C'est une histoire française.
Elle se passe à Paris pendant l'Occupation, puis dans le maquis du Vercors où les résistants se battent dans la neige, jusqu'au dernier. C'est une histoire qui oppose deux France. Celle des Cossé-Brissac, le côté maternel de l'auteure, dont la grand-mère May, aussi libre de son corps en privé qu'attentive aux conventions en public, reçoit le Tout-Paris de l'Occupation, de Paul Morand à Pierre Drieu La Rochelle, de Josée Laval à Coco Chanel. Une jeune fille grandit là, promise à un mariage de l'entre-soi, bientôt elle sera rebelle. Elle se nomme Marie-Pierre de Cossé-Brissac.
L'autre France, c'est celle de la résistance par les idées et par les armes. Un grand médecin juif parisien envoie son fils en province. L'intellectuel rompu aux joutes de l'esprit rejoint le maquis. Il se nomme Simon Nora, rebaptisé « Kim » dans son réseau.
À la fin de la guerre, le survivant du Vercors rencontre l'aristocrate en rupture avec sa famille.
Les héritiers des deux France s'aiment comme s'ils n'en formaient qu'une. Mais auront-ils le droit à la liberté ?
Ce roman haletant est une fresque guerrière, un amour
impossible, une brève libération.
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Les drogués sont des mystiques d'une époque matérialiste qui, n'ayant plus la force d'animer les choses et de les sublimer dans le sens du symbole, entreprennent sur elles un travail inverse de réduction et les usent et les rongent jusqu'à atteindre en elles un noyau de néant. On sacrifie à un symbolisme de l'ombre pour contrebattre un fétichisme de soleil qu'on déteste parce qu'il blesse des yeux fatigués.
« il avait senti de bonne heure germer en lui une convoitise sordide pour le silence, la paix, la raréfaction des joies et des peines, une délectation secrète et tout intime. »
Le docteur sentait ce défi, et en était fort gêné ; car, dans ce paisible asile, il ne s'était nullement entraîné à l'autorité. La peur de voir arriver malheur à Alain aurait pu lui donner du courage, mais plus encore que de sa témérité, il avait peur de l'ironie d'Alain. Il n'osait pas lui protester que la vie était bonne, faute de se sentir en possession d'arguments bien aigus.
Soudain, sans le regarder, il lui toucha la main et s'enfuit.
Le suicide, c'est le ressource des hommes dont le ressort a été rongé par la rouille, la rouille du quotidien. Ils sont nés pour l'action, mais ils ont retardés l'action; alors l'action revient sur eux en retour de bâton. Le suicide, c'est un acte, l'acte de ceux qui n'ont pu en accomplir d'autres.
Il se secoua. Dans son for intérieur, il était en train de jouer la comédie que d’autres étalent dans les enterrements avec des gants noirs, en disant : “ Je l’ai beaucoup connu. C’était un homme qui…” Comédie somme toute sincère, car les vivants, en regrettant les morts, en regrettant de n’avoir pas aidé les ex-vivants à vivre, regrettent ainsi de n’avoir pas vécu eux-mêmes davantage, en se donnant plus. Ah! il faut mettre de la profondeur dans chaque minute, chaque seconde; sans quoi, tout est raté pour l’éternité.
Il avait été touché par la mort, la drogue c'était la mort, il ne pouvait pas de la mort revenir à la vie. Il ne pouvait que s'enfoncer dans la mort, donc reprendre de la drogue. Tel est le sophisme que la drogue inspire pour justifier la rechute : je suis perdu, donc je puis me redroguer.
Persévérance, toucherai-un jour tes trésors difficiles ? Aurai-je donc perdu ma vie sur cette faible idée du coup de foudre dont je voudrais toujours qu'il consume la femme que je rencontre et qu'il la sépare de tout pour l'abolir en moi ? L'amour, comme toute la vie, n'est que travail. Tout ce qui apparaît de spontané doit, pour prendre forme et s'épanouir, être soutenu par la conscience et prolongé par la volonté. Pourquoi moi, qui aime le travail dans mon métier, ne puis-je m'en accommoder dans mes amours ?
Par un soir de l'hiver de 1917, un train débarquait dans la gare de l'Est une troupe nombreuse de permissionnaires. Il y avait là, mêlés à des gens de l'arrière, beaucoup d'hommes du front, soldats et officiers, reconnaissables à leur figure tannée, leur capote fatiguée.
L'invraisemblance qui se prolongeait depuis si longtemps, à cent kilomètres de Paris, mourait là sur ce quai. Le visage de ce jeune sous-officier changeait de seconde en seconde, tandis qu'il passait le guichet, remettait sa permission dans sa poche et descendait les marches extérieures. Ses yeux furent brusquement remplis de lumière, de taxis, de femmes.
"Le pays des femmes", murmura-t-il. Il ne s'attarda pas à cette remarque ; un mot, une pensée ne pouvaient être qu'un retard sur la sensation.
(incipit).
Lettre de Victoria à Drieu en janvier 1932
Je ne suis pas divisée comme vous l'êtes. Je n'aime pas comme vous aimez. D'abord j'ai eu la chance de n'avoir jamais eu à mêler l'amour à l'argent et quand j'ai aimé les gens, je les ai aimés pour eux-mêmes ; pour ce qu'ils étaient et pas pour ce que j'aurais voulu qu'ils fussent.
Je crois que même si je n'avais pas eu le sou, j'aurais aimé comme j'ai aimé... (sans mélange), sans hantise de pauvreté, de richesse, de perfection, d'imperfection... avec seulement la soif de comprendre tout ce qu'il y a dans un être humain d'humaine faiblesse et d'humaine noblesse à la fois.
Je crois que vous aimez mal, Drieu. Et je n'imagine pas que j'aime bien, moi-même. Mais je sais que je suis en train d'apprendre.
Moins elle avait de but et plus sa vie prenait de sens