On ne sort de l'esclavage que par une grande révolution
Dans sa préface « Paradoxe et vérité »,
Geneviève Fraisse cite
Choderlos de Laclos : « le paradoxe est le commencement d'une vérité ». Un paradoxe. le perfectionnement
de l'éducation des femmes. « Un paradoxe, oui, puisque l'auteur affirme l'impossibilité de ce perfectionnement. le commencement d'une vérité, oui, puisqu'il sera développé, dans cet essai, des analyses qui touchent à l'origine de ce problème, la hiérarchie des sexes, à une réflexion sur la stratégie pour sortir de cet « esclavage », par la révolution (le mot est bien là), par la ruse, et par le courage individuel. »
L'esclavage, la politique, les mots pour le dire : « Venez apprendre comment, nées compagnes de l'homme, vous êtes devenues son esclave. »
L'auteur plus connu pour sa défense d'un certain libertinage parle ici de l'avilissement des femmes. Contre les oppositions, le noir et le blanc, il convient de prendre en compte et d'exposer les contradictions. D'en finir avec la ritournelle qui ferait de l'égalité un obstacle au désir. D'affirmer l'égale puissance de jouissance des êtres humains.
Geneviève Fraisse précise : « Alors, le double geste d'écriture de Choderlos de Laclos nous est précieux par son impertinence. Il initie une problématique propre à la pensée démocratique de l'égalité des sexes. Il indique le défi à venir, celui de croiser désir et égalité » Il faut donc tenir ensemble l'érotisme et l'égalité, j'ajoute que cela a bien à voir avec la liberté.
Je souligne les paragraphes sur le consentement et rappelle "
Du consentement" et "Le refus de consentir ?"
Mais à quoi pourrait servir d'identifier l'origine de l'oppression des femmes ? La question n'a pas de réponse du coté de l'éducation mais bien du coté de la révolution… Nous sommes là bien dans le siècle et à quelques années de 1789…
Et la question de l'égalité reste un des diamants pour éclairer et tailler le futur.
« Il n'est aucun moyen de perfectionner l'éducation des femmes ». Pour Choderlos de Laclos l'éducation prétendue « ne mérite pas en effet le nom d'éducation ». Si l'on peut discuter aujourd'hui de la « compagnie » (les femmes comme compagnes des hommes) en d'autres termes – égalité et non complémentarité – il n'en reste pas moins vrai que les femmes ont bien été privées de ce que les hommes considèrent comme leur naturel (je reviendrais plus bas sur l'idée de nature), « vous êtes devenues son esclave ». Et l'auteur le dit haut et fort : « on ne sort de l'esclavage que par une grande révolution » car il comprend bien ce qu'est « l'utilité sociale de l'esclavage » : « la liberté d'un esclave serait une atteinte portée au pacte social fondé sur l'esclave ». Il me semble utile de renvoyer au livre de
Carole Pateman :
le contrat sexuel, et à la préface de
Geneviève Fraisse : « À rebours », et à une phrase « Un ordre social libre ne peut être un ordre contractuel ».
Des êtres libres et puissant·es.
Choderlos de Laclos oppose les êtres naturels et les êtres en société, celles et ceux qui « sont garrotté dans un maillot » dès la naissance, puis les évolutions lors des différents âges. Faut-il lire cela comme une recherche d'un passé mythique, comme la quête d'un possible à actualiser, comme une justification d'un futur radicalement autre ? Je laisse les historien·es faire justement ce travail d'historicisation des propos et des arguments.
Quoiqu'il en soit, l'auteur parle des faire qui ne sont pas de volonté, de ce que les femmes ont cédé « et non consenti », des travaux les plus vils et les plus pénibles dont sont chargées les femmes, des conventions reçues, des fausses lueurs, de la nécessité de s'examiner et de se connaître, de la lecture et de l'histoire…
« Mais souvent le paradoxe est le commencement de la vérité ».
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