme l'étaient les relations d'autrefois (femme, amant(e), mari ...).

Du plaisir à lire et à suivre les évènements avec intérêt et enthousiasme.



A lire
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Les Liaisons dangereuses

"... Là où le roman prend une ampleur considérable c'est dans sa dimension romanesque proche de la tragédie antique... C'est un roman dont le plus bel attrait serait qu'il soit à fleur de peau malgré la grande violence qu'il narre... Un roman classique, à la fois de son temps et universel, qui décrit avec férocité le "comment" de la Révolution française, sept ans avant la prise de la Bastille... Bref, une immense oeuvre."
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Les Liaisons dangereuses

Existe-t-il plus remarquable que les liaisons dangereuses ? Style sulfureux, personnages retors, ce chef d'oeuvre de la littérature libertine est un objet fascinant.



Tout d'abord, les personnages sont croqués avec finesse et précision. Difficile de ne pas résister à la redoutable Marquise de Merteuil, manipulatrice à souhait mais aussi intelligente et d'une grande finesse d'esprit. Avec son compagnon Valmont, elle eclypse facilement les niais Danceny et Cécile, les deux oies blanches qui seront les victimes de leurs manipulations.



Les liaisons dangereuses est à lire aussi bien pour la qualité de son style, l'originalité du choix de l'épistolaire qui apporte un jeu avec le temps et les faux semblants bien maîtrisé ainsi que pour les histoires de manipulation.
Lien : https://lageekosophe.com/
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Les Liaisons dangereuses

Roman épistolaire fabuleux avec des personnages extrêmement marquants (je n'oublierai jamais Valmont ni la marquise de Merteuil) et un style unique. Oeuvre majeure du 18e siècle qui illustre bien tout l'esprit du libertinage.
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Les Liaisons dangereuses

Après avoir regardé une émission sur Arte* et la lecture de la critique de LalyM sur Babelio, l'idée m'est venue de relire le classique Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos.



A ma première lecture au lycée, à la fin des années 70, j'étais à peine plus âgée que Cécile Volanges. Maintenant, je dois avoir l'âge de Madame de Rosemonde. Je dois avoir relu ce livre à l'âge de tous les personnages féminins : la petite Volanges, la présidente de Tourvel, la Marquise de Merteuil, Madame de Volanges et Madame de Rosemonde.

A chaque lecture, je découvre de roman comme on découvre de nouvelles lueurs quand on contemple une pierre précieuse sous différents éclairages.



Longtemps, la Marquise de Merteuil est resté le personnage que j'ai le plus aimé détester, une araignée tissant sa toile et capturant ses proies dans un fil de soie avant de les dévorer. Scarlett O'Hara d'Autant en emporte le vent fait figure de femelette à côté de cette ogresse.



Le personnage féminin le moins apprécié (et le moins décrit par Laclos) est Madame de Volanges, cette mère si peu maternelle pour sa fille unique.



Pour sûr, je relirai encore et encore Les liaisons dangereuses.





* www.arte.tv/fr/videos/098428-000-A/les-liaisons-scandaleuses/
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Les Liaisons dangereuses

Un roman épistolaire savoureux, cruel, fascinant ... quand on a envie de jouer. Mais je ne veux plus jouer.
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Les Liaisons dangereuses

Petite discussion entre deux membres de Babelio, Nadou38 (N) et Jeeves_Wilt (JW), qui ont décidé de faire une critique ensemble, suite à la lecture commune de ce chef-d’œuvre épistolaire.



N: Quelles sont tes premières impressions sur «Les liaisons dangereuses» ?



JW: Le style épistolaire est assez ardu, je pense, du côté de l'auteur. Le style est sans particularité, sauf le langage de l'époque, facile à lire et oblige la mémoire à retenir les 4-5 dernières lettres car les réponses sont souvent espacées, pour laisser place à la compréhension de l'histoire, il y a les correspondances et le roman.

Évidemment le sujet est axé sur les relations libertines, ce qui est fort intéressant du point de vue éthologique, bourré de références et d’éclaircissements sur les mœurs de l'époque. C'est une manière fort agréable de s'informer sur une partie du gratin de l'époque (quoi qu'un livre épistolaire sur les lettres de M. Le président de la rose est sorti récemment). On est en droit de se poser la question de l'actualité d'une telle œuvre, ce me semble... Et toi ?



N: Et bien, pour moi c’est une lecture qui est loin de m’avoir laissée indifférente. Je crois être passée par toutes les émotions avec ce livre : j’ai tour à tour été attendrie, charmée, amusée, écoeurée, émue... des émotions différentes suivants les personnages et qui ont évolué pour chacun d’eux. Mme de Tourvel, par exemple, un personnage qui m’indifférait totalement au départ. Je n’arrivais pas à percevoir sa lutte et son désespoir dans ses lettres adressées à Valmont. Je ne la voyais pas amoureuse...



JW: La Tourvel est une femme bien qui lutte contre l'empire de M. Valmont qui lui écrit des lettres enflammées à faire passer M. Iglésias Julio pour un chanteur de boys band...



N: Oui, je suis d’accord. Dès l’instant où elle se confie à son amie, Mme de Rosemonde, je me suis attachée à elle et je partageais ses émotions. Elle m’a même émue aux larmes dans sa dernière prière... C’est au final mon personnage préféré car même si elle lutte pour rester fidèle à la vertu, elle n’en est pas moins fidèle à son coeur, pour son plus grand malheur... Par contre, la Marquise de Merteuil est un personnage très charismatique, mais que je l’ai détestée ! Du début à la fin ! Cette femme est méchante, oui méchante je trouve, en voyant avec quel plaisir et gratuité elle manipule tout le monde et leur apporte du malheur.



JW: Pour la Marquise, j'ai de l'affection, dû certainement à ma condition d'homme : elle est revendicatrice, insoumise, une guerrière, un peu comme Oscar Wilde. Je l’ai trouvée splendide lorsqu’elle joue les justicières à l'encontre de M. Prévan, duquel je m'étais attaché et qui va prendre une leçon tel un écolier, lui qui pourtant avait l'air expérimenté. Comme quoi, en tout art il ne faut jamais baisser la garde. On bascule entre volupté, effroi et candeur de la part des protagonistes, c'est un régal et ça nous tient en haleine.



N: A la moitié du livre, elle m’a fait pitié lorsqu’elle a raconté son parcours. C’est une femme bien seule en fait, elle est à plaindre bien qu’elle soit odieuse...



JW: Nos avis divergent sur la vision de la Marquise de Merteuil. Elle est géniale cette femme ! Ce qu'elle fait pour améliorer la condition féminine ! Je m'explique : Pour moi M Laclos fait un réquisitoire à l'égalité des sexes. Il faut se replacer dans le contexte ; un homme qui découchait ne pouvait être poursuivi par sa femme, tandis que l'inverse était puni sévèrement, les femmes allaient au couvent comme Cécile et ne bénéficiaient d'aucune éducation amoureuse. Par exemple, Prévan a fait le malheur de trois femmes de plein gré. La Marquise de Merteuil lui a donné une leçon bien méritée, qui malheureusement a tourné à son avantage à lui à la fin du récit, alors qu’il est le plus mauvais des personnages. Autre exemple avec Danceny qui est un piètre chevalier ; il a ou aurait bien voulu tromper Cécile avec la Marquise, mais n'a pas accepté la "faute" de Cécile, comme un lâche...



N: Et pourtant, dans la lettre LXIV, Danceny rédige une réponse magnifique à la mère de Cécile de Volanges, il était trop choupinou, un vrai chevalier :-) J’aurais bien mis sa lettre en citation, mais c’était trop long...



JW: Peut-être oui, mais il l'abandonne, alors que la mère de Cécile était prête à lui accorder le mariage. La Marquise s'explique très bien envers Valmont, elle lui dit que sa lettre ressemble à celle d'un mari et qu'elle n'en veut pas. Pour moi, elle est constante. L’auteur dit aussi, et c'est pas le seul, que la constance est une qualité, tandis que Valmont ne l'est pas!



N: Parlons-en de Valmont ! Quand j’ai lu le célèbre passage où il utilise les courbes d’une maîtresse comme pupitre pour écrire à Mme de Tourvel, je n’ai pas trop su quoi penser de lui sur le moment : il se la jouait manipulateur, mais il se piégeait lui-même.



JW: Je m'inscris en vrai de ce que tu dis. Tu relèves un passage qui plaît aux hommes. Et oui ! Notre côté animal... Une note en bas de page nous explique que déjà en son temps, Voltaire avait écrit quelque chose du même genre.



N: Par contre, je ne comprends pas Valmont qui «lèche les bottes» de la Marquise alors que celle-ci est plutôt moqueuse et cassante avec lui. Tu ne trouves pas ?



JW: Valmont est amoureux d’elle, il est son élève et son amant. Il veut lui prouver qu'il peut être digne d'elle en manipulant Cécile et Danceny, et en séduisant La Tourvel, la femme d'un juge. Force m'est d'avouer que tu as raison, on ressent cela en lisant.



N: Finalement, Valmont me fait plus de peine qu’autre chose. Il a sacrifié, par vanité, le bonheur qui lui tendait la main. Pour ma part, ce que Laclos semble dénoncer à travers son roman épistolaire, ce sont les dangers et conséquences inévitablement tragiques auxquelles on s’expose si l’on s’écarte de la morale, et d’une conduite irréprochable. J’ai bien aimé et je suis vraiment contente de cette lecture !



JW: Excellent bouquin en effet qui, comme pour les grands livres, passe les siècles sans prendre une ride, preuve que l'humain change peu, pas assez... J’ai lu que par la suite, Laclos a participé à un concours académique dont le sujet était « Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l’éducation des femmes ? », ce qui lui a permis de développer des vues plutôt féministes sur l’égalité des sexes et l’éducation des jeunes filles. Dans son traité «De l'éducation des femmes» resté inachevé, il dénonce l’éducation donnée aux jeunes filles qui ne vise, selon lui, « qu’à les accoutumer à la servitude, et à les y maintenir ». Le thème de l’émancipation féminine avait déjà dans Les Liaisons dangereuses un rôle important...
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Les Liaisons dangereuses

Parfois très long à lire, il faut l’avouer, j’ai souvent eu l’envie de sauter quelques lignes dans ma lecture, mais malgré ca, j’avais une grande envie de savoir qu’allait advenir tout ces personnages et je ne pouvais me détacher trop longtemps de ce livre. Je ne regrette donc pas de l’avoir lu, et j’irai jusqu’à le conseiller.
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Les Liaisons dangereuses

Incroyable ce jeu de lettres envoyées par les personnages et qui nous détaillent les manipulations réalisées par Madame de Merteuil et le Vicomte Dalmont. Ces deux personnages, anciens amants, jouent avec les sentiments des autres, élaborent des stratégies pour les séduire mais aussi pour les perdre, flatter leur propre vanité. Ils vont se révéler véritablement machiavéliques. Le suspens est mené d'une main de maitre. On ne s'attend pas à cette fin même si elle s'avère bien méritée. La morale est sauve.
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