Ruth L. Ozeki

Depuis le début, je suppose que les livres savent tout surtout, mais peut-être que tu es un livre débile, ou bien un livre tire-au-flanc – le genre de livre qui commence au milieu, parce qu'il ne connaît pas le début de l'histoire, il n'a pas envie de trop se fouler, tu vois ? C'est ça ? Tu fais partie de ces livres-là ? Non, parce que si c'est le cas, tu ferais peut-être mieux d'aller trouver une autre histoire à raconter, celle d'un enfant normal, par exemple, qui a plein de copains et qui n'entend pas de voix.

Mon intérêt pour les questions du suicide dans les différentes cultures. Au Japon, les suicides découlent d'une esthétique et non d'une morale ou acte déclenché par une certaine acceptation de l'honneur ou de la honte

On dit souvent que les japonais ont vécu si longtemps sous le joug d'un système féodal, qu'ils ne sont pas des individus au sens ou l'entendent les occidentaux. Peut être il n'existe pas de conscience sans individualité

[...] but her point was simple. Everything in the universe is constantly changing, and nothing stays the same, and we must understand how quickly time flows by if we are to wake up and truly live our lives. That’s what it means to be a time being, old Jiko told me, and then she snapped her crooked fingers again. And just like that, you die.

They say we Japanese are a culture of shame, so maybe we are not so good at conscience? Shame comes from outside, but conscience must be a natural feeling that comes from a deep place inside an individual person. They say we Japanese people have lived so long under the feudal system that maybe we do not have an individual self in the same way Westerners do. Maybe we cannot have a conscience without an individual self. I do not know. This is what I am worrying about.

She smiled. “Life is full of stories. Or maybe life is only stories. Good night, my dear Nao.”

[...] even though her voice isn’t so strong anymore, she sang it with real feeling. It’s a sentimental song about how it’s okay to have impossible goals, because if you follow your unreachable star no matter how hopeless or far, your heart will be peaceful when you’re dead, even though you might be scorned and covered with scars like I am while you’re still alive.

“A wave is born from deep conditions of the ocean,” she said. “A person is born from deep conditions of the world. A person pokes up from the world and rolls along like a wave, until it is time to sink down again. Up, down. Person, wave.”

Japan isn’t a great place to be a free anything, because free just means all alone and out of it.

My voice stopped working then. No matter how hard I tried, I couldn’t force any sound to come out. It was like the muscles in my throat had turned into a murderer’s hands, strangling my voice as it tried to rise.

I read about how the scientists in the Arctic, or the Antarctic, or somewhere really cold, can drill way down and take ice core samples of the ancient atmosphere that are hundreds of thousands or even millions of years old. And even though this is totally cool, it makes me sad to think of those plugs of ice, melting and releasing their ancient bubbles like tiny sighs into our polluted twenty-first-century air.

(...) le non-savoir, savoir que l'on ne sait pas, est l'expérience la plus intime qui existe.

Certains de mes camarades ont eu le même malheur que moi de n'avoir grandi qu'entouré de mots sucrés, de louanges susurrées à leurs oreilles et de douces caresses par une mère qui les préservait de toute la misère, de toute la laideur du monde. Trop gâté, je n'ai jamais été préparé à cette cruauté. (...)

(...) Je suis étendue là et j'attends désespérément que coulent les chaudes larmes que j'avais coutume de verser, mais mon cœur s'est glacé. Je suis glacé dehors et dedans. J'ai cessé de sentir. Même les coups du Marquis n'ont plus d'effet sur moi et ne peuvent éveiller ma colère. Comme des torpilles manquant leur cible. A ce point de ma vie, j'ai appris à penser. J'ai su sentir, un jour. Mais à la guerre, ce sont là des leçons qu'il vaut mieux oublier.

Puisqu'il ne me reste plus beaucoup de temps à vivre, je suis également déterminé à ne plus me comporter en lâche. Je vivrai désormais avec la plus grande ferveur et écouterai mes sentiments. Je pèserais rigoureusement chacune de mes pensées et de mes émotions, et tâcherais autant que possible de devenir meilleur. (...)

(...) Tes larmes m'embarrassaient. Si javais été un homme, je me serait jeté à tes pieds et je t'aurais rendu grâce pour la force de cet amour que tu me portes. (...)

Quel crédit accorder à la promesse d'un père suicidaire ?

En arrivant près du collège, il ralentissait un peu, puis moi aussi, et il jetait un coup d'oeil autour de nous pour s'assurer que personne ne regardait, et là il me serrait rapidement dans ses bras et posait un petit baiser sur le sommet de mon crâne. C'est la chose la plus banale au monde, me direz-vous, seulement, dans notre cas, c'était comme faire quelque chose d'interdit, comme si on était deux amants ou un trucs de ce genre, parce qu'au Japon, un père qui serre son enfant dans les bras et l'embrasse, ça ne se fait pas trop. (...)

En fait, ça veut dire quoi, "perdre son temps" ? Quand on le perd, est-ce que c'est à jamais ? Même ça, qu'est-ce que ça veut dire ? Je veux bien que le temps soit perdu à jamais, mais c'est pas ça qui nous fait mourir plus tôt, non ? Parce que, au contraire, quand on désire mourir plus tôt, il faut prendre les choses en main.

S’il y a une chose qui vous donne un sentiment de solitude encore plus fort qu’un cyberespace vide, c’est d’être une ado assise dans une chambre qui n’est pas vraiment la vôtre car vous êtes obligée de la partager avec vos parents trop fauchés pour louer un appart plus grand, en train d’écouter des adultes discuter en petit comité de vos prétendus problèmes. J’ai augmenté le volume de la musique. J’ai mis des vieilles chansons de Nick Drake que j’adorais. Five Leaves Left. Time Has Told Me. Ces chansons sont d’une tristesse… Lui aussi d’ailleurs, il s’est suicidé.