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Citations de Ruth L. Ozeki (112)


Il se passe parfois des choses étranges dans les bibliothèques. La Bibliothèque municipale est le temps des rêves, beaucoup de gens y tombent amoureux, tout le temps. Tu n'y crois peut-être pas, mais c'est vrai. Les livres sont des œuvres d'amour, après tout. Nos corps ne sont peut-être pas faits pour jouir des plaisirs de la chair, mais même les plus arides d'entre nous, même les moins romantiques peuvent faire de vos rêves une réalité.
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Un livre doit commencer quelque part. Il faut qu'une lettre, courageusement, se désigne comme première volontaire et se couche sur le papier pour qu'un mot, puisant sa force dans cet acte de foi, suive et lève une phrase dans son sillage. De là, un paragraphe s'amoncelle, puis une page, et le livre est en route, trouve une voix, devient être.
Un livre doit commencer quelque part, et celui-là commence ici.
(Incipit)
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C'était le printemps, la pluie avait fait tomber les pétales rose pâle des pruniers en fleur, collés sur le sol mouillé. Dans le ciel, les mouettes tournoyaient en criant, s'engouffraient dans les courants d'air pour monter de plus en plus haut. De là où elles se trouvaient, le parapluie de Benny devait leur apparaitre comme l’œil rouge d'un serpent qui, lentement, se faufilait dans la ville détrempée. Les corbeaux, restés plus bas, suivaient le cortège de plus près en sautant de branche en branche, ou perchés sur les lampadaires et les lignes électriques. L'orchestre était presque au complet, à présent. Tandis que le cortège progressait sous la pluie poisseuse, les musiciens jouaient des hymnes funèbres tout en se passant des bouteilles cachées dans des sacs en papier, laissant dans leur sillage les prostituées et les drogués du coin qui virevoltaient comme des déchets emportés par le vent.
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Celle que j'ai choisie s'intitule 11.03, un hommage, m'a dit l'Aleph, au tremblement de terre qui a touché le Japon, suivi du tsunami et de la catastrophe nucléaire de Fukushima. A l'intérieur de la boule est enfermé une sorte de poisson-chat qui porte sur sa tête un rocher bien plus gros que lui, qui a la forme du Japon. Il y a longtemps, m'a-t-elle expliqué, les gens là-bas croyaient que les tremblements de terre étaient provoqués par des poissons-chats géants. L'eau, quant à elle, est vert fluorescent - du Gatorade. Cette couleur, censée évoquer des algues radioactives, se veut inquiétante, même si l'Aleph m'a confié que, dans la réalité, de l'eau radioactive aurait exactement la même teinte que de l'eau normale. Lorsqu'on attrape la boule, on ne voit d'abord que le poisson-chat et le rocher au milieu de l'eau verte mais, une fois secouée, une foule de minuscules objets se mettent à tourbillonner. Un pneu de voiture, une bouteille de Coca, un téléphone portable, un ordinateur portable, le tout emmêlé dans un morceau de filet de pêche. Il y a aussi une basket Nike, un canard en plastique, un sac à dos Hello Kitty et quelques morceaux de corps humains, des bras, des pieds coupés. Et puis des trucs plus gros - une moto, un camion, quelques maisons, tout cela dérivant au milieu de ce vert fluide.
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S’il y a une chose qui vous donne un sentiment de solitude encore plus fort qu’un cyberespace vide, c’est d’être une ado assise dans une chambre qui n’est pas vraiment la vôtre car vous êtes obligée de la partager avec vos parents trop fauchés pour louer un appart plus grand, en train d’écouter des adultes discuter en petit comité de vos prétendus problèmes. J’ai augmenté le volume de la musique. J’ai mis des vieilles chansons de Nick Drake que j’adorais. Five Leaves Left. Time Has Told Me. Ces chansons sont d’une tristesse… Lui aussi d’ailleurs, il s’est suicidé.
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ma Jiko aime beaucoup les détails, elle adore que je lui parle des petits sons, des odeurs, des couleurs, des lumières, des panneaux publicitaires, des gens, de la mode, des gros titres des journaux, tout ce qui fait de Tokyo cet océan de couleurs. C’est pour ça que j’ai pris l’habitude d’observer et de mémoriser. Je lui raconte absolument tout, les dernières tendances mais aussi les articles que j’ai pu lire sur les lycéennes retrouvées mortes, violées puis étouffées par des sacs plastique dans des love hotels. Vous pouvez lui raconter ce genre de chose, à mamie, ça ne la dérange pas. Je ne dis pas que ça l’amuse. Elle n’a rien d’une hentaï. Mais elle comprend que, parfois, il arrive vraiment des sales trucs, alors elle reste assise là à écouter en hochant la tête et en comptant les perles de son juzu, et elle récite des prières pour ces pauvres lycéennes, pour les pervers, pour tous les êtres qui souffrent dans le monde. Elle est nonne, c’est son boulot. Des fois, je vous jure, j’ai l’impression que si elle est encore en vie, c’est à cause de tous ces gens dont je lui parle et pour lesquels elle doit prier.
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imaginez la chaleur torride enveloppant la montagne, le cri strident des cigales dans l'air torpide ; les bonzes assis en zazen des heures durant, immobiles sur leurs coussins moites, leurs crânes luisants cernés par les moustiques, la sueur ruisselant comme des larmes sur leurs jeunes visages.Le temps devait leur sembler interminable.
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Et si j’étais partie tellement loin dans mon rêve que je ne puisse plus revenir à temps pour me réveiller ?
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- J'ai toujours considéré l'écriture comme l'inverse du suicide. Qu'écrire, c'était comme devenir immortel. Défier la mort, ou en tout cas la devancer.
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Un instant – bouddhiste – plus tard, j’étais nez à nez avec les yeux vert tendre d’un tout petit chat noir et blanc qui m’a lancé un regard en coin et m’a tourné le dos avant de me faire le numéro typique de chat – tournicoter autour de mes jambes puis faire le dos rond avec la queue bien haute en étirant ses pattes avant, pas vers moi mais de l’autre côté, de manière à me demander de le caresser tout en m’offrant son trou du cul en étoile et ses grosses couilles poilues. Après tout, quand un chat vous tend son derrière, vous le caressez, un point c’est tout.
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Voilà ce qu’en dit le maître zen Dogen :
Pense à ne pas penser.
Comment penser à ne pas penser ?
La non-pensée. Là est l’art essentiel de zazen.
Tout ça n’a pas beaucoup de sens, à moins de vous asseoir et de le faire. Je ne vous oblige pas, hein. Je vous dis juste ce que j’en pense.
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Dehors, dans le grand cèdre près de l'appentis, le corbeau de jungle rentrait la tête dans les épaules pour se protéger de la pluie. Ké, ké, ké, disait le corbeau. Il rouspétait contre le vent, mais le vent ne l'entendait pas à cause du vacarme, si bien qu'il ignora cet appel. Les branches se balancèrent, le corbeau s’agrippa plus fort pour se préparer à décoller vers le ciel.
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- Tu as pris un peu de poids, constata-t-il.
Voilà autre chose qu'ils font - des remarques extrêmement personnelles comme "vous avez un bouton sur le nez" ou "vous êtes vraiment grosse, non ?". Je croyais que c'était maman qui était comme ca, mais j'ai découvert, en allant au Japon, que c'était une caractéristique nationale.
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Depuis le début, je suppose que les livres savent tout surtout, mais peut-être que tu es un livre débile, ou bien un livre tire-au-flanc – le genre de livre qui commence au milieu, parce qu'il ne connaît pas le début de l'histoire, il n'a pas envie de trop se fouler, tu vois ? C'est ça ? Tu fais partie de ces livres-là ? Non, parce que si c'est le cas, tu ferais peut-être mieux d'aller trouver une autre histoire à raconter, celle d'un enfant normal, par exemple, qui a plein de copains et qui n'entend pas de voix.
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Je vous ai dit que mon père s’était retiré du monde et qu’il était devenu un hikikomori, mais je dois éclaircir un point : papa m’aimait, et il voulait que je sois en sécurité. Il n’aurait jamais pété les plombs, n’aurait jamais essayé de m’enfoncer la tête dans le four allumé ou je ne sais trop quoi. La plupart des hikikomori passent d’ailleurs leurs journées enfermés à lire des mangas pornos ou à mater des sites fétichistes, enfin, heureusement, papa n’était pas tombé aussi bas. Il faisait de la peine, oui, mais d’une autre manière. Il n’allait quasiment jamais sur internet. A la place, il passait tout son temps à lire de la philosophie occidentale et à fabriquer des insectes en origami.
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Des sons fusionnent, se divisent, s’unissent, se dissolvent. Les mots miroitent, un nuage de fretin file et froisse la surface de l’eau. Insaisissable. Dans notre granddortoir les soldatsetmoi nous ressemblonà des poissons qui sèchentsurunétendoir…

Ce n’est pas normal, les mots sont décalés – les syllabes traînent, refusent de se dissiper, de se rendre au silence -, ils ne sont plus qu’un amas de sons, telles des voitures embouties sur l’autoroute, qui transforme leur sens en cacophonie, et sans même s’en rendre compte, elle se joint au tumulte, sans un mot, sans un bruit, d’un cri qui s’élève de sa gorge et résonne à l’infini. Le temps chancelle, la submerge. Ne pas paniquer. Tâcher de se détendre, de se décrisper, de résister à l’envie de se tendre, de s’enfuir. Mais pour aller où ?
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Gavés de mauvaises nouvelles par les médias, nous vivons dans un perpétuel état de panique refoulée. Ce mauvais savoir nous paralyse et la seule échappatoire, c'est de jouer au con. L'ignorance devient une force car elle permet aux gens de vivre. La stupidité devient une forme de positionnement politique. La norme collective.
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Consommer de la viande est un usage relativement récent au Japon. Si l'on retourne à quelque mille ans en arrière, à l'époque Heian, cette nourriture était considérée comme extrêmement fruste ; et, sous l'influence du bouddhisme, probablement, comme une pratique impure.
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Les mots de Nao lui revinrent à l’esprit. Ou étaient-ce ceux de Jiko ? Etudier la Voie, c’est s’étudier soi-même. Non, c’était Haruki qui avait dit ça. En citant le maître Dogen qui parlait du zazen. D’une certaine manière, Ruth comprenait cette phrase. A ses yeux, le zazen se définissait comme une sorte d’observation de soi « moment par moment » censée conduire vers l’éveil. Mais ça voulait dire quoi au juste ?

S’étudier soi-même, c’est s’oublier soi-même. Peut-être qu’en pratiquant le zazen, l’impression que nous avons d’incarner un être solide, singulier, se dissout et qu’on finit par l’oublier. Quel soulagement, de savoir que l’on est libre de déambuler joyeusement dans l’éventail quantique de tous les possibles.

S’oublier soi-même, c’est être éveillé par toutes les existences. Les montagnes et les rivières, l’herbe et les arbres, les corbeaux, les chats, les loups et les méduses.
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Donc, si vous êtes du genre à aimer les trucs bien dégueulasses, je vous le demande, fermez ce livre et passez-le à quelqu’un d’autre, votre femme ou un collègue. Vous vous épargnerez un mauvais moment.
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