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EAN : 9782070364596
683 pages
Gallimard (05/10/1973)
3.76/5   151 notes
Résumé :
Je ne puis plus aimer une femme. Je vais partir. Torrents de larmes, sanglots, spasmes, râles, agonie, mort, autre veillée funèbre. Femmes mortes. Dora, au loin, qu'étaient ses jours et ses nuits ? Assez. Femmes mortes. Il était mort aux femmes. Il attendit une heure. Le sanglot de Berthe ne finissait pas. Il se raidissait pour ne rien dire. Pas un mot. Il regardait autour de lui ce charmant décor, mort comme celui de sa chambre avec Pauline.
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Gilles
Rebatet, Brasillach, Drieu la Rochelle… On m'avait dit : « Lis les écrivains maudits, tu ne peux pas faire ainsi l'impasse. » J'ai commencé par Drieu, « Gilles ». Et je n'ai pas pu finir. Et il ne s'agit pas de ses choix, peu visibles, d'ailleurs dans les 150 pages que j'ai lues. Mais qu'avaient-ils ces mecs des années trente, qu'avaient ils, pour entretenir cette vision si méprisante, si pitoyable de la femme et de l'amour. Drieu, Cohen, Montherlant, même misogynie, même combat : des personnages masculins insignifiants (car, ne me dites pas, Solal, c'est quoi ? Un vague diplomate incrusté dans le système…) mais pétris de leur importance, et qui ne peuvent la percevoir, cette importances, qu'en manipulant des femmes jusqu'à ce qu'elles soient éperdues d'amour pour leurs petites personnes et qu'ils puissent les sentir souffrir. Gilles est de ceux là, et le plus prétentiard, le plus insignifiant peut-être. Moi, j'ai vite eu envie de le laisser à ses petits jeux. Mais, me dit-on, c'est une peinture lucide et franche. Peut-être, mais sans recul, sans la moindre note d'humour. Ajouter à cela une évocation des salons et du monde où le malheureux Drieu se prend pour Proust, - se prend, mais n'est malheureusement pas : quelle platitude ! Chez Cohen, au moins, la caricature sociale est fulgurante. « Ah, mais c'est bien écrit. » Oui, au début, j'avais bien souligné quelques phrases, mais franchement, ça ne tient pas la distance. Alors, si vous aimez voir souffrir de femmes, allez plutôt à l'opéra, comme dirait Catherine Clément.
Et pardon, l'écrivain maudit. J'aurais bien voulu ne pas t'enfoncer, mais il aurait fallu y mettre un peu du tien.
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N°556 – Mars 2012

GILLESPierre Drieu La Rochelle* (1939) – Gallimard.

Gilles Gambier, le personnage principal de ce roman, a combattu pendant la Première Guerre mondiale et a été blessé. Désargenté, il tombe amoureux de Myriam Falkenberg, femme riche qu'il séduit, épouse mais qu'il quitte dès que la mort de son père fait d'elle une héritière plus riche encore. le héros rejoint l'armée, vit une passade avec une infirmière qu'il quitte également, devient, à la fin des hostilités, une sorte de dandy profiteur, entraîné un peu malgré lui dans un complot politique. Il se retrouve en Algérie après une brève aventure avec Dora, une américaine qu'il aimait sincèrement mais qui le quitte, s'amourache de Pauline, une jeune fille simple. Plus ou moins écoeuré par la vie, il rentre à Paris, fonde un journal fasciste et part s'engager en Espagne au côté des franquistes.

Voilà résumé en peu de mots ce roman dont l'auteur, auparavant tenu pour une sorte de dandy, voulait se faire reconnaître comme un authentique écrivain. C'est que ce Gilles Gambier ressemble beaucoup à Drieu, élégant, cynique, séducteur, tenté par l'écriture aussi . Il ne s'arrête cependant pas à l'autocritique puisque ce roman, dont le titre original devait être « Pamphlet contre moi et mes amis », égratigne également Aragon, André Breton et le groupe des Surréalistes auquel il a été un moment lié mais avec lequel il se brouillera. Ce récit se veut le dénonciateur de la décadence de la France de l'entre-deux guerres, de la politique du moment, mais pas seulement.

Alors, chantre du fascisme ? Peut-être et même sûrement mais ce qui a fait de lui un écrivain rejeté par ses contemporains à cause de ses choix politiques tient sans doute au fait qu'il a été le reflet de son époque. C'est souvent le destin des écrivains talentueux sur le plan littéraire, que d'être le miroir de leur temps et à ce titre d'en incarner les lâchetés et les compromissions. L'image peu flatteuse qu'ils en donnent font d'eux des boucs émissaires tout désignés.

Drieu était par ailleurs un personnage complexe, hanté par sa propre mort (il se suicidera probablement pour éviter d'être fusillé mais n'en était cependant pas à sa première tentative. le père de Myriam Falkenberg se suicide au début du roman et Paul Morel, un autre personnage de ce roman, fait de même) parce que sa désespérance était trop forte. C'est une sorte d'antidote au mal de vivre de celui qui ne trouve pas sa place dans la société. Dans ce roman, l'ambiance même du récit trahit une sorte de mal-être d'un homme égaré, perdu [« Vivre c'est d'abord se compromettre » dit-il.] Il était certes un idéaliste, dénonçant le déclin de la bourgeoisie et de la société, mais il était assurément un homme que la Première Guerre mondiale avait définitivement déstabilisé et que les événements qu'il traversait avaient du mal à satisfaire. Il variera beaucoup dans le choix de ses modèles. Séducteur, il est bien sûr attiré par les femmes à qui il plaît mais elles ne semblent pas à la hauteur des aspirations amoureuses de ce dandy libertin qui sait qu'elles ne l'aiment pas pour lui-même. Il représente pour elles la jouissance mais lui regarde parfois la femme comme l'objet de la conquête mais aussi un remède contre la solitude [« Vous, vous souhaitez la femme des autres, mais si elle était à vous ... » fait-il dire à un de se personnages s'adressant à Gilles]. Elles sont aussi liées à l'argent qui est un symbole de pouvoir, d'indépendance, comme Myriam dans ce roman. Les femmes et l'argent sont un thème central de son oeuvre comme dans sa vie.

Avant la deuxième guerre il est ouvertement en faveur des juifs. Sa première femme, Colette Jéramec, est juive mais, après un voyage en Allemagne, dans les années 30, il revient convaincu par le régime nazi, à ses yeux, remède contre la décadence de la société moderne. C'est à cette époque qu'il écrit « Gilles » qui est probablement le roman le plus représentatif de son oeuvre. Sous l'occupation, il soutient la collaboration avec l'Allemagne et prône la haine des juifs ce qui fit de lui un écrivain maudit. Pourtant il parvint, après son divorce, à libérer sa première femme du camp de Drancy où elle était incarcérée avec son frère et son enfant d'un précédent mariage. Cela ne l'empêche pas, revenu apparemment de ses illusions, de faire l'éloge en privé du stalinisme, de se lier à André Malraux mais de refuser l'aide de ce dernier à la Libération, préférant la mort.

Drieu était un être tourmenté, tiraillé par ses propres contradictions et ses aspirations idéalistes et politiques. Je n'adhère guère à l'idéologie politique de Drieu et je distingue l'homme de plume et ses choix idéologiques, mais son style me semble être tout à fait intéressant. Je choisis de voir en lui un serviteur de notre belle langue française et de déplorer qu'il fut si longtemps oublié. Il est peut-être bizarrement actuel pour nous qui sommes également perdus dans une société qui a abandonné ses repères traditionnels, dans une démocratie empêtrée dans ses contradictions qui prend davantage en compte l'aspect financier que la réalité humaine et tient en permanence un double langage. Au moment où il nous est fait l'éloge de la réussite, il est l'image de l'homme avec ses fêlures, ses interrogations, son attirance vers la mort, sa fascination du suicide face à l'échec ...

Si mes informations sont exactes, il semble que La Pléiade répare cet oubli par la publication, en avril 2012, de l'ensemble de son oeuvre. Ainsi Drieu reprendra-t-il sa place dans la littérature française, celle d'un grand écrivain malencontreusement et injustement délaissé.

*Pierre Drieu La Rochelle [1893-1945]



© Hervé GAUTIER - Mars 2012.
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« Gilles » est une chronique inspirée, écrite d'une plume acérée et ironique, sur la France de la fin de la Première Guerre mondiale et de l'entre-deux guerres. Ce roman est composé de trois parties et d'un épilogue.
Dans la première partie, intitulée « La permission », on fait connaissance avec le héros éponyme en 1917. Blessé au bras, une permission lui a été accordée et le voilà qui débarque à Paris. Là, il séduit Myriam Falkenberg, une riche héritière dont il avait connu les défunts frères au front. Il ne l'aime pas et n'en a qu'après son argent. Cette partie de l'intrigue m'a beaucoup fait pensé au film « L'Héritière » (1949) avec Olivia de Havilland et Montgomery Clift, que j'avais vu peu de temps avant. Mais Gilles est aussi un habitué des bordels et a des maîtresses. le suivre dans cette suite de coucheries est assez lassant et on éprouve beaucoup de peine pour Myriam.
La deuxième partie, « L'Élysée », est plus plaisante. On retrouve Gilles quelques années plus tard, qui côtoie la bonne société de Paris ainsi que le groupe « Révolte », caricature savoureuse des surréalistes. Ces derniers finissent par se mêler de politique et monter une cabale contre le président de la République, où ils se ridiculisent. En parallèle, on suit les déboires sentimentaux de Gilles avec sa nouvelle maîtresse, Dora, une Américaine.
Dans la troisième partie, Gilles a une nouvelle maîtresse, Pauline, une ancienne prostituée rencontrée à Alger. Il s'installe avec elle à Paris et finit par l'épouser. Il monte un journal « L'Apocalypse » (qui donne son titre à cette partie) « entre la philosophie et la politique, la littérature et le journalisme », et tente de convaincre son ami Clérences, rencontré dans la deuxième partie, de créer un nouveau parti. le personnage principal assiste ensuite aux événements du 6 février 1934.
Enfin, dans l'épilogue, on retrouve Gilles, converti au fascisme, dans une Espagne en pleine guerre civile.
L'ensemble est assez agréable à lire et l'ironie mordante prête à sourire. le tout est très bien écrit et un certain nombre de passages méritent d'être cités (ce que j'ai fait). Certes, l'auteur véhicule quelques préjugés de l'époque sur les juifs, sans pour autant être réellement antisémite. Il y a aussi des passages que l'on pourrait qualifier de « racistes », même quand il ne s'agit pas de critiquer une autre « race ». Je pense par exemple, à ce moment où dans la première partie, l'infirmière américaine qui s'occupe de Gilles à l'hôpital et lui a donné à écouter des disques de jazz, lui demande si il a aimé « la musique de nègres » qu'elle lui a prêtée.
« Gilles » est donc un livre qui mérite d'être lu. Ne craignez rien, ce n'est pas pour ça que vous deviendrez fascistes. de même qu'on ne devient ni anarchiste ni communiste après avoir écouté des chansons de Léo Ferré ou de Jean Ferrat.
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Paris, Hiver 1917. Un soldat du front, sans famille, laissé en permission anticipée, à cause de l'hécatombe humaine, plonge, sans transition, de l'ascétisme raisonné et accepté du front, dans la vie de Paris, la vie des femmes, des planqués, la vie hystérique et artificielle de l'arrière. Gilles est plutôt nigaud et ingénu, un peu falot, aimant se faire dorloter, tout en étant cynique et conformiste par certains côtés; c'est un être taraudé par le désir et la convoitise.

Le ton, froid, cassant, sans concession, aggravé par les épisodes de monologue intérieur du parvenu qu'est Gilles, permette à Drieu la Rochelle d'illustrer la décadence absolue et irréversible d'une société entretenue par le cynisme d'une vie sans perspective, ni rêve, où l'amour est un jeu de dupe et où la recherche du plaisir effrénée tâche de maquiller l'absurde et l'horrible de la guerre. C'est une mise à nu des bassesses humaines, de la stupide vanité des êtres... Gilles est un personnage complexe, terriblement humain dans ses contradictions et ses inconséquences. Ses tentatives de franchise pure sont contrecarrées par l'aptitude qu'ont ses interlocuteurs à préférer vivre dans les illusions qui les bercent et les rassurent; son attitude semble lui être dictée comme s'imposant à lui du dehors. Roman de formation et roman à clef, Gilles est d'un abord plutôt difficile par son style et son contenu. le personnage évolue; l'on suit ses atermoiements incessants en terme de relation féminine et de formation politique. Dans une sorte de solde de tout compte avec des amitiés périmées, Drieu charge les Surréalistes (le groupe Révolte du livre), présentés comme un ramassis de destructeurs par désespoir, de révolutionnaires aux petits pieds, épateurs de bourgeois, démagogues incurables, véritables ferments de décadence. Breton (Caël) en gourou de secte maniaque et fumeux, et surtout Aragon (Galant) en être arrogant, envieux, cynique, mesquin, lâche, manipulateur à la solde de la police, ont dû apprécier... le gouvernement radical, sa politique tiède et permissive font aussi les frais de la prose pamphlétaire de l'auteur. le livre s'achève dans les troubles politiques du 6 février 1934 et sur la guerre civile espagnole, annonciateurs des bouleversements planétaires à venir, et sur une dernière pensée, nietzchéenne, de l'éternel retour. Paru en 1939, ce roman prend une dimension singulière au vue des événements qui allaient déferler; il est intéressant pour la compréhension du climat de la France d'après guerre, et des forces et idéologies en présences avant la seconde déflagration mondiale. A lire comme le pendant d'Aurélien d'Aragon.
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Il y a deux façons d'aborder la lecture de ce roman . La première est que l'on ne connaît rien ou très peu de la vie de Drieu et on fait une lecture classique d'un roman des années trente avec ce petit parfum sulfureux de référence au fascisme, la seconde est que l'on connaît la vie de Drieu et le contexte dans lequel il écrit ce roman et on peut apprécier alors toutes les subtilités, toutes les allusions aux événements réels que fait Drieu.
"Gilles" plus que tout autre écrit de Drieu est autobiographique et de la guerre des tranchées à l'adhésion au fascisme en passant par les surréalistes tout est rappel à sa propre existence.
Les aventures amoureuses de Gilles et son obsession des poitrines féminines que l'on retrouve dans pratiquement tous ses écrits sont le parfait miroir de celles de Pierre et on croise sous d'autres noms mais au comportement à peine modifié AragonMalraux qui furent ses amis et c'est un réel plaisir que de retrouver les concordances, les parallèles entre Gilles et Pierre.
Ceci dit , il faut reconnaitre que l'écriture est un peu datée et la lecture peut sembler longue et ardue par moments à un lecteur d'aujourd'hui.
"Gilles" est considéré comme le chef-d'oeuvre de Drieu mais je le trouve un peu long avec pas mal de redites malgré tout et je lui préfère "Rêveuse bourgeoisie" ou "Une femme à sa fenêtre" et puis surtout ses recueils de nouvelles où il excellait.
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Vous me faites rire avec vos critiques portant soit sur le style ancien ou lourd des écrivains d' antan , soit sur le côté macho facho irrrespectueux etc... mon message sera très court : Qe cherchez-vous en litterature ? Qu' avez-vous à proposer dans le cloaque littéraire indigent et prétentieux des écrivaillons d' aujourd' hui ? Franchement dans cette première moitié du xxè siecle , les gens savaient écrire . C' était parfois un peu long , certes , mais tout de même , ça voulait dire quelque chose !la lecture demande un minimum d' efforts . Passer au-delà même de ce qu' on aime .. Une oeuvre d' art ne plait pas forcement à tout le monde ! Vous n' avez tien compris au personnage de Gilles . C' est un dandy , un décadent , un disciple de Baudelaire , Montesquiou ou Barbey d' Aurevilly ... Donc , pas forcement sympathique . Si vous n' avez pas su voir celà vous êtes passés à coté ! alors les grandes phrases bien pensantes , les mots "dans l' air du temps " , tout celà n' a rien à voir avec la litterature . Ou alors lisez des romans de gare ! Marc Levy ou Mussot , tiens ... au hasard !
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Par un soir de l'hiver de 1917, un train débarquait dans la gare de l'Est une troupe nombreuse de permissionnaires. Il y avait là, mêlés à des gens de l'arrière, beaucoup d'hommes du front, soldats et officiers, reconnaissables à leur figure tannée, leur capote fatiguée.
L'invraisemblance qui se prolongeait depuis si longtemps, à cent kilomètres de Paris, mourait là sur ce quai. Le visage de ce jeune sous-officier changeait de seconde en seconde, tandis qu'il passait le guichet, remettait sa permission dans sa poche et descendait les marches extérieures. Ses yeux furent brusquement remplis de lumière, de taxis, de femmes.
"Le pays des femmes", murmura-t-il. Il ne s'attarda pas à cette remarque ; un mot, une pensée ne pouvaient être qu'un retard sur la sensation.
(incipit).
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Il se secoua. Dans son for intérieur, il était en train de jouer la comédie que d’autres étalent dans les enterrements avec des gants noirs, en disant : “ Je l’ai beaucoup connu. C’était un homme qui…” Comédie somme toute sincère, car les vivants, en regrettant les morts, en regrettant de n’avoir pas aidé les ex-vivants à vivre, regrettent ainsi de n’avoir pas vécu eux-mêmes davantage, en se donnant plus. Ah! il faut mettre de la profondeur dans chaque minute, chaque seconde; sans quoi, tout est raté pour l’éternité.
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Il se demandait si les fins de l’homme sont des fins sociales. Ou plutôt il rêvait d’une société qui laisserait beaucoup de liberté à l’homme ; non pas de cette liberté dont on parle tant dans les villes et qui est un attrape-nigaud, la liberté de faire du bruit ; non, une autre liberté, celle dont il jouissait en ce moment et qui était la liberté de se taire et de contempler. Il rêvait d’une société où la production et la jouissance des biens matériels seraient limitées à un prolétariat gras, cossu, bourgeois ; et pour une classe d’exception, pour une sorte de noblesse, la générosité de l’homme serait reportée dans la contemplation. Il ne s’agissait point là de l’inertie des « intellectuels » du siècle dernier affalés dans leur bibliothèque, dominés par leur faiblesse corporelle, livrés par leur incapacité politique à la dictature de la foule ivre de besoins et de satisfactions médiocres, noyés dans le flot montant de la laideur des objets, des vêtements, des maisons, et alors se confinant dans une rêvasserie subjective de plus en plus mal nourrie et maigre.

Il pensait, après le Platon des Lois, que la contemplation ne peut être pleine et créative qu’appuyée sur des gestes et sur des actes qui engagent toute la société. Il n’est de pensée que dans la beauté et il n’est de beauté que par le concours de toute la société ramenée à la sainte loi de la mesure et de l’équilibre. Restriction des besoins pour l’élite, équilibre des forces matérielles d’une part, corporelles et spirituelles de l’autre. Ascétisme du religieux, mais aussi de l’athlète et du guerrier.

Telles avaient été la Grèce, l’Europe du Moyen-Âge.

L’Islam autour de lui, même avarié par la colonisation, lui rappelait l’éternelle règle d’or, en bonne partie restituée par Maurras en ces temps-ci.

Presque nu, mangeant peu, buvant moins, silencieux, marchant au soleil ou assis dans une ombre chaste et il était d’accord avec ces officiers sahariens qui croyaient plus dans la maigre maxime des vaincus du désert que dans le gras propos triomphant à Paris. Il rêvait que la civilisation d’Europe enfin s’arrêtât comme s’était autrefois arrêtées les civilisations d’Asie et que dans le silence enfin recouvré on n’entendît plus que le son d’une note de musique ou le heurt de deux sabres dans quelque duel absurde ou le bruit très discret du paraphe du poète. Assez de progrès. Il n’attendait rien que la paresse. (pp. 502-504)
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C’était la première fois que Gilles se trouvait devant une femme, à l’un de ces moments où elle n’est jamais si sincère qu’en mentant. Cette sincérité féminine qui nie les faits passés est incompréhensible à l’homme qui en bénéficie. La femme est une grande, une puissante réaliste; elle croit aux faits, elle est entièrement dans les faits, les faits actuels. Le passé pour elle peut être fort, impérieux, écrasant, mais jusqu’au moment où le présent requiert un plus grand amour; alors le passé est soudain aboli.
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Vidéo de Pierre Drieu La Rochelle
C'est une histoire française. Elle se passe à Paris pendant l'Occupation, puis dans le maquis du Vercors où les résistants se battent dans la neige, jusqu'au dernier. C'est une histoire qui oppose deux France. Celle des Cossé-Brissac, le côté maternel de l'auteure, dont la grand-mère May, aussi libre de son corps en privé qu'attentive aux conventions en public, reçoit le Tout-Paris de l'Occupation, de Paul Morand à Pierre Drieu La Rochelle, de Josée Laval à Coco Chanel. Une jeune fille grandit là, promise à un mariage de l'entre-soi, bientôt elle sera rebelle. Elle se nomme Marie-Pierre de Cossé-Brissac. L'autre France, c'est celle de la résistance par les idées et par les armes. Un grand médecin juif parisien envoie son fils en province. L'intellectuel rompu aux joutes de l'esprit rejoint le maquis. Il se nomme Simon Nora, rebaptisé « Kim » dans son réseau. À la fin de la guerre, le survivant du Vercors rencontre l'aristocrate en rupture avec sa famille. Les héritiers des deux France s'aiment comme s'ils n'en formaient qu'une. Mais auront-ils le droit à la liberté ?
Ce roman haletant est une fresque guerrière, un amour impossible, une brève libération.
Extrait disponible sur notre site https://www.editions-stock.fr/livres/la-bleue/une-breve-liberation-9782234094024
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