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Critiques de Sana Krasikov (52)
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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Avec ce premier recueil de nouvelles, Sana Krasikov nous dépeint la vie d’émigrés des pays de l’Est en Amérique. Des nouvelles où les femmes sont les personnages majeurs, les pièces maitresses de ces tranches de vie. Poursuivant le bonheur et d’une vie qui est souvent à construire, le pays d’origine n’est jamais loin. Mari, parents, langue, coutumes … Le cordon n’est jamais coupé malgré le déracinement, les espoirs inaboutis. Un rien suffit : se rappeler les études abandonnées, une photo de l’enfant resté au pays.



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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Recueil de nouvelles qui ont toutes en commun de mettre en scène des réfugiés, des exilés, des immigrés de l'Europe de l'est vers les Etats-Unis. C'est parfois un peu difficile de se retrouver tant l'auteure place de personnages dans ses histoires. Je suis passé totalement au travers des deux premières nouvelles, pour cette raison, mais aussi parce qu'elle sont construites comme des puzzles. Sana Krasikov distille des informations par morceaux qui doivent s'imbriquer ensuite les uns dans les autres, mais parfois, comme dans ces deux premières nouvelles, j'ai eu 'impression qu'il manquait une ou plusieurs pièces. Ou alors, c'est moi qui ai la comprenette difficile (je vieillis, je vieillis, que voulez-vous, je dois faire face à mes limites !)
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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Impressionnant de maîtrise et de maturité, L'an prochain à Tbilissi montre avec une rare finesse des hommes et des femmes qui essayent d'avancer droit. Des êtres qui voudraient bien arriver à réaliser leurs rêves et composent avec les cahots de l'existence.
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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Voici, entre deux lectures de rentrée littéraire, un recueil de nouvelles paru l'année dernière et qui mérite votre attention cinq minutes ! Dans ces textes, il est souvent question de déracinés, d'expatriés russes, ukrainiens ou géorgiens installés aux Etats-Unis, sans envie de retour ou au contraire tentés par l'idée de revoir leur pays maternel. Les personnages en sont souvent des femmes, et leurs relations avec les hommes se compliquent du fait de la différence de culture, de l'éloignement ou de leur soif d'aisance matérielle. Les nouvelles sont racontées davantage comme des chapitres de romans, des tranches de vie, il ne faut pas s'attendre à une chute spectaculaire à la fin, la situation a simplement un peu évolué, un espoir se profile ou au contraire s'éloigne. L'auteure a un talent certain pour entrer dans le vif du sujet, présenter tous les protagonistes en peu de mots, décrire leur situation avec sensibilité et précision à la fois. On reconnaît le style américain d'écritures de nouvelles, façon Lorrie Moore ou Lauren Groff, avec un petit quelque chose en plus avec le thème de l'immigration et de ces familles transplantées que l'auteur semble bien connaître, comme l'indiquent les dialogues plein de vivacité...
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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Une série de nouvelles en direct de l’Ex Europe de l’Est. Six des huit nouvelles ont pour personnages principales des femmes Russes, Géorgienne, ou de toute autre ex république soviétique. C’est très bien écrit. Il y est question de nostalgie, d’exil, de pertes, d’avenir meilleur. C’est toute l’ambiance de cette région qui est retranscrite. C’est à la fois oppressant et typique.



Dans la première nouvelle : Ilona, Géorgienne divorcée doit faire face à un divorce et des difficultés financières. Il y est question de solitude, de profiter des uns et des autres mais qui profite de qui ?? Il y est aussi question de renoncement.



Dans la seconde nouvelle : Maia est également Géorgienne. Récemment immigrée reçoit la visite de son fils adolescent. Comment rester en contact avec ses proches lorsque l’on est déraciné.



« L’alternative » traite de choix non assumés, mais aussi d’options, de choses qui auraient pu être mais qui ne seront jamais. Toujours des choix matériels versus des choix de cœur. Un homme doit faire face à son passé.



« Asal » illustre la montée de la place de l’Islam à Tachkent et le choc de deux civilisations. C’est l’exploitation de la femme mais aussi les faiblesses de l’homme qui subit ou du moins qui ne sait pas échapper à la tradition.



« Cher et tendre » est une histoire de papiers et d’émigration. Mais également une histoire de misère vue par différents angles.



« Dettes » traite également de l’exil et de la famille mais cette fois il s’agit de savoir qui s’est le mieux adapté et de l’entraide entre immigrés.



« Les rapatriés » est l’histoire peu ordinaire d’un divorce. Cela commence comme une histoire d’amour et de retour au pays et cela finit par une séparation peu glorieuse et un retour aux US. C’est une de mes nouvelles préférées. On y retrouve la décadence, le mal du pays qui poussé à l’extrême donne au pays d’origine une aura inattendue, la trahison pour l’argent, …



« Il n’y aura pas de quatrième Rome » est la dernière nouvelle. Il y est également question de trahisons passées, à venir. C’est également une histoire de naissance voire de renaissance.



C’est une écriture qui rend à merveille cette atmosphère très particulière que j’ai pu ressentir quand je me suis rendue à Moscou et/ou en côtoyant des personnes des ces pays. On pourrait sans doute le définir comme le coté sombre slave. C’est oppressant.



Bref un bon livre à lire pour connaître / appréhender le sort / les dilemmes de ces femmes de l’Europe de l’Est. Bien que les hommes soient peu présents dans ce livre ou alors en filagramme, leur sort n’a rien de vraiment enviable. On trouve également en filigrane un portrait des US peu flatteur.



La première phrase de la première nouvelle :



"Depuis son arrivée en Amérique et son divorce, on avait à trois reprises essayé de caser Ilona Siegal."
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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Les personnages de ce recueil ont presque tous voulu fuir leur pays d'origine, la Géorgie ou la Russie, pour s'exiler en Amérique, mais leur nouvelle vie ne correspond pas vraiment à leurs attentes. Il en est de même pour ceux qui sont restés là-bas qui regrettent de ne pas être partis.

Alors pour avancer dans la vie, tous s'accrochent à leurs rêves...



En fait je devrais dire "toutes" car ce sont essentiellement les personnages féminins que j'ai aimé dans ce recueil. Les hommes sont peu présents et leur vie n'est racontée qu'à travers le regard de leur compagne.

Ilona se retrouve dame de compagnie à son insu.

Maia est déçue par la venue de son fils Gogi qui ne comprend que tout ce qu'elle fait c'est pour lui mais qu'elle n'est pas riche pour autant et ne peut donc pas tout lui acheter et céder au moindre de ses caprices.

Victor veut faire la connaissance d'Alina parce qu'il a été dans sa jeunesse amoureux de sa mère, mais aucun lien ne peut pour autant exister entre eux.

Rachid est pris entre deux femmes, Asal et Goulia et les aiment toutes les deux.

Anya et Ryon s'aimaient mais il est devenu violent...

Quand Lev accueille sa nièce chez lui, il comprend qu'elle n'a fait de détour que pour lui soutirer de l'argent, pas pour le voir.

Lera se fait tout voler par son mari parce qu'elle lui faisait une confiance aveugle.

Larissa vient passer quelques jours chez sa tante, et profite pour revoir son ancienne amie. Elle a fui son amant américain qui l'a entraîné dans une affaire pas très claire. Pour elle qui est comptable, impossible pour autant de fuir la réalité de sa faute...

Chacune de ses huit nouvelles profondément humaines, est teintée de l'espoir d'une vie meilleure et de regrets pour ce, et ceux, qu'on a laissé là-bas. C'est ce qui fait toute la force de ces récits de vie.

Ces femmes sont prêtes à tout, même à s'unir avec un homme qu'elles n'aiment pas, pour obtenir leur carte de séjour. Elles acceptent n'importe quel boulot et travaillent souvent dans des conditions totalement inhumaines.

L'exil les oblige à vivre éternellement entre deux mondes, deux cultures, comme si elles-mêmes étaient des êtres doubles pour toujours.



J'ai trouvé que l'auteur avait beaucoup de talent, car c'est difficile d'écrire des nouvelles. Or elle arrive très vite en quelques mots et quelques phrases à nous faire entrer dans la vie de ses personnages, dans leur maison ou leur lieu de travail, à nous faire partager les moments de joie, les incidents, les drames...

Il faut dire que l'auteur sait de quoi elle parle puisque à l'âge de huit ans, elle a tout quitté pour émigrer aux Etats-Unis avec sa famille.

Elle nous décrit avec beaucoup de finesse et de sensibilité, mais aussi beaucoup de justesse, l'instant où tout a basculé dans leur vie, où les personnages ont compris que rien ne serait plus comme avant, qu'ils avaient été trompés parfois par ceux qu'ils aimaient le plus, mais où ils ont tenté tout de même de continuer à vivre et à espérer.

Ne vous attendez pas à une chute vertigineuse pour chacune de ces nouvelles, juste un élément parfois a changé, un espoir est apparu, ou bien la vie continue tout simplement, comme avant.

J'apprends en rédigeant ses lignes que ces nouvelles avant d'être réunies dans ce recueil, ont toutes été publiées dans le "New Yorker" et "The Atlantic Monthly".
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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Après une mise en route un peu ardue, j'ai néanmoins persévéré et j'ai bien fait, les six dernières nouvelles me sont plus accessibles (ou alors, j'ai rajeuni ou compris la clef pour entrer dans le monde de l'auteure). La réussite professionnelle et sociale et surtout les apparences de cette réussite sont au coeur de toutes. L'homme se doit d'offrir à la femme confort et biens matériels (a priori deux points communs entre les Etats-Uniens et les nouveaux Russes et ex-résidents de l'URSS). Sana Krasikov construit des petits romans, pas des nouvelles à chute, juste des histoires, des tranches de vies. Ses personnages sont complexes, tiraillés entre leur pays d'origine et leur pays d'adoption. Les hommes sont assez absents, contraints de travailler pour arriver à leurs fins matérielles. Les femmes espèrent des vies de "Desperate housewives", sorte de panacée bourgeoise américaine. Entre espoir, désillusions, tragédies grandes ou mineures, elles avancent bien décidés, à accéder au rêve américain. Entre extrême solitude de celles qui épousent le premier citoyen des Etats-Unis venu pour avoir la green card et le permis de travail et les belles relations des autres pour tenter d'améliorer leurs vies d'exilées, l'auteure brosse des portraits de femmes actuelles, modernes pleines d'envies et de contradictions. Certaines s'en tirent mieux, plus jeunes, plus adaptées à la vie américaine, comme Alina, la jeune étudiante que Victor, loin d'être un jeune homme, aimerait voir beaucoup plus proche de lui

Pas mal du tout ce recueil, même si comme je le disais plus haut, certaines nouvelles sont un peu confuses. Sana Krasikov s'est lancée dans l'écriture d'un roman, son premier, qui ne devrait plus tarder (on va quand même lui laisser le temps de le terminer et celui, pour son éditeur français de le traduire : ici c'est Esther Ménévis qui s'y colle, à la traduction bien sûr !)
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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Dès ce premier livre, Sana Krasikov frappe fort. Elle possède ce rare talent de faire surgir en quelques phrases des visages et des lieux, de relever les infimes détails qui font basculer une existence. Le lecteur suit, emporté par ces histoires de vie, simples et saisissantes, dont certaines ont été publiées dans de prestigieux magazines, comme le New Yorker.
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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Son écriture au plus près de l’empathie, sa maturité, son regard sensible donnent une convaincante épaisseur aux êtres déchirés que Sana Krasikov (re)crée, leurs aspérités, leurs victoires, leurs impasses.
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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

L'auteure est née en 1979 en Ukraine, mais a déménagé avec sa famille très jeune en Géorgie, la patrie d'origine d'un certain Staline, qui à Tiflis, maintenant Tbilissi, a suivi des cours au petit séminaire ... sans grands effets apparemment.



Sana Krasikov est ensuite partie aux États-Unis, où en 2001, à l'âge de 22 ans elle a été diplômée de l'université de Cornel à Ithaka dans l'État de New York.

En 2009, elle s'est mariée avec le journaliste Gregory Warner, connu pour ses émissions à la radio.

Actuellement, elle est chargée de cours de littérature aux universités de Cornel et d'Iowa.



Son recueil de nouvelles, publié en 2010 et traduit en onze langues a été un succès acclamé à travers les États-Unis. Son second ouvrage "Les patriotes", sorti en 2017 a été immédiatement un véritable best-seller.



Son début "One More Year" en V.O. compte 8 nouvelles d'environ 35 pages chacune.



Je commence mon billet par la nouvelle numéro 3, "L'alternative", tout simplement parce que c'est celle qui m'a plu le plus.



Jeune homme Victor a été amoureux de Mila, une virtuose du piano qui adorait jouer le deuxième concerto pour piano de Rachmaninov. Ambitieux, il décide de marier Vera pour obtenir, comme Ukrainien, une "prospiska" carte de résidence à Saint-Pétersbourg plutôt que de rentrer à Jytomyr, une ville laide plein de béton à l'ouest de Kiev.



Un soir, à un mariage juif orthodoxe, il rencontre la mère de Mila et apprend que sa fille Alina habite New York. Mila elle-même est décédée dans un accident de voiture en rentrant d'un concert, il y a déjà un bon bout de temps.

Bizarrement, il passe un coup de fil à Alina et l'invite à dîner dans un restaurant près de son flat new-yorkais. Surprise, la jeune fille accepte. Il va de soi qu'il ne peut résulter rien de cette rencontre entre une fille qui est au début de ses études de médecine et un vieux monsieur qui a 2 fils de l'âge d'Alina.

Sana Krasikov très habilement nous présente cette initiative irréelle de Victor sans toutefois trancher elle-même. Une situation qu'en Allemand l'on qualifie de "unheimlich" ou d'inquiétante étrangeté.



Dans "Cher et tendre" nous faisons la connaissance d'Anna, originaire de Nijzni Novgorod en Russie et Ryan, un jeune homme du Nouveau Monde.

Ils ont tous deux 22 ans, sont mariés, s'aiment à leur façon, mais leur relation n'est guère simple. Comme l'explique Anna à un moment donné : "Un avenir avec Ryan, ce serait comme rester en Russie."



Je ne compte pas résumer les autres nouvelles ici, mais plutôt souligner leurs caractéristiques principales, qui relèvent d'un déracinement et d'une rupture entre les générations et plus spécialement entre ceux qui ont traversé l'Atlantique et ceux qui sont restés en Russie ou dans une des républiques de l'ancien empire soviétique, telle la Géorgie.



J'ai bien aimé la langue et le style de Sana Krasikov qui sont très variés et souvent subtils. Elle analyse avec la même aisance les particularités psychologiques de ses personnages "victimes de nos illusions", qu'elle s'attaque aux mauvais souvenirs de son ancien monde : "Dans le métro, je fus accueilli par l'habituel océan de mines austères... On aurait dit que tout le monde à Moscou souffrait de la même rage de dents".



Pas étonnant donc que Sana Krasikov fasse partie des 5 jeunes écrivaines russes que la journaliste littéraire du "Moscow Times", Michele A. Berdy nous conseille vivement de suivre dans un article du 5-11-2018. Les autres sélectionnées s'appellent : Gouzel Iakhina (°1977) auteure de "Zouleikha ouvre les yeux" et "Mes enfants" ; Maria Stepanova (°1972) auteure de "In memory of memory" ; Yevgenia Nekrasova (°1985) auteure de "Kalechina-Malechina" et

Anna Kozlova (°1981) auteure de "F20" et "Comme une envie de foutre le feu".

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L'an prochain à Tbilissi : Nouvelles

Huit nouvelles, qui racontent des bouts de vie, des gens venus de l’ex-URSS aux Etats-Unis. Ils y ont plus ou moins « réussi », tout au moins sur le plan matériel ou social. Parce que tous portent un eux un manque, une nostalgie, la blessure plus ou moins profonde du déracinement. Ils sont orthodoxes, juifs, musulmans, ils ont vécu ou pas des expériences difficiles dans leur pays d’origine, ils en vivent parfois dans leur pays d’adoption. Mais au-delà du factuel, Sana Krasikov parvient à capter l’instant fugace de la sensation et du ressenti le plus profond et indicible, une sorte de faille profonde, un manque difficile à définir de quelque chose de perdu en route. Par le fait d’émigrer bien sûr. Mais pas seulement, parce que pour ceux qui tentent le retour les choses ne sont pas plus faciles. Et au-delà des solitudes de ces personnes déplacées, il y a les solitudes non moins fortes des autochtones qu’ils côtoient dans leur vie quotidiennes, pas moins réelles et pathétiques.



Ce livre est un véritable miracle de justesse. Rien de trop et rien qui manque. Sana Krasikov décrit ces vies au scalpel, avec une précision quasi chirurgicale, un regard d’une acuité auquel nul geste, nulle parole signifiante n’échappe. Mais en même une empathie et une grande tendresse pour les personnages font que ce n’est jamais cruel ou par trop ironique, elle ne les épingle pas comme des papillons dans une collection, mais les regarde vivre sans complaisance mais douceur. Et ces histoires qui auraient pu être pathétiques ou très tristes ne donnent jamais dans le pathos, parce que la petite touche d’ironie et la précision de la description permettent toujours de l’éviter. C’est profondément humain tout en restant lucide. Un mélange de grands nouvellistes américains et leurs descriptions au plus juste et des grands nouvellistes russes dans le ressenti et la nostalgie. Une alliance à priori impossible, mais au combien réussie.



Il y a peu d’auteurs dont j’attends les prochaines parutions, et bien Sana Krasikov est un des rares écrivains dont je guette le prochain livre.

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Les patriotes

Une sublime plongée dans le monde de la Russie soviétique et de son monde si particulier ou chacun surveillait l'autre sans repit.Ici l'auteur nous emmène visiter avec lui ce grand pays a l'heure soviétique avec un monde qui semble aujourd'hui tres lointain mais qui existait pourtant il y a encore trente ans.
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Les patriotes

Coup de cœur

Les Patriotes est une saga familiale sur 3 générations: une mère, son fils et son petit fils, tous les 3 confrontés au monde soviétique puis post-soviétique. La vie des occidentaux coincés en URSS sous Staline est un thème connu mais assez peu abordé en littérature. C'est un roman qu'a écrit Sana Krasikov mais elle s'est inspirée de personnages réels et s'est énormément documentée . Son récit, avec des chapitres qui commencent toujours par une vignette indiquant le lieux et l'année, n'est pas linéaire mais entremêle les époques et les protagonistes.

La mère Florence est une jeune idéaliste que le capitalisme effréné de son pays, malgré la terrible crise de 1929, dégoûte. Elle rêve de partage, de justice sociale, et pense qu'elle trouvera la liberté en URSS. Ils furent nombreux à partir, surtout dans la communauté juive américaine des immigrés de fraîche date venant des pays de l'Europe de l'Est. Ce qui est incroyable, c'est qu'en dépit de très nombreuses déconvenues, ils n'ont pas envisagé de repartir quand c'était possible. Malgré tous les efforts fait pour s'intégrer dans la société soviétique ils ont toujours été considérés comme des étrangers, des ennemis de la nation et en plus ils étaient juifs.... Je suis confondue par leur naïveté.

Le fils, Julian, qui a émigré aux USA dans les années 1970, s'adresse à nous directement. Les archives du KGB ayant été ouvertes il veut en savoir plus sur son énigmatique mère et profite d'un voyage professionnel à Moscou pour faire des recherches. Il y retrouve aussi son fils Lenny qui pense pouvoir se construire un bel avenir dans la Russie d'aujourd'hui. Il constate cette Russie a conservé bien méthodes soviétiques.

Ce récit est sans doute un peu long (608 pages!), parfois un peu compliqué avec tous les termes russes mais il m'a passionné. C'est avec regret que je quitte Julian et Florence, le personnage le plus développé par l'auteur. La vie de cette femme courageuse et hors norme, permet à Sana Krasikov de décrire sans juger l'époque Stalinienne.

Lu grâce à Terres d'Amérique/Albin Michel et à Léa du Picabo River Book Club


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Les patriotes

Il s’agit d’une immense fresque, se déroulant sur trois quart de siècle, entre les USA et ce qui était l’URSS et ce qui est redevenu la Russie. Nous suivons les destinées de Florence, depuis le début des années 30 du siècle dernier. Fille d’immigré juifs originaires de Russie, elle fait des brillantes études de mathématiques, mais travailler, surtout pour une femme, est difficile pendant la grande dépression. Elle trouve un peu par hasard, un peu grâce à sa maîtrise du russe, un emploi dans un organisme soviétique, organisant l’import de technologies américaines, et tombe amoureuse d’un ingénieur en visite. Pour le retrouver, pour fuir le carcan de la vie familiale étriquée, par idéalisme et envie de participer à quelque chose qui lui paraît être l’avenir, elle décide de partir pour l’URSS. Elle va découvrir progressivement la réalité du régime, mais le piège s’est refermée sur elle, et elle ne peut plus quitter le pays. Elle va donc vivre toute l’histoire soviétique, jusqu’au début des années 80, où elle finira par rentrer chez elle, avec son fils et ses petits enfants. Elle est le personnage principal du livre, mais à son destin se mêlent les voix de son fils, Julian, et de son petit fils Lenny. Tous les deux nés en URSS, n’arrivent pas d’une certaine façon de s’en détacher : Julian travaille pour une société qui l’y envoie régulièrement et Lenny s’y est même réinstallé. Cela permet d’avoir un aperçu des transformations et de l’histoire plus récente, jusqu’en 2008.



Le petit résumé ci-dessus montre à quel point le livre est ambitieux : il s’agit de balayer l’histoire sur une immense période, et d’aborder tous les incontournables : les purges staliniennes, la seconde guerre mondiale, le complot des blouses blanches et les répressions contre les juifs, le goulag, les transformations des années 80, le fonctionnement mafieux de l’actuelle Russie...Et comme fil rouge, une thématique moins connue, celle des Américains (et plus largement des Occidentaux) venus en URSS et empêchés d’en sortir. Tout cela grâce au destin d’une famille. La construction que entremêle les époques et les différents personnages est très sophistiquée, et permet de maintenir la curiosité du lecteur en permanent éveil : un petit détail lâché ici ou là, nous fait nous interroger sur ce qui s’est vraiment passé à un autre moment, et nous attendons avec impatience d’en savoir plus. C’est très maîtrisé, et cela rend le livre très passionnant à suivre.



J’avoue avoir embarqué quasiment sans restriction au départ, et avoir pris du plaisir à lire ce livre efficace et très bien fait. Mais au fur et à mesure, j’ai commencé à le trouver peut-être un peu trop efficace justement, sans le petit plus personnel réellement inspiré, qui en ferait quelque chose d’exceptionnel. La fin, un peu trop optimiste et volontaire, ne m’a pas non plus convaincue. Voir des personnages tenir tête et d’une certaine façon obtenir gain de cause face aux sbires du NKVD (l’ancêtre du KGB) et de la mafia russe actuelle, est certes réconfortant mais pas très réaliste à mon sens. Je suis donc un peu mitigée : incontestablement un livre bien fait et dans l’ensemble qui se lit très bien, mais qui n’échappe pas à quelques facilités. Sur les sujets abordés dans ce roman, il y a, me semble-t-il des œuvres plus essentielles, même si peut être plus complexes à appréhender. A réserver surtout à ceux qui connaissent moins le contexte, et/ou qui privilégient le romanesque pour mieux découvrir une époque historique.
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Les patriotes

Dans les années trente partir en URSS, au paradis des travailleurs, était une réelle perspective pour de jeunes américains pris dans la grande dépression et en désaccord avec l'esprit capitaliste. Florence Fein fait ce choix en opposition à sa famille mais en accord avec elle même comme chaque fois qu'elle devra prendre une décision, pour le meilleur et le pire.



C'est le sort de ces émigrés américains, juifs pour la plupart que nous raconte "Les patriotes". En URSS ils resteront toujours des étrangers, d'abord regardés avec curiosité bienveillante puis en victimes toutes désignées de la terreur stalinienne. Sana Krasikov décrit la lente insertion dans la société soviétique, les difficultés du quotidien acceptées pour construire l'avenir radieux. Puis la montée du totalitarisme stalinien jusqu'à la guerre qui fut paradoxalement une parenthèse heureuse. Dans l'après guerre comme pour beaucoup d'innocents le monde de Florence sera balayé et se finira dans un camp.

En écho à ce parcours initial son fils puis son petit fils auront aussi à souffrir des régimes politiques : communisme antisémite puis capitalisme oligarchique en Russie poutinienne.



Nous tenons là un roman puissant et ambitieux. On peut lui reprocher des clichés historiques, des superficialités et quelques péripéties peu crédibles mais le souffle et l'émotion l'emportent largement. Il est impossible de ne pas s'attacher au personnage de Florence à la fois forte, naïve, têtue et fautive, mais comment ne pas se trahir dans les caves de la Loubianka. Ces descendants sont des personnages plus fades mais ils sont les miroirs indispensables au personnage central.



A quelle patrie ces trois générations de "Patriotes" sont elles fidèles ? Florence ne reniera jamais le communisme mais voudra souvent fuir l'URSS, Julian et Lenny se sentent américains mais sont viscéralement attachés à la Russie. Au delà des péripéties de personnages ballottés par des évènements qui les dépassent c'est la grande question du livre, qu'elle est notre patrie ? Celle où l'on a grandit et qui coule dans nos veines ou celle que l'on choisit ? et que faire lorsque les deux déçoivent ?
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Les patriotes

Les Patriotes, c'est une sacrée brique.

Plus que ça, c'est un roman historique étalé sur plus de soixante ans d'action, une saga familiale englobant les destinées de trois générations d'une même lignée prise entre l'Amérique et la Russie, mais aussi le récit du capitalisme et de ses promesses non tenues, du communisme et de ses désillusions, de la violence ordinaire, de l'immigration, bref, un bon paquet de dossiers brûlants.

Et avec un tel pavé, difficile de faire dans l'entre-deux : soit l'ambition de l'histoire donne lieu à une fresque historique captivante, soit ses ramifications finissent par s'emberlificoter d'elles-mêmes et filer une migraine carabinée au lecteur désarçonné.

Dans le cas des Patriotes, ça a marché.

Et pas qu'un peu.



Ce n'était pourtant pas gagné : la première fois que je l'ai entamé, je me suis heurtée à un récit qui me paraissait assez terriblement hermétique, et j'ai bien failli en rester là, après m'être péniblement hissée jusqu'à la page 250 avec un sentiment d'essoufflement et d'incompréhension similaire à celui que l'on doit manifester en courant un marathon les yeux bandés (et je n'étais pas même rendue à la moitié de la fameuse brique, d'où le découragement).



Cependant, sur un coup de tête que l'on peut expliquer par mon optimisme à toute épreuve ou bien par ma grande bêtise (probablement un mélange des deux), j'ai décidé de recommencer ma lecture à la toute première page. De redonner une chance au livre. Et d'aviser.

Fort bien m'en a pris.

Je ne m'explique à vrai dire pas tout à fait par quel miracle ou quel réajustement de mon cerveau cela a pu se produire, mais le fait était là : le récit auquel je ne captais pas grand-chose et donc les péripéties semblaient passer dans mon cerveau sans jamais ne s'y imprimer était brusquement devenu captivant, vivant, cohérent, marquant. J'ai adoré. Et j'ai tout dévoré en 24 heures.



Mesdames et messieurs, la logique.



Les Patriotes, c'est en premier lieu l'histoire de Florence, jeune Américaine juive d'origine russe, qui n'a jamais connu que New York, Cleveland et leurs déceptions successives, et décide tout à coup de partir pour l'URSS et ses promesses de justice, d'accomplissement et de solidarité. Embarquée sur un bateau pour une traversée de plusieurs semaines, elle rêve à des lendemains meilleurs, sans se douter que bien sûr, la réalité n'aura pas grand-chose de commun avec les grands discours idéalistes que ses quelques collègues soviétiques aux Etats-Unis ont pu lui tenir. Le roman s'attache ainsi à décrire l'itinéraire chaotique de la jeune femme, prise entre ses idéaux, ses identités, ses loyautés, et bien entendu les retentissements que ses choix auront sur sa descendance, alternant les narrateurs et les époques, et témoignant surtout d'un remarquable travail de recherche et de croisement des sources de la part de l'autrice, qui ne se contente pas de promener son héroïne d'un bout à l'autre du globe, mais en profite pour décortiquer tous les stratagèmes d'influence et de propagande interposée que déploient les deux blocs tout au long de la Guerre Froide. C'est fait avec subtilité et pédagogie, et le moins que l'on puisse dire, c'est que le rendu est réussi.



Certaines trames narratives restent plus prenantes que d'autres, et la trajectoire de Florence reste la plus captivante là où celle de son fils et de son petit-fils dans la Russie contemporaine, si elle permet de rendre compte de l'héritage soviétique de façon cynique et glaçante, paraît parfois un peu froide et technique à côté de l'intense tourbillon de dilemmes et autres passions de Florence. Les Patriotes n'en reste pas moins brillant, nerveux, captivant d'un bout à l'autre. Il est surtout une oeuvre dont on peine à croire qu'il s'agit d'un premier roman, tant il s'avère fantastique, foisonnant d'idées, classique dans son style et sa construction mais fabuleusement riche dans son fond. Bref, une vraie réussite - et si ça ne marche pas du premier coup, reste toujours la possibilité d'une seconde tentative, pas vrai.
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Les patriotes

Chez Albin Michel, Terres d’Amérique ambitionne de « dessiner une géographie littéraire forte et sensible à rebours des images toutes faites et des idées reçues sur l’Amérique » : pas de doute, Sana Krasikov y a bien toute sa place. Dans Les patriotes – traduit par Sarah Gurcel – elle nous embarque là où l’on ne s’y attend pas : dans une relecture passionnante et réfléchie de 75 ans de relations USA / URSS (puis Russie), à travers une saga familiale sur trois générations.



Fuyant dans les années 30, les relances incertaines de l’Amérique post-dépression de Roosevelt pour les promesses – encore plus aléatoires – de l’URSS post-révolution de Staline, Florence Fein se lance sur les traces de Sergueï, amour déclencheur de son exil. Des déserts glacés de l’est de la Russie avant de revenir à Moscou, sa petite histoire va traverser la grande (espoirs naïfs du collectivisme, chaos de la Seconde guerre mondiale, purges staliniennes, exils et camps…) et ébranler ses convictions, sans jamais totalement y renoncer.



Paradoxe et double peine, Florence une fois totalement intégrée au régime soviétique devra subir les soupçons liés à son américanité, l’antisémitisme latent là-bas comme ailleurs, tout en perdant un beau matin sa nationalité, devenant une de ces refuzniks abandonnés de tous. Des années plus tard dans la Russie Poutinienne, son fils Julian profite d’un séjour professionnel en Russie pour découvrir les archives enfin exhumées de l’ère stalinienne et à travers le dossier de sa mère, ce pan d’histoire familiale cachée.



Même si l’entrée dans le livre est un peu ardue, le temps de s’habituer au thème, on se laisse vite embarquer dans l’exercice de style réussi de Krasikov : alterner les narrations et les époques ; mélanger faits historiques -sans en faire un cours magistral ni étaler abusivement ses longues recherches- et saga romanesque ; décrire les petites horreurs du quotidien et les exterminations politiques sans tomber dans le pathos ni le sensationnalisme ; soigner son écriture tout en la gardant accessible pour mieux servir son sujet délicat…



Ça fonctionne, et ça fonctionne même plutôt bien, d’autant plus que Krasikov prend le parti de ne rien juger mais de laisser au contraire ouvertes la plupart des interrogations qu’elle suscite. Les tourments de Florence ne tournent-ils pas au syndrome de Stockholm, subissant les coups de ses bourreaux sans aller jusqu’à condamner leur idéologie ? Le système corruptif des affaires dans la Russie d’aujourd’hui que découvre Julian n’est-elle pas la forme contemporaine de la société soviétique à deux vitesses d’antan ? Mais aussi comment les choix, entêtements, combats, convictions de Florence ont-ils influé sur la vie de son fils ? Et Julian peut-il interrompre la reproduction d’un tel schéma avec son propre fils ?



Autant de questions qui font de ce livre une lecture riche donc, de celles dont on se souvient.
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Les patriotes

UNE AMÉRICAINE AU PAYS DES SOVIETS.

Elle part par amour et y restera par conviction.

L’autrice, Sana Krasikov, est née en Géorgie, a vécu en Ukraine, puis s’est expatriée aux USA avec sa famille.

Elle est donc bien documentée pour raconter l’histoire de Florence, cette étudiante new-yorkaise qui, à l’occasion d’un petit boulot d’interprète, va rencontrer l’amour de sa vie sous la personne d’un ingénieur soviétique en visite technique en Amérique. De famille juive et idéaliste de gauche, elle n’aura de cesse que de le rejoindre… et y parviendra : 1934, début des purges staliniennes, la machine à broyer déjà est en route et elle n’y échappera pas. Quand elle s’apercoit que le paradis communiste est en réalité un enfer, également pour les américains expatriés, il est trop tard : passeport confisqué et déchéance de nationalité. Ce fut la triste réalité pour nombre d’américains vivant en URSS à cette époque qui se sont vu fermer les portes de leur ambassade car considérés comme traitres et déserteurs. « Ils sont partis, bon débarras. » Du McCarthysme avant l’heure ! Malgré emprisonnement, torture, et goulag, elle restera dans le pays même après la mort de Staline, persuadée qu’elle ne s’est pas trompée dans son choix de société.

Malheureusement, l’autrice va entremêler les chapitres de ce destin terrible mais passionnant, à ceux de son fils et de son petit-fils, probablement pour documenter l’évolution socio-politique moderne de la Russie : Eltsine brade les bijoux de famille sous l’influence de l’école néocapitaliste de Chicago et l’économie russe se corrompt. Ça complique un peu la lecture, surtout au début, le temps qu’on s’y retrouve, de cet ouvrage de 600 pages entraînant par-là quelques longueurs.

Dommage, car il s’agit d’un livre passionnant et bien documenté sur le destin méconnu des expats américains au pays des Soviets.

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Les patriotes

De la Grande Dépression à la désillusion



Déçue par le capitalisme dont les conséquences commencent à se faire ressentir au sein des classes populaires américaines et tombée amoureuse d'une bel ingénieur russe, Florence Fein, issue d'une famille juive, décide, dans les années 30, de tenter le "rêve soviétique" promettant solidarité, liberté et espoir d'une vie meilleure et surtout plus juste. A lire cela, on se préparerait à se plonger dans une romance remplie d'aventures qui finirait par les retrouvailles des deux amants sur les rives de la Volga ou sur un épilogue tragique à la Anna Karénine. Mais que nenni ! Derrière ce prétexte, Sana Krasikov s'empare d'une part de l'histoire américano-russe et, tout en faisant traverser à ses personnages 75 ans d'Histoire, nous montre combien cette période glorifiée, toutes ces années, à son avantage par chaque camp ne reposait, en fait, dès le début, que sur un terrible mensonge initié par Roosevelt et Staline et condamnant nombre d'américains à perdre leurs dernières illusions.



Florence, c'est la jeunesse américaine qui, révoltée par cette politique américaine sous Roosevelt qui laisse tant de ses concitoyens sur le côté de la route, s'est laissée tentée par le grand "rêve soviétique". Pleine d'espoirs, on sent tout au long du roman qu'elle lutte pour continuer à y croire malgré les événements et les compromissions dans lesquelles on tente de la faire tomber en lui faisant miroiter en échange une vie meilleure. Cette lutte est d'autant plus difficile voire douloureuse que son propre pays l'a littéralement abandonnée sous prétexte qu'il ne la jugeait pas assez patriote. C'est pourtant ce patriotisme qui va lui coller au corps toute sa vie : quand elle se retrouvera face à ce soldat américain qu'elle va tenter de sauver (même si elle le fait aussi un peu pour elle), quand elle refusera longtemps, malgré les demandes répétées de son fils, Julian, de revenir aux Etats-Unis et de quitter la Russie qui, malgré tout ce qu'elle y a vécu, est devenue sa seconde patrie car elle au moins l'a recueillie... Plus grande nous apparaît alors la désillusion du personnage qui découvre que finalement ce qu'elle a trouvé chez les Russes, c'est tout simplement ce qu'elle avait voulu fuir : les travers d'un régime oligarchique, les petits arrangements entre amis, les délations, la mesquinerie pour obtenir le moindre privilège, la peur des juifs... Malgré tout cela, à aucun moment, Florence ne se plaint ni ne remet en question son choix. Nous, lecteurs, le comprenons difficilement. Peut-être est-ce le seul moyen qu'elle a trouvé de ne pas perdre ses idéaux ? Finalement, Etats-Unis ou Russie, à ses yeux, c'est du pareil au même. Elle a choisi sa vie en Russie, elle l'a assumée, elle aurait fait tout pareil si elle était restée dans son pays natal. Alors à quoi bon avoir des regrets ? L'important, c'est de faire en sorte que sa vie n'ait pas trop de conséquences néfastes sur celle des autres et c'est ce qu'elle va courageusement réussir à faire tout au long du roman.



Julian, lui, c'est le fils qui cherche à comprendre. Pourquoi une telle obstination, un tel aveuglement de la part de sa mère ? C'est ce qu'il finira par découvrir en consultant les dossiers soigneusement conservés par les services du KGB. On dit souvent qu'il n'est pas bon de remuer le passé. Pour Julian, ce sera tout le contraire. La vérité va lui offrir des réponses et surtout la plus importante : pouvoir enfin comprendre qui était sa mère et que, quels que furent les obstacles et les choix difficiles qu'on lui a opposés et imposés, elle a toujours veillé à essayer de rester fidèle à ses valeurs. En cela, cette intrigue m'a un peu rappelé celle du magnifique roman de Pierre Assouline, "La Cliente" (si vous ne le connaissez pas, je vous le recommande fortement).



Julian, c'est aussi un père qui cherche à tout prix à ramener au bercail son fils, Lenny. Il constate, en effet, que l'URSS de sa mère et la Russie où Lenny vit désormais (avec une petite amie russe qui, au passage, a bien compris l'intérêt d'avoir un compagnon américain) n'ont guère changé. Il s'agit donc de ne pas reproduire les mêmes erreurs d'appréciations. Oui, mais voilà, Lenny, même s'il connaît des désillusions professionnelles, a trouvé ce qui semblait lui manquer : une famille russe qui le comprend et l'aime. Il ne restera plus à Julian qu'à "faire la paix" avec son fils, faute de ne pas avoir été le père idéal, faute de ne pas l'avoir "préparé" à son destin comme l'indique si intelligemment le personnage de Valentina.  



En somme, Sana Krasikov nous montre ici à quel point nul n'est maître de son destin. Chacun fait comme il peut, avec ses armes et ses valeurs.



Au final, un très belle fresque qui expose, à travers l'expérience de trois membres d'une même famille, une vision multiple de l'Histoire américano-russe passée et contemporaine. 
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Les patriotes

Pour son premier roman, l'américaine d'origine ukrainienne Sana Krasikov n'a pas froid aux yeux et nous fait dérouler sur pas moins de 600 pages un vaste roman générationnel autour d'une mère, du fils et du petit-fils entre la Russie et l'Amérique.

Tout commence dans les années trente lorsque la jeune Florence Fein décide de s'affranchir d'une vie toute tracée et de partir en direction de la patrie de ses origines : la mère Russie. Par idéal de liberté mais aussi par volonté de retrouver l'homme qu'elle aime, Florence s'installe en Russie pour le meilleur mais aussi pour le pire lorsque le régime stalinien commence à serrer son poing d'acier dans un climat de plus en plus suspicieux et rigoureux.

Le prix de la liberté ? Sana Krasikov le raconte dans une narration intense et plurielle où la simple décision d'un départ vers une autre contrée finit par avoir des répercutions sur les générations suivantes.

Avec une structure non-linéaire, l'auteure passionnée nous fait épouser tour à tour les points de vue de Florence, de son fils Julian et du fils de ce dernier, Lenny dans une Russie au gré de l'Histoire.

Ce titre est avant tout un vaste panorama familiale assez bouleversant aussi bien qu'un panorama historique autour d'une Russie figée par le totalitarisme avant de se liberer peu à peu dans une modernité presque capitaliste tout en gardant quelques vestiges glacés de son passé. Sana Krasikov a bien sûr élaboré un exemplaire travail de documentation dans l'élaboration de son roman et cela se voit et se lit donc avec passion. Telle une immense fresque, nous contemplons la culture émancipatrice de la Russie dans les années trente, avant le durcissement stalinien, le climat de paranoîa et de délation, le totalitarisme, les années passés au goulag ou dans les camps de travail jusqu'au années 2000 où la Russie s'est donc depuis la fin du régime soviétique "capitalisée".

Au coeur de cette fresque historique, l'autrice joue étroitement avec la psychologie de ses personnages et leurs rapports avec la patrie et cet idéal de territoire. Les patriotes est un roman assez contrasté au niveau du ton dans lequel le déchirement de la séparation côtoie la soif de liberté, un roman dans lequel la volonté individuelle doit se confronter au gré de la société.



Remarquable, ce premier roman généreux et passionnant de Sara Krasikov apporte un regard à la fois aiguisé et nuancé sur l'idéal d'une vie meilleure et ses conséquences sur les générations futures, tout cela placé sous la bannière d'une intègre recherche historique.
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