Citations de Rosa Montero (678)
Là encore, c'est un problème de Place, de ce satané espace flou et bien à elles que les femmes doivent se trouver. Une Place sociale, mais aussi une Place intime.
C'est pour ça que, quand quelqu'un décède, il faut écrire la fin. La fin de la vie de celui qui meurt, mais aussi la fin de notre vie commune.
Seul cet amour absolu et étincelant que les parents éprouvent pour leurs enfants permet de dépasser l'égoïsme individuel qui vous fait placer votre propre intégrité au-dessus de tout.
Comme les geysers, elle ne laissait échapper que de temps en temps son intérieur brûlant.
Il me semble que je vois déjà arriver l'oubli, l'affreux oubli, qui tue jusqu'au souvenir de l'être aimé.
Il n'y a rien de ridicule dans l'intimité, il n'y a rien de scatologique ni de repudiable dans ce petit feu domestique de sueur et de fièvre.
Ce crève-coeur de l'intimité perdue (pour toujours, toujours, encore ce foutu mot obsédant) est un dommage collatéral qui vient avec le deuil et que tous les veufs d'union de longue date connaissent très bien.
Nous grandissons comme des bonsaïs, torturés et élagues et rapetisses par les circonstances, les conventions, les préjugés culturels, les impératifs sociaux, les traumas infantiles et les attentes familiales.
Les femmes de la classe moyenne ne pouvaient même pas être embauchées sauf à quelques rares postes aux profils glissants : institutrice, dame de compagnie... Il n'y avait pas d'autre issue, c'était ça ou l'une des trois activités traditionnelles : bonne soeur, putain ou veuve.
A l'origine de la créativité se trouve la souffrance, la sienne et celle des autres. La douleur véritable est une baleine trop grande pour être harponnée.
C'est la première chose qui vous frappe dans un deuil : l'incapacité de le penser et de l'admettre.
Pour pouvoir écrire un roman, pour endurer les très longues et fastidieuses séances de travail assis que ça implique, mois après mois, année après année, il faut que l'histoire garde des bulles de lumière dans votre tête. Des scènes qui sont des îles d'émotion brûlante.
Dans l'amour, j'ai connu, par la suite, des femmes taciturnes et muettes, dont, surprise ! le lit déliait une langue fleurie et prodigieuse.
L'un des rares avantages de la vieillesse est qu'on accumule de la vie sur ses épaules.
Toutes les créatures de la création s'efforcent en priorité, avant tout le reste, d'accoucher, de mettre bas, de pondre, de couver et d'élever ; toutes les créatures de la création naissent dans la finalité d'être parents, et il se trouve que moi, je me suis arrêtée à une étape intermédiaire, je suis une fille et seulement une fille, à jamais fille, jusqu'à la fin, jusqu'à ce que je devienne une vieille fille vénérable, octogénaire et décrépite, mais toujours une fille.
La créativité est précisément ça : une tentative alchimique de transmuer la souffrance en beauté. L'art en général, et la littérature en particulier, sont des armes puissantes contre le Mal et la Douleur. Les romans ne les vainquent pas (ils sont invincibles), mais ils nous consolent de l'effroi. En premier le lieu, parce qu'ils nous unissent au reste de l'humanité : la littérature fait de nous une partie du tout et, dans le tout, la douleur individuelle semble faire un peu moins mal. Mais le sortilège fonctionne aussi parce que, lorsque que la souffrance nous brise la colonne vertébrale, l'art parvient à transformer cette douleur laide et sale en quelque chose de beau.
Pierre Curie: - Nous devons gagner notre vie et cela nous oblige à devenir un engrenage de la machine. Le plus douloureux, ce sont les concessions que nous nous voyons contraints de faire aux préjugés de la société dans laquelle nous vivons. Nous devons faire plus ou moins de concessions selon que nous nous sentons plus faibles ou plus forts. Si l'on ne fait pas assez de concessions, on vous écrase; si l'on en fait trop, on est ignoble et l'on se méprise soi-même. (p.160)
Les êtres humains se défendent de la douleur insensée en l'ornant de la sagesse de la beauté. Nous écrasons du charbon à mains nues et nous réussissons parfois à faire ressembler ça à des diamants. (p.104)
Nous avons tous besoin de beauté pour que la vie soit supportable. Fernando Pessoa l'a très bien exprimé: " La littérature, comme toute forme d'art, est l'aveu que la vie ne suffit pas". Elle ne suffit pas, non. C'est pour ça que je suis entrain d'écrire ce livre. C'est pour ça que vous êtes entrain de le lire. (p.31)
Peut-être que vieillir consiste à commencer à savoir ce que l'on aimerait mieux ignorer. Page 321