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Critiques de Roger Zelazny (642)
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24 vues du mont Fuji, par Hokusai

Lorsque l’éphémère et l’éternel se livrent combat…



Une âme bienveillante m’a offert un jour ce livre magnifique « Hokusai - les 36 vues du mont Fuji », d’Amélie Balcou aux éditions Fernand Hazan, papier épais plié en accordéon déroulant les vues sublimes du mont Fuji peintes selon différents angles de vue, à différentes saisons, à différents moments de la journée. Méditation et contemplation sont conviées face au spectacle graphique de la cohabitation troublante de l’éphémère et de l’éternel sur ces estampes si caractéristiques. J’aime profondément cet ouvrage.



Lorsque j’ai vu ce titre « 24 vues du mont Fuji par Hokusai » de Roger Zelazny aux éditions du Belial’ dans cette collection « Une heure-lumière » que j’ai découverte récemment et qui permet de lire à chaque ouvrage une novella de science-fiction, novella souvent assez étonnante, je me suis dit que le pas de côté avec Hokusai allait forcément me plaire et me parler.

Roger Zelazny mélange science-fiction et ésotérisme de façon totalement surprenante. Il revisite avec subtilité l’éternité et l’éphémère, renversant le rapport de l’un à l’autre par rapport à la peinture d’Hokusai. Si le texte est d’abord axé sur la méditation et la quête d’identité de sorte que nous pensons avoir entre les mains un livre de développement spirituel suite à un deuil, l’aspect science-fiction n’apparait qu’au deuxième tiers du livre. L’hermétisme du récit, voulu par l’auteur, laisse dans un premier temps libre cours à nos interrogations, à notre imagination, pour mieux nous étonner ensuite.



« Le feu aux entrailles, des traces de neige au sommet, comme des mèches de cheveux blancs. L’estampe est légèrement moins menaçante que la réalité ce soir. Cette affreuse teinte rouge ne luit pas au-dessus de moi comme une horde de nuages furieux. Mais je suis tout de même émue».



Mari se lance dans un voyage solitaire durant lequel elle va tenter de retrouver 24 vues des 46 estampes du mont Fuji peint par Hokusai au 19ème siècle. Un pèlerinage vers des scènes disparues, voyage entre la vie et la mort, d’autant plus que nous la devinons malade, proche de la mort. Et nous savons que son mari Kit est mort…mais qu’il est toujours vivant. « Kit a jeté sa vie et l’a récupéré. J’ai conservé la mienne et je l’ai perdu ». La vie et la mort semblent entrelacées, et les frontières entre les deux sont mouvantes.



Situation inquiétante et étrange, elle tente de fuir ou recherche quelque chose, veut absolument accomplir tous les arrêts du chemin de croix qu’elle s’est fixé, « chaque seconde de vie la rapprochant de la mort ». Les intentions de Mari, si ce n’est peut-être des intentions liées à la méditation consécutive à la mort de son mari, sont d’abord assez floues pour nous lecteurs tant son comportement est étrange. Ces vues du mont Fuji sont magnifiques, sublimées par la vision altérée par les médicaments que prend Mari, chaque halte du pèlerinage est envisagée lorsqu’il y concordance entre l’estampe et la réalité (j’ai pu pour ma part suivre cette nouvelle avec mon livre accordéon à mes côtés).

Mais la tension sous-jacente que vit Mari, tiraillée entre paranoïa et frénésie, entre l’art de savourer le moment présent et l’obsession de ressasser le passé, voyageant avec très peu de choses et dormant même à la belle étoile, faisant de cette simplicité sa cape de ténèbres et d’invisibilité, perturbe et gâche cette contemplation…Nous la pensons déséquilibrée même, curieuse tout du moins, mais une fois que Roger Zelazny nous donne peu à peu des clés de compréhension, tout se met en place, le comportement étrange devient compréhensible, et l’ambiance distillée par la beauté des paysages déploie tout son charme.



« On ne saisit pas toujours dans son ensemble ce qui nous fascine. L’observation suffit à cet instant ».



C’est bien l’art d’une nouvelle réussie que de savoir perturber son lecteur, le perdre avec des éléments étranges (les fameux interfacts par exemple dans cette nouvelle), de dire beaucoup avec peu de mots, pour donner sens à l’ensemble seulement à la fin.

Comme « Le choix » de Paul J. Mc Auley de la même collection lu récemment, ce livre va laisser une certaine vibration en moi. A l’image des ondes concentriques qui se forment suite à la chute d’une goutte d’eau.



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Le cycle des princes d'Ambre, tome 1 : Les ..

Au début du livre, tu vas suivre un drôle de type devenu amnésique et qui va s'acharner à retrouver la mémoire. Par petits bouts ou par pans entiers, tu le verras reconquérir sa vie d'avant. En le voyant sortir des brumes, tu ne trouveras pas très sympathique cet homme qui met toute son intelligence hors-norme au service de son arrogance, de sa brutalité et de sa malignité. Tu te demanderas où Corwin − puisque c'est son vrai nom – va t'embarquer ? Même si tu tiens la main d'un sale type, tu peux me croire, le voyage qu'il te propose est étourdissant.

Corwin est l'un des neuf princes − qui sont aussi neuf frères − du royaume d'Ambre, et son unique dessein est d'y retourner pour conquérir le trône. Mais toutes les routes ne mènent pas à Ambre. Outre qu'il faut déjouer les pièges et autres fourberies des frangins, tu l'accompagneras dans ses voyages risqués et loufoques à travers les Ombres, des univers parallèles et instables aux lois physiques différentes. Ces Ombres, dont fait partie notre bonne vieille Terre, ne sont que des reflets en creux d'Ambre, seul élément stable de cet étrange et extravagant multivers.

Mon Dieu, ces neuf princes ! quelle famille ! Les Atrides, les rois Mérovingiens sont des enfants de choeur par rapport à cette fratrie sans foi ni loi, malveillante, cynique, et qui a le goût du sang. Corwin, pourtant poète et chansonnier à ses heures perdues, n'est ni pire ni meilleur que les autres. Il a la puissance des surhommes, il a la mémoire des siècles ; il a le goût du risque et n'a absolument aucun scrupule de conscience. Dans ce bras de fer qui l'oppose à ses frangins, on va le voir perdre, puis gagner, puis trébucher, et perdre de nouveau, et se relever encore une fois…

Une histoire ludique. Une imagination débridée. Un style sec, une écriture hâtive extraordinairement dynamique qui caracole et avance au pas de charge. Une vraie surprise. Je vais aller plus loin que ce premier tome.





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24 vues du mont Fuji, par Hokusai

« Kit est en vie, alors qu’il est enterré près d’ici; et je suis morte, même si je regarde les traînées de nuages rosâtres du crépuscule au-dessus de la montagne lointaine, avec un arbre qui se détache comme il convient au premier plan. »



Dès l’incipit, mystère et poésie s’entrelacent, donnant le ton au récit, en tissant la trame aussi troublante qu’envoûtante. Quelques lignes plus loin, nous apprenons que Mari, la narratrice, accomplit un pèlerinage. Dans quel but? Nous l’ignorons, mais nous en pressentons l’enjeu, un enjeu essentiel puisqu’il touche à la vie et à la mort, un enjeu indicible :

« Je suis venue pour tuer. Porteuse de la mort dissimulée, contre la vie secrète ».

Si nous ignorons pourquoi Mari entreprend cet étrange pèlerinage, nous en connaissons parfaitement le cheminement. Vingt-quatre étapes, chacune d’elles correspondant à l’une des vingt-quatre estampes du mont Fuji par Hokusai reproduites dans le petit livre qu’elle a glissé dans la poche de sa veste, orientent et scandent son voyage.



Les vues du mont Fuji par Hokusai ne dictent pas seulement leur rythme au pèlerinage de Mari, elles le confèrent également au livre, dont chacun des vingt-quatre chapitres s’ouvre sur une confrontation entre l’estampe et la réalité, les deux parfois s’opposant, parfois coïncidant en une subtile harmonie, parfois encore se complétant l’une l’autre, toujours donnant lieu à une intense méditation sur l’art. L’art empreint de spiritualité, d’une virtuosité inouïe d’Hokusai, mais aussi d’autres formes d’art, comme la littérature, traversent le récit de part en part, le nourrissant de références et de métaphores qui, tels les cailloux semés par le Petit Poucet, éclairent le chemin que suit Mari, et le nôtre aussi. L’art pour Zelazny, du moins dans ce livre, est réellement ce qui donne son sens à la vie, lui conférant à la fois sa signification et sa direction.

« La vie imite l’art. Il semble que nombre de choses importantes, de la mort à l’orgasme, se passent à l’instant du vide, quand le souffle hésite. »



Ainsi l’esprit d’Hokusai insuffle-t-il son souffle et son âme au récit, sa force également. Véritable guide spirituel, il aide Mari à surmonter les obstacles, de plus en plus nombreux à mesure que le terme du voyage approche. Car si le récit est imprégné d’une profonde paix intérieure, il ne se résume pas en une tranquille promenade méditative autour du mont Fuji. Tenaillé par la mort toute proche, sous la menace constante d’un danger prenant la forme changeante et terrifiante d’artefacts électriques (les « épigones ») tout droit sortis d’un bestiaire fantastique, il se transforme insidieusement en une véritable traque. Une traque à laquelle Mari s’est soigneusement préparée. Dotée d’une détermination inexpugnable et d’un bâton dont l’une des extrémités est équipée de circuits électriques, maîtrisant les arts martiaux à la perfection, elle dispose manifestement des moyens de se défendre. Car bien que très gravement malade, c’est une femme encore forte ou du moins ayant appris à transformer ses faiblesses en force, qui entreprend ce mystérieux pèlerinage dont le sens s’éclairera au fil du récit :

« Tout devra gagner en clarté à chaque strate de mon voyage et, comme le reflet fragile de la lumière sur ma montagne magique, se modifier. Chaque seconde me rapprochera de la mort. »



Méditation sur la vie, sur la mort et sur l’art, ce livre engage aussi une troublante réflexion sur l’amour. L’amour empreint d’abnégation que Mari voue à sa fille Kendra, mais aussi l’amour ambigu qui la lie à Kit, son défunt époux.

« Kit m’a dit qu’il m’aimait et j’ai répondu que je l’aimais aussi. Personne ne mentait. Mais l’amour peut avoir plusieurs significations. Il est parfois vecteur d’agression ou symptôme de maladie. »



C’est d’ailleurs autour de Kit, l’être aimé et aimant, que se noue le mystère du livre… Agissant comme une force centripète au coeur même du récit, véritable trou noir, il suscite d’innombrables questions. Comment peut-il être à la fois mort et en vie? Où est-il? Que veut-il? Et surtout, qui est-il?

« Ses mains, sur moi. La puissance de ses programmes, qui brisaient des cryptages, ou en créaient. Ses mains. Meurtrières. Qui aurait imaginé qu’il abandonnerait ces armes si véloces, ces instruments délicats, ces destructeurs de corps? Ou qu’il m’abandonnerait, moi? »



D’Alfred E. van Vogt à Greg Egan, de Philip K. Dick à Dan Simmons, l’immortalité est un thème récurrent en science-fiction. À la fois désirée et redoutée, elle donne parfois lieu à de saisissants récits ouvrant sur de vertigineuses questions philosophiques et métaphysiques.

La novella de Roger Zelazny, lauréate du prix Hugo en 1986, en est probablement l’une des illustrations les plus poétiques. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Sous des allures de rêve éveillé, ce récit cache en réalité d’âpres questionnements sur la vie, la mort, la condition humaine, ainsi qu’une lutte sans merci entre le bien et le mal, entre l’hubris et la toute-puissance d’une part, l’humilité et la fragilité d’autre part, une lutte dont l’issue pourrait mettre en jeu l’avenir même de l’humanité.



Un grand merci à Chrys (@HordeDuContrevent), Sandrine (@HundredDreams), Aurore (@Tigo) et Bernard (Berni_29) qui, m’ayant précédée dans cette lecture, m’ont incitée à m’y engager à mon tour.

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Le maître des rêves

"Les dieux aveuglent ceux qu'ils veulent perdre." (proverbe grec)



Le maître des rêves est le premier roman de Roger Zelazny (il est paru en 1965 en magazine sous le titre « He who shapes », « Le Façonneur ») et il a reçu le Prix Nebula du meilleur court roman.

Charles Render est un « Façonneur », autrement dit un psychiatre « neuroparticipant » qui crée des rêves permettant à ses patients endormis de découvrir leurs désirs cachés. Cette pratique nécessite une maîtrise, un art, qui est aussi évidemment une métaphore de la création littéraire.

Render rencontre une autre psychiatre, Eileen Shallott. Celle-ci est aveugle et demande à Render de lui faire voir le monde, de façon à ce qu'elle aussi puisse devenir une « façonneuse ». Mais cette demande est risquée, car Eileen pourrait perdre totalement le contrôle de ses émotions en découvrant tout ce dont elle a été privée, basculer dans la folie et y entraîner Render. Mais Render a confiance en ses capacités et veut réaliser ce qui n'a jamais été tenté auparavant…

Render et Eileen sont deux personnages tragiques. Render est victime de son « hubris », il est trop sûr de lui, alors qu'en fait il a été meurtri par la mort de sa femme et de sa fille quelques années auparavant, ce que montre d'ailleurs son comportement vis-à-vis de son fils qu'il surprotège ; il néglige toute une série d'expériences de ses confrères qui ont mal tourné ainsi que les avertissements de celui qui l'a formé. Quant à Eileen, elle aussi refuse de prendre en considération toute une série de signes inquiétants.

Dès lors, la catastrophe semble inéluctable…

Le roman comporte de nombreuses références qui auraient gagné à être explicitées par quelques notes de l'éditeur. Le début se réfère à la mort de Jules César (voir le récit de l'historien Suétone, repris par Shakespeare dans sa pièce Jules César), mais pour sa démonstration, Render fait mourir le lieutenant de César, Marc-Antoine, au lieu de César ! De même les pages qui concernent Tristan : pensant qu'Yseult ne viendra pas le retrouver parce qu'on lui annonce que son bateau porte une voile noire, il en meurt de désespoir…

Une oeuvre tout à fait fascinante.

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Route 666

Un bijoux que l'on ne manquera pas de rééditer , je le souhaite vivement ...



Un petit bijoux de SF post apocalyptique ... qui ne vaut pas son poids en euro mais qu'il faut lire absolument et qu'il faut absolument se procurer à un prix raisonnable ...

Ce roman nous plonge dans un monde détruit par les radiations nucléaires et la guerre nucléaire .

Il préfigure tous les mad max et tous les post apocalyptiques road movies ...

Ce monde est totalement chaotique : ruines .. épidémies ... radiations ... monstres mutants .. vents violents et pollutions chimiques ...



Un motard marginal , assez misanthrope et presque délinquant est réquisitionné pour transporter en véhicule blindé ( un convoi de trois véhicules ) un vaccin contre la peste de Californie à Boston ( par la route 666 ).

Comme dans tous les road movies ( qui se respectent ) ... le personnage évolue se transforme : C'est le thème de la Route ...



Ce texte est très bien écrit et le bouquin absorbe le lecteur dès les premières pages .

Le voyage est fantastique .. on va de ruines .. en paysages sinistrés et dangereux .

Le danger est omniprésent et le style est à la hauteur .

Je savoure toujours aussi le côté enfermé presque en permanence dans un véhicule blindé .



Le personnage s'imprègne progressivement de ses obligations envers les victimes de la peste et c'est le constat de l'altruisme , gratifiant , nécessaire et approprié , qui triomphe de façons crédibles et habilement posées .



Un MUST ....

La route 666

PS : Il y a une série B sympatoche tirée du livre .

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Le cycle des princes d'Ambre, tome 1 : Les ..

Première lecture pour moi de cet auteur, et ce fut une très agréable découverte. Le moins que l’on puisse dire c'est qu'en seulement 200 pages Roger Zelazny pose incroyablement bien le décor du début de cette saga qui promet je pense d'agréable moment de lecture dans ce monde si intrigant que constitue Ambre mais aussi auprès des nombreux personnages qui nous sont ici présenté. Intrigué c’est bien le mot, je le fus tout le long de ma lecture d’abord au tout début étant comme Corwin dans le floue le plus totale. Celui-ci amnésique au début du tome ne connaissait même plus son prénom et va tenter désespérément de savoir ce qui lui est arrivé. J’ai beaucoup apprécié cette partie du roman qui nous permet de découvrir en même temps que Corwin le monde étrange que nous propose ici Zelazny ainsi que l’étrange famille de Corwin qui tout comme celui-ci n’est pas des plus sympathiques. La seconde partie du roman n’est pas en reste non plus et j’étais de plus en plus curieux au fil de ma lecture de voir le dénouement de ce premier tome qui ne m’a pas déçu et donne envie de lire la suite. Ce premier tome fut donc une lecture prenante et je lirai donc sans trop tarder je pense la suite étant désormais bien curieux de voir comment Corwin va s’en sortir pour mener son projet à bien, et en apprendre plus sur ses frères et sœurs ainsi que sur Ambre qui attire décidément bien des convoitises.
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Francis Sandow, tome 1 : L'île des morts

L’île des morts est un livre à la fois passionnant et essentiel dans l’œuvre de Roger Zelazny.

C’est d’abord le premier roman où, après s’être inspiré de différentes mythologies (grecque, hindoue), il élabore une mythologie qui lui est personnelle, la religion pei’enne, une religion polythéiste et initiatique qui permet à certains de ses fidèles d’être investis par les divinités qui les ont choisis. Le narrateur, Francis Sandow, est de ceux-là, en qui se manifeste à certains moments une inquiétante divinité, Shimbo de l’Arbre Noir, le Semeur de Tonnerre.

Et ce personnage est vraiment fascinant. Doyen de l’espèce humaine, car il a passé de longues années en sommeil cryogénique au cours de différents voyages dans l’espace, il incarne en lui tous les aspects contradictoires du héros zelaznien : disposant dès l’origine de pouvoirs surhumains (télépathie), investi ensuite d’un pouvoir quasiment divin qui lui permet de façonner des mondes, mais aussi marginal, solitaire, incapable de s’attacher et terrifié par la mort.

Il va être amené à affronter un redoutable adversaire, un Péi’en investi par une divinité hostile à Shimbo de l’Arbre Noir, qui a enlevé plusieurs de ses amis et qui l’attend sur l’île des morts, ce lieu d’une sombre beauté que Francis Sandow a créé d’après le superbe tableau d’Arnold Böcklin.

Ajoutons qu’il est difficile d’arrêter la lecture de ce livre une fois qu’on l’a commencé, car l’action connaît un impressionnant crescendo jusqu’à un final grandiose.

Enfin l’écriture est magnifique, métaphorique à souhait (ah, quelle belle métaphore du temps que cette évocation de la baie de Tokyo qui ouvre le roman !), avec ce ton unique que Zelazny a su donner à certains de ses narrateurs.

Un roman magistral.

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Le cycle des princes d'Ambre, tome 1 : Les ..

Bon, je vais en offusquer probablement plus d'un, mais je n'ai pas franchement accroché pour ma part.

Pourtant ce bouquin foisonne d'idées, et le narrateur à la première personne est un personnage extrêmement savoureux, charismatique et rafraichissant. Mais trop c'est trop pour le lecteur que je suis. Peut-être ne suis-je finalement pas fait pour de la Fantasy, qui sait !?

L'auteur est un expert pour créer en à peine 200 pages un univers que d'autres mettraient au moins le double à détailler, mais c'est justement à ce niveau que je ne me suis pas senti davantage pris dans l'histoire et dans l'enjeu.

Tout va trop vite, et parfois, bien que tout s'explique, c'est limite du grand n'importe quoi. Trop d'informations sont balancées à une vitesse fulgurante. On aurait justement aimé que le héros s'attarde un peu plus par moments, et notamment quand il évoque ses souvenirs qui lui reviennent. Car oui, à un moment donné, amnésique au commencement, il lui faut bien recouvrir la mémoire. Mais en tant que lecteur, on voudrait bien l'accompagner bien plus loin dans cette redécouverte de son passé.



Enfin, ce n'est absolument pas un mauvais bouquin. Les personnages sont charismatiques, les idées sont brillantes, l'auteur a une excellente plume. Mais la magie n'a juste pas pris sur moi. Je pense qu'il s'agit d'un genre littéraire qui ne m'émeut pas assez, tout simplement.
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24 vues du mont Fuji, par Hokusai

Alors là, Roger Zelazny m’a bien surpris.



Avec lui, je m’attends toujours à observer des êtres quasi divins faire usage de puissances démesurées et de ruse sournoise, afin de se venger ou d’établir leur domination, en accompagnant leurs actes d’un verbe plus ou moins désinvolte et sarcastique, à l’humour pince sans rire.

Point de choses aussi frivoles ici. Au lieu de cela on a…



Mais qu’est-ce qu’on a en fait ?

Roger Zelazny nous fait d’emblée dégringoler tout nu dans son univers et laisse les évènements nous bousculer (ça, il en a l’habitude). Mais cette fois, ce vicieux nous pose en plus un bandeau sur les yeux, nous prive de pain et d’eau et nous laisse nous démerder tout seul dans une histoire qui reste longtemps hermétique. Mais à quoi rime donc ce voyage dans lequel se lance Mari, au cours duquel elle va essayer de retrouver 24 des vues du mont Fuji peintes par Hokusai au 19ème siècle ? Elle fuit, ou cherche, quelque chose. Le danger est grand, pour elle, peut-être pour le monde…

Pendant longtemps je suis resté aveuglé par ce bandeau qui me maintenait à la porte du plaisir de lecture. Je n’aime pas être complètement perdu. Roger Zelazny essaie parfois de nous distraire, en nous offrant des gâteaux apéro très estampillés action. Mais on le voir venir, l’animal. C’est une diversion. C’est pas pour ça qu’on comprend mieux dans quel étage-on-erre.



Puis Zelazny prend pitié et commence à nous distiller des éléments de compréhension. Et là, aaaaah, lumière divine, angelots pinçant des cordes de harpes, chœur de sopranos en pamoison et tout le tremblement ! On peut enfin savourer l’atmosphère, la zenitude, le contemplatif, les décors fabuleux décrits dans leurs concordances et leurs différences avec les dessins d’Hokusai. L’ensemble, depuis le début, prend de la couleur, du sens, de la poésie, et l’on ne saisit plus pourquoi on avait eu du mal à entrer dans cette novella.

L’auteur est donc capable d’écrire des récits lorgnant le cyberpunk dont il émane de la douceur, de la satisfaction prise aux simples gestes de la vie, comme respirer ou regarder une belle fleur. Ce faisant il ne se renie pas, nous réservant quelques pages de batailles qui feraient pâlir de jalousie les auteurs de Tigres et Dragons. Il parvient à nous glisser une mesure de l’étendue de ses connaissances sur les contes et légendes du monde (ça on s’en doutait) mais aussi sur la littérature mondiale.



Ce récit doit je pense être lu deux fois. Pour la deuxième, ayez auprès de vous des reproductions des estampes d’Hokusai. Cela multipliera le charme du voyage.

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L'Île des morts - Intégrale

Ce recueil est l'oeuvre de Timothée Rey, qui a ajouté une passionnante préface, des notes, un glossaire, ainsi qu'harmonisé les traductions. Sorte d « histoire du futur » conçue par Zelazny, il comporte deux romans, L'île des morts et le Sérum de la déesse bleue, et cinq nouvelles.



1) « En cet instant de la tempête »

Une terrible tempête ravage le monde où s'est installé le narrateur, Juss Holmes, qui a voyagé des siècles en animation suspendue (comme Francis Sandow). La fin de ce récit magnifiquement écrit est particulièrement dramatique. (5/5)

2) « Cette montagne mortelle » 

Jack le Fou entreprend de gravir « la plus haute montagne de l'univers connu », mais d'étranges apparitions s'opposent à son ascension. La fin réserve une belle surprise au lecteur ! (4/5)

3) « Lugubre lumière » 

Lugubre est un monde particulièrement inhospitalier, créé par Francis Sandow et qui sert de planète prison ; bien que Lugubre soit voué à la destruction, le narrateur refuse de partir… Pourquoi ? (3,5/5)

4) L'île des morts 

Un roman passionnant et essentiel dans l'oeuvre de Roger Zelazny :

- le premier roman où, après s'être inspiré de différentes mythologies (grecque, hindoue), il élabore une mythologie qui lui est personnelle, la religion pei'enne, une religion polythéiste et initiatique qui permet à certains de ses fidèles d'être investis par les divinités qui les ont choisis. le narrateur, Francis Sandow, est de ceux-là, en qui se manifeste à certains moments une inquiétante divinité, Shimbo de l'Arbre Noir, le Semeur de Tonnerre.

- un héros fascinant : doyen de l'espèce humaine, car il a passé de longues années en sommeil cryogénique au cours de différents voyages dans l'espace, il incarne en lui tous les aspects contradictoires du héros zelaznien ; disposant dès l'origine de pouvoirs surhumains (télépathie), investi ensuite d'un pouvoir quasiment divin qui lui permet de façonner des mondes, mais aussi marginal, solitaire, incapable de s'attacher et terrifié par la mort.Il va être amené à affronter un redoutable adversaire, un Péi'en investi par une divinité hostile à Shimbo de l'Arbre Noir, qui a enlevé plusieurs de ses amis et qui l'attend sur l'île des morts, ce lieu d'une sombre beauté que Francis Sandow a créé d'après le magnifique tableau d'Arnold Böcklin.

- une lecture addictive : l'action connaît un impressionnant crescendo jusqu'à un final grandiose.

- une écriture magnifique, métaphorique à souhait (ah, quelle belle métaphore du temps que cette évocation de la baie de Tokyo qui ouvre le roman !), avec ce ton unique que Zelazny a su donner à certains de ses narrateurs.

Magistral. (5/5)

5) le Sérum de la déesse bleue 

Un personnage, Heidel von Hymack, qui apporte à la fois une maladie mortelle ou sa guérison selon le moment de son cycle, est poursuivi par différents individus pour des raisons opposées. « Un récit choral un peu haché », comme dit Alfaric (voir son excellente critique). (3/5)

6) « Les Furies » 

Trois personnages, un spécialiste des mondes humains de la galaxie, un télépathe hypersensitif et un exécuteur sont chargés d'éliminer un « criminel » qui veut venger un peuple extraterrestre exterminé par l'humanité. (3,5/5)

7) « Clefs pour décembre » 

Jerry Dark et les membres de son espèce, qui vivent dans des froids extrêmes, entreprennent de transformer le monde où ils se sont installés ; au fur et à mesure que la température baisse, les créatures autochtones semblent évoluer : continuer le refroidissement, c'est les condamner et commettre ce qui pourrait s'apparenter à un génocide. Un texte magnifique. (5/5)



Dans sa préface, Timothée Rey met en lumière un certain nombre d'aspects des récits présentés : références à la mythologie et à l'art, notamment la peinture, caractère visuel de son écriture, isolement du héros qui lutte seul contre tous, thèmes récurrents de la vengeance, de la mort et de la divinité, autant d'aspects qu'on retrouve dans d'autres oeuvres majeures du grand Zelazny (Seigneur de lumière, Les neuf princes d'Ambre…).



Une belle présentation (volume relié), un recueil de grande qualité.

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Le temps d'un souffle, je m'attarde

Nouvelle de SF publiée en 1966, ce texte se déroule dans un futur lointain (enfin, on espère), à une époque où il ne subsiste plus sur Terre que des intelligences artificielles, programmées pour reconstruire la planète. Créées par l'Homme à une époque où l'humanité existait encore, ces IA sont autonomes, obéissent à leur programme, dialoguent entre elles et sont structurées en une hiérarchie bien établie et immuable. Automates, leur comportement obéit à la seule logique.



Jusqu'au jour où l'une de ces IA, Gel (« la plus belle, la plus puissante, la plus difficile à comprendre des créations de Solcom », Solcom étant lui-même une IA), tente de comprendre ce qu'est un être humain. Bien que ses collègues IA lui aient dit que « l'homme possédait une nature fondamentalement incompréhensible », dont les perceptions sont organiques, contrairement à celles d'une machine, aussi sophistiquée et complexe soit-elle, Gel s'obstine et rassemble un maximum de données parmi les vestiges de l'humanité éparpillés à travers le monde. Avant de lancer un pari : devenir lui-même un humain.



A travers cette quête improbable (?), l'auteur explore la question de savoir ce qui fait le propre de l'Homme, à une époque où l'on commençait précisément à développer les IA, et où certains étaient convaincus « qu'elles seront bientôt assez intelligentes pour bouleverser les notions mêmes de conscience et d'intelligence humaines », et où d'autres s'inquiétaient déjà du « risque d'une aliénation sans retour de l'humanité à ses oeuvres » (cf la postface de l'édition chez le Passager Clandestin).



Un texte simple, fluide, touchant même par l'obstination de Gel, qui ouvre sur le débat infini de l'essence humaine. Mais l'infinitude n'est-elle pas le propre de l'Humain ?



En partenariat avec les Editions le Passager Clandestin via une opération Masse Critique de Babelio.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Deus Irae

La tragédie tant redoutée a eu lieu, les bombes ont détruit le monde tel que nous le connaissons, tuant des millions de personnes, entraînant de nombreuses mutations chez les survivants.



Dit comme ça, on pense tout de suite à un contexte post-apo classique mais attention ce sont Dick et Zelazny qui signent ce roman et ces auteurs n’ont pas pour habitude de proposer des récits attendus. « Deus Irae » ne ressemblera donc pas au post-apo qu’on pourrait croire. Il n’est pas question ici de survie comme dans la plupart des récits de ce registre, mais plutôt de questionnements spirituels, philosophiques et moraux. Le récit prend la forme d’un road-trip étrange, parfois même psychédélique. Au cours de son voyage, Tibor va rencontrer divers êtres qui, chacun à leur façon, lui permettront d’en savoir plus sur lui-même.



Il y a une homogénéité étonnante dans ce roman, les 2 auteurs ayant écrit à tour de rôle. Pourtant, je n’ai pas ressenti de franches ruptures dans le récit qui est d’une fluidité totale. Peut-être est-ce parce que les 2 hommes se connaissaient tellement bien. Ils ont également sans doute des préoccupations communes. Le sujet de la foi est en effet un thème qui intéresse les deux hommes. Si je connais trop peu Zelazny, j’ai lu pas mal de Dick et j’ai également lu une biographie à son sujet, du coup son intérêt pour ces thématiques ne m’étonne guère. Lorsque les auteurs ont entamé leur collaboration sur ce roman, Dick n’avait pas encore vécu les expériences mystiques dont il fait état dans son « Exégèse », ces visions ou hallucinations ayant commencé en 74, mais l’écriture de « Deus Irae » ayant duré 12 ans, je ne serais pas surprise que cette crise mystique de Dick ait nourri le roman sur la fin.



Je me rends compte que j’ai beaucoup de mal à évoquer ce roman. Je peine à proposer une analyse et j’ai même du mal à exprimer mon ressenti. Alors je vais faire court, « Deus irae » est un roman d’une grande richesse, très profond, intelligent et passionnant. Lire « Deus irae » est une expérience surprenante et déroutante. Je crois que je peux résumer en disant simplement que j’ai adoré cet étrange voyage. J’ai envie de creuser d’avantage l’œuvre de Zelazny. Quant à Dick, cette lecture confirme qu’il est l’un de mes auteurs préférés. Je me dis qu’il faudrait que je songe à me plonger dans son «Exégèse » dont le 1er tome dort dans ma PAL depuis quelques temps déjà.

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24 vues du mont Fuji, par Hokusai

Après avoir lu plusieurs chroniques d'ouvrages de la collection « Une heure-lumière » aux éditions le Belial, j'ai eu envie à mon tour de m'arrêter sur quelques titres. Parmi les novellas de science-fiction proposées, « 24 vues de Mont Fuji, par Hokusai » a retenu mon attention par son beau titre qui emprunte le chemin du célèbre artiste japonais, Hokusai.



« Je me suis retirée dans l'art d'Hokusai. »



Roger Zelazny offre un bel hommage au grand maître japonais en ouvrant chacun des vingt-quatre chapitres que compose ce récit sur une des représentations du Mont Fuji. Pour chacune des estampes, l'auteur compose une nouvelle ambiance qui s'accorde et s'harmonise avec chacun des tableaux autant qu'avec l'état émotionnel de la narratrice.

Le décor planté, il est facile au lecteur de s'immerger dans chaque déclinaison du Mont Fuji et de suivre la narratrice dans son voyage.



« Je cherche, en vain, le caractère ou l'expression du Fuji. La tristesse ? le remords ? La joie ? L'exaltation ? Elles se mélangent et changent. »



*

Mari est une femme âgée, en deuil, voyageant seule et à pied, à travers le Japon. Elle a en sa possession un livre de Charles Tuttle, Les Vues du Mont Fuji, dans lequel sont reproduits 24 estampes d'Hokusai. Elle suit les traces de l'artiste pour retrouver les emplacements depuis lesquels le peintre a peint le Mont Fuji. Ces endroits semblent habités par la présence rassurante, consolante du peintre.



Ainsi, l'esprit d'Hokusaï accompagne ce mystérieux pèlerinage. C'est un voyage contemplatif, introspectif, méditatif, onirique, où le songe n'est pas très loin, où le passé et le présent s'entremêlent dans une sorte de ballet, où la mémoire écrit les souvenirs, où se croisent réflexions philosophiques et références littéraires, filmographiques, religieuses, ou culturelles.



« Matsuo Basho … disait que nous sommes tous des voyageurs qui traversons la vie. »



*

Je me suis alors demandée pourquoi ce livre se trouvait dans une collection regroupant des ouvrages de science-fiction. Bien évidemment, il n'y a aucune erreur de casting, ce livre y a toute sa place, car si le texte est très ancré dans le monde réel, vont se glisser insensiblement des éléments curieux, troublants et inquiétants.



Très vite, le lecteur sent Mari préoccupée, inquiète. La vieille femme se sent recherchée, surveillée, traquée. Elle se retourne sans cesse, essayant d'apercevoir celui qui la poursuit, sans résultat. Ainsi, elle laisse le lecteur dans la confusion et l'incompréhension.

Ce n'est que dans la seconde partie de l'histoire que son attitude trouve un sens et que se dévoile enfin la vérité.



« Cela signifie que tout le monde sur Terre est en bien plus grand danger que je le pensais, que je suis la seule au courant, et que mon duel intime est devenu une bataille à l'échelle mondiale. Je ne peux pas prendre le risque de mettre cette possibilité sur le compte de ma paranoïa. Je dois envisager le pire. »



J'ai trouvé cette nouvelle assez insolite, étrange, Roger Zelazny a, je trouve, trouvé un juste équilibre dans le flou, en laissant le mystère se charger d'une menace sourde, tout en maintenant une atmosphère douce, contemplative, tournée vers l'introspection.



*

L'écriture est belle, poétique, subtile, en adéquation avec l'arrière-plan et les thématiques développées autour du deuil et de la mort, de la mémoire et des souvenirs, de la conscience et de l'imaginaire.



« … il y a tout ici, sous mon regard, au-dessus de l'eau : le feu, la terre ainsi que l'air. La transition, le changement ; je suis de passage. »



Il y a quelque chose de reposant et de serein dans ce voyage.

Le temps semble ralentir, se contenir, s'adoucir. La présence silencieuse, immuable et rassurante du Mont Fuji y est pour beaucoup. Chaque description explore ses nombreuses facettes.



« Vingt-quatre façons de regarder le Mont Fuji. »

Le Mont Fuji, apaisant sous l'aube naissante.

Le Mont Fuji, mystique, évanescent, comme un fantôme caché dans la brume.

Le Mont Fuji, solennel, dans ses habits de neige, avec ses jolies mèches blanches de vieillard sage.

Le Mont Fuji, au loin, sombre, menaçant sous un ciel obscur.

Le Mont Fuji, témoin de la folie des hommes, de la mort.



« J'ai l'impression de ne jamais regarder la même montagne. Tu changes autant que moi, mais tu restes semblable. Ce qui veut dire qu'il subsiste encore de l'espoir en ce qui me concerne. »



Mais, si l'ambiance et les décors m'ont énormément plu, je n'ai pas été pleinement séduite. En effet, le récit déborde d'idées originales, laissant entrapercevoir un monde insolite mais le format court ne m'a pas permis de m'immerger complètement dans l'univers qui se découvre insensiblement dans la deuxième partie de l'histoire.



*

Pour conclure, « 24 vues de Mont Fuji, par Hokusai » est un roman court à la fois original et surprenant qui juxtapose avec beaucoup de finesse, art, méditation et science-fiction.



Cette nouvelle, finaliste du prix Nebula, a remporté le prestigieux prix Hugo en 1986. Autant dire qu'elle a de très belles qualités. Elle ne plaira sûrement pas à tout le monde, mais si vous recherchez un texte surprenant, réfléchi, paisible, délicatement tourné vers l'imaginaire et l'art, alors cette histoire vous séduira sûrement.



**

Merci Chrystèle (HordeDuContrevent) pour cette belle idée de lecture. Je ne manquerai pas de déambuler à nouveau dans cette très surprenante collection du Bélial.
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24 vues du mont Fuji, par Hokusai

Voilà un livre bien étrange. Etrange et beau ! Il y a d'abord un titre, beau et énigmatique, qui invite à la rêverie... Quand on commence le roman, comme moi, sans savoir rien d'autre que le titre et l'auteur, on ne sait pas à quoi s'attendre. Cette sensation d'étrangeté mêlée d'étonnement et d’émerveillement va perdurer tout au long de la lecture.



Le début du roman est très bizarre et ressemble à une déambulation poétique à laquelle on ne comprend pas grand chose. Le côté nébuleux de l'intrigue, ajouté à une caractérisation très ténue des personnages (ce qui ne les empêche pas de faire forte impression) étonne et ne donne pas de repères au lecteur. Pourtant, dès les premières pages, dès ce début assez hermétique, j'ai été emportée par l'écriture de Zelazny, envoûtée par la poésie et le mystère dégagés par le récit. Peu m'importait où l'auteur voulait m'emmener, j'étais fascinée, saisie sans même comprendre.

Puis, tout s'éclaire peu à peu. L'errance poétique et mystérieuse va s'enrichir d'une réflexion spirituelle dont je ne veux rien dire pour ne pas gâcher la surprise à ceux qui voudront lire le livre.



S'il y a quelques séquences d'action, très réussies au demeurant, on ne peut pas qualifier ce roman de trépidant. Jouant beaucoup sur l'atmosphère, sur la description des paysages et des sensations, Zelazny réussit l'exploit de proposer un récit cyberpunk contemplatif.



Une fois le livre refermé, il m'est restée une drôle d'impression, la sensation d'avoir fait un voyage étonnant, beau et étrange comme un rêve.





Challenge Multi-défis 2017 - 46 (item 66 : un roman dont la couverture vous a fait craquer)

Challenge Atout prix 2017 - 13 (Prix Hugo 86)

Challenge ABC 2017-2018 - 8/26
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24 vues du mont Fuji, par Hokusai

24 vues du mont Fuji, par Hokusai est une novella de cent-trente-six pages, issue de la très belle collection Une heure-lumière des Éditions le Bélial. C'est aussi pour moi une manière de venir pour la première fois à la rencontre d'un auteur que je ne connaissais pas encore, Roger Zelazny.

C'est l'histoire d'une femme qui chemine seule autour du mont Fuji. L'itinéraire qui la guide est un autre livre, Les Vues du mont Fuji, un livre de Charles Tuttle qui reproduit vingt-quatre estampes d'Hokusai, célèbre peintre du XVIIIᵉ siècle et fidèle contemplateur du mont Fugi, qui en a peint pas moins de quarante-six estampes. Ici vingt-quatre seulement, sont retenues pour construire l'itinéraire de la narratrice.

Mais cette narratrice, qui est-elle ?

Elle s'appelle Mari. Elle évoque dès la première page son époux Kit. Il est mort mais elle nous dit que jamais il n'a été aussi vivant, bien plus qu'elle d'ailleurs. S'agissant d'un récit de SF je me suis dit que tout ceci me réservait de belles surprises et elles furent au rendez-vous.

Ici, dès le début du récit, me sont venus les thèmes de la mort, de l'immortalité, de la condition éphémère d'exister tandis que je me suis imaginé comment je pouvais m'en emparer, tirer le meilleur de ce que nous dit ce récit, de l'éphémère, de la mort, de l'éternité et pourquoi pas de l'amour aussi.

Les premières pages où Mari conte son périple, m'ont incité à comprendre, à rebours de ses mots, que Kit est mort, et qu'elle-même est bien vivante – encore qu'obsédée par la mort qu'elle sent venir, inéluctable : sa condition d'éphémère est centrale dans ses errances, celles d'aujourd'hui, celles qui viendront plus tard. C'est cette première émotion qui m'a touchée, se sentant mourir elle accomplit un voyage pour donner un sens à ses derniers jours. Un jour, si on me dit que je vais mourir, je ferai le même voyage.

Peu à peu, dans les pas de la narratrice, nous sentons venir une menace, la perspective d'un affrontement ultime au bout du voyage, tandis que cette pérégrination ressemble à quelque chose de très doux au début, puis capable peu à peu de d'apporter un caractère transgressif dans l'ordre du monde.

Ici à chaque tournant sur son chemin qui permet à la narratrice de changer son point de vue sur le mont Fugi, et peut-être aussi sur le monde, le récit oppose la grandeur de cette montagne mythique à la petitesse des hommes. Ainsi une forme d'immortalité s'impose progressivement dans ce voyage sublimé par la beauté esthétique d'un mirage à portée de vue et dont la narratrice ne saura que s'en rapprocher...

Les premières pages installent une atmosphère propice à la contemplation et à la méditation – à ceci près que Mari se sait observée et suivie… par des êtres dont l'humanité n'est qu'une façade, ce sont des épigones et c'est là que la dimension SF commence à entrer en jeu...

Bien sûr c'est le chemin qui compte ici plus que jamais, comme tout récit qui nous parle d'un voyage.

La beauté et la force du texte reposent sur la narration, les propos de la narratrice et la façon dont elle s'exprime, son flux de conscience qui ne cesse de nous enrober dans ce chemin autour du mont Fugi.

J'ai suivi les pérégrinations de cette femme dans le Japon d'un futur proche, qui devient brusquement un futur improbable dans une cyber possibilité qui peut nous interroger.

Ici c'est le ton à la fois d'un récit de voyage et d'une introspection riche, nourrie par le flux de conscience de la narratrice.

j'ai été tout de suite happé par un style très travaillé, la beauté du texte, ce qui veut dire aussi la qualité de la traduction et ici je rends hommage à Laurent Queyssi.

Chaque chapitre correspond à une estampe et invite à méditer autour de thèmes philosophiques comme le bien et le mal, la conscience, le libre-arbitre, le destin, la mort...

Il y a ici aussi une émotion esthétique indéniable, car au fond cette femme contemplant le mont Fugi selon vingt-quatre points de vue, ne donne-t-elle pas à voir vingt-quatre pas de côté différents sur un volcan majestueux, tandis qu'elle marche, avance et qu'il se passe aussi des événements qui la transforme, influence son regard forcément. Peut-être vingt-quatre pas de côté sur sa vie...

J'ai trouvé ici une poésie dans l'immanence de l'instant, car chacun des vingt-quatre chapitres est aussi une station dans l'introspection pour répondre à un artiste qui a sublimé le beau.

Plus tard l'esthétique s'échappe hors du temps et c'est là que la dimension SF prend tout son sens, portant le récit vers son accomplissement ultime.

24 Vues du mont Fuji, par Hokusai, est une novella admirable. Sans aller forcément jusqu'à parler de chef-d'oeuvre, j'ai été envoûté par ce récit d'une étrange beauté, dont la sérénité s'éloigne pas à pas au fur et à mesure qu'on s'avance sur le chemin.

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Le temps d'un souffle, je m'attarde

Qu'est-ce que l'homme ?



Le temps d'un souffle, je m'attarde est une longue nouvelle de science-fiction parue en 1966.



Dans plusieurs siècles, sur une Terre désertée d'où l'humanité a disparu, seules subsistent quelques intelligences artificielles programmées pour entretenir et reconstruire la planète.

L'une d'elles se nomme Gel, « la plus belle, la plus puissante, la plus difficile à comprendre des créations de Solcom » (Solcom est une autre I.A.).

Gel, qui dispose de beaucoup de temps de loisir (!), rassemble des informations pour essayer de comprendre ce qu'est un être humain...

Cette quête opiniâtre va s'achever d'une magnifique manière…



Sur ce canevas assez simple, qui n'est pas sans rappeler la quête des chiens dans le célèbre roman de Simak, Demain les chiens, Zelazny a écrit une très belle nouvelle, à l'écriture fluide et poétique, l'une de ses préférées.



P.-S. : ne pas lire la présentation du livre qui en dit beaucoup trop !
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Le cycle des princes d'Ambre, tome 1 : Les ..

« Le cycle des Princes d'Ambre » de Roger Zelazny fait désormais partie des grands classiques pour les lecteurs de littérature de l'imaginaire, et ce n'est pas sans une certaine appréhension que j'aborde généralement ce genre d'ouvrage, inquiète à l'idée de rester hermétique à cet univers que tant d'autres ont pourtant apprécié. Le suspens n'aura pas été long dans le cas de Zelazny puisque j'ai été totalement conquise dès les premières pages. Il faut dire que l'auteur sait s'y prendre en matière d'immersion ! Le lecteur se trouve ainsi projeté au côté d'un homme qui se réveille sans n'avoir plus aucun souvenir de qui il est, de ce qu'il fait dans cet hôpital et encore moins des raisons pour lesquelles on refuse de le laisser partir. Loin de se laisser perturber par son amnésie, notre héros prend très vite les choses en main et décide de suivre la maigre piste qui s'offre à lui. Après tout qu'importe s'il ne sait pas encore qui il est, ce qu'il faisait, où il va et qui sont ces gens qui se présentent comme ses frères et sœurs et qu'il croit effectivement reconnaître : le tout c'est d'avoir assez d'aplomb pour préserver les apparences et ainsi en apprendre le plus possible sans se mettre en position de faiblesse. Et à ce petit jeu là, notre héros est particulièrement doué. On suit donc sa quête, d'abord pour retrouver la mémoire, puis pour tenter de conquérir le trône dont il estime qu'il lui revient de droit. Seulement il n'est pas le seul prétendant et parmi la longue liste de ses frères et sœurs, certains se trouvent dans des positions bien plus avantageuses que lui pour s'emparer du pouvoir.



Le livre se lit avec une déconcertante rapidité (à peine vingt-quatre heures en ce qui me concerne) tant on est pris par l'intrigue et tant on est peu enclin à décrocher du rythme endiablé que nous impose Zelazny. Le lecteur se retrouve en effet pris dans un véritable tourbillon d'événements si bien que ce roman d'à peine plus de deux cent pages parvient à acquérir une densité peu commune que certains ouvrages de milles pages n'arrivent parfois pas à atteindre. L'auteur nous livre au compte goutte des informations concernant la fameuse ville d'Ambre qui donne son nom au cycle mais les aperçus qu'on a de cet univers sont déjà suffisants pour faire naître chez le lecteur une indéniable fascination. Il faut dire que les nombreux endroits qu'on a l'occasion d'arpenter dans ce premier tome sont déjà particulièrement riches, qu'il s'agisse de la forêt d'Arden ou encore de la ville sous-marine de Rebma et de sa Marelle, et il en va de même pour les personnages. Là encore Zelazny préfère nous jeter directement dans le bain et nous présente donc succinctement la totalité des princes et princesses d'Ambre, soit treize personnages au total qui entretiennent les uns avec les autres des relations pour le moins belliqueuses : même lorsqu'ils semblent œuvrer main dans la main en vue d'un objectif commun, la trahison reste dans tous les esprits. L'auteur sait malgré tout entretenir le suspens aussi n'a t-on l'occasion de rencontrer que quelques uns des membres de la famille de notre héros, les autres faisant néanmoins l'objet de nombreuses conversations et spéculations.



Un premier tome haletant dans lequel Zelazny met en place un univers pour le moment tout juste esquissé mais qu'on devine déjà d'une profondeur peu commune. Ajoutez à cela un narrateur charismatique et attachant, une intrigue menée tambour battant et un style agréable et immersif et vous obtenez un ouvrage addictif. Inutile de vous dire que je me suis aussitôt ruée sur le second volume.
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Route 666

Highway to Hell! J'ai tout de suite pensé à cette berceuse des rockers Aussies en lisant ce roman!



Route 666 est un road book (on parle bien de road movie) avec comme personnage principal un 'tit gars, pas vraiment sympatique : Ange de l'enfer comme on en trouvait beaucoup à l'époque où le roman est sorti (1969), et comme ses congénères, il n'est pas du genre à tendre la joue gauche (ni la droite d'ailleurs), possède un caractère assez emporté, a une légère tendance à la violence, très egocentrè, il déteste que l'on touche à ses affaires.



Affaires, justement qui ne sont pas les siennes car, arrêté par une meute de flics pas très enclins à l'indulgence, il se voit offrir le choix entre mourir assez violemment et rapidement ou bien partir pour une balade pas tout à fait romantique, au cours de laquelle il a, dans le meilleurs des cas, zéro pour cent de chances de survivre.

Ceci-dit, il s'agit de son billet pour la rédemption car chargé de véhiculer dans un camion blindé, des doses de vaccin vers l'autre seule ville encore debout (Boston) après ce qui semble avoir été une jolie petite guerre nucléaire comme on les redoutait en ces temps de guerre froide, mais durement secouée par une épidémie de peste noire qui décime ce qui reste de la population humaine. Inutile de vous dire que la promenade sur la bien nommée Route 666 (vous voyez la référence?) qui n'a aucun des attraits touristiques de son équivalente, la route 66 : Monstres effroyables, tornades méga destructrices, hordes de pillards cruels et impitoyables,... La survie de l'espèce humaine sera donc confiée à notre gentil héros au doux nom de "Hell" Tanner.



Bon roman de SF, de très bonne facture, écrit par un des maîtres du genre à l'époque. Bien entendu, on ne peut s'empêcher de penser à Mad Max ou bien à Snake, le héros de New-York1997 de Carpenter.



Le rythme est endiablé, c'est le ton du livre, pas moyen de s'ennuyer avec ce récit qui se lit rapidement avec beaucoup de plaisir.



Je le recommande aux amateurs du genre, c'est une belle réussite!





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Toi l'immortel

Toi l'immortel est un roman de science-fiction. certes. Une apocalypse nucléaire a ravagé la Terre, bien sûr, et la plupart des terriens se sont barrés sur d'autres planètes. Quelle chance, mais que de tracas et d'intrigues à venir!

Mais Toi l'immortel, c'est aussi un roman d'aventure avec des bestioles aussi immondes que mutantes, des cannibales et un véritable vampire élevé au sang. Rien que ça pour pimenter la randonnée terrienne à laquelle participe une créature bleue de Véga... Lequel végan semble menacé de mort.

L'immortel, ou supposé tel, c'est le grec, narrateur aux histoires et aux noms multiples. C'est lui qui mène la troupe dans les lieux que le végan désire visiter.Heureusement, Conrad (c'est un de ses noms) est très costaud est est rompu au combat. Hasan, l'autre costaud de la bande (dont on ne sait si c'est lui qui est payé pour tuer lé végan) va être d'une aide précieuse à Conrad pour certain combat d'anthologie.

C'est ainsi que le roman de Zelazny baigne danr une curieuse ambiance de mythologie revisitée au parfum post-apocalyptique.

Tous les ingrédients sont réunis dans Toi l'immortel, pour offrir au lecteur des années 60, au cœur de la Guerre froide, du frison, de l'action et de la réflexion..cette dernière s'interrogeant sur la capacité du genre humain à prendre soin de sa planète et à la garder en bon état. Sur la notion de propriété de cette planète, aussi.

Et, comme toutes les grandes oeuvres, Toi l'immortel n'est pas sans de sérieuses prémonitions sur un futur beaucoup moins lointain que le vingt-et-unième siècle commence à subodorer... alors que l'humanité n'a pas encore de planète de rechange.

Et, même si Toi l'immortel n'est pas formellement chapitré, sa lecture en est heureuse et séduisante.

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L'oeil de chat

William-Cheval-Noir-Singer, surnommé le traqueur des étoiles, a, à lui tout seul, quasiment rempli le Zoo de San Diego de tous les animaux exotiques et extraterrestres mis à disposition des badauds. A la fois Navajo et homme moderne, ses voyages interstellaires l'ont amené à vieillir plus lentement que ceux qu'il a connu ; aujourd'hui, il est le dernier de sa race.

Le gouvernement fait appel à Billy pour un problème délicat : un terroriste serait en route vers la Terre pour interrompre des négociations importantes. Métamorphe et télépathe, nul ne sait comment l'arrêter, mais le sens de l'observation, l'habitude de la traque, la personnalisation des pièges ont conduit le gouvernement à demander son aide à Singer.

Métamorphe et téléphathe, c'est également le cas de "Chat", l'unique spécimen exposé au Zoo de San Diego d'une planète aujourd'hui disparue. Et Chat, c'est la mauvaise conscience de Billy : cet être est-il uniquement animal, ou fait-il preuve d'intelligence ? Méritait-il sa place au Zoo, ou aurait-il dû être reçu en tant qu'ambassadeur, comme d'autres peuples ?

Pour Billy, la solution pour éliminer la menace terroriste est simple : si Chat possède, comme il le croit et le redoute, une forme d'intelligence, il est le seul à pouvoir y mettre un terme ; sinon, adieu les négociations. Et Chat, qui se révèle effectivement doué d'une forme d'intelligence, accepte la mission… mais pose ses conditions : " Aussi vais-je te faire une proposition, et sache que ma parole vaut la tienne, Billy Singer – car je ne peux pas te laisser me battre même sur ce point. Va. Fuis. Couvre tes traces, pisteur. Je te donnerai ce que j'estime être une heure – et je suis très fort à estimer le temps – puis je me lancerai à ta poursuite. Tu m'as traqué près de huit jours. Disons une semaine. Reste en vie ce laps de temps, et je renoncerai à mon droit sur ta vie. Nous irons chacun de notre côté, libres de toute obligation."

Le terroriste est arrêté, la traque va commencer. Mais que fuit vraiment Billy ?



Bon, soyons clairs : j'ai lu ce livre une grosse trentaine de fois. Je peux faire à la fois les questions, les réponses, et les transitions. A chaque fois que mon regard croise cette couverture, j'en relis des morceaux, et bien souvent, le morceau en question commence à la première ligne et finit à la dernière. Ce récit de Roger Zelazny est, pour moi, la référence de ce que devrait être la science-fiction : mélange de réel et d'imagination, de poursuite et d'introspection, d'action et de poésie, de rires et de drame, et pour finir, une petite connaissance supplémentaire sur comment fonctionne le monde et les hommes (et les femmes aussi, mais vous aviez compris !).

Mais de quoi ça parle, ce livre ? Ça parle de la solitude, du désir (et du mal) de vivre, du changement, de l'adaptation, du remord, de la culpabilité. Ça parle d'un homme qui arrive à une intersection, entre ce qu'il est, ce qu'il voulait être, ce qu'il pourra être, entre deux eaux, et qui, se croyant perdu, doit choisir entre disparaitre le plus honorablement possible (parce qu'être le dernier des Navajo, c'est presque être une légende) ou affronter son "Chindi", c'est-à-dire la partie de lui-même dont il ne veut pas, qui fait mal, qui le hante, et assumer son désir de vivre pleinement. En gros, Billy est face à son Ombre (oui, c'est très jungien) et la question est : va-t-il lui succomber ou l'assimiler ?



Bon, si ce blabla psycho-ésotérique (on ne se refait toujours pas) ne vous a pas convaincu, L'œil de chat a quand même un temps d'atouts. D'abord, l'auteur entremêle son récit de légendes Navajo, et si vous êtes honnêtes, vous reconnaitrez avec moi que ce n'est pas tous les jours qu'on nous parle de mythologie indienne ! Ensuite, R. Zelazny, c'est un cador de la science-fiction : il compte, entre autres, 6 prix Hugo, et 3 prix Nébula. Ce n'est pas pour le vanter, mais ça veut quand même dire, a priori, que cet auteur a du talent, de l'imagination, une belle écriture, qu'il sait tenir son récit, et que tout ça, ça a été reconnu par une communauté de pairs un certain nombre de fois !

Puisqu'on parle de l'écriture de cet "Œil de Chat" (oui, bon, ça, je reconnais, Zelazny ne s'est pas foulé sur le titre…), on sent bien que l'auteur a refusé de suivre une trame classique : le procédé narratif est complètement déstructuré, désorganisé, que ce soit dans le temps, dans les points de vue qui sont multiples, que dans le contenu de ce qui est écrit : on trouve des morceaux de récit à proprement parler, des communications entre les télépathes humains (qui devaient aider à arrêter le terroriste), les échanges entre Chat et Billy, des chansons qui rappellent la création du monde selon les Navajo (Billy "Singer", il porte bien son nom !), des morceaux de mots mêlés condensés mais évocateurs, des slogans publicitaires à mourir de rire ("La victime de l'euthanasie dit tout" hi hi), etc… Alors j'imagine que ça ne doit pas être évident, quand on ne connait pas (moi, j'ai oublié l'époque où je ne connaissais pas ce livre !), d'entrer dans ce livre, mais si l'on accepte de se laisser porter par le récit (et ce n'est pas si évident que ça, de laisser tomber raison et logique !), on entre dans un monde parfois poétique, souvent hypnotique, mélange de récit, de rêve, de mythes, d'actions et d'humour noir ; on court après Coyote, on marche dans les pas protecteurs de Nayenezgani, le chasseur de monstres, et on participe aux rites sacrés des Indiens.

Un cocktail vraiment trop rare pour ne pas le savourer !

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