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Critiques de Samar Yazbek (128)
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19 femmes

19 femmes. 19 témoignages de femmes prises au piège du conflit syrien. Des mots trempés dans le sang et les larmes...





Dima, 37 ans à Damas:

"Je suis rentrée illégalement en Syrie...J'ai porté le voile uniquement pour me dissimuler...Un jour, l'Armée libre m'a arrêtée..."





Zayn, 20 ans, diplôme de sciences de l'éducation :

"J'ai crié : La Syrie veut la liberté !... C'était la 1ère fois que je voyais quelqu'un se faire tuer, sous mes yeux... J'ai intégré une équipe médicale"...





Douha Achour, 52 ans, j'étais journaliste :

"Dans l'atelier de couture, je travaillais 16 heures par jour, pour un salaire de misère... Un intrus a tenté de violer mon amie... Quand les hommes (de la Sûreté politique) ont verrouillé la porte, j'ai cru mourir"...





Le film "Syrie, le cri étouffé." de Manon Loizeau fut projeté le 11/03/ 2018, avec des témoignages de plusieurs Syriennes, à l'Institut du Monde Arabe...





L'association Revivre travaille sur les violences faites aux femmes Syriennes depuis plus de 10 ans. 10 ans déjà...

Et dénonce la lâcheté des gouvernements européens face à Bachar el-Assad, Poutine et Erdogan...
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La marcheuse

La marcheuse, une adolescente qui ne parle pas, lit tout ce qu'elle trouve, cantille des sourates du Coran et marche dés qu'elle n'est pas attachée. Père disparu, mère femme de ménage et un frère de deux ans son aînée. Nous sommes en Syrie, à Damas, au présent, donc en pleine guerre. C'est elle la narratrice, et ce qu'elle raconte dés les premières pages, est déroutant. Le temps reste suspendu, “Il n'était rien, et aujourd'hui il n'est rien”, tellement ce qu'elle vit est surréaliste. Elle écrit dans un souterrain, s'adressant familièrement à un tiers, inconnu, d'elle comprise.

Un style malheureusement lassant, ajouté aux horreurs et l'inhumanité de la guerre, même égayés du monde imaginaire aux références littéraires de l'adolescente,ont fini par me faire suffoquer. Pourtant j'en lis nombreux de ces réalités terribles, et souvent elles sont mes meilleures lectures, bien que les plus tristes. Ici Yazbek, en a fait presque du cinéma d'horreur. Il y a sans aucun doute un fond de réalité, mais elle a poussé son imagination trop loin avec ce personnage totalement coupé du monde, et obligé d'y vivre comme une loque, en plus enchaînée constamment , un détail qui m'a perturbée tout au long de la lecture. Pourtant cette réalité qui sombre dans une fiction surréaliste, cette fille enchaînée physiquement qui communique uniquement par le biais de l'écriture et du dessin dans l'enfer de la guerre, dans un langage sophistiqué ( “Je vais le retirer du tableau impressionniste que j'ai décidé de consacrer à ce lieu étrange”, “c'est à travers la paralysie de ma langue que j'ai appris à connaître le monde, et aussi à travers les livres”) aurait pu être une histoire intéressante, mais elle reste dans son ensemble trop romanesque et peu crédible dans la cruelle réalité qui secoue la Syrie.



Ce livre est dédiée à Razane Zaytouna, avocate, dissidente syrienne enlevée et disparue sans laisser de traces dans la nuit du 9 au 10 décembre 2013, à Douma, ville de la banlieue de Damas. L'avocate que j'ai connu grâce au très beau témoignage de Justine Augier, “De l'ardeur”.



Un grand merci aux Éditions Stock et NetGalley de m'avoir donnée l'occasion de découvrir le dernier livre de cette écrivaine courageuse, même si elle ne m'a pas conquise !
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19 femmes





19 femmes, de Sara à Zaina, de 20 à 77 ans, de Homs à Raqqa.



19 femmes sans formation politique qui se sont engagées dans la révolution syrienne née en 2011 dans le contexte du printemps arabe ; qui se sont soulevées pour réclamer des droits, la démocratie, la justice.



19 femmes qui se sont retrouvées piégées entre la dictature de Bachar al-Assad, sa répression et ses geôles, et Daech qui confisque la révolution en lui donnant une tournure confessionnelle qu’elle n’avait pas initialement.



19 femmes issues de la classe moyenne, suffisamment éduquées pour mettre des mots sur leur vécu.



Et ce vécu, il est absolument terrible. Si on suit l’actualité, on ne sera malheureusement pas surpris du contenu de ces témoignages qui racontent en mode kaléidoscopique les massacres, les bombardements, les viols, les tortures, la douleur de l’exil comme la terreur face à l’omniprésence de la mort.



Tout est connu. L’objectif que poursuit la journaliste Samar Yazbek ( Syrienne qui a elle-même fui son pays en 2012 ) n’est pas de dévoiler des « scoops » mais de donner de la chair à ses invisibles prises dans l’anonymat des masses migrantes. Elle a donc fait le choix de livrer aux lecteurs les 19 récits consécutifs, fidèles au style et au langage particulier de chacune. Cela apporte beaucoup d’authenticité, forcément, mais cette accumulation a un côté répétitif qui en éteint du coup un peu la force. Il me semble que l’intensité aurait pu être décuplée par une réécriture chef d’orchestre, qui apporterait de la profondeur et du mouvement. J'aurais également aimé plus de profondeur contextuelle.



Reste la force de ces voix qui convergent pour n’en plus former qu’une qui crie la volonté d’être libre : ces femmes se sont dressées au péril de leur vie pour refuser d’être confinées au domestique, pour prendre en main le destin de leur pays, pour s’affranchir de toute domination, qu’elle soit politique ou religieuse.



Des femmes libres et des femmes dignes. Malgré l’horreur qu’elles ont vécu, jamais elles ne s’érigent en victimes : elles se présentent poing levé comme des résistantes, refusant héroïsation comme victimisation, dans leur combat pour casser les carcans dans un pays dirigé par un dictateur et dominé par le patriarcat. Ce recueil de récits met en avant le rôle des Syriennes dans la révolution de 2011 : elles ont organisé des manifestations ; elles ont pris des photographies, filmé pour rendre compte dans la presse internationale de la réalité de la répression ; elles ont travaillé dans des hôpitaux de fortune ; elles ont crée des écoles et donné des cours pour les enfants des populations bombardées.



Je retiens tout particulièrement le récit de Souad, étudiante en psychologie dans une université se trouvant dans une zone sous contrôle du régime alors que son village est dominé par Daech. Il lui faut donc jongler entre niqab et pas de niqab.



« Lorsque nous avons atteint l’autre rive, nous nous sommes retrouvés face à un barrage du régime. Je n’avais pas fait attention aux habits que je portais pour pouvoir passer les barrages de Daech. J’avais oublié d’enlever le niqab. J’ai été arrêtée. Ils ont fait une enquête sur moi parce que je portais le voile intégral, qui est interdit par le régime. (…) J’ai expliqué aux hommes du barrage que j’étais obligée de revêtir le niqab pour franchir les barrages de Daech et que je voulais seulement aller à l’université avec mon frère et qu’ensuite nous reviendrions. J’étais choquée et abattue : j’avais réussi à échapper à Daech, j’avais mis ma vie en danger et maintenant ils voulaient me renvoyer d‘où je venais. Je me suis mise à pleurer. »



19 femmes qui ont perdu leur pays mais pas leur voix.



Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices Elle 2020 #12
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Les portes du néant

J’ai particulièrement aimé ce livre : cela peut vous paraître indécent d’écrire « aimer » un livre qui fait le récit effroyable du calvaire du peuple syrien. Je me suis immergée dans l’enfer avec Samar Yazbek pas par voyeurisme, ni par mauvaise conscience, (encore que), non, mais pour tenter de mieux comprendre la situation de la Syrie grâce au témoignage du peuple syrien et non des occidentaux.

Samar Yazbek est née en 1970 à Jableh près de Lattaquié, sur la côte nord de la Syrie. Dans cette région, se concentre la majorité des alaouites : branche minoritaire du chiisme dont le clan Assad est lui-même issu.

Alaouite et opposante à Bachar, ayant rejoint les manifestations de Damas, elle sera arrêtée et interrogée cinq fois par les services secrets en 2011. Elle ne cèdera pas et sera menacée de mort. Elle devra alors s’exilée avec sa fille.

Cette lecture permet d’admirer le courage de cette femme rebelle à toutes les traditions qu’elles soient confessionnelles ou sociales qui bravant tous les périls, va effectuer trois passages clandestins successifs en Syrie (les portes) afin de nous rapporter la voix de tous ceux qui n’en ont pas.

Déracinée et vivant son exil à Paris, elle sent que sa place est auprès de ceux qui luttent au quotidien contre la faim, la pénurie d’eau, les coupures d’électricité, les bombardements incessants, la peur, les cadavres mutilés, les enfants amputés, les monstruosités perpétrées par les milices djihadistes, en un mot la barbarie d’une guerre civile avec toutes les exactions que cela suppose !

Je la remercie d’avoir risqué sa vie et de nous livrer un récit au plus près de la vérité.

En parcourant tous ces témoignages, j’ai eu le sentiment qu’elle me permettait de me rapprocher de ce peuple, comme une façon de leur tendre une toute petite main en leur prêtant un peu d’attention, un peu d’écoute. J’ai aimé les dialogues qui s’installent entre elle et les rebelles, il y a des moments d'une grande émotion, d'une très grande richesse! Elle dresse des portraits de femmes admirables de courage. Elle a une très belle écriture et malgré sa pudeur, j’ai ressenti sa souffrance, les fêlures qui la traversaient, bien qu’elle bénéficiât d’une grande capacité de résilience !

A chaque passage clandestin, le récit démontre très bien la détérioration de la situation. La réalité décrite permet de réaliser le chaos qui s’installe petit à petit. Les syriens se retrouvent spoliés de leur révolution populaire qui se voulait pacifique contre un dictateur et qui se transforme en guerre civile voire de religion, et que dire de l’avenir de la femme…….. C’est monstrueux !

Là où j’ai tremblé avec elle, c’est au cours de la réalisation de l’interview d’Abou Ahmad, émir de la branche Ahrar-al-Cham, mouvement salafiste, (page 240) au cours duquel, elle sentait la sueur perlée sous son abaya d’autant que ce djihadiste, ignorant son identité, lui martelait « les alaouites sont des apostats, ils méritent la mort ».

Je termine avec un passage de Samar « Ecrire est une voie vers la conscience à travers ses relations complexes avec la mort. C’est une reproduction de la vie, un défi courageux à la mort. Mais aussi une défaite car, pour finir, la mort, avec toutes ses questions difficiles, représente à la fois l’impulsion de l’écriture et sa source. C’est une défaite courageuse. »



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19 femmes

Depuis plusieurs années, Samar Yazbek témoigne de la situation des femmes en Syrie avant 2011 et au moments des soulèvements. Elle rappelle que les femmes syriennes ont été très tôt impliquées dans la vie politique – elles ont eu le droit de vote à la fin des années 40 – et étaient plus nombreuses que les hommes au début du mouvement de protestation… Et puis tout a basculé et il a été évident pour l’auteur de rendre la parole à ces femmes, de les laisser résister encore, de leur redonner de l’espoir…



Cet essai regroupe les portraits de 19 syriennes qui font preuve d’une détermination incroyable, qui force notre respect. Ces 19 femmes nous racontent l’horreur, l’immensité des dégâts, elles nous montrent également jusqu’où peut aller la folie humaine… C’est poignant mais c’est également terrifiant… Terrifiant parce que cela se passe aux portes de l’Europe et que la plupart des gens ferments les yeux, mettent des œillères et ne se sentent pas concernés par le chaos qui règne en Syrie.



Malgré tout en refermant ce livre, bien qu’abrutis par cette violence aveugle, on sent que l’auteur a voulu insuffler à toutes les pages de cet essai un mot, un seul mot : liberté.



Ce livre aura sans aucun doute un impact mémoriel important. Il est un véritable ouvrage de transmission, un ouvrage qui doit marquer les mémoires, un ouvrage qui doit être connu des générations futures…
Lien : https://ogrimoire.com/2019/1..
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La marcheuse

La narratrice explique à un interlocuteur imaginaire, son quotidien. « La marcheuse » est un livre difficile à lire, difficile à supporter tant l’on ressent le drame de cette adolescente, qui représente le peuple Syrien, terrifiée sous les bombardements incessants.

L’écriture qui peut paraître monotone, voire monocorde ne fait que renforcer l’impression d’emprisonnement et d’étouffement.

J’aurais aimé dire du bien de ce livre.

J’aurais aimé ressentir de l’empathie pour cette jeune fille privée du bien le plus essentiel à tout être humain : la liberté.

J’aurais aimé ne pas étouffer sous le poids de ces mots, ne pas regarder le nombre de pages restant avant de pouvoir me réfugier dans une lecture plus sereine, plus proche de mon confort de lectrice.

Je me sens coupable de ce ressenti de lassitude, dû peut-être au manque de linéarité dans le récit et à la sécheresse de l’écriture.

Merci à NetGalley et aux Editions Stock pour leur confiance.

#LaMarcheuse #NetGalleyFrance

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La marcheuse

Dès ses cinq ans, Rima à préféré s’exprimer en marchant, dans le mouvement plutôt que dans la parole. Mutique elle se réfugie dans les livres grâce à son institutrice Sett Souad et les livres qui ont bercé son enfance le Petit Prince et Alice au pays des merveilles. Sa mère, de peur de la perdre, la maintient par un lien qui l’attache à la petite fille. Rima pourrait profiter de son adolescence et de son amour pour la littérature mais la jeune fille vit à Damas et la révolution puis la guerre civile vont bouleverser son destin.



Un sujet intéressant, celui d’une jeune adolescente, qui, malgré ses différences, essaye de vivre, puis survivre dans Damas, sous les bombes mais malheureusement, le traitement n’a pas vraiment suivi l’originalité du sujet...La narration qui donne la parole directement à la jeune fille est constamment entrecoupée par ses annonces et ses rappels à ses souvenirs - je vais vous raconter, je ne vous ai pas encore présenté untel ou ce moment particulier, etc....des interpellations du lecteur trop nombreuses qui deviennent vite lassantes. Et puis le plus gros bémol, c’est le grand nombre de sujets traités, l’éducation des filles, la rébellion, les tortures, les arrestations ou disparitions non expliquées, une héroïne qui cumule les différences, avec ce besoin de marcher qui, en soi, est très original, mais qui, dans le déroulement des situations dramatiques, ne trouve pas vraiment sa justification et perturbe le récit dramatique de la fuite de l’adolescente dans un Damas sous les bombes.

Je pensais suivre le cheminement d’une jeune fille comme celui du héros de Mort pour la patrie, d’Akira Yoshimura mais je me suis retrouvée à devoir interpréter les fantasmes décousus de l’héroïne avec les références innombrables au Petit Prince, dans un récit confus et touffus.

Une lecture décevante.
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19 femmes

Dix-neuf femmes, dix-neuf récits et en commun, une guerre, un combat pour leurs libertés mais très souvent aussi, des blessures qui ne pourront jamais cicatriser. Les maltraitances, les emprisonnements illégitimes, les viols, rien n’est épargné aux lecteurs mais nécessaire selon moi. Au fil des pages, les circonspections et pudeurs se lèvent peu à peu.



Les rencontres sont intéressantes et diverses puisqu’on y côtoie des opposantes politiques, des journalistes, des volontaires dans l’humanitaire, des militantes pour les droits de l’Homme, des femmes ayant eu le courage de fuir vers l’Europe et de laisser tout leur passé derrière elles et le problème des passeurs. Certaines étaient alors aux études et ont dû se « recycler » dans leurs activités, notamment pour pouvoir survivre mais surtout par leur volonté et leur désir d’aider leurs prochains, sans distinction.



Même si le panorama géographique de la Syrie est assez bien « respecté » par la diversité des lieux d’origine de ces femmes au regard de la carte disponible dans les premières pages, on ne peut que constater que chacune est dotée d’un certain niveau d’études et vient de la classe moyenne, comme souligné par Samar Yazbek dans l’introduction. Pourtant, cela aurait été aussi intéressant d’avoir l’un ou l’autre témoignage de femmes, moins cultivées. La difficulté de les mettre par écrit explique peut-être cette absence. Même si l’auteure espère pouvoir un jour en faire un livre à part entière, sur ces femmes démunies, bloquées dans des camps et incapables de nourrir leurs enfants…



Alors qu’une frange raciste et négationniste refuse l’arrivée de ces réfugiés syriens, par la lecture de ce livre, ils pourraient se rendre compte qu’il ne s’agit pas d’un peuple d’illettrés et de brigands voulant mettre le désordre dans notre société européenne, comme certains aiment le penser et le faire croire.



De plus, comme autre point commun fort entre ces témoignages c’est la façon dont ce peuple syrien vivait en harmonie malgré les différences de confessions religieuses (sunnite, chiite, alaouite et chrétien) jusqu’aux débordements de 2011. Ensemble, lors des manifestions, ce peuple ne faisait plus qu’un (nous aurions beaucoup à y apprendre là-dessus) et il est hallucinant de découvrir cette instrumentalisation par les autorités politiques, par les extrémistes afin de semer le chaos entre eux.



On en apprend beaucoup sur de nombreux massacres, totalement éclipsés par les médias occidentaux. Par cela, j’ai pu me rendre que même si les images arrivaient aux journaux parlés au compte-gouttes relatant ce qui se passait en Syrie, on était en vérité très loin du compte des horreurs et exactions qui y sont commises !



Certains pourront trouver la lecture de ce livre, difficile et peut-être gênante mais la guerre n’est jamais rose. Je l’ai trouvé bouleversant et il m’a appris beaucoup de choses. On ne peut être que touchée par le courage de ces femmes, même si je trouve que le mot « courage » n’est même pas assez fort pour exprimer leur combat. Ce livre devrait être mis dans les mains de très nombreuses personnes.



Je concluerai cette chronique par une phrase de l’auteure qui m’a particulièrement touchée : « (…) Pour l’heure, je souhaite avant tout redonner leur voix aux Syriennes, la voix de la résistance, la voix de l’espoir. »



J’ai lu cet essai/document dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2020 - sélection Essai/Document.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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19 femmes

Requiem pour une population.



Par le recueil d’entretiens de femmes syriennes, Samar Yazbek compose la longue plainte du calvaire vécu par les civils dans le conflit syrien, sous le régime de Bachar el Assad et face aux djihadistes.



Les femmes parlent dans l’exil. Enfin ! Car en Syrie, quel que soit le régime, on les a fait taire, parce qu’elles sont femme, faisant de l’ombre aux hommes, parce qu’elles s’engageaient dans l’assistance ou le combat.



Leurs voix s’intercalent dans les massacres, les emprisonnements, les tortures. Elles manifestent, soutiennent, soignent, instruisent et surtout témoignent en écrivant et en filmant. Elles résistent, tentent de construire la vie du quotidien. Elles œuvrent en fourmis courageuses, indifférentes à l’opposition masculine qui veut les contrôler.



La parole est factuelle, précise, comme détachée. Une protection contre les souvenirs des tortures et du viol pour certaines. On se force à imaginer, ressentir, participer. Cela reste si éloigné de notre vie confortable !



Il est étrange et intolérable de comprendre combien leurs efforts sont restés souvent inaudibles pour la communauté internationale. Est-ce par incapacité de se projeter dans un quotidien de danger permanent ou d’impossibilité d’assistance? Est -ce aussi par l’excès d’images ou de témoignages qui rend les choses irréelles et banales?



Une lecture qui se fait par étapes pour soulager la pression de l’horreur et/ou ne pas en devenir indifférente. Un livre témoignage très bouleversant.

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Un parfum de cannelle

Alya est une jeune fille des rues qui a été vendue par son père à l'âge de 10ans pour servir un couple de riche bourgeois : Anouar et Hanane. Lorsque la jeune fille, lorsqu'elle grandit est ameneé à éveiller les sens de ses maîtres, mais voilà, un tel ménage trois ne pouvait durer. Alors, la prenant sur le fait accompli, Hanane, le cœur brisé, la chasse de sa maison. Alya, retourne alors à pieds (avec ses talons) et avec sa lourde valise dans le quartier ghetto dans lequel elle a grandit et où dès son plus jeune âge elle avait appris, déjà, qu'une jeune femme pauvre est sans cesse menacée par les désirs les plus violents des hommes.



C'est un récit délicat, pudique et fort à la fois. Ce petit livre de Samar Yazbek dresse un portrait dur et sensuel d'une Syrie fortement marquée par les inégalités sociales. Mais malgré cet aspect social, Hanane la riche et Alya la pauvre se retrouvent et si leur vie a été différente, il ressort que les expériences qu'elle ont vécu sont loin des idéaux de libre arbitre et de liberté de disposer de son corps.

Un parfum de cannelle, c'est l'odeur qui reste du désir des femmes, une odeur qui envoûte, à l'inverse de celle des hommes que l'on s'empresse d'aller faire disparaître sous la douche.
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Les portes du néant

Attention, coup de coeur, mais un coup de coeur bouleversant, difficile. Âmes sensibles s'abstenir ! Si vous êtes plutôt, en ce moment, à la recherche d'une lecture plaisir, passez votre chemin.



Une lecture éprouvante, douloureuse, bouleversante, c'est certain, mais une lecture nécessaire, attachante aussi... J'ai eu l'impression d'écouter Christina Lamb, co-auteur de Nujeen et correspondante de guerre, que j'ai eu la chance de rencontrer grâce à Babelio, et qui nous raconté l'horreur des événements syriens.

L'horreur est dans ces pages, sensibles, presque insoutenables, formidablement bien écrites, émouvantes et empreintes d'une rude vérité, de détails et d'une analyse très poussée sur ce qui se passe en Syrie. Le printemps arabe n'a pas fonctionné en Syrie, et c'est une pluie de violences qui s'est abattue sur ce pays. Samar Yazbek est en exil à Paris depuis juin 2011. Dans ce récit, elle nous raconte ces trois retours en Syrie, de 2012 à 2015, clandestine dans son propre pays, trois retours pour lesquels elles risquent sa vie, trois retours qu'elle affronte courageusement, dans le but de reporter ce qu'il advient de son pays, de mener ses missions humanitaires auprès des femmes syriennes, de soutenir les radios locales pour que les choses continuent, parce que la vie continue, doit continuer, trois retours qui témoignent d'une montée en puissance dans l'horreur.

L'émotion est présente dans chaque page.

C'est une très belle leçon de courage, de force et de résilience que nous offre Samar Yazbek, pour révéler au monde ce qui se passe là-bas, où les morts se comptent par milliers et dénoncer l'absurdité et la douleur de la guerre. Elle écrit «au nom d'un peuple fantôme, d'un pays défunt», elle nous décrit de véritables champs de guerre, met à jour toutes les atrocités dont l'homme est capable en temps de guerre. Elle recueille des témoignages tous aussi difficiles à lire les uns que les autres, tous empreints d'une vive émotion, elle relate la tragédie que les syriens affronte chaque jour et de récits en récits, c'est en enfer que nous nous retrouvons, elle raconte le combat contre l'injustice et le despotisme d'Assad, les combats menés par les rebelles pour revendiquer un soupçon de libertés et de paix, pour que leur dignité ne soit pas écrasée, elle évoque les déserteurs des "unités spéciales", ceux qui refusent de violer, massacrer, pilonner, torturer ... elle raconte la vraie vie, celle de ceux qui ne veulent pas quitter leur pays et qui tentent d'y survivre...ce n'est pas un roman, la mort fait partie intégrante de la vie...là-bas «Il n'y a qu'un seul vainqueur en Syrie, la mort.»



«J'entrevis un nouveau cercle de l'enfer. Pas seulement un purgatoire où erraient des sans-abris, mais un endroit maudit créé par le diable en personne. [...] Des maisons détruites, rasées. Une volonté de destruction totale, telle une machine à remonter le temps, venait de renvoyer à l'âge de pierre.»



Son but est aussi de nous faire comprendre la situation d'injustice et de violence dans laquelle se trouve la Syrie aujourd'hui.



«On préférerait nous considérer comme des sauvages, sans le moindre entendement. Ils ramenaient tout à l'extrémisme islamiste. La conséquence, c'est que tous les gouvernements et les peuples laissaient se poursuivre ce conflit d'une dangereuse sauvagerie. [...] Je revenais [en Syrie] et chaque fois j'étais saisie d'un sentiment de colère et de découragement face à l'immense injustice dont notre cause et nous-mêmes étions victimes.»



«L'ignorance est le fondement de l'extrémisme.»



Bravo Samar Yazbek pour votre engagement, votre témoignage.



Face à ces récits, à cette violence décrite, à ces meurtres quotidiens, il est difficile d'imaginer un futur optimiste pour ce pays en perdition.



Je remercie la "surprise" du café gourmand de décembre, organisé par ma ville, qui m'a permis de découvrir ce douloureux témoignage.


Lien : https://seriallectrice.blogs..
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La marcheuse

Je remercie les éditions Stock pour l'envoi du roman La marcheuse de Samar Yazbek via net galley.

Nous sommes à Damas (Syrie), en pleine guerre.

La narratrice (qui s’appelle Rima d'après le résumé mais dont on ne connait pas le nom) aime les livres, surtout Le Petit Prince et Alice au pays des merveilles, le dessin et… marcher. La jeune fille, qui ne parle pas, (et dont, dans le roman, ne nous dit pas son nom) souffre d’une étrange maladie : ses jambes fonctionnent indépendamment de sa volonté, dès qu’elle se met à marcher elle ne peut plus s’arrêter.

Elle est considérée folle par sa mère, nous raconte sa descente aux enfers, et sa vie secrète imaginée par le biais des livres , sa bouée de secours. Un jour, elle est emmenée dans un hôpital pénitencier avant que son frère ne la conduise dans la zone assiégée de la Ghouta...

Et c’est là, dans cet enfer sur terre, que la jeune fille écrit son histoire..

La marcheuse est un roman intéressant, malheureusement je suis passée un peu à coté de ma lecture. J'ai eu beaucoup de mal à accrocher avec les personnages, à commencer par la narratrice, une adolescente très singulière, différente des autres. Le style de l'auteure (à moins que cela ne vienne de la traduction) ne m'a pas convaincu plus que ça. C'est presque trop bien écrit pour une adolescente tout en étant assez naïf, trop par rapport à la gravité des événements qui se déroulent autour d'elle.

Je suis un peu perplexe face à La marcheuse. Je ne vraiment pas trop quoi en penser. Je n'ai pas détesté ce roman sans pour autant l'apprécier réellement. C'est pour cela que je ne me mets que trois étoiles.
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Les portes du néant

Svetlana Alexeievitch, Asli Erdogan, Samar Yazbek. Un fil les relie. Elles sont des écrivaines qui touchent au coeur, elles des témoins directs ou indirects. Et elles ont un regard de femmes.

J'aurais plutôt tendance à considérer que les créateurs, et les humains en général, ne sont pas forcément marqués par le genre, qu'avant d'être homme ou femme, homme et femme, ils ou elles sont avant tout humains.

Mais ici, dans les conditions limites qui sont décrites, le fait d'être une femme détermine fortement la position à partir de laquelle le témoignage va pouvoir être prononcé. Très concrètement. Pour Samar Yazbek, cela se marque par la simple possibilité de se déplacer, de rencontrer qui elle veut rencontrer. Il faut dire que les récits et les témoignages qu'elle rapporte datent de 2012 et 2013 en Syrie, au moment où la révolution syrienne commence à être confisquée par les groupes djihadistes. Journaliste syrienne, alaouite, réfugiée à Paris, elle effectue trois séjours successifs qui sont autant de portes du néant. La lecture de ces récits et témoignages est éprouvante. L'horreur, la cruauté, l'insécurité permanente, et par dessus le désespoir, mais un désespoir qui pousse paradoxalement à agir. On ne voit plus les reportages télévisés sur la Syrie du même oeil après cette lecture. On a touché une autre réalité, que l'on voudrait ne pas faire partie de notre humanité mais qui en fait partie pourtant. Car les trois écrivaines sont par dessus tout des écrivaines. Oh combien!
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Les portes du néant

A plusieurs reprises, j’ai failli abandonner : trop de scènes insoutenables. Enfants écrasés sous des décombres, femmes violées, enlevées, assassinées, cadavres d’hommes jonchant les rues des villes et chaque jour la même chose. Chaque jour, un ciel qui s’assombrit et lâche sur les civils barils d’explosifs, obus, roquettes, bombes à fragmentation… Au sol, c’est le carnage, le fin du monde, les cris, le sang, les larmes, la peur, la mort. Et chaque jour, le ciel s’assombrit de nouveau. Chaque jour.

A plusieurs reprises, j’ai failli abandonner. Mais j’ai poursuivi parce que je me suis dit que si Samar Yazbek avait risqué sa vie pour décrire ce qu’elle a vu, je me devais de lire son témoignage, je me devais de savoir ce qui se passait là-bas, d’ouvrir les yeux pour comprendre l’enfer d’où venaient les réfugiés qui épuisent leurs dernières forces le long des routes.

Si nous tous nous savions cela, peut-être n’oserions-nous même pas penser une seule seconde ériger un mur entre eux et nous, peut-être au contraire ferions-nous tout notre possible pour les accueillir, le mieux possible. Si nous tous savions ce qu’ils ont vécu, alors notre regard serait différent.

Là-bas. Là-bas, il y avait un beau pays qui s’appelait la Syrie. Samar Yazbek y est née en 1970 dans la ville de Jableh mais elle a dû le quitter en juin 2011. Elle a dû s’exiler.

Loin de son pays et de son peuple, elle s’est sentie déracinée, inutile, comme morte. Alors, elle a préféré y retourner, risquer sa vie pour témoigner, dire au monde ce qu’elle a vu, entendu, senti. Lorsqu’elle a pris son crayon, elle s’est dit que les mots ne seraient pas à la hauteur, qu’ils ne pourraient en aucun cas traduire l’horreur absolue : « Évoquer ce qui se passait semblait absurde et frivole. Mes doigts se paralysaient, mon esprit se figeait. Ce blocage, cette paralysie, m’empêchait de reprendre mes notes, de plonger dans mes entretiens. Impossible de me débarrasser de ce sentiment de futilité. L’énormité de l’injustice, les massacres quotidiens m’avaient laissée sans voix. Je crus qu’il me faudrait une éternité pour retrouver ma capacité à écrire. »

Samar retourne clandestinement trois fois en Syrie en passant sous les barbelés de la frontière turque : en août 2012, février 2013, juillet-août 2013.

J’ai une admiration absolue pour cette femme qui repart sans cesse, risque à tout moment de mourir, en a parfaitement conscience mais repart quand même car elle a l’intime conviction que son rôle, sa mission est d’être là-bas, parmi les combattants, parmi les Syriens afin de les aider à faire face en mettant en place des projets humanitaires et en prenant des notes, comme un greffier de la guerre, pour dire au monde ce qu’elle a vu, ce qu’on lui a raconté. Elle a promis de dire, elle le fera. Le monde entier connaîtra la tragédie syrienne.

Au départ, au mois de mars 2011, éclate une révolte populaire pacifique, un souffle démocratique s’empare du pays : « Nous étions convaincus de pouvoir faire tomber le régime grâce aux grèves et aux manifestations. Nous n’avions pas prévu la suite des événements… et nous avons pris les armes. » expliquera Raed. Puis, c’est l’engrenage, la lutte de ce qui deviendra l’Armée Syrienne Libre contre les troupes de Bachar al-Assad et les groupes djihadistes extrémistes qui en profitent pour occuper le territoire. Un conflit compliqué qui se transforme vite en guerre religieuse, une espèce de monstre incontrôlable à deux têtes. Et au fond, le sentiment terrible d’une révolution volée, détournée, détruite, confisquée. Un rêve avorté.

Pour des civils peu armés, la tâche est insurmontable.

Alors, le quotidien devient vite un enfer : pénurie alimentaire, coupure d’eau, d’électricité, absence de médicaments, de médecins, pillages, bombardements à répétition, enlèvements, tortures, blessés et morts en grand nombre. Vivre caché. Un enfer sans fond, un trou noir proche de la mort. L’insoutenable. « Comment vais-je pouvoir écrire toute cette dévastation ? » se demande Samar. « Lire que des barils d’explosifs et des obus sont tombés pendant dix jours sans interruption dans la ville où vous avez vécu n’a rien à voir avec la vraie vie sous les bombardements. Depuis un an, Saraqeb est pilonnée tous les jours. Voir les cadavres amoncelés sous les décombres, ce n’est pas les toucher. L’odeur de la terre après l’explosion d’une bombe à fragmentation ne se transmet pas par le biais des photos et des vidéos diffusées par les militants qui sont en vie et capturent les événements par l’image. Où est la puanteur ? La panique dans les yeux des mères ? Ce bref moment de silence et de choc après chaque déflagration ? »

Et malgré les bombes qui tombent, Samar se déplace, interroge les gens sans cesse, sans relâche, bravant la mort qui la guette à chaque coin de rue.

Elle donne la parole à ceux qui n’ont pas de voix, elle se fait la voix des autres, de ceux qui sont restés là-bas, vivants ou morts, de ceux dont on ne parle pas, refusant par là même de les laisser tomber dans l’oubli.

Dans la terre rouge et brûlante de Syrie, entre un olivier un peu tordu et un vieux cyprès, le texte de Samar Yazbek est la petite fleur jaune qui pousse parmi les ruines et la rocaille.

Cette fleur s’appelle l’espoir...

Des gens comme Samar Yazbek l’arrosent un peu chaque jour…


Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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La demeure du vent



Ce matin, je suis allée auprès de l’arbre

Ce n’est pas un chêne, ce n’est pas grave

Le lien existe pourtant, il a des feuilles

Je peux revoir dans mon œil, Ali

Je peux le revoir en train d’observer

Une feuille, les nuages, ses arbres

Je peux le revoir expérimenter la peur

La mort, le vent, les nuages, une bombe

Je peux ressentir sa souffrance ses envolées

Le délire la tyrannie la dissociation le ciel

Ce moment exact d’être en face de la mort

Ce que cela provoque d’acuité et de souvenirs

Il attend et cette attente ouvre un champ

De sensations de flash-back de poésie

Dix-neuf ans c’est jeune

Sa vie était pourtant déjà riche

De rencontres de drames d’ombres d’oiseaux

De contemplations de misères de violences

Il s’en éloigne autant que possible

N’y trouvant qu’une place digne, sereine

Dans la Demeure du vent

Il s’était destiné à être une homme

De religion et de vérité

Mais les hommes et la politique en avaient

Décidé autrement: la guerre a faim de chair

Mais le président en avait décidé autrement

La guerre a soif de sang la patrie aussi

Ali contourne tout ce qu’il peut cette fatalité

Mais ils sont trop nombreux, trop déterminés

Dix-neuf ans c’est trop jeune pour mourir

Le sol aura beau se fendre et les avaler

Il n’y aura pas plus la paix en Syrie

C’est pour cela que ce matin

Je me suis réfugiée près de l’olivier

J’aurai aimé lui offrir un rameau

Je me dis que d’arbres en arbres

Il recevra sans doute mon message

Le mycelium fera un long voyage

La connexion est inéluctable

Le lien de rigueur avec cette poésie

Mais sinon, je commanderai au vent

Puisqu’il est vital en nos deux cœurs

Je l’enverrai chargé de ma force

Et nous volerons ensemble

Au-dessus des faisceaux de lune

Puisse La Demeure du vent être

Notre refuge

Puisse mon coup de cœur monter

Plus hauts que toutes les branches

Pour le voir inscrire sur le Ciel…
Lien : https://fairystelphique.word..
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La demeure du vent

Si la 4e de couv. m'a attiré, l'entièreté du texte m'a laissé peu sensible. Je passe à côté. Certes quelques phrases poétiques, certes l'importance des arbres, certes ce soldat qui revit son passé imprégné de mystique. Mais je reste avec une sensation de "trop peu conséquent". Un livre qui n'apporte rien si ce n'est à son autrice sans doute, et son pays meurtri : c'est déjà ça ! Déçu donc, vous l'aurez compris, mais c'est pas grave.
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Les portes du néant

Ce livre ne fut pas facile à lire, il n’est pas facile à chroniquer. Ce n’est rien par rapport aux difficultés rencontrées par Samar Yaznek non seulement pour écrire, mais aussi pour témoigner de ce qui se passe en Syrie.

Samar Yaznek est une opposante au régime de Bachar El-Assad. Elle a dû quitter son pays, pas seulement pour se protéger, mais aussi pour protéger sa fille. Seulement, pour témoigner de ce qui se passait dans son pays, elle y retourna, clandestinement, et écrivit ce témoignage.

Il se compose de trois parties, pour trois voyages clandestins. La dernière partie est la plus longue, celle qui comporte plus de témoignages étendus non seulement des habitants de Syrie, mais aussi des combattants. Toutes sont cependant aussi importantes à lire, parce qu’elles montrent l’évolution, ou plutôt la dégradation de la situation en Syrie. Le mot « précarité » me paraît trop faible pour désigner la situation des femmes, des enfants.

L’auteure parle, oui, apparaît dans le récit, fait part de ses émotions, mais toujours elle s’efface devant la parole, brute, des personnes qu’elle rencontre. Peu de descriptions, sinon celles des destructions, des bombardements. Des portraits, celles de figures fortes qui l’accompagnèrent dans son périple, ou au contraire des personnes qu’elle ne croisa qu’une fois et dont elle montre les douleurs, les blessures, les mutilations. La mort est omniprésente, et peut survenir n’importe quand.

Les portes du néant ou l’oeuvre d’une écrivain engagée pour la cause des habitants de son pays.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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La marcheuse



Un livre dont je ne saurais vraiment dire s’il m’a plu ou pas. La marcheuse est l’histoire d’une jeune fille syrienne, Rima, dont la tête se situe dans les pieds, qui est « atteinte de bougeotte ». Attachée par une corde au poignet de sa mère ou de son frère, au barreau du lit ou à tout autre meuble, elle vit entravée de peur que ses pas ne la portent sans fin au bout du monde. Aphasique à la suite d’un épisode traumatique, la narratrice s’adresse au lecteur pour lui conter la richesse de son monde intérieur, sa passion pour les couleurs et le dessin, son goût pour les belles histoires. Rima ne parle pas, son mode d’expression c’est l’art, chaque lettre d’alphabet est figurée par un animal et c’est tout un monde en images qu’elle propose aux personnes qui l’entourent.



Mais la jeune fille vit dans un pays en guerre, dans un chaos absolu et, au cours d’un voyage en bus, sa vie bascule. Nous la suivons dans une course folle pour échapper aux massacres, aux attaques chimiques, à la faim et à la soif. C’est éprouvant, on est plongé au cœur d’un conflit auquel la narratrice elle-même ne comprend rien, confrontée à la folie d’hommes qui s’entretuent, sans compassion aucune même pas pour les enfants.



C’est dur, âpre, sans espoir et à la fois très poétique. Rima est un personnage attachant, qui incarne la différence – son handicap est abordé avec finesse et l’ouvre à d’autres modes de communication – et l’absurdité d’un conflit sans fin. On achève le livre avec soulagement.

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La marcheuse

Quel est son nom ? On ne le connaîtra pas.....Jamais, elle n'est que l'image d'une jeunesse syrienne sous les bombes. On ne lira que ses feuilles où elle nous raconte son enfance et cette adolescence qu'elle vit aux milieux des bombardements.



Un étrange récit dans lequel l'auteure s'est mis à la place de cette jeune fille, dans les conditions de son isolement mais aussi dans sa tête, dans ses pensées, dans son quotidien, attachée par une corde soit à une personne soit à une fenêtre, 



Pourquoi Samar Yazbek choisit de l'encorder depuis qu'elle marche ? Cette enfant qui éprouvait tant le besoin de marcher, de bouger, qui était donc la vie même ? Peut-être pour que le contraste avec ce besoin de liberté et l'immobilisation soit plus grand. Pourquoi avoir choisi d'une enfant muette ? Peut être pour justifier ses écrits. Elle ne sait que psalmodier le Coran, son refuge son seul moyen d'expression sonore, une mélopée qu'elle lance comme une bouée d'espérance.



Ce qui me frappe dans ce récit c'est l'implacabilité des sentiments : pas beaucoup d'émotions ressenties par la jeune fille, même dans les décès, une sorte de distance par rapport à la mort, peut-être un quotidien tellement présent, même quand elle touche ses proches, ses très proches.



Au milieu du quartier de la Goutha (tristement célèbre pour les bombardements chimiques il y a quelques semaines) elle partage avec nous, avec son langage, son quotidien, les silences rompus par les avions survolant les ruines et déchargement leur triste cargaison, le peu d'activité qu'elle peut avoir. Elle se réfugie dans l'écriture, dans ses souvenirs de lecture et en particulier le Petit Prince, son livre préféré mais aussi dans sa mémoire : les couleurs sont omniprésentes, les personnes qui ont compté pour elle : Set Souad, cette bibliothécaire qui a pris des risques pour lui faire découvrir les livres entre autre. Elle possède une imagination débordante, elle créée un monde de survie, inventant des planètes, des couleurs pour les moments de bonheur qu'elle vit mais aussi pour les moments de tristesse. Ils ont tous une couleur.



Il y a dans l'écriture une ambiguïté : souvent des phrases simples, d'une adolescente avec ses mots, son regard naïf parfois sur ce qui l'entoure, son environnement mais par d'autres des profondeurs philosophiques, qui sont un peu contradictoires.



Une petite syrienne qui écrit comme elle pense, qui jette sur le papier ses pensées, ses souvenirs, comme ils viennent, qui relate une terrifiante situation d'abandon, de ruines, de massacres.



On est parfois désorienté par le style mais il n'est pas question ici de style : c'est un témoignage de l'enfer syrien, du quotidien des gens vivant sous les bombes, encore plus lorsque vous êtes femme et que l'on ne peut par exemple vous dévêtir, même à l'hôpital, pour une question d'honneur alors que ses vêtements sont imprégnés de produits toxiques... Il y a plus de femmes qui décèdent que d'hommes pour cette raison.



Un récit poignant dans une écriture particulière, qui ne peut surtout laisser indifférent. C'est une longue agonie d'une jeunesse qui ne trouve d'échappatoire que dans le souvenir des livres, du plaisir de la lecture, du dessin, de ses petits trésors accumulés, perdus mais toujours présents dans son esprit.



Merci aux Editions Stock et NetGalley pour cette lecture malheureusement d'actualité. Ne fermons pas les yeux.



Dans ma note je distingue l'histoire et le style, ce dernier étant parfois un peu déroutant.
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La marcheuse

Challenge Plumes Féminines 2019-2020



Rima voit le monde et les gens en couleurs. Elle écrit, dessine des contes. Elle semble aussi un peu déconnectée du monde ; mieux elle a créé les siens et y vit, ou s'y réfugie.

Rima ne parle pas ; elle a décidé cela un jour alors qu'elle avait 4 ans. Mais elle marche. Sans s'arrêter. Sa mère est obligée de l'attacher à son poignet lorsqu'elles sortent. Le jour où le lien se casse, le vrai monde tombe sur les épaules de l'adolescente. Dehors, c'est la guerre.

Ce fut assez difficile de rentrer dans ce roman : la narratrice saute d'une idée à l'autre, par peur d'oublier, par volonté de tout dire. Au fil de son histoire, elle et le lecteur perçoivent avec de plus en plus de précision de quoi il est question, de quelle guerre elle parle. En fait, elle a beaucoup de mal à se dire que dehors c'est la guerre, qu'elle a perdu sa mère... Comme si ses émotions ne lui étaient pas accessibles, qu'elle les occulte ou qu'elle souffre un peu d'autisme (elle a beaucoup de mal à interpréter les sentiments de autres. Elle a été très isolée, c'est peut-être aussi une explication).

Plus le roman avance, plus le lecteur est pris par les fils qu'elle lance, son histoire en "éclats de miroir dans une balle". Et plus l'histoire, plus la monstruosité de la guerre civile nous apparait, les bombes chimiques, les habitants réduit à manger de l'herbe. Et le pire du pire : les couleurs qui peu à peu disparaissent pour Rima...
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