il n’a encore jamais pénétré dans un tel temple de l’argent, une oasis dans le désert où la monnaie sonnante et trébuchante coule des machines à sous comme d’une fontaine. Il est Ali Baba devant la caverne, cherchant les paroles magiques qui lui ouvriront les portes de la salle du trésor. Il y a dans cette manière de jouer, l’absence d’images, le rouge et le noir, les probabilités et les statistiques, une beauté géométrique qui parle à son éducation musulmane. Tout ce bazar autour des chevaux auquel il s’est prêté par le passé lui apparaît pour ce que c’était : un bazar, tributaire des caprices des canassons, du temps, des idiosyncrasies de la course, du régime des jockeys, de la boue sur la piste. Ici, les tables de jeu sont propres et il joue lui-même – au meilleur jeu qui soit : gagner ne demande aucun effort, perdre non plus.
Lila et lui prirent conscience à l'âge respectivement de de cinq et six ans, avec undouragement d'enfants et une résignation d'adultes, que Yasmine, cette pleurnicharde qui faisait des caprices et se tapait la tête contre les murs, leur avait volé leur mère et que celle-ci ne leur reviendrait jamais. Et ils avaient raison.