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Critiques de Sarah Waters (320)
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L'indésirable

Waouh ! Attention, pépite ! Je ne connaissais pas du tout l'auteur. Ce livre m'a été offert par une amie qui, on peut le dire, a tapé dans le mille.



Alors détaillons un peu. Tout d'abord, l'histoire. Le docteur Faraday est appelé en urgence à Hundreds Hall, demeure de la famille Ayres qui a fait marcher son imagination toute son enfance. Depuis la mort du maître de maison, c'est sa femme et ses deux enfants, Roderick et Caroline, qui s'occupent d'entretenir cette vaste maison qui les étouffe. Car le faste d'antan n'est plus là et sans argent, un petit château tombe vite en ruines. Roderick essaie bien de la sauver mais il a été grièvement blessé à la guerre et fait ce qu'il peut. D'autant plus que certains phénomènes le rendent fou. Maison hantée ou folie ? Il y a un petit quelque chose du Horla dans ce garçon.



L'écriture, ensuite. Quel style mes aïeux, quel style ! Tout d'abord, bien que l'histoire se passe au XX°s, j'ai cru me retrouver dans un roman du XIX°s, ce qui n'est pas pour me déplaire. Et j'ajouterais même un roman gothique. Chapeau bas ! Quelle finesse dans la psychologie des personnages ! La descente aux enfers de Roderick est sublime. Les sentiments sont exacerbés de tous côtés et pour différentes raisons.



Le lecteur, enfin. Sarah Waters ne le laisse pas souffler une minute. Il y a quelque chose qui vous prend aux tripes dès les premières pages et qui ne vous lâche plus. Le fantastique est intellectualisé, ce qui a tendance à me faire beaucoup plus frissonner que lorsqu'on m'apporte des revenants sur un plateau. Je veux dire par là qu'on ne nous montre rien ou presque. On nous suggère, il y a des bruits, des phénomènes bizarres mais c'est à nous d'imaginer. Et croyez-moi, mon imagination a galopé !



Bref, vous l'aurez compris, j'ai adoré ce roman !


Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Caresser le velours

C'est surhumain de ne pas cacher un tel amour en 1889. Un amour entre deux femmes. Un amour entre Nancy, l'écaillère naïve de Whitstable et de Kitty, l'artiste de music-hall qui arpente les planches en plastronnant dans son costume d'homme…

C'est terrible de dissimuler une telle passion dévorante à des parents aimants qui, décidemment, ne comprennent rien ; de la vivre cachée sous des draps froissés, comme de petites souris craintives…

La tête et le coeur plein de Kitty, Nancy va la suivre à Londres, la ville la plus immense et la plus enfumée et la plus effrayante qu'elle n'aurait cru possible. Elle aussi, le temps d'un soupir, le temps d'un rêve interrompu, fera la bateleuse dans son costume de capitaine de la garde… Elle va « devenir un garçon tout de bon, avec une ceinture de garçon et une braguette à boutons. »

Mais les histoires d'amour, même saphiques, finissent mal en général…

Esseulée, le coeur brisé et noir, Nancy va s'enfoncer dans la grisaille de Londres, avec l'espoir de s'y perdre à jamais. Descente aux enfers ou bien la rage de vivre ses folies et ses rêves jusqu'au bout, allez savoir ? Nancy sera persilleuse, puis « vraie gougnotte impudique », puis la toquade, le mets exotique de l'ogresse Diana…

Il faudra toute la tendresse de Florence pour la sortir de ce marécage. Avec derrière elles le poids de mille vies, elles avanceront main dans la main.

Et cette dernière image poignante quand Nancy apprend que ses parents ont affronté Londres pour arracher de ses griffes leur petite fille, et, la mort dans l'âme, s'en sont retournés bredouilles. Si elle leur disait une bonne fois pour toute ?

Quel récit ! Est-il besoin de vous dire à quel point j'ai aimé ce livre ?





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Affinités

Londres en 1875. Margaret Prior est une vieille fille de bonne famille. La sœur ainée qui n’a jamais trouvé mari. À cause de l’amour qu’elle portait à son père, trop tôt disparu ; à cause de son refus obstiné à se plier aux convenances du monde corseté qui est le sien ; à cause de passions troubles, souterraines, qui deviendraient sacrilèges si on les mettait au grand jour.

Pour combler ses journées trop vides et fuir une famille qui la méprise, peut-être aussi pour voir des femmes encore plus malheureuses qu’elle, Margaret devient dame patronnesse à la prison de Millbank. C’est une gigantesque et sinistre bâtisse où l’on enferme la lie de la société victorienne : avorteuses, mères maquerelles, infanticides, tueuses de maris, fausses monnayeuses, voleuses à la tire… Et puis il y a Sélina.

Sélina : un médium à l’aura particulière, une tête d’ange martyrisée, une séductrice éthérée qui fascine. Margaret sait qu’il faut se méfier comme de la peste des spirits, cette bande d’escrocs à la petite semaine, de rusés compères et d’escamoteurs…

Mais pas Sélina ! Elle a le don, elle a le fluide. C’est une passeuse qui entretient des relations particulières avec le monde des morts.

Comment la fragile et naïve Margaret, pourrait-elle résister à l’incroyable force d’attraction de Sélina, à ne pas être prise dans les filets de cette envoûteuse ?

Commence alors, entre le monde des vivants et des morts, une passion échevelée, irrationnelle entre Sélina, ce papillon crépusculaire, et Margaret qui ne demande qu’à croire.

L’adoration de Margaret pour son ange enfermé entre quatre murs, pour sa « moitié éternelle », sa ferveur amoureuse qui la dévore, la rend totalement aveugle aux menées hypocrites et aux leurres.

Avec Sarah Waters, on sait à quoi s’attendre. Le canevas est le même : la société Victorienne avec ses mensonges et ses raideurs, un amour qui n’ose pas dire son nom entre deux femmes, et Londres, bien sûr, avec ses misères, ses flamboyances, et cette brume épaisse qui fige les os. Malgré cela, on est toujours surpris à chacun de ses récits, et on finit par s’égarer dans les méandres des passions humaines. Du grand art.

Des trois romans que j’ai lus d’elle, « Affinités » est probablement le plus sombre, le plus désespéré, car il s’achève sur un triomphe sournois, atroce, et particulièrement cruel.

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Du bout des doigts

Une histoire d’amour balbutiante au milieu des plus sombres complots. Absolument fantastique.

Tout est noir, crasseux et crapoteux dans ce roman fleuve. À l’image de ce à quoi devait ressembler la Tamise, omniprésente dans ce livre, en cette deuxième moitié du XIXème siècle. Il n’y a pas de place pour la compassion, la bienveillance et l’affection. L’amour, le vrai, celui qui est désintéressé, est considéré de manière particulièrement suspecte. Autant de penchants réservés aux faibles, et les faibles ne survivent pas à Londres, cette mégalopole grise, inhumaine et dévoreuse d’âmes…

Les personnages de Lant Street, le quartier londonien des voleurs, ne sont pas des perdreaux de l’année. Ils sont durs, ils sont d’airain, et prêts à toutes les gredineries, toutes les fourberies pour échapper une bonne fois pour toute à la misère crasse qui les cerne.

L’élégant Gentlemen, Sue, la petite « fourline » aux joues roses, et la rusée Mme Sucksby ont mis au point un chef d’œuvre de filouterie, de la fine dentelle, pour déposséder de sa fortune une riche et innocente héritière.

Je ne peux pas en dire plus, car ce serait alors dévoiler une intrigue aussi extraordinaire que pernicieuse. Laissez simplement Sarah Waters vous guider par la main pour ne pas vous perdre dans les méandres de son histoire, et vous irez de stupéfaction en stupéfaction. A chaque tiers du roman, le récit se retourne comme un gant, et tout est chamboulé. Ce que vous teniez pour acquis, pour certain, dans cette grande aventure humaine disparaît en fumée. D’autres réalités surgissent. Les masques tombent et vous voyez les personnages sous un angle totalement différent. Personne n’est tout à fait victime, ni tout à fait manipulateur au milieu de cette sombre machination…

Du grand art, je trouve ! Du fatras dont on fait les romans de gare, diront certains ? Si tous les romans de gare ressemblent à ce livre, alors vive les romans de gare !

Au milieu de toutes ces ruptures inattendues, de ces révélations, il y a cependant ce fil ténu qui relie tous ces récits : cette passion souterraine, cette histoire d’amour qui n’ose pas dire son nom, ces demandes suppliantes de pardon, toutes ces caresses du bout des doigts.

Un roman fort et émouvant. J’ai été littéralement transporté.



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Derrière la porte

Mais pourquoi les hommes et les femmes ne peuvent-ils jamais se contenter de ce qu’ils ont et veulent-il toujours plus ?

Est-il vraiment dans la nature humaine de désirer sans cesse de nouvelles choses, d’avoir envie de vivre de nouvelles sensations, d’être avide de tout, tout le temps, au risque de connaître la frustration, l’angoisse et bien pire encore ?



Une mère et sa fille adulte, les Wray, n’arrivent plus à faire face à leurs soucis financiers et décident donc de louer le premier étage de leur maison à un couple de jeunes mariés.

Leonard et Lilian Barber, les locataires, s’avèrent être un couple aimant faire la fête, et cela va bouleverser les habitudes tranquilles et routinières des propriétaires.

L’histoire se passe à Londres, en 1922, la guerre est terminée mais elle a laissé des séquelles derrière elle, tant de morts et d’atrocités et aussi une farouche envie de vivre.



Comme d’habitude avec Sarah Waters, l’écriture est magnifique, il n’y a jamais de passage mièvre ou ennuyeux et la psychologie des personnages est fouillée.

J’ai aimé le virage que fait l’histoire en cours de route, on s’attend à vivre la naissance d’une amitié particulière et finalement, le roman nous entraîne vers tout autre chose.

L’homosexualité féminine est un thème cher à l’auteur, il figure dans presque tous ses romans, mais elle arrive à se renouveler et à proposer des variations sur ce thème, un peu comme des danses qui jamais ne se ressemblent mais révèlent toutes de la sensualité, que ce soit un tango rythmé, une valse joyeuse ou une danse lascive et triste à la fois.

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Affinités

"Affinités" est un livre fantastique, mais que je ne me souvenais plus avoir lu (et c'est en repassant devant à la bibliothèque que je m'en suis rappelée avec émotion). Vous pourriez me dire alors, et vous aurez raison, "Est-ce que ce livre est vraiment si bien, puisque tu ne te rappelais même plus que tu l'avais lu ?" (c'est aussi pour ne plus oublier mes lectures, ou en tout cas un peu moins, que j'écris des critiques sur Babelio. Enfin bref, on va stopper ici la narration de ma vie :) ). Hé bien, oui, "Affinités" est un livre fantastique, que je conseille vivement, dont la lecture est vraiment marquante.



Ce roman, dont la parution est moderne (entre 2005 et 2006 pour les éditions grand format et de poche), reprend tous les codes du roman victorien gothique (sauf que l'histoire ne se passe pas dans un château) : il raconte l'histoire de Margaret Prior, une dame patronnesse issue de la haute société, qui visite des prisons afin de tromper son ennui. A l'occasion d'une de ses visites, elle fait la connaissance de Selina Dawes, une jeune spirite qui a été emprisonnée pour avoir tué l'une de ses clientes au cours d'une séance de spiritisme, mais qui ne cesse de clamer son innocence. Celle-ci commence à raconter son histoire à Margaret Prior, qui, au départ juste intriguée par cette histoire qui sort de l'ordinaire, ne se rend pas compte qu'elle tombe dans une fascination dangereuse...



"Affinités" distille tout au long de sa lecture une ambiance doucereuse, intrigante, malsaine. Un parfum de mystère flotte dans l'ouvrage, contamine le lecteur (qui peut alors voir son quotidien différemment le temps de la lecture), et qui correspond parfaitement au rapport que l'on peut avoir avec le spiritisme (quand le sujet intéresse), soit une attirance trouble pour le jeu avec la mort, avec l'indéfini.

"Affinités" est aussi un formidable jeu de manipulation, une orchestration de faux semblant. Qui sont réellement les personnages ? Que veulent-ils vraiment ? Le rebondissement final, estomaquant, se chargera d'apporter la réponse.
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L'indésirable

C'est un roman de 707 pages, qui sera idéal pour ceux qui aiment prendre le temps... Prendre le temps, de voir une histoire s'installer, s'ancrer dans son époque, prendre le temps de connaître les personnages, de voir les méandres de l'âme humaine, les fascinations qui naissent dans l'enfance et qui conditionnent toute la vie d'une personne.

Le petit Faraday a dix ans lorsque, pour la première fois de sa vie , il pénètre lors d'une garden party à Hundreds. Sa mère y est domestique, il n'a pas le droit de rentrer dans la maison, et pourtant grâce à une autre domestique, il s'y promènera, en toute discrétion et fascination...

Trente ans , environ, plus tard (soit après 1949 ) , devenu médecin généraliste, il est appelé au chevet de la jeune bonne de quatorze ans, pour une urgence. L'adolescente est terrorisée par des bruits , des choses qui se passent dans la maison.

Seul, ses parents étant décédés très tôt, le Docteur Faraday est choqué de voir l'état de délabrement de la propriété, l'isolement de ses occupants . Comme beaucoup de familles bourgeoises anglaises ayant subi des pertes financières, après la guerre, la famille Ayres n'arrive pas à faire face à l'entretien colossal que demande une telle demeure. Devenu le médecin de famille , il passera de plus en plus de temps à Hundreds où de plus en plus d'événements inexplicables se déroulent.

Si un fantôme rôde dans ce livre, ce n'est pas ce qui en fait sa saveur.

Très peu de suspens, on est loin du sentiment de frayeur que devrait éprouver un lecteur .

Non, le charme est ailleurs, dans l'écriture, dans la parfaite reconstitution historique ; on croirait lire une autrice ayant vécu à cette époque. (et même au XIX ° siècle). L'après -guerre, la bourgeoisie, les "ayant", qui peu à peu sont obligés de laisser la place à une autre classe sociale, celle qui entreprend (voir l'entrepreneur en bâtiment ...). Une classe sociale qui hérite de privilèges, de biens, mais qui ne sait pas forcément faire fructifier tout ça . Les blessures psychologiques ( le jeune Roderick , ancien pilote ).

Et cette maison, sublime et décrépie, héritée mais devenue fardeau...

Fantôme ou folie ?

Sarah Waters ne fait aucune démonstration, préférant laisser au lecteur plusieurs chemins, plusieurs idées. Et c'est peut- être plus fort encore, de devoir hésiter sur la fin, comme le docteur Faraday qui portera pour tout le reste de sa vie, sa vie solitaire, le fardeau des interrogations.

Un roman qui se mérite , à déguster si vous aimez la littérature anglaise, l'après-guerre, les belles maisons, et les ambiances mystérieuses.
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Caresser le velours

Écaillère d'huître dans un petit village du Kent, Nancy tombe un soir follement amoureuse de Kitty, chanteuse de music-hall, travestie en dandy. Une amitié se lie entre les deux jeunes femmes, et Kitty propose à Nancy de l'accompagner à Londres comme habilleuse. Proposition acceptée sans la moindre hésitation. À l'abri des regards, l'amitié se change en complicité, puis en amour.



Mais à l'abri des regards seulement : car si Nancy vit cet amour de manière insouciante, pour Kitty, le regard des autres et les on-dit comptent beaucoup : il est impensable d'accepter l'étiquette de « gougnotte ». S'ensuit une inévitable trahison qui brisera le cœur de Nancy, désormais à la rue.



Dans l'incapacité de retourner dans sa famille, il lui faudra se débrouiller pour survivre : d'abord dans les milieux homosexuels masculins grâce à sa maîtrise du travestissement, puis comme putain de luxe d'une aristocrate qui aime le scandale et la débauche.



Plongée palpitante dans le monde lesbien de la fin du 19ème siècle, sur le point d'être bouleversé par l'arrivée du socialisme et du féminisme, et finalement pas si différent de notre époque. Pas de faux-semblants, pas de pudibonderie, aucun cliché idiot, ce qui est appréciable (et rare). Même si j'ai lu quelques critiques négatives sur la traduction, j'ai pour ma part trouvé l'écriture très agréable et j'ai avalé les 600 pages avec avidité.
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Caresser le velours

Cela fait plusieurs années que ce roman dort dans ma PAL. Il s’y était retrouvé car j’avais lu pas mal d’avis positifs à son sujet mais j’étais réticente à me lancer dans cette lecture. Il faut dire que « Caresser le velours » compte pas loin de 600 pages, un sacré pavé. Finalement, cette brique se lit très facilement. C’était une lecture plaisante qui a indéniablement des qualités mais qui a aussi des défauts importants. Mon enthousiasme sera donc très modéré.



Dans ce roman historique, on suit le parcours sentimental de Nancy, une jeune écaillère d’huîtres qui va suivre une artiste de music-hall à Londres.

Le roman est découpé en 3 parties. A chaque partie correspond une femme et un milieu. Dans la 1ère partie, Nancy tombe sous le charme de Kitty, une artiste de cabaret, la suit à Londres en tant qu’habilleuse. Cette partie est la plus réussie du roman. J’ai beaucoup aimé être plongée dans le monde du music-hall londonien de la fin du 19ème siècle. J’ai eu le sentiment que cet aspect était plutôt crédible et documenté. J’ai également aimé l’évocation de la découverte du sentiment amoureux du personnage principal. J’ai trouvé la peinture de cet amour naissant et la découverte de son attirance pour les femmes assez subtile et joliment sensuelle.

La partie suivante emmène le lecteur dans un tout autre milieu. Après avoir vécu de la prostitution, Nancy vit maintenant avec Diana, une femme de la haute société qui fait de la jeune héroïne une femme entretenue qui n’est finalement rien d’autre qu’une servante à sa disposition. Si je trouve intéressant de pointer du doigt l’attitude de la haute société vis-à-vis des classes populaires, Diana considère Nancy et ses autres servantes comme sa propriété, quasiment comme des objets, je n’ai pas aimé cette partie du récit. J’ai trouvé que la critique manquait de finesse, le propos est un peu lourd et surtout cette partie est longue et assez ennuyeuse. De plus, je trouve que l’auteure ne parvient pas rendre crédible l’emprise de Diana sur Nancy.

Enfin, la dernière partie va faire découvrir à Nancy le monde ouvrier et les luttes sociales à travers le personnage de Florence, une militante très engagée politiquement. Cette dernière partie est plaisante, notamment dans l’évocation des luttes sociales de l’époque et je trouve qu’il est toujours nécessaire de rappeler les très dures conditions de vie et de travail des petites gens du monde ouvrier.



Mis à part au cours de la 2ème partie, je ne me suis pas ennuyée au cours de ma lecture. Le roman est globalement plaisant. L’aspect historique est plutôt bien rendu et le côté romance se lit avec une certaine impatience de voir ce qu’il va advenir. C’est fluide, ça coule tout seul. Mais, j’ai vu un défaut majeur dans ce roman qui m’a empêchée de m’y immerger pour de bon. Je n’ai jamais cru aux personnages et tout particulièrement à celui de Nancy. A aucun moment, je n’ai eu l’impression que Nancy existait, je n’ai jamais perdu de vue que j’étais en train de lire une histoire, jamais Nancy n’a pris vie à mes yeux de lectrice. Du coup, il y a eu tout au long de ma lecture une sorte de distance entre le roman et moi, ce qui m’a interdit toute véritable implication émotionnelle. J’avais envie de savoir ce qui allait arriver à Nancy, Sarah Waters a un talent de conteuse certain, mais peu m’importait que ce soient de bonnes ou de mauvaises choses, elle m’indifférait, je n’étais pas attachée à elle car elle ne me semblait pas réelle. Du coup, la voir sombrer dans le sordide de la prostitution ne m’a pas été pénible, ce n’était qu’une péripétie parmi d’autres, je n’avais pas de ressenti particulier à cet égard.



Pour moi, se sentir impliqué émotionnellement est primordial dans la lecture d’un roman. Je veux m’attacher profondément au personnage principal ou bien le détester intensément en lui souhaitant le pire, je ne veux surtout pas ressentir de l’indifférence. Or, ici ça a été le cas. Je ressors donc très mitigée de ma lecture malgré les qualités du roman et de son auteure.

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L'indésirable

Dans les années 50, en Angleterre, il reste de vieilles demeures "hors du temps". Faraday, un médecin de campagne, fait ainsi la connaissance de la famille Ayers, qu'il a connu enfant, et qui aujourd'hui se retrouve isolée et très démunie.

Peu à peu des événements étranges se succèdent dans la maison.

La fréquence de ces "accidents" devient très vite inquiétante et on plonge alors dans une ambiance mystérieuse tout autant que malsaine...

On oscille dès le début dans une atmosphère un peu gothique, la maison semble immense, humide et angoissante, les personnages sont assez étranges, certains n'étant peut-être pas tout à fait ce qu'ils paraissent être.

L'écriture est de qualité et la montée du suspense se fait crescendo.
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Du bout des doigts

Donc ce livre aurait, parmi d'autres, changé la vie de l'immense David Bowie...

Attiré, forcément, vu la richesse de la liste, et l'année de parution (période non encore recouverte par la morale intersectionnelle...).

Cela commence plutôt bien, même si la langue (ou la traduction ?) apparait assez plate, surtout pour un roman de ce genre. Ce n'est pas désagréable, ni fulgurant... Les pages avancent, et les personnages pas vraiment:

du trait, mais rien qui ne vient l'épaissir.

Et puis l'on comprend que l'intrigue va fonctionner par coups de théâtre, que les personnages se jouent des autres, et que ce roman va être lu très rapidement... mais passé quelques surprises, on s'enfonce rapidement dans une intrigue dont l'auteure a sans doute privilégié la "morale" au déroulement, et l'ennui revient au galop... comme si l'auteure n'était juste pas au niveau pour nous parler de ces drames aussi courants qu'insoutenables de cette époque, tel l'internement de femmes jugées "folles" par leur mari ou leur famille.

Un "méchant", nommé "Gentleman" (les noms des personnages feraient hurler un professeur d'atelier d'écriture), à la personnalité de bernard-l'ermite, d'importants "trous" narratifs (volontaire ou pas) entre les histoires de chacun, un cruel manque de finesse générale, bref, un bon cale-porte qui doit sans doute son succès à un emballement de genre, très loin du "roman décadent et virtuose" promis sur la 4ème (décadent ? hum... faudrait voir à se mettre d'accord sur les termes employés... Ambivalence, quand tu nous tiens...).

Bref, ce n'est même plus de la déception...
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Affinités

Margaret Prior est une jeune femme issue d’un milieu aisé. Après la mort de son père, elle décide de venir en aide aux prisonnières de Millbank, une sinistre prison située non loin de la Tamise, afin de les conseiller et leur apporter son soutien durant leur dur séjour dans cette prison. Contre l’avis de sa mère qui préfère que Margaret accomplisse les tâches réservées aux jeunes filles de son rang, Margaret devient « dame patronnesse » à Millbank : elle rencontre ainsi des femmes condamnées pour toutes sortes de fraudes, comme le vol, la tentative de suicide ou encore le meurtre. C’est ainsi qu’elle fait la connaissance d’une détenue particulière : Selina Dawes, jeune médium spirite condamnée après la mort de sa protectrice, Mme Brink ainsi que la plainte d’une de ses clientes. Peu à peu, Selina va se confier à Margaret, et celle-ci devient de plus en plus « fascinée » par le médium au point de ne cesser de penser à elle, et de raconter à ses lecteurs la passion qui commence à brûler en elle…



Voici l’histoire d’Affinités, premier roman que je lis de Sarah Waters, romancière talentueuse qui m’intriguait depuis un certain temps. J’ai particulièrement apprécié le choix du « journal intime », car il nous permet de connaître dans les moindres détails les pensées de l’héroïne, un anti-héros en décalage avec son époque, qui veut devenir libre ; Margaret est un personnage intéressant : profondément attachée à son père disparu, elle n’est proche ni de sa mère, ni de sa jeune sœur fiancée avant elle, ni même de son frère, pourtant marié à son amie intime, Helen. J’ai été touchée par sa situation, je l’ai comprise du début à la fin, et j’ai vécu en même temps qu’elle les différents évènements de ce roman.



Selina est un personnage complexe, qui m’a plu par son caractère mystérieux, son passé qui semble atypique et son comportement avec Margaret. Je dois dire que je ne m’attendais pas à une telle fin, j’avoue même qu’elle m’a un peu déçue, et pourtant, elle nous délivre la dernière clé qui nous permet de résoudre l’énigme de la vie de Selina.



Ainsi, j’ai apprécié cette lecture, qui, malgré le peu de gaieté qui y règne, est passionnante. J’espère avoir l’occasion de découvrir plus en détails l’œuvre de Sarah Waters, et en particulier son roman le plus connu, Du Bout des doigts.



A lire !

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L'indésirable

Nous sommes au milieu du XXe siècle dans une Angleterre ébranlée par le séisme de la 2e guerre mondiale et par les secousses du Blackout. Dans une vieille demeure de campagne, Hundreds Hall, les trois derniers membres de la noble famille Ayres luttent pour conserver les cendres d’un passé splendide mais évanoui depuis bien des décennies. La mère, Mrs Ayres, est une vieille femme charmante et élégante, mais trop affaiblie pour aider ses deux enfants dans ce combat permanent. Son fils, Roderick, ancien pilote de la RAF grièvement blessé pendant la guerre, ploie chaque jour davantage sous le fardeau des responsabilités ; tandis que sa fille, Caroline – une jeune femme « forte et solide » selon le voisinage, comprenez par là : « quelconque » – souhaiterait s’affranchir de toute cette servitude familiale sans en trouver le courage. Isolés et ruinés, les membres de la famille Ayres ne reçoivent guère de visites, à l’exception de celles du docteur Faraday, un médecin de village qui a pris en pitié leur solitude et ne cache pas sa fascination pour l’antique demeure aux milles recoins mystérieux.



Comme si la pauvreté et toutes les indignités qui s’ensuivent ne suffisaient pas, voici que d’étranges événements commencent à se produire à Hundreds Hall. Une agression troublante et atroce, des grattements dans les murs, des meubles qui se déplacent dans le silence de la nuit, d’effrayantes inscriptions griffonnées sur les tapisseries… Rien de bien inquiétant me diriez-vous ? Pourtant, les habitants de la maison en sont certains : quelque chose hante Hundreds Hall, quelque chose d’ignoble et de terriblement malin, quelque chose de nouveau et d’effroyablement ancien à la fois, un parasite, un indésirable qui n’aura de cesse de tourmenter les Ayres dans son désir venimeux de leur arracher leur demeure si douloureusement chérie.



Dans cette brillante relecture du mythe de la maison hantée, Sarah Waters nous offre une œuvre fantastique « à l’ancienne », un lent crescendo dans l’anxiété où les frontières entre le surnaturel et la vie réelle sont si habilement brouillées que l’on peine à les différencier l’un de l’autre. Véritable esprit frappeur ou psychose collective ? Cette ambiguïté plane sur tout le roman et ne sera jamais tout à fait levée, accentuant subtilement l’atmosphère angoissante du récit. Elle est renforcée par le regard du docteur Faraday, principal narrateur du roman, dont les sentiments oscillent sans cesse entre le doute, la compassion et une attirance vaguement malsaine pour les événements qui ébranlent Hundreds Hall. A noter que, si les personnages – tous dotés d’une psychologie soignée – attirent facilement l’empathie, c’est bien le manoir lui-même qui marque le plus les esprits et se révèle un protagoniste à part entière qui, au fur et à mesure de l’avancée du récit, se mue en véritable monstre, décidé à dévorer ses occupants jusqu’à la moelle.



Lent, subtil et complexe, « L’Indésirable » laissera probablement sur leur faim les passionnés d’histoires horrifiques pures et dures. En revanche, il séduira sans aucun doute les amateurs de psychologie, de suspense et de scénarios à tiroirs. En ce qui me concerne, je sors très satisfaite de cette première excursion dans l’œuvre de Sarah Waters et ne manquerai pas de lui rendre à nouveau visite dans les mois à venir.

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Du bout des doigts

Du bout des doigts m'a été offert par un ami, dont les goûts littéraires sont sûres. Un peu sur la réserve face à ce quatrième de couverture, je me lançais tout de même dans la lecture du roman de Sarah Waters.

Sue Trinder, habitante du quartier de Boroughs à Londres en 1862, est une jeune orpheline élevée au sein d'une famille de voleurs et d'escrocs. Préservée par sa vieille mère d 'adoption, elle désire lui montrer toute sa reconnaissance. Le jour où Gentleman, escroc patenté, débarque dans ce petit monde avec une arnaque d'envergure contre une jeune fille de bonne famille, Sue n'hésite qu'un instant et se lance dans une aventure qui bouleversera son existence...

Roman victorien par excellence, ce livre est une sorte de roman policier historique. L'intrigue labyrinthique est menée d'une main de maître. La toile de fond, la bibliophilie érotique, n'est qu'un rajout de perversité au sein de cet univers glauque et interlope. Le champ des misères humaines est infini, et rien ne nous sera épargné.

L'alternance des points de vue enrichit l'intrigue et l"ironie des situations n'en est que plus mordantes. Les personnages sont riches psychologiquement et attachants.

Sarah Waters, à la manière d'un Wilkie Collins, suggère plus qu'elle ne décrit et c'est tant mieux.

Complot, trahisons en cascade, enlèvements, amour mais aussi témoignage d'une époque où les femmes étaient réduites à quelques catégories superficielles (hystériques, filles de mauvaises vies ou objet de décoration), le roman de Sarah Waters est tout cela et bien plus encore.
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Derrière la porte

J’ai lu presque tous les livres de Sarah Waters : Caresser le velours,2002, Du bout des doigts , 2003, Ronde de nuit 2006 et Affinités .....avec grand plaisir .

Je les ai achetés et ils trônent dans ma bibliothèque..



Nous sommes en 1922, Frances Wray, vingt- six ans , depuis le décès de ses deux frères à la guerre, et celui de son père , qui a laissé des dettes, à cause de ses excès , sa mère et elle doivent sous- louer un étage de leur grande demeure, dans la banlieue londonienne.

L’arrivée d’un jeune couple : Lilian et Léonard Barber bouleversera leur quotidien.

Les Barber sont bruyants , conversations , rires, sautillements, musique du gramophone à tous les étages , marmonnements , à la limite de la vulgarité..

Bientôt : Frances , dans les bras de Lil découvrira des plaisirs interdits et inouïs .

Les deux jeunes femmes pensent bientôt à tout quitter pour vivre ensemble .

Mais la vie en décidera autrement ...

Je n’en dirai pas plus.

Avec son talent habituel, l’auteure spécialiste,——égérie de l’homosexualité féminine ,——à l’instar de tous ses romans , développe de belles pages de sensualité incandescente.

Elle décrit aussi avec réalisme le Londres d’après guerre, en pleine tourmente ...

Je me suis ennuyée à cause de la lenteur de l’intrigue qui s’étire sur sept cents pages,...

Contrairement à ce que disent les éditeurs ce roman n’a pas eu la même saveur que les autres , ennui, longueurs , il ne m’a pas tenue en haleine toute la nuit !

Quelle déception ! Une auteure très appréciée jusque là !
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Du bout des doigts

Une atmosphère délicieusement machiavélique et sombre, passionnante et oppressante sur fond d'érotisme au féminin…

Les profils des deux jeunes femmes, principales protagonistes de cette histoire sont dépeints avec une incroyable précision. Une précision que l'on retrouve également dans les divers environnements dans lesquels escrocs et victimes évoluent. C'est bluffant !

Un large passage m'a permis de faire l'analogie avec le livre de Maggie O'Farrel - "L'étrange disparition d'Esme Lennox" concernant cette époque où les femmes devenues "encombrantes" pouvaient être facilement enfermées dans des asiles d'aliénés et laissées aux bons soins de médecins apprentis sorciers.

Ce roman envoûtant évoque surtout une relation particulière entre Sue et Maud qui oscille entre la méfiance, la perfidie, l'amitié, l'amour et la volupté... Je vous conseille cette lecture pour son originalité, sa sensibilité et son intrigue surprenante.



CHALLENGE ABC 2014-2015
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Caresser le velours

Fin XIXe. Nancy Astley est une jeune fille de presque 18 ans, qui vit avec sa famille dans le Kent à Whistable, le pays des huîtres. Elle partage sa vie entre sa famille, son travail d’écaillère, et son petit ami. Son grand plaisir est d’aller au music hall, voir les numéros des artistes.

Un jour, un nouveau numéro est à l’affiche : celui de Kitty Butler, travestie en jeune dandy. C’est une révélation pour Nancy. Les deux jeunes filles finissent par se lier d’amitié, Nancy tombe amoureuse. Elle devient l’habilleuse de Kitty, et quand celle-ci a l’opportunité de partir à Londres pour sa carrière, Nancy la suit.

Caresser le velours est clairement un roman d’apprentissage. Nancy est une jeune fille d’abord très innocente, mais volontaire. Dès le début, elle est à l’écoute de ses sentiments et de ses aspirations. Petit à petit, elle s’ouvre à la vie, et aux tentations de Londres. La découverte va crescendo, comme l’écriture. D’un style d’abord pudique pour les scènes sensuelles, l’auteur décrit de plus en plus précisément et de plus en plus crûment les plaisirs de Nancy, comme une affirmation de sa liberté à vivre pleinement sa sexualité et son homosexualité, que ce soit dans l’amour, dans la luxure, ou dans le profit.

Etre une femme à la fin du 19e siècle, voila aussi à quoi s’attache le roman : la condition féminine des femmes riches, femmes pauvres, femmes seules, femmes mariées, l’émergence des syndicats et du socialisme, le contexte est foisonnant et intéressant.

Une jolie lecture, j’ai cependant une préférence pour un autre roman de sarah Waters, Du bout des doigts, pour son petit penchant gothique.

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Caresser le velours

J’ai ouvert ce livre sur les recommandations d’une vendredilectrice…. Attention, il est préférable d’avoir l’esprit ouvert pour s’y aventurer, parfois cru, toujours anticonformiste, c’est surtout un roman initiatique agréable à lire dans lequel on se laisse prendre jusqu’à la dernière ligne.

L’histoire est celle d’une jeune anglaise au 18ème siècle qui tombe sous le charme d’une chanteuse de music-hall et qui quittera tout pour la suivre sans savoir si elle peut espérer être aimée de retour.

Le personnage de Nancy est celui d’une jeune fille naïve qui se découvre attirée par une femme. Elle se laissera guider par celle qu’elle aime et vivra dans le besoin de cacher cette relation désapprouvée par la société. La première partie du livre présente une vie cachée mais douce. Un premier amour qui s’épanouit doucement. Hélas la vie rattrape les deux femmes et la séparation les guette.

Nan évoluera dans la suite de l’histoire, rencontrera d’autres femmes, des hommes aussi, d’amitiés en amours, de la rue aux maisons bourgeoises, de chanteuse travestie au métier de prostituée, des restaurants d’huitres aux meetings socialistes... elle découvre la vie sous ses aspects les plus glauques parfois. Tour à tour sombre, tendre, révoltée, discrète, nous la suivrons jusqu’à ce qu’elle trouve enfin la vie qui lui convient.

Nous sommes plongés dans un monde assez mal connu, celui du lesbianisme. Placé dans une société aux mœurs rigoristes, on y rencontre trois types de femmes ayant choisi de vivre leurs relations de trois façons différentes : en dissimulant, en choquant ou sans se soucier des autres. Mais est-ce réellement différent des relations actuelles ? Personnellement je n’ai pas ressenti une si grande influence de l’époque, les relations modernes ne me semblent pas plus simples malgré tout. Ce serait plus un roman prétexte pour aborder un sujet dérangeant.

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L'indésirable

Toujours autant de finesse et de subtilité dans le caractère psychologique des personnages chez Sarah Waters, c'est un plaisir de lecture.

On plonge dès le départ dans une atmosphère riche en mémoires du passé et l'auteure nous empêche de reposer ce roman au style gothique et dont l'époque renvoie au vécu du XIXE à l'époque victorienne. Et pourtant l'intrigue se déroule dans les années 50 en Angleterre, quel talent que d'être capable de décrire une époque de cette façon, c'est délicat pour moi de l'expliquer, il faut le lire pour le ressentir.

L'histoire progresse lentement mais devient pesante au manoir et tout reprend sa forme jusqu'au moindre petit courant d'air et jusqu'au moindre geste de la part des personnages qui donne une ambiance digne des classiques anglais. La chute sera vertigineuse et bien évidemment tout est mis sur le compte de forme de démence ou autre maladie psychiatrique chez les personnages, la science étant plus facile à admettre que le côté surnaturel qui n'est pas visible mais omniprésent.

Ah quel bonheur de lire un tel roman d'atmosphère.
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Du bout des doigts

Du bout des doigts nous entraîne dans l'Angleterre de 1862, époque victorienne chère à mon coeur de lectrice. Deux voix s'alterneront.



Le récit commence avec Susan Trinders dans le milieu interlope des voleurs et receleurs du Londres populaire. Sarah Waters dépeint avec art le Borough, avec ses pickpockets et ses us et coutumes bien ancrés. On s'y croirait d'autant plus que son texte s'émaille d'argot du milieu. A noter que pour rendre au mieux ce champ lexical, la traductrice s'est basée sur les termes argotiques des Mystères de Paris d'Eugène Sue et des Mémoires de Vidocq. J'ai donc découvert avec plaisir des mots comme grinchir pour voler et fourline pour voleur qui fait les poches. Fourline qui correspond d'ailleurs au titre original Fingersmith.

Il y a du Dickens dans cette partie car l'antre de Mr Ibbs n'est pas sans rappeler celui de Façon d'Oliver Twist, avec le démarquage des mouchoirs volés.

Susan est emportée par un dénommé Richard Rivers alias Gentleman vers un vieux manoir du Buckinghamshire pour un plan visant à mettre la main sur la fortune d'une jeune héritière naïve et esseulée, vivant quasiment en recluse chez son oncle bibliophile. L'affaire semble simple et assurera à Susan une partie du magot. Il lui suffit pour cela d'entrer comme femme de chambre au service de ladite Maud Lilly et d'encourager l'inclination d'icelle pour Gentleman en vue d'un enlèvement et d'un mariage.



La seconde voix est donc celle de Maud dont on découvre en même temps la très surprenante histoire en dépit de ses dix-sept petits printemps. Je n'en dis pas plus car ce serait gâcher la primeur de la découverte à tout futur lecteur.

Cette deuxième voix parle évidemment comme une jeune fille bien née et éduquée. Point d'argot du Borough ici. En revanche, on s'enrichit des termes propres à la bibliophilie du vieux Monsieur Lilly qui initie sa nièce à son art en vue d'en faire sa secrétaire.

Susan, Maud, à chacune sa spécialité...



En dépit de quelques petites longueurs occasionnelles, Du bout des doigts confirme le talent de conteuse de Sarah Waters. Sa prose est un régal pour les yeux et ses reconstitutions du XIXème siècle nous y projettent de plein pied. On sent derrière la fluidité du récit une somme de recherches pour peaufiner son cadre contextuel. Perfectionnisme que j'avais déjà ressenti dans Caresser le velours avec les milieux du music-hall et du travestissement.

Ici les descriptions d'un asile pour femmes aliénées (ou dont la famille cherche à se débarrasser pour x raisons, comme dans L'étrange disparition d'Esme Lennox de Maggie O'Farrell) offrent une vision kafkaienne des aliénistes et de leurs méthodes thérapeutiques.



La quatrième de couverture présente Sarah Waters comme la digne héritière de Dickens et de Sapho. Il y a beaucoup de vrai dans cette affirmation même si ses propres qualités l'amènent à ne pas se figer dans un carcan désigné. Il me reste encore plusieurs ouvrages de sa main qui m'envoient leur chant des sirènes. A vous revoir sous peu, Madame Waters.
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