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Citations de Stefan Wul (198)


Mais après tout, mes douze ans ne connaissaient pratiquement rien en dehors de la jungle indienne. J'étais benoîtement réceptif à toutes les magies du vaste monde, dont les vieux films qu'on passait à Ayacucho m'avaient - seulement par deux fois - laissé deviner l'inépuisable abondance. Tout pouvait m'exciter sans trop m'ébahir : un train, un aspirateur électrique, une paire de skis, que sais-je...des chevaux ou des bœufs !
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Une autre fois, il fut réveillé en sursaut par une harmonie lugubre. C’était, à l’autre bout du château, comme un ouragan musicien soufflant dans une centaine de cuivre différents. Une symphonie vibrante et froide avec, en contre-chant, des arpèges de sources et des strideurs démentes.
Le lendemain, Joachim demanda l’origine de ce bruit gigantesque et magnifique, terrifiant comme le chœur chaotique de mille dieux et démons rassemblés.
- C’est mon org, dit Martha. J’aime à en jouer.
Org ? Ce nom barbare était inconnu du savant. Il imagina un monstre à cent bouches largement ouvertes, une espèce d’hydre de métal vivant, faite pour chanter les gloires tragiques du cosmos, ou bien, à pleine gorge, toutes les peurs et toutes les souffrances de l’enfer.
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- Hum… voilà ! J’ai réussi à provoquer en bocal la genèse d’un batracien normal à partir d’un œuf énucléé, puis renucléé par le noyau d’une cellule banale prise sur un être adulte. La cellule donneuse provenait d’un simple épithélium.
- Traduit de votre charabia scientifique : vous avez retiré le noyau d’un œuf normal, vous avez remplacé ce noyau par celui d’une cellule quelconque prise sur un autre individu. L’œuf s’est est parfaitement satisfait et a continué de grossir pour un crapaud.
- Une grenouille !
- Si vous voulez… Pour donner une grenouille normale et… ?
- Cette grenouille est la jumelle de la grenouille donneuse.
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L’humanité prépare sa revanche, songeait Bruno tout en se hâtant vers la sortie. Antao, Tamatave, Bizerte, Le Cap, Santiago de Cuba, une bonne centaine d’autres bases semblables disséminés à travers le monde bourdonnent comme des ruches, forgent les leurs armes, forment leurs combattants… Anéantir les Torpèdes, les anéantir ou être anéantis par eux ! Terre contre océan, homme contre poisson, qui l’eût cru ? Drôle de guerre !
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Quand ils furent tout près des chasseurs, l’ours. Mais l’enfant le calma d’une caresse derrière les oreilles.
- Que les chasseurs ne craignent rien, dit-il, l’ours est l’ami de l’enfant noir.
Et il resta debout, une main posée sur l’échine de la bête, tenant de l’autre une arme étranger et brillante. Une blessure en séton saignait sur sa cuisse. Le grand chapelet de vertèbres était passé trois fois autour de son torse mine.
Une quinte le courba en deux. Il se racla la gorge, cracha et reprit sa respiration. Puis il parla d’une traire en regardant Thôz.
- L’enfant noir est en même temps le Vieux, dit-il, il a mangé la cervelle du Vieux, parce qu’il a trouvé le Vieux mort à Santiag, la ville des dieux. Il a aussi mangé la cervelle du jaguar et du vautour, et aussi celle d’un monstre qu’il a tué dans les collines de sables. Il a fait de l’ours son ami. Il a tué les monstres avec le bâton brillant que les dieux lui ont donné. L’enfant noir est l’ami des dieux. L’enfant noir est le Vieux, mais il est aussi le jaguar et le monstre. C’est pour cela qu’il est plus fort que le Vieux. C’est pour cela qu’il fait plus de choses que le Vieux.
Il se tut. L’ours lui léchait la main. Derrière lui, sur la plage où la fumée s’était dissipée, treize grands cadavres confirmaient sa puissance.
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[Laurent] Je pense, donc je déraille !
[Darcel] J'allais le dire.
[Laurent] Peut-être. Mais moi, je m'en aperçois tout seul. C'est ce qui fait ma force. Les mots, tu sais, ce sont des notes de musique. C'est joli, mais ça t'entraîne dans le vague. Je ne suis pas fait pour la logique. Il n'y a que l'intuition ! Et mon intuition fulgurante me dit que j'ai besoin de boire un coup.
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[nouvelle "Il suffit d'un rien"]
Dans la nuit du passé, la Terre n’était qu’un bloc de boue tiède, avec çà et là quelques îles de matière plus solide. Elle n’était qu’un caillou fangeux dérivant dans l’espace. Elle ne portait ni plantes ni bêtes, mais des grumeaux et des sables, des vapeurs et des gaz, des liquides et des cristaux. La Terre était morte.
Il fallut des siècles et des siècles de pluies, de tempêtes, d’éruptions volcaniques, de marées et de vents pour brasser ce magma. Il fallut des siècles de cataclysmes et de hasards gigantesques pour qu’un jour quelques molécules s’assemblent, se combinent, compliquent leur formule et deviennent du protoplasme, par accident.
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Enfin, la ville des dieux fut en vue. Juchée à deux mille mètres, la digue du port présentait un aspect insolite. Elle avançait en promontoire au-dessus du vide. Derrière elle, on distinguait un entassement de ruines relativement épargnées par les éboulements.
Le Vieux se hissa jusqu’au port, escalada les degrés menant à la digue et courut vers la ville morte. Ses semelles rudimentaires claquaient sur le ciment lézardé. Les pans de ses lourds vêtements volaient à la bise glaciale sifflant dans les ruines une chanson désespérée.
Le Vieux se précipita vers une grande bâtisse sans fenêtres et sans toit. On pouvait distinguer sur la façade une vieille inscription à demi-rongée par les siècles. Des signes bizarres, seulement compréhensible aux dieux :
CUBAN RUM S.A.
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La poussière retombait,moins dense, safranée par les rayons du soleil.
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Blasés, ils s'enfoncèrent la tête sous les toiles pour ne pas entendre le vacarme de deux arbres géants qui se battaient comme des chiffonniers, à deux cents mètres de là.
Le combat devait durer depuis des mois, peut-être des années. Depuis leur enfance d'arbrisseaux, les deux géants se savaient ennemis. Plantés par hasard à peu de distance l'un de l'autre, ils avaient attendu que leurs branches fussent assez longues pour se toucher. Puis ils s'étaient giflés à coups de feuillage, s'étaient arrachés des rameaux entiers. Depuis, leur croissance leur avait permis de s'étreindre. Et ils luttaient, cherchaient à se déraciner, faisaient craquer leurs muscles de bois flexible, provoquaient des bruits de tonnerre en agitant leurs branches, se reposaient une heure, recommençaient...
Ils mourraient probablement ensemble, dans dix ans peut-être, non sans s'être assuré une postérité de jeunes rejets qui lutteraient à leur tour, transformant en terrain impraticable cette partie de la forêt.
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Tous ceux qui ont souffert du deuil savent qu'il rend animiste.
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Les intrigues ne m'intéressent pas. Et les romans à thèses me font fuir. Au fond, mon tempérament me pousse à l'Art pour l'Art. Considérez-moi comme une espèce de peintre ou de musicien qui, faute de brosses et de couleurs et sans clavier ni papier à musique, utiliserait un stylo pour se débarrasser de ses fantasmes.
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Thôz était grand et fort,le plus fort de tous. Des muscles roulaient sous sa peau brune, lacérée de vieilles cicatrices. Sa barbe blonde s'étalait largement sur sa poitrine puissante, contre laquelle il avait un jour étouffé un jaguar. Et pourtant, Thôz inclinait le front devant "Celui-qui-sait-tout", qu'on appelait aussi le Vieux.
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La corde est longue et mordorée
Qui va de l’homme au dieu vivant
L’ancienne race est abîmée
Saut un pilier hors du néant.
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- On dirait la grande muraille, dit-elle. Serait-ce… ?
- Vous avez deviné, dit Bruno. C’est l’ancien pont flottant Alger-Marseille. Il repose maintenant par le fond, mais n’a rien perdu de son utilité. Vous pourrez peut-être en parler dans vos articles, car un véritable chapelet d’anciennes villes flottantes. Il contient quarante ponts roulants, vingt voies ferrées, dix autoroutes et traverse trois-cents piles qui, anciennes usines maréthermiques, sont aujourd’hui autant de relais touristiques.
La Chinoise poussa un soupir.
- Quand j’entends un Occidental parler chiffres, j’ai toujours un peu le vertige.
- Je n’ai pas fini, dit Bruno. Cet ouvrage redevient un pont à proprement parler pour franchir le lac Latin, reliquat des eaux de l’ancienne et plus vieille mer du monde. Il unissait les deux continents, il unit toujours deux villes : Marseille, la mère, et Alger, la fille. Ces deux villes se ressemblent beaucoup : un peu plus de minarets en deçà, un peu plus de clochers au-delà de la fosse méditerranéenne, c’est leur seule différence. Elles tiennent toujours l’une à l’autre par ce cordon ombilical qu’est le pont…
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La science était tolérée, sur Vénus. Mais le Consistoire, présidé par Sa Haute Prudence, se chargeait de la maintenir dans d’inoffensives limites. De même, autrefois, certaines tribus d’Afrique avaient toléré chez elles la présence des forgerons, nécessaires à l’économie villageoise mais soupçonnés d’entretenir un commerce dangereux avec les esprits du feu. Cela, les gens de Vénus l’ignoraient, comme ils ignoraient la proto-histoire terrienne.
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Par une chance unique, il avait trouvé le Vieux mort. C’était donc à lui d’accomplir les rites. Aucun chasseur ne pouvait prétendre l’avoir vu le premier.
Il fendit le crâne et dévora la cervelle crue, s’appropriant ainsi toute la force et toute la science du Vieux. Puis il peina encore un jour entier pour déshabiller le cadavre, pour fendre les chais, pour en extirper une vertèbre qu’il ajouta au chapelet funèbre d’où le Vieux rirait la plus grosse part de son prestige.
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Tu vois, je suis tout seul maintenant. Pourquoi ? Oh ! pour un tas de raisons. Il y a trop de choses qui ne collent pas, dans cette affaire. Je les ai tous envoyés promener, à ma façon. L'administration, c'est lourd, c'est pesant, ça gêne aux entournures. Je préfère entrer dans la danse en franc-tireur. Oui, je suis seul. Mais je peux le dire sans vanité : je suis très dangereux.
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Il sentait derrière lui un vide fantastique et son imagination dotait ce vide d’une faculté d’attraction terrible. Il eut une pensée complètement idiote : Peut-être le vide attire-t-il la chair humaine comme l’aimant la limaille de fer.
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Pendant toute la journée du lendemain, Michel fréquenta la section Histoire de la Bibliothèque. Il lut qu'à leur arrivée, les Terriens avaient trouvé Émeraude dominée par les cépodes. Les hommes avaient dû mener une guerre très meurtrière contre ces poulpes bizarres. Quand ceux-ci s'avouèrent vaincus, toute la planète fut ouverte aux explorations et l'on s'aperçut de l'existence des nains gris, courbés sous le fouet des cépodes dans les mines du quatrième continent. Une sympathie instinctive naquit entre les nains et les hommes. C'était une simple question de similitude morphologique. Au grand mécontentement des cépodes, on favorisa leurs anciens esclaves.
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