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Critiques de Steven Erikson (253)
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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

Hors-norme



Les jardins de la lune est le premier tome d’une… décalogie signée Steven Erikson, auteur canadien de Fantasy et de SF. Le monde imaginaire dans lequel le cycle prend place a été co-créé avec Ian Cameron Esslemont, qui a publié sa propre série de livres s’y déroulant également (les deux auteurs ont collaboré au scénario de la totalité des livres, ce qui fait que tous sont considérés sur le même plan en terme de canonicité). La publication de la saga principale s’est étendue (en VO) de 1999 à 2011, et le cycle a fait l’objet de trois tentatives de traduction en français, la première en 2007 chez Buchet / Chastel (tome 1), la seconde en 2007-2008 chez Calmann-Lévy (tome 1 + tome 2 -coupé en deux livres-), et enfin la troisième en 2018 chez Leha, qui a l’ambition de faire paraître l’intégralité des dix tomes dans la langue de Molière. Dans cette critique, c’est la traduction Calmann-Lévy que j’examine : tout problème de traduction, de relecture ou autre particularité de l’édition que je signale ne doit donc pas être imputé à celle signée Leha.



Cette saga est totalement hors-normes sur bien des plans, que je vais essayer de dégager dans ce qui suit. Elle est largement reconnue comme une des œuvres majeures de la Fantasy des vingt dernières années, voire de la Fantasy tout court. Ce premier roman va être exigeant pour la majorité des lecteurs en raison de la densité de son intrigue, de son univers et du nombre de personnages, mais vous trouverez difficilement plus ambitieux à lire dans le genre, ou un cycle qui propose un tel impact émotionnel (à ce titre, la fin du tome 2, par exemple, est proprement extraordinaire). Ainsi, je ne saurais trop vous conseiller de lui donner sa chance car sinon, vous allez vraiment rater quelque chose d’unique.



Le cycle dans son ensemble, conception et particularités



Les jardins de la lune n’est que le premier tome (et aussi incroyable que cela puisse paraître, le plus petit) du cycle dit du Livre Malazéen des glorieux défunts / Livre des martyrs (selon la traduction à laquelle vous avez affaire), qui en compte dix (plus une série dérivée de six tomes écrite par le co-créateur de cet univers).



Cet univers a été créé en tant que monde de jeu de rôle (Advanced Dungeons & Dragons puis GURPS) dix ans avant l’écriture de ce tome 1 (et celui-ci ayant été publié sept ans après son écriture, l’univers a eu encore plus de temps pour se développer entre le tome 1 et les suivants). Sa profondeur, sa cohérence, la taille de son historique (300 000 ans !) mais aussi sa complexité sont exceptionnelles.



Une particularité est que sur l’ensemble du cycle, il y a trois trames narratives qui s’entremêlent, ce qui fait que chaque tome n’est pas forcément la suite directe du précédent et ne règle donc pas les points d’intrigue qui restent non-résolus. La trame de ce tome 1, par exemple, ne sera pas continuée avant les tomes 3 et… 8. Le tome 2, donc, traite d’événements différents (mais connexes, évidemment).



L’univers



L’univers est assez particulier, et se rapproche par certains points de celui de la Compagnie noire de Glen Cook, tout en s’en éloignant sur certains autres aspects. La première particularité est l’absence des races les plus emblématiques de la Fantasy : certes, il y a des dragons, une Liche (ou quelque chose qui y ressemble beaucoup) et des morts-vivants (bien que dans les trois cas, leur traitement soit relativement inhabituel), mais il n’y a ni elfes, ni orcs, ni nains. Attention cependant, cela ne veut pas dire que les humains soient la seule race, bien au contraire : de très nombreuses races (humanoïdes, quoiqu’un gros doute subsiste pour les Moranth, peut-être des hommes-insectes cachés sous leurs armures) existent. Comme chez Lovecraft ou Karl Edward Wagner, l’humain n’est ni le premier, ni le dernier des maîtres du monde, et des races anciennes, disparues ou mourantes, sont décrites. Il existe aussi de nombreuses races en phase ascendante ou au pic de leur puissance à l’époque du récit, qui partagent le monde avec les humains. Alliées, neutres ou ennemies, leurs relations complexes avec diverses nations humaines sont un point important de l’intrigue.



Comme chez G.R.R Martin, les humains se battent aussi entre eux : la plupart des protagonistes du roman sont des militaires ou des officiels de l’Empire Malazéen, une force énorme qui balaye et annexe méthodiquement nations, ligues de cités-Etats et continents. Cependant, un aspect à retenir est qu’un changement brutal à la tête de l’empire, les purges qui en ont résulté et la lassitude de campagnes militaires incessantes (sans parler de la grogne des peuples conquis) font que la rébellion gronde au sein des troupes d’élite Malazéennes, notamment chez les Brûleurs de ponts. Cette unité prestigieuse de la Deuxième Armée a le double tort d’avoir la réputation d’être celle ayant eu la confiance la plus absolue de l’ancien empereur et aussi de comprendre Whiskeyjack, l’ancien général devenu simple sergent car en disgrâce auprès de la nouvelle Impératrice.



Les intrigues, politiques ou autres, ne s’arrêtent pas aux Malazéens, mais s’étendent aussi à leurs prochaines victimes : nous suivons ainsi celles qui agitent la ville de Darujhistan, la prochaine à subir l’ouragan Malazéen. Ses hommes de pouvoir, politique / officiel ou occulte (dans tous les sens du terme), vont ainsi comploter pour obtenir une place de choix dans le Nouvel ordre Malazéen à venir, ou au contraire pour assurer les alliances visant à éviter la conquête.



La magie



La magie est omniprésente dans ce tome 1 : comme dans La compagnie noire, des magiciens sont intégrés dans chaque unité militaire Malazéenne, et nombre de leurs adversaires ou plus généralement des protagonistes ou des personnages secondaires sont des mages, des Grands mages, alchimistes ou enchanteurs.



Sa conception est très particulière, et basée sur la notion de Labyrinthes : il s’agit d’un concept assez complexe (mais aussi un peu flou), quelque chose qui se trouve à la fois à l’intérieur du sorcier (comme un schéma d’énergie) mais qui a aussi une existence propre, une sorte d’espace extra-dimensionnel flottant quelque part à proximité du Chaos. Entrer dans son labyrinthe permet soit de se cacher, soit de parcourir en peu de temps d’énormes distances dans le monde réel (un peu comme le concept bien connu d’Hyper-espace en SF). C’est dangereux, cependant, car on peut y faire de mauvaises rencontres (créatures surnaturelles, mages ennemis, dieux ou leurs serviteurs) ou s’approcher un peu trop du Chaos et s’y brûler les ailes.



Globalement, ce concept de Labyrinthe m’a semblé relativement proche par certains côtés de la Marelle et du Logrus chez Roger Zelazny, dans son cycle des Princes d’ambre (si vous ne connaissez pas cette série de dix romans, jetez-vous dessus, au moins sur les 5 premiers). Cette impression est renforcée par l’importance donnée au Jeu de Dragon, sorte de Tarot divinatoire rappelant également par certains côtés les Atouts d’Ambre.



Il existe de nombreux labyrinthes, chacun portant un nom et donnant accès à une forme particulière de magie : de guérison, de la lumière, de l’ombre, etc. Certains Labyrinthes sont spécifiques à une race donnée, d’autres sont « perdus », et au moins un à un statut semi-légendaire et une existence réelle qui reste à prouver. Le nombre de Labyrinthes maîtrisés (ainsi que le degré de maîtrise) est ce qui définit la puissance d’un sorcier : un mage en maîtrise un, un Grand Mage deux ou trois, un Mage hors-normes encore plus. Parfois, au contraire, la maîtrise d’un seul Labyrinthe, ancien ou exotique, peut donner un énorme avantage sur un mage adverse : la magie Tellann des T’lan Imass, par exemple, étouffe celle des autres Labyrinthes, la rendant inutilisable.



Il existe d’autres pratiques occultes, comme l’invocation de démons, l’alchimie (poudre anti-magie, etc) ou ces sorts de transfert d’âme qui auront une telle importance dans l’histoire.



En plus de sa conception assez inhabituelle, la magie a, dans cet univers, une ampleur quasiment inégalée, à part à la rigueur dans la Fantasy épique la plus débridée : certains des antagonistes sont si puissants qu’ils rasent une colline ou font jaillir un volcan d’un vague geste de la main, au prix d’une dépense infinitésimale de leur monstrueux pouvoir. Ça, cher(e) lecteur / lectrice, c’est de la magie à grand spectacle, à gros budget pourrait-on dire. Les affrontements ou déchaînements magiques d’envergure sont légion dans le récit, et les mages utilisent en permanence un tel arsenal de sorts que cela donne presque un côté super-héroïque à la chose parfois. Songez par exemple aux scènes dans Darujhistan dans lesquelles des sorciers se traquent, protégés par des sorts de chute libre, d’invisibilité et des champs d’énergie, en volant dans les airs et en lançant des éclairs d’énergie magique avec leurs mains !



Dieux & Déesses



Une autre particularité à grand spectacle est l’omniprésence des divinités dans l’intrigue. Que ce soit personnellement, par le biais de serviteurs, de don d’artefacts de pouvoir (épée, pièce de monnaie modifiant les probabilités, etc) ou même en possédant un corps mortel, les interventions divines sont omniprésentes dans le récit. Chaque Ascendant cherche à augmenter, restaurer ou consolider son influence dans le complexe jeu d’intrigues qui l’oppose aux autres êtres de son niveau de puissance.



Il faut l’avouer, une telle débauche d’interventions divines et de magie de très haute puissance n’est pas franchement commune en Fantasy, même celle réputée à grand spectacle comme la High / Epic Fantasy.



Les personnages



Ils sont très, très, très nombreux. Le Dramatis Personæ fait quatre pages, auxquelles vous pouvez encore en ajouter une, celle des dieux et de leurs serviteurs, puisqu’ils interviennent personnellement dans le récit (du moins certains). Alors soyons clairs, tous n’ont pas la même importance dans l’intrigue : certes, Toc l’Ancien est cité dans les 4 pages, mais à part 2 ou 3 évocations au cours du récit, il n’apparaît pas significativement, en tout cas pas autant que son fils, Toc le Jeune.



Ce roman a d’ailleurs la réputation d’être difficile à lire justement du fait du très grand nombre de personnages, et de la caractérisation faible de certains d’entre eux (j’y reviendrai). Ce n’est que partiellement vrai. D’abord, les personnages sont présentés par « groupes », et font l’objet d’un ou plusieurs chapitres d’affilée ou avec une forte récurrence (=des chapitres qui reviennent après peu de pages / chapitres consacrés à d’autres personnages). Donc, on a le temps d’intégrer la place dans l’intrigue et les particularités d’untel ou d’unetelle.



Mais pour être honnête, ça concerne un très gros tiers du roman. A partir d’un certain point, lorsque l’intrigue commence à se déplacer vers Darujhistan, les nouveaux personnages apparaissent plus rapidement, on a moins de temps pour les intégrer, et surtout les destinées des différents « groupes » de personnages que nous connaissions jusque là commencent à s’entremêler, non plus au niveau du chapitre mais du paragraphe, de plus en plus rapidement jusqu’à la fin.



Au final, il faut rester très concentré, et surtout, c’est mon conseil, lire ce livre aussi vite que possible. En clair, si vous lisez 10 pages tous les soirs, c’est foutu, vous allez avoir du mal à suivre. Il faut vraiment s’y attaquer à un moment où vous disposez de temps pour lire et tenter d’en lire autant que possible à chaque séance de lecture (ce qui n’est pas toujours facile vu la densité et la complexité de l’intrigue). L’idéal est de le lire en 3-4 jours, de façon à avoir tous les éléments d’intrigue / les personnages bien en tête à chaque fois.



Mais bon, pour tout dire, j’ai un peu de mal avec les critiques qui considèrent que c’est très difficile à lire du fait du grand nombre de personnages : dans ce cas là, d’autres cycles de Fantasy réputés, au premier rang desquels se trouve sans le moindre doute le Trône de Fer, sont au moins aussi difficiles à lire (sinon plus), et pourtant ça n’empêche pas des légions de lecteurs de les lire et de les apprécier. Bref, il me semble que le cycle Malazéen n’est pas jugé selon les mêmes critères que d’autres, et ça, ça m’ennuie.



Selon certains, les personnages sont mal caractérisés : j’ai envie de dire que vu leur nombre et étant donné la taille du livre (580 pages), c’était assez inévitable. Pourtant, ce genre d’affirmation me paraît peu nuancé : oui, certains personnages sont transparents ou difficilement discernables d’autres du même genre, mais en même temps, comment rendre marquants les x soldats de base d’une unité militaire ? D’autre part, vu l’ampleur du dramatis personæ, je trouve que l’auteur s’en est plutôt bien tiré, réussissant à donner avec peu de caractéristiques ou de temps d’exposition une identité puissante à certains protagonistes. D’ailleurs, il faut avouer qu’il y a vraiment de l’originalité dans la galerie de personnages, jugez plutôt : Hairlock, le mage-Pinocchio (vous comprendrez en lisant le livre…), Whiskeyjack, le général devenu sergent, Mes Regrets, l’adolescente possédée par un dieu, Kruppe, le pontifiant mage-voleur qui parle de lui à la troisième personne, Tool, le mort-vivant qui a 300 000 ans, Crone, la femelle corbeau géante, génitrice et grande ancienne de sa race, et ainsi de suite.



Intrigue(s), Style, structure, clefs de l’univers



Le style est globalement agréable et évocateur (dans le genre noir / Dark Fantasy), avec quelques passages vraiment très réussis (les dialogues mettant en jeu Kruppe sont les plus intéressants). De même, l’auteur est plutôt à l’aise pour évoquer anciens peuples, civilisations perdues et arcanes mystérieuses de la magie. Les combats sont bien décrits, quoique trop courts à mon goût.



Je l’ai déjà évoqué, mais l’univers / le background a été méticuleusement construit sur une période assez inhabituelle (à part Tolkien ou Kim Stanley Robinson, j’ai un peu de mal à penser à un autre auteur avec une telle « phase préparatoire » à l’écriture), bien avant la mise en chantier du cycle, et particulièrement du tome 2 (lorsqu’il est sorti, l’univers existait déjà depuis… 18 ans !). Si on ajoute à cela le fait qu’en 580 pages, l’auteur doit vous présenter ses innombrables personnages et l’intrigue en plus de l’univers, vous vous doutez bien que l’immersion va être… brutale. Si vous êtes de ceux qui veulent qu’on leur donne dès le début les clefs de compréhension de l’univers, vous allez être déçu. Il y a des tas de références à des peuples, des nations, des civilisations ou des événements qui resteront inconnus ou quasiment du lecteur. Il y a des tas d’éléments de vocabulaire propres à cet univers à assimiler (jetez un coup d’œil à la fin du livre, au fait, ça peut aider, surtout pour les Labyrinthes et les Dieux…). Bref, si vous détestez « ne rien comprendre » (j’exagère volontairement) pendant une bonne partie d’un roman, fuyez, pauvres fous, ce livre n’est pas fait pour vous. En revanche, si vous êtes un vétéran de Dune et d’Hypérion, ça ne vous posera pas de problèmes insurmontables.



La structure est linéaire sur un certain plan, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’alternance flash-back / présent comme on peut en voir parfois. Par contre, comme je l’ai déjà évoqué, plus le roman avance, plus les intrigues à priori séparées jusque là s’entremêlent (comme chez Peter Hamilton par exemple). Est-ce que c’est difficile à lire ? Oui et non. C’est le nombre de personnages et le mal qu’on a à en différencier certains qui posent un certain problème, pas l’entremêlement des intrigues qui est, au contraire, clair et intéressant. Beau sens du rythme d’ailleurs à ce niveau de la part de l’auteur, les révélations et les pièces du puzzle se mettent en place avec un très bon timing.



Sur un plan plus général, le rythme est relativement tranquille au début du roman, puis subit une accélération brutale pour ne plus jamais ralentir.



La fin ne règle pas tout, loin de là, mais rappelez-vous que cette trame narrative se poursuivra dans les tomes 3 et 8, donc ne sortez pas les torches et les fourches tout de suite.



Au final



Au final, on se retrouve avec une sorte de Dark Fantasy épique politico-militaire. Épique non pas par la nette dichotomie bien / mal (complètement brouillée ici), mais par les enjeux, les protagonistes divins et le niveau de magie mis en jeu. Dark pour des raisons évidentes liées à sa parenté avec La compagnie noire. Politique pour sa parenté avec le Trône de fer en matière de luttes externes et internes entre royaumes ou factions, et militaire parce qu’on se retrouve avec un équivalent Fantasy de la SF militaire, encore une fois dans la lignée de l’oeuvre de Glen Cook.



C’est un livre à grand spectacle, très noir, rempli à ras bord de sorcellerie (attention, sorcellerie, pas magie merveilleuse, hein…), mettant en scène les dieux, mais où on suit aussi dans la boue, la crasse et le sang des troufions de base (ou presque).



C’est réputé très difficile (voire pénible, selon certains) à lire, notamment à cause de la multitude des personnages et de l’extrême richesse de l’univers, et honnêtement, on ne peut pas dire que ce soit entièrement faux. D’un autre côté, c’est plus intéressant qu’un nombre faramineux d’autres romans ou cycles de Fantasy, mais du coup, ça va se mériter. Personnellement, je préfère en baver mais avoir un monde et une intrigue riches que lire pépère et avoir oublié un roman au bout d’une semaine.



Bref, selon votre profil de lecteur, ce sera soit un chef-d’oeuvre, soit à fuir impérativement. C’est le genre de roman et de cycle polarisant, qui génère rarement des relations contrastées mais plutôt très dichotomiques : on vénère ou on déteste.
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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

Cela me navre de mettre le mégacycle de Steven Erikson dans la catégorie déception, mais j’assume.



Doté de couvertures très évocatrices, de résumés qui font clairement envie, de critiques élogieuses voire dithyrambiques, et auréolé de son titre de meilleur cycle de dark fantasy de tous les temps, c’est conquis d’avance que me suis lancé dans le tome 1.

Pas convaincu du tout car malgré un potentiel de ouf l’auteur ne fait absolument aucun effort pour se rendre accessible et sans l’aide du wiki anglophone ne je serais même pas allé au bout du livre VF, c’est vous dire !



Il y a une foultitude de personnages intéressants, mais on n’a même pas de structure en POV pour suivre leur histoire. Et en plus ils n’y ont aucune tonalité : il faut toujours aller dans le who’s who car on peine à les distinguer et se les représenter. Du coup on se moque de leur destin et ils meurent dans notre indifférence. Et je ne parle même pas d’un grosbillisme digne d’un mauvais shonen : chaque personnage, adversaire, groupe est toujours plus puissant que celui d’avant car doté de pouvoirs de la mort qui tuent (et comme le roman fait 700 pages, on en finit plus !).



Le worldbuilding est vertigineux : en bon ethnologue l’auteur est hyperprolixe sur les mœurs et les coutumes de nombreux peuples humains, inhumains, semi-divins, divins. Mais on balance des tonnes et des tonnes d’informations qu’on peine carrément à assimiler, d’autant plus qu’on s’acharne à passer sous silence le plus important.

On nous raconte un guerre mondiale et totale fantasy qui se déroule sur plusieurs continents à plusieurs niveaux, sauf qu’à la fin du bouquin on ne sait toujours pas qui combat qui et pourquoi. On devine un empire impérialiste (oxymore) en voie de totalitarisation, mais l’auteur ne se donne même la peine d’expliquer que la chef des services secrets s’est couronnée impératrice après avoir fomenté un coup d’Etat et assassiné son prédécesseur. Du coup on se retrouve on pleine purges staliniennes entre anciens loyalistes et nouveaux apparatchiks, mais ce n’est pas explicité… Comment voulez comprendre les tenants et les aboutissants des agissements des persos sans cela !



Et la montagne peut accoucher d’une souris : on tease tout le roman sur un tyran-sorcier invincible, véritable ADM magique, et on s’en débarrasse avec un telle facilité qu’on a envie de laisser tomber le livre par terre…

Et il y aussi des trucs zarbi qui sortent de nulle part (genre la maison vampire ambulante, où la magicienne qui décide de suicider en poupée vaudou…).



Le potentiel est énorme, et sans doute qu’ensuite la mayonnaise prend et que cela monte grave en puissance, mais cela n’excuse ce 1er tome qui ne ménage pas ses efforts pour rebuter les easy readers. Et vu comme c’est très compliqué à comprendre en français, ne comptez pas sur moi pour continuer en VO.



Un Glen Cook aussi ne se donne aucunement la peine de rendre ses romans accessible aux lecteurs, mais on peut s’attacher aux personnages facilement identifiables et on peut s’accrocher à l’humour noir qui fait passer la pilule (et une fois qu’on a les clés, c’est tout de suite limpide, comme "Qushmarrah" qui est une relecture des guerres puniques)
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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

Nous baignons avec ce récit dans de la fantasy de haut vol. L’univers mis en place est non seulement exigeant – il est vrai – en terme d’attention et de concentration mais aussi particulièrement recherché et ambitieux. Nous ne sommes pas dans un roman de fantasy gnan-gnan, où la jeune et jolie fermière du coin s’envole à dos de chèvre ailée sauver le prince d’un sort atroce, ou de son beau père pré-régicide. Non, Genabackis accumule les batailles sanglantes, les luttes d’égo, les doubles allégeances, les trahisons de première main, les manifestations divines, et enfin les spectaculaires chocs magiques.



Le livre malazéen des glorieux défunts est un cycle de 10 romans, Les Jardins de la Lune en est le tome introductif. Il est clair qu’Erikson s’est fortement inspiré de La Compagnie Noire de Glen Cook. En effet, nous avons le récit d’une unité de soldats de l’Empire, des vieux briscards abîmés par les ans, les combats, les déceptions, le danger et la guerre. En prime, ils ne font pas partie du « bon camp ».



En effet, l’Empire Malazéen avec à sa tête l’Impératrice Laseen, emploie une politique d’expansion agressive, et vise une hégémonie globale sur toutes les terres habitées. Il s’est doté de moyens adéquats avec une armée chamarrée, nombreuse et expérimentée. Les pertes subies sont remplacées par un recrutement incessant dans les territoires « nouvellement » dominés. Ainsi, sa marche paraît-elle inexorable tel un tsunami dévastateur. L’auteur axe son récit autour des bridgeburners (les brûleurs de ponts), une unité du génie à qui sont confiés les missions de sape et de destruction d’ouvrages (avec force, poudre et explosions).



Présentés de cette manière, Les Jardins de la Lune paraissent plutôt classiques dans le registre de la Dark fantasy. Mais voilà, c’est un peu plus dense que ce bref résumé le laisse imaginer.



Nous avons donc un agresseur avec les malazéens et un défenseur, la ville de Pale. Très vite, cette cité libre, objet des désirs de Sa Majesté l’Impératrice, tombe dans le giron de l’Empire. Nous passons donc au prochain objectif en date de Laseen, la dernière cité libre de Genabackis : Darujhistan



Les combats les plus impressionnants ont dévoilé la présence de mages de catégories, de forces et de rangs différents (avec des Hauts Mages). Les batailles y sont spectaculaires! Les premiers protagonistes s’y illustrent de diverses manières (Tattersail, Tayschrenn, Hairlock), et les tensions déjà nombreuses indiquent une sérieuse menace de dissension au sein de cette armée. Le lecteur apprendra alors que le début du règne de l’Impératrice fut quelque peu chaotique et qu’elle n’a pas que des partisans. Des jeux de dupes se mettent en place, et des éliminations s’opèrent sous le couvert du combat. Forcément, les événements sont promis à l’embrasement à plus ou moins long terme…



Les cités libres ne sont pas en reste pour les rebondissement et les jeux partisans, elles ont un allié de poids : Anomander Rake, Fils des ténèbres, Lord of the Moon’s Spawn, Seigneur des Jardins de la Lune et principal adversaire de l’Empire. Accessoirement, c’est un Tiste Andi à la peau noire et chevelure blanche.



EPIQUE, vous dis-je!







Critique plus complète et illustrée sur mon blog
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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

S’il y a bien un auteur dont j’attendais avec impatience de découvrir les textes, c’est bien Steven Erikson. Considéré comme un véritable monument de la fantasy, la série des « livres malazéens » a pourtant eu bien du mal à nous parvenir en France : Calman Levy s’était par exemple essayé à une traduction il y a quelques années, avant de finalement abandonner le projet au bout du deuxième tome (sur les dix que comporte la série en version originale). Ce sont les éditions Léha qui reprennent aujourd’hui le flambeau avec une nouvelle traduction signée Emmanuel Chastellière, une très belle couverture de Marc Simonetti, et la promesse de la parution d’un tome environ tous les six mois. Sacré pari donc, mais le jeu en vaut-il la chandelle ? En ce qui me concerne, je ressors de cette lecture avec une grande admiration pour l’ambition de l’auteur et la richesse de son œuvre, même si je dois avouer que ce n’est pas pour autant l’immense coup de cœur auquel je m’attendais. L’auteur explique dans la préface du roman que « en commençant par les Jardins de la Lune, les lecteurs vont soit adorer, soit détester. Il n’y a pas d’entre-deux ». Or, si je suis pour ma part très loin d’avoir détestée l’œuvre (bien au contraire), je ne peux pas non plus dire qu’elle m’ait totalement subjuguée. Certains éditeurs adorent faire des parallèles entre le roman qu’ils veulent promouvoir et des mastodontes du genre (à tort, bien souvent), mais dans le cas d’Erikson on ne peut s’empêcher de penser à quantité d’autres œuvres majeures de la fantasy, qu’il s’agisse de « Game of thrones » de G. R. R. Martin (pour les personnages), du « Cycle des Princes d’Ambre » de Zelazny (pour la magie), et surtout des « Annales de la Compagnie noire » de Glen Cook (pour le mode de narration et le ton). Autant dire qu’avec de telles influences, ce premier tome du « Livre des martyrs » place la barre très haut. C’est d’ailleurs à la fois sa plus grande qualité, mais aussi son plus grand défaut. Le roman mérite en effet incontestablement sa réputation et se révèle assez difficile d’accès : voilà typiquement le genre de roman qu’il faut lire concentré et d’une traite, pour ne pas perdre le fil (chose que je n’ai malheureusement pas pu faire et qui explique peut-être mon ressenti mitigé).



La préface réalisée par l’auteur est ici très utile puisqu’elle nous permet de retracer la genèse de l’univers malazéen. On apprend ainsi qu’il s’agit du fruit d’un travail réalisé avec un autre auteur, Ian C. Esslemont (qui a lui aussi écrit des textes sur le sujet comme la série « A novel of the Malazan Empire »), et que les bases de l’univers sont nées d’un jeu de rôle, avant d’évoluer vers un script de long métrage. L’auteur parle également des nombreux refus qu’il a du essuyer avant de pouvoir publier son travail (sous prétexte que l’œuvre était « trop ambitieuse »), jusqu’à sa décision de proposer le texte tel qu’il souhaitait l’écrire. Pas de compromis, donc : Steven Erikson nous plonge dans son univers sans aucune explication, très peu de contextualisation, et c’est au lecteur de faire de son mieux pour surnager et comprendre ce qui est en train de se jouer. Le début est ainsi particulièrement déroutant, l’auteur parvenant à titiller immédiatement notre curiosité sans pour autant nous fournir de véritables repères auxquels nous raccrocher. Et puis, petit à petit, les pièces du puzzle commencent à se mettre en place : on comprend qu’on a affaire à un empire qui s’est lancé il y a des années à la conquête d’un autre continent que le sien (Genabackis) et qui grignote inexorablement du terrain sur les cités libres dont le nombre ne cesse de diminuer. Parmi elles, une ville attise particulièrement la convoitise de l’impératrice malazéenne : Darujhistan, la plus grande et la plus influente de toutes. On alterne tout au long du roman entre chacun de ces deux camps, même s’il apparaît évident que la plupart des personnages ont d’autres objectifs et obéissent à d’autres forces. L’objectif de l’impératrice malazéenne et de ses représentants n’est ainsi clairement pas le même que celui des Brûleurs de Ponts, unité d’élite de l’empire envoyée en mission suicide à Darujhistan (il se trouve que leur meneur était un ancien fidèle du précédent empereur…). De même, les dirigeants de Darujhistan ne sont pas forcément ceux que l’on croit, et il apparaît évident que la guilde des assassins, les membres du Conseil, les mages ou encore la mystérieuse Anguille ne défendent pas du tout les mêmes intérêts.



On est ainsi très loin du classique face à face manichéen opposant « méchants envahisseurs » et « gentils rebelles » ! Chez Steven Erikson les choses sont bien plus compliquées que cela, et les enjeux ne cessent d’évoluer à mesure que l’intrigue avance et que de nouveaux joueurs rejoignent la partie. L’auteur parvient à maintenir le suspens tout au long des six cents pages, puisqu’on ne sait jamais si un nouvel élément ne va pas venir totalement bouleverser l’intrigue et rebattre toutes les cartes. Le procédé a le mérite de maintenir constamment le lecteur en halène, mais aussi de le faire cogiter ! On ne cesse en effet de se creuser les méninges à essayer de cerner tous les enjeux, comprendre les motivations des personnages, et surtout à tenter de prévoir le coup suivant (sans succès, bien souvent). L’exercice est très agréable mais a malheureusement aussi ses limites, chose qu’on remarque essentiellement dans le dernier quart du roman dans lequel on assiste à un véritable défilé de « gros méchants ». Les cinquante dernières pages ne se résument ainsi (presque) qu’à une succession de duels / combats opposant un ou des personnages à une puissante entité possédant des pouvoirs hors du commun. Si je n’ai d’ordinaire rien contre ce type de scènes, c’est ici leur caractère répétitif qui finit par poser problème, d’autant plus que l’affrontement a tendance à toujours finir de la même manière (retour sous une autre forme ou fuite de l’adversaire). Mis à part ce bémol, il faut avouer que le reste de l’intrigue tient extrêmement bien la route, l’auteur se plaisant à imbriquer des intrigues dans des intrigues, le tout formant finalement un seul et même motif qui n’a pas fini de se complexifier au fil des tomes.



D’ailleurs, en matière de complexité, il n’y a pas que l’intrigue qui se révèle difficile à cerner. Steven Erikson ne prend en effet que rarement la peine d’introduire les différentes espèces ou factions amenées à jouer un rôle dans son histoire. Or il y en a beaucoup ! Il ne vous suffira pas ainsi d’identifier les différents groupes appartenant à l’Empire ou à la cité libre (Brûleurs de ponts, commandement impérial, cabale, conseil, guilde…), mais aussi toutes les races et créatures évoluant dans leur sillage : Tistes Andii, T’lan Imass, Eleint, Molosse et bien d’autres. Autant dire qu’il vous faudra un petit temps d’adaptation avant d’intégrer tous ces éléments. Outre les différents protagonistes, il vous faudra aussi vous familiariser avec le système de magie mis en scène ici. Or, là encore, l’auteur s’est montré particulièrement ambitieux. La magie constitue ici un élément essentiel de l’univers malazéen, chaque camp possédant plusieurs mages capables de manipuler une ou plusieurs « garennes » (des espèces de passages qui libèrent une grosse quantité d’énergie et que les mages peuvent utiliser pour combattre, guérir, se déplacer… mais qui sont aussi dangereuses à arpenter). Les duels de magie sont ainsi assez fréquents dans ce premier tome, donnant lieu à quantité de scènes spectaculaires au cours desquels on assiste souvent à une débauche d’effets spéciaux (ce qui est bien avec les livres, c’est que le budget est illimité !). Personnellement, c’est loin d’être l’aspect de l’univers de l’auteur que je préfère, d’autant que certaines notions demeurent pour le moment bien trop floues. En revanche, j’ai énormément apprécié le panthéon élaboré par Steven Erikson qui se plaît à faire intervenir dans les affaires des mortels des divinités appartenant à différentes « hautes maisons » (sujet que, si on en croit le glossaire présent à la fin du roman, l’auteur a pour le moment à peine esquissé). Ces interférences peuvent se manifester de bien des façons selon l’humeur ou le but recherché par le dieu concerné : cela peut se faire via un objet aussi dérisoire qu’une pièce de monnaie ou une épée, ou bien de manière plus radicale par une possession. Voilà qui n’est pas sans rajouter un peu de sel aux histoires déjà bien alambiquées des mortels !



Il reste évidemment à aborder la question des personnages dont le seul nombre témoigne (une fois encore) de l’incroyable ambition de l’auteur. Si vous n’aimez pas changer régulièrement de points de vue, et si une dizaine de protagonistes suffisent à vous donner la migraine, inutile de vous dire que « Les Jardins de la Lune » n’est pas pour vous. Le dramatis personae présent en fin d’ouvrage suffit d’ailleurs à le prouver puisqu’il comprend pas moins de quatre pages pleines de personnages (et encore, c’est sans compter les dieux et les membres de leurs maisons…). Les acteurs de cette pièce sont donc très nombreux (d’où le parallèle à G. R. R. Martin) et on a dans un premier temps bien du mal à tous les identifier. Et puis on finit par cerner un peu mieux leur personnalité, on raccroche les wagons avec des informations divulguées plus tôt et on parvient finalement assez rapidement à se repérer dans toute cette foule. Certains sont évidemment bien plus développés que d’autres, et, étant donné que la plupart d’entre eux évoluent au sein d’un même groupe tout au long du récit, le lecteur a de moins en moins de mal à se repérer. Ainsi, le fait que la plupart des Brûleurs de Ponts soient par exemple relativement peu caractérisés n’empêche pas le lecteur de rapidement développer un fort sentiment d’appartenance pour l’ensemble des membres du groupe entre lesquels on sent la présence d’un véritable esprit de corps (un peu à la façon « Compagnie noire »). Même chose pour le quatuor de voleur/assassins/espion de Darujhistan qu’on prend énormément de plaisir à suivre, à commencer par le désopilant Kruppe qui possède très certainement les meilleures lignes de dialogue de ce premier tome (et le caractère le plus excentrique !). Certains protagonistes demeurent toutefois trop en retrait ou présentés de manière trop superficielle pour véritablement parvenir à s’attirer la sympathie ou l’intérêt du lecteur. C’est le cas par exemple du Seigneur de Sangdelune ou encore de l’Adjointe de l’impératrice que l’on suit pourtant de manière régulière mais qui sont loin d’avoir les scènes les plus intéressantes.



« L’ambition n’est pas un gros mot. Pissez sur les compromis. Visez le cœur. Écrivez avec vos tripes. » C’est par cette phrase que Steven Erikson conclut la préface de ce premier tome, et elle est particulièrement révélatrice du travail de l’auteur dans « Les Jardins de la Lune ». Une lecture exigeante, certes, mais qui entre-ouvre la porte d’un univers et d’une histoire comme on en a rarement vu. Inutile de vous dire que, malgré les petits détails qui ont pu me déranger ici, j’entends bien poursuivre ma lecture avec la suite de la série.
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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

Pour sacrifier à la tradition, je commencerai cette chronique par une mise en garde, qui se fait l'écho de toutes celles que vous pourrez trouver sur le net. Ce Livre des Martyrs (publié naguère sous le titre Livre Malazéen des Glorieux Défunts), n'est pas d'un abord facile. De l'aveu même de son auteur, ce qui a présidé en priorité à la conception de cette oeuvre c'est l'ambition. Et qui dit auteur ambitieux dit lecteur ambitieux. Disons le tout net, pour lire cette saga, il faut s'accrocher. Et s'accrocher ferme. On est loin ici d'un David Gemmell ou d'un David Eddings. Je respecte profondément l'excellent travail de ces deux grands auteurs, mais il faut reconnaître qu'ils ne sont pas réputés pour leur difficulté à les lire.

Ce qui rend si difficile l'approche du Livre des Martyrs c'est, paradoxalement, ce qui fait sa qualité première : la richesse. Cette série est tout simplement d'une richesse exceptionnelle. Il y a énormément de personnages de premier plan, énormément de peuples à découvrir, ainsi que de cultures, de traditions. Énormément de lieux (il s'agit d'un Empire après tout), de magie, de dieux, d'Histoire (oui, avec un grand H). Comme l'auteur nous plonge là dedans comme un maître-nageur sadique plongerait un enfant ne sachant pas nager dans le grand bain, imaginez les sensations. C'est exaltant autant que terrifiant.

Pour en revenir, par exemple, aux personnages, ceux-ci sont, dans ce premier tome, une bonne vingtaine. Et attention, je parle d'une bonne vingtaine dont l'importance varie entre primordiale et majeure. J’exagère à peine, voire pas du tout. Notez que ceux qui ont survécu à la lecture du génialissime Trône de Fer devraient avoir un gros avantage sur les autres. Parce que, là aussi, en terme de personnages centraux... Mais en fait même pas, ce serait trop simple. Chez Erikson, on n'a pas le temps de s'approprier un personnage que déjà, on passe à un autre. Alors du coup, forcément, irrévocablement, on finit par s'emmêler les pinceaux.

Heureusement toutefois, la plupart de ces personnages appartiennent à des groupes distincts dont on va suivre les aventures ce qui rend l'identification un poil plus facile. De plus, certains d'entre eux vont davantage marquer nos mémoires de par leur nom, leur fonction, leur grade, leur apparence physique, etc., voire un peu de tout ça. Le sergent Mésengeai, le capitaine Paran, le haut-poing Dujek Unbras, l'Adjointe Lorn, Loquevoile, Mes Regrets, Crokus, Toc le Jeune, qui est borgne, Kruppe, qui a de l'embonpoint, et j'en passe. Et pour finir, pour ceux qui décrocherait quand même, il y a un glossaire en fin de volume avec tous les personnages, les lieux, les titres, les groupes, les peuples, les garennes (éléments de première importance du système de magie). Ne surtout pas hésiter à s'y référer, et souvent.

À côté de ça, le talent de conteur de Steven Erikson est tellement grand, qu'on peut suivre avec un réel plaisir les aventures des uns et des autres sans y comprendre tout. Voire sans y comprendre grand chose. D'ailleurs les personnages eux-mêmes ne comprennent pas tout ce qui se passe. Mais avec un peu de patience, on découvre que tout ce qui pouvait paraître obscur devient soudain lumineux. Enfin pas loin.



D'aucuns disent que beaucoup de personnages sont froids et par conséquent, peu attachants. Je ne suis pas si sûr de partager cette opinion. Certes, Erikson ne fait rien pour créer une véritable proximité entre nous et les protagonistes du roman. Malgré tout, je suis parvenu à m'attacher à bon nombre d'entre eux. Une chose importante à noter c'est que la quasi totalité des personnages n'a rien de détestable. Ici, pas de réels vilains dont on se surprend à souhaiter la mort dans d'atroces souffrances. Je ne dis pas qu'ils sont tous gentils et qu'on est dans un monde de bisounours, pas du tout. Nous ne sommes tout simplement pas dans un monde manichéen ou tout est soit blanc soit noir. Tout est plutôt en nuances de gris. Bon, gris clair si vous voulez, mais gris quand même. Après tout, connaissons-nous vraiment des individus à l'âme d'une noirceur absolue ? J'en doute.



Même si l'exercice ne présente qu'un intérêt limité, il peut être tentant de faire un parallèle entre Le Livre des Martyrs et Le Trône de Fer. Ne serait-ce que parce qu'il s'agit de deux monuments de la fantasy, voire de la dark fantasy. Ajoutons-y Le Seigneur des Anneaux, et nous avons, me semble-t-il, le tiercé gagnant. Alors bon, nous sommes dans chaque cas soit dans un immense royaume soit dans un empire. Il y a des batailles, des complots. Même des dragons. Mais en dehors de ça, les deux œuvres sont fondamentalement différentes. Parlons de ce qui distingue Le Livre des Martyrs du Trône de Fer. Ici, il est assez peu fait mention des grandes familles nobles, voire quasiment pas. Les personnages centraux sont plutôt d'extraction assez modeste. Ce sont des soldats, des mages, des voleurs, des assassins (professionnels)... On est baignés à certains moments dans des intrigues politiques, mais sans excès. La magie est ici très, mais alors très, très importante. Primordiale. Originale aussi, à tel point qu'on ne comprend pas toujours bien comment ça marche en dehors du fait que les mages utilisent des "garennes", espèces de labyrinthes situés dans une autre dimension et qui servent aussi à se déplacer plus rapidement et plus discrètement. Même si c'est parfois plus dangereusement. Il y a d'autres différences mais je n'entrerai pas plus dans les détails. Une chose est sûre cependant, une adaptation en série TV aussi réussie que celle du Trône de Fer donnerait probablement lieu à une oeuvre audiovisuelle exceptionnelle. On peut rêver.



Du côté des parallèles qu'on peut être amenés à faire, j'ajouterais juste, outre Le Trône de Fer des oeuvres comme : La Compagnie Noire de Glenn Cook, Les Princes d'Ambre de Roger Zelazny, voire Le Cycle d'Elric de Michael Moorcock, excusez du peu.



Seul petit bémol dans ce discours dithyrambique, l'origine ludique du roman est parfois assez (trop ?) évidente. L'empire Malazéen est en effet au départ un univers de jeu de rôles. Et ça se sent. Du moins est-ce l'impression que cela m'a fait. Le nombre impressionnant de protagonistes, qui sont autant de personnages joueurs ou non joueurs et qui surgissent au milieu des scènes comme invoqués par un Maître de Jeu, fait parfois un peu artificiel. Mais on pardonne à l'auteur tellement tout ça participe à renforcer l'aspect dramatique de l'histoire.



Bon, vous l'avez compris, ce premier tome m'a juste emballé, scotché, embarqué, enflammé, enthousiasmé... Je vous fais grâce de tous les synonymes. Moi qui suis ce qu'on appelle, en bon français, plutôt un easy reader, je n'ai pas éprouvé les difficultés que je craignais en abordant cet ouvrage. Bien sûr, tout n'est pas limpide au premier abord, loin de là, mais le plaisir de lecture est total. Petits conseils : lire avec un maximum de concentration, ne jamais hésiter à consulter le glossaire, c'est important, ne pas se braquer dès que quelque chose nous échappe, car soit nous comprendrons plus tard, soit la compréhension n'est pas indispensable. Enfin, laissez vous porter par l'histoire.



À l'heure où j'écris ces lignes, trois tomes sont sortis. Les Jardins de la Lune, Les Portes de la Maison des Morts et Les Souvenirs de la Glace. Au rythme d'une parution tous les six mois, il reste encore quelque chose comme trois ans et demi pour avoir la totalité de la décalogie en français. Si tout se passe bien. Sachant comme il n'est (quand même) déjà pas simple de lire l'oeuvre dans sa traduction française, loin de moi l'idée de tenter l'expérience dans la langue originale. Tant pis, il va falloir s'armer de patience. Et prier pour ne pas avoir oublié tout ce qu'on a lu d'un semestre à l'autre.
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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

La trame de fond des Jardins de la Lune est assez classique : quelqu'un a voulu être calife à la place du calife puis étendre son empire en affrontant d'autres "états". On suit donc plusieurs personnages dans le cadre de ces affrontements. Et il y en a pas mal !!

Je ne vais pas réécrire ce que plusieurs ont déjà très bien dit ici, les personnages et les intrigues liées qui s'enchevêtrent nécessitent de bien s'accrocher à la lecture.

Il est bien plus facile d'avancer lorsqu'on a du temps pour s'y plonger qu'un peu tous les jours (j'en ai fait les frais au début). Mais j'ai choisi de me faire une petite fiche de suivi des perso, et tout est rentré dans l'ordre !

Si l'équipe de Mésangeai peut nous faire penser à la Compagnie Noire, avec ce mix de soldats avec des sorciers, pour moi les choses ne vont pas forcément plus loin notamment dans l'écriture. Sur ce point, j'ai trouvé ce roman bien plus "abordable" que la Compagnie noire (dont j'ai uniquement lu les 3 premiers tomes). Avec une préface (que je trouve un peu prétentieuse), l'auteur nous alerte sur la difficulté de lire son roman (je lis la dernière édition). Pourtant, j'ai eu le plaisir de lire d'autres sagas qui nous emmènent dès la première page dans le feu de l'action, qui ont pleins de personnages et d'intrigues (par exemple Sharakhaï).

A mon sens, il ne faut donc pas être intimidé par ce roman. Il faut juste le prendre pour ce qu'il est : un tome qui prépare le terrain. J'ai passé un très bon moment à lire ces +1000p, sachant qu'au fur et à mesure, tout ce qui parait peu clair finit par s'éclaircir et l'intrigue générale s'accélère pour notre plus grand bonheur !
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Le livre des martyrs, tome 2 : Les portes d..

Le récit est dense, je ne vais pas dire le contraire. Toutefois, la structure narrative permet de suivre le fil avec plus de sérénité. Il y a trois trames principales, qui ne sont pas forcément appelées à se rejoindre dans les moments ultimes.

La voie des mains



La voie des Mains fait partie des légendes des Sept Cités. Deux espèces de bestioles convergent vers un point qui nous est totalement mystérieux; initialement. Ce sont les D’ivers et les solipris, ces deux types de créatures – des changeurs de forme – ont diverses apparences, de l’ours (solipris – se transforme en un être) à la nuée de frelons (D’ivers – se scinde en une multitude), et peuvent s’avérer particulièrement redoutables.



L’impression d’une bande de saumons cherchant à remonter le courant, objectif lié à leur instinct primaire et la promesse d’un renouveau, s’impose à ces moments. Pour les changeurs de forme la promesse est d’une nature un peu similaire car l’Ascendance est la récompense espérée en touchant au but. Le vainqueur régnerait alors en divinité immortelle sur l’ensemble des D’ivers et Solipris….



Ah, il ne faut pas croire qu’il n y’a pas d’intelligence derrière ces bestioles.



Pendant, un bon moment – jusqu’aux derniers chapitres – cette trame semble plutôt accessoire au récit global. Ils représentent certes une menace, une entrave sur le chemin de nos courageux aventuriers, mais pour le lecteur, ils demeurent en périphérie de sa vison, jusqu’au moment au ils bondissent dans la tronche… et, là, c’est une autre histoire…

Le Tourbillon



Autre légende, ou plus exactement prophétie des Sept Cités, le Tourbillon né à Raraku (au nord-est de Sialk Oldhan sur la carte) soufflera un vent de rébellion sur le continent pour le libérer de l’envahisseur malazéen.



La première moitié du roman permet une mise en tension, il n’y a pas de réelle personnification du chef de la rébellion qui reste une figure de ralliement fantasmée pour beaucoup. Jusqu’à ce que le sort décide enfin d’une destiné, d’une femme qui sera à leur tête; et, le soulèvement s’imprègne alors d’une large touche de vengeance.



Cette trame est plus visible pour le lecteur, car le sujet est mis sur la table de manière régulière, et nous avons ceux qui vont lutter contre, ceux qui vont lutter pour rejoindre le mouvement, ce qui vont l’avoir sur le chemin, subir les dangers inhérents à la zone. Et finalement, nous apparaît sans l’air d’y toucher une question plus en profondeur sur la figure propre à incarner un mouvement de cette ampleur, sur la légitimité même d’une rébellion (oui, les malazéen ne sont pas des tortionnaires après ces longues années de paix), et sur la légitimité des exactions commises en son nom.



La Chaîne des chiens



Bien que cette trame baigne intégralement dans l’insurrection, je la dissocie de celle du Tourbillon, qui consiste à répondre aux critères d’une prophétie.



La chaine des chiens est un long périple sanglant, émouvant, prenant, qui va conduire les malazéens à traverser tout le territoire de Sept Cités depuis Hissar jusqu’à Aren. Je vous bassine régulièrement avec l’Anabase de Xénophon, mais encore une fois, une retraite de dizaine de millier de combattants en territoire ennemi, font tinter la cloche « Anabase« !



La rébellion s’est déclenchée et se déchaine (sorry pour ce vilain jeu de mot), les malazéens ne peuvent pas tenir Hissar et doivent donc rejoindre un endroit plus aisé à défendre. Le gros hic : des milliers de réfugiés à escorter…et un centaine de milliers de dissidents…



La tâche est dévolue au Poing Coltaine et ses wickiens, avec les gars de la 7° Armée. S’ensuit une épopée d’une intensité folle qui atteint un sommet remarquable et inoubliable à la fin du roman. Je ne vous cache pas que c’est rugueux, sans concession pour les âmes sensibles. Il y a de la tripe, des morts et la guerre ne revêt aucun atours romantique. C’est parfois dur à lire, vous pleurerez lors de ce crescendo émotionnel, partition de bravoure et de sacrifice. Ah! Coltaine, tu as brisé mon coeur!



Quel voyage!!!



Un beau pavé avec une illustration de Simonetti. Quelques coquilles parsèment l’ensemble, rien de grave cependant (la/le inversé, un w qui traîne tout seul). La traduction est perfectible. Il y a des phrases que j’ai du relire car, elles sont mal tournées, et un nombre incalculable de « yep« .



Quant à la question de « garenne » pour « warren », le choix me semble adéquat, surtout quand même Erikson parle de lapins et de rats en référence à ce « passage » magique.



Nonobstant, cette légère réserve, La Porte de la Maison des Morts est un incontournable de la Fantasy. Plus profond, plus travaillé que Games of Thorne, il offre une richesse, une créativité, une mythologie rarement atteinte, sauf peut-être par Tolkien. A LIRE!



critique bien plus complète sur mon blog
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Le livre des martyrs, tome 2 : Les portes d..

Après un premier tome foisonnant mais aussi un peu éprouvant, Steven Erikson poursuit sa désormais célèbre série du « Livre des martyrs », autrefois traduite sous le titre « Le livre malazéen des glorieux défunts », et dont la traduction se poursuit à un rythme impressionnant puisque les éditions Léha viennent d’en sortir le sixième opus, deux ans seulement après la parution du premier. Une suite qui n’en est pas tout à fait une puisqu’on quitte ici le continent de Genabackis pour un autre, celui des Sept-Cités. Ainsi, même si on retrouve effectivement quelques têtes connues, à l’image des Brûleurs-de-Ponts Violain et Kalam, ou encore des jeunes Crokus et Apsalar, la plupart des protagonistes de ce nouveau pan de l’histoire de l’empire malazéen nous est inconnue. Cela implique, comme dans le premier tome, de se familiariser avec un nouvel environnement, de bien cerner les rapports de force qui y sont engagés de même que l’histoire et les traditions qui lui sont attachés. « Les portes de la maison des morts » se révèle, heureusement, bien plus accessible que « Les jardins de la Lune ». D’abord parce qu’on ne repart pas non plus de zéro et qu’on commence à cerner les bases de l’univers d’Erikson, que ce soit en terme de géopolitique ou de magie (même si j’ai bien conscience qu’il reste encore énormément de choses à découvrir). Ensuite parce qu’on y retrouve certains mécanismes du premier tome, et qu’on est donc moins surpris lorsque l’intrigue bascule dans telle ou telle direction (même si l’auteur nous réserve malgré tout un grand nombre de surprises). Il faudra malgré tout vous armer de patience afin de détricoter tous les fils de l’intrigue, de même que pour passer les cent premières pages qui posent un nombre incalculable de jalons dont on peine dans un premier temps à comprendre l’intérêt. Si les différentes trames narratives finissent par effectivement se rejoindre (certaines plus rapidement que d’autres), on est d’abord saisi par la multitude de personnages et d’endroits mis en scènes, la plupart n’ayant rien en commun les uns avec les autres.



Si la situation de l’empire malazéen n’était pas particulièrement au beau fixe sur Genabackis, celle-ci se révèle encore plus explosive dans les Sept-Cités. Implantés depuis longtemps sur le territoire mais sujets à une vivre hostilité de la part des autochtones, les Malazéens se retrouvent finalement face à la révolte qu’ils craignaient depuis tant d’années. Guidés par l’oracle Sha’ik, dont le rôle avait été annoncé par une très ancienne prophétie, les « colonisés » ont donc fait le choix de l’union pour tenter de chasser les étrangers de leur territoire. Une à une, toutes les cités tombent, tandis que les malazéens, personnels dirigeants ou simples citoyens, sont implacablement massacrés. Seul le Poing Coltaine (gouverneur d’une région) est parvenu à quitter la ville avant le massacre, entraînant dans son sillage ce qu’il reste de ses troupes, ainsi que des milliers de réfugiés qui se lancent en sa compagnie sur les routes pour tenter de rallier la cité d’Aren, la seule encore aux mains de l’Empire. Harcelés continuellement sur le chemin et en nette infériorité numérique, les soldats de la 7e compagnie ainsi que les Wickiens qui accompagnent Coltaine multiplient les ruses pour escorter le plus de réfugiés possible en sécurité, le tout sous le regard de l’historien Duiker qui va nous servir de guide et de témoin tout au long de cette éprouvante traversée. En parallèle à cette histoire dont la richesse aurait parfaitement justifié de lui consacrer un roman à elle seule, on suit également le parcours de plusieurs autres protagonistes. Parmi eux un trio composé de la jeune sœur d’une noble passée au service de l’Empire, d’un ancien prêtre du dieu sanglier et d’un truand, tous trois condamnés au bagne dans les mines d’Otaral dont ils ne sont pas censés ressortir. On retrouve également un quatuor constitué du sapeur Violain, de l’assassin Kalam, ainsi que de Crokus et Apsalar, en route pour ramener la jeune femme chez elle et, au passage, tuer l’Impératrice. Enfin, l’auteur introduit un nouveau couple de protagonistes en la personne de Mappo et Icarium, étrange duo arpentant le monde depuis des siècles et qui vont se retrouver mêlés sans le vouloir aux affaires de puissances magiques qui les dépassent.



Le simple fait d’exposer le pitch de base suffit à se rendre compte de la densité du roman qui traitent d’une multitude de sujets et met en scène une quantité impressionnante de personnages. Les enjeux sont toutefois exposés bien plus clairement que dans le tome précédent si bien que, une fois tous les acteurs introduits, on se repère relativement facilement sur la scène. Certaines trames narratives restent toutefois plus passionnantes que d’autres à suivre, si bien qu’on alterne entre moments exaltants et d’une rare intensité, et petits coups de mou qui peinent à maintenir l’intérêt du lecteur éveillé. Très élevée au début, la proportion de ces moments d’ennui va toutefois en décroissant au fil du récit qui se révèle absolument captivant durant toute la seconde moitié (ce qui veut quand même dire qu’il faut accepter de passer quatre cent pages avec des hauts et des bas). L’intrigue la plus intéressante est, sans commune mesure, celle mettant en scène l’historien, Coltaine et les milliers de réfugiés qui le suivent. L’auteur nous livre ici une preuve incontestable de son talent, alternant entre scènes de batailles à couper le souffle, et moments d’intimité et de réflexion à vous briser le cœur. Tous les personnages mis en scène dans cette trame sont marquants, et les épreuves terribles qu’ils ont à endurer, de même que leurs réactions très différentes face à cette situation dramatique ne font que renforcer l’empathie du lecteur qui ne peut rester insensible face à la tragédie qui se joue. Quand bien même ce second tome est loin d’être parfait, les scènes consacrées à cette retraite désespérée constituent à elles seules un motif suffisant pour se lancer dans la lecture tant il s’agit sans aucun doute des pages les plus émouvantes et les plus mémorables qu’il m’ait été donnée de lire. Je me questionnais un peu sur la formidable réputation de la série après ma lecture du premier tome (qui m’avait laissée mi admirative, mi déçue) mais je comprends à présent sans mal pourquoi celle-ci aura marqué tant de lecteurs et suscité tant de critiques dithyrambiques.



Les autres trames narratives sont loin d’être inintéressantes, mais l’intérêt qu’on leur porte peut se révéler fluctuant en fonction des rebondissements. J’ai personnellement apprécié l’intrigue mettant en scène Félisine et ses compagnons qui ont tous leurs secrets, leurs blessures, et leurs objectifs. Le personnage de la jeune femme m’a beaucoup touchée, même si j’ai trouvé un peu gonflé de la part de l’auteur de nous la dépeindre comme une petite capricieuse mesquine et cruelle, alors même qu’il ne s’agit encore que d’une enfant et, qui plus est, qu’il lui fait endurer un marathon d’épreuves qui frise presque le sadisme dans la première partie du roman (si vous n’aimez pas voir les personnages malmenés accrochez-vous, Erikson ne fait pas dans la dentelle, même quand l’héroïne n’a que quatorze ans !). Les aventures des Brûleurs-de-Ponts m’ont dans un premier temps assez peu passionné, même si le chemin pris par Kalam est finalement parvenu à relancer mon intérêt et si le caractère bourru de Violain le rend toujours aussi attachant. Je n’ai en revanche pas du tout été convaincue par le duo Mappo/Icarium dont les aventures ne présentent, à mon sens, que peu d’intérêt mais qui parviennent malgré tout à toucher le lecteur lorsque la nature de leur étrange relation est finalement révélée. Pour ce qui est de l’intrigue en générale, elle se révèle elle aussi plus intelligible que dans le premier tome, essentiellement parce qu’elle fait un peu moins appel à une débauche de magie. Il y en a, bien sûr, et beaucoup, mais son rôle sur les événements est bien moindre que dans le premier tome dans lequel l’auteur se livrait à des duels de mages et des apparitions presque en permanence. Un mot, enfin, sur la plume de l’auteur qui se révèle être d’une richesse et d’une sensibilité incroyable lors de certaines scènes, mais qui pâtit aussi souvent d’une forte tendance à multiplier les sous-entendus et les propos sibyllins, quitte à nuire à la compréhension. J’ai également été (un peu) interpellée par certains choix de traduction, notamment le « yep » utilisé (très fréquemment) par tous les personnages et qui ne collent pas du tout avec certaines ambiances ou certains protagonistes, mais il ne s’agit là que d’un simple détail.



Steven Erikson nous offre avec ce second volume un roman d’une aussi grande richesse que le premier mais qui ne pâtit pas des mêmes défauts. Le rythme y est plus constant, les personnages mieux campés, et les enjeux exposés plus clairement. Il s’agit à nouveau d’une lecture exigeante, mais la patience et la persévérance du lecteur se verront récompensées par des scènes qui lui laisseront des souvenirs indélébiles, à commencer par le périple entrepris par ces réfugiés pour échapper à la mort. Les scènes de bataille sont splendides, les épreuves endurées par les personnages déchirantes, et c’est à la mélancolie qui nous assaille une fois la dernière page refermée qu’on prend vraiment conscience qu’on vient de lire quelque chose de vraiment exceptionnel.
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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

Salut les Babelionautes

J'ai enfin réussi a terminer ce premier tomes, mais ce fut dur.

Au début il est très difficile d'entrer dans l'Histoire, car Steven Erikson ne fait pas de cadeaux a ses lecteurs.

D'abord la multitude de personnages (Humains ou non) rend la compréhension de ce qui se joue ardue.

Mais si on s'accroche cela devient plus facile et l'on commence a se régaler en suivant les péripéties des "Brûleurs de ponts", menacés par plusieurs camp dont le leur.

Les créatures qui hantent le récit sont d'origine diverses et bien souvent on en apprend sur elle qu’après leur apparitions.

Très vite nous assistons a la prise d'une Cité Libre et a son pillage assorti d'un massacre.

Mais c'est à Darujhistan, dernière Cité Libre, que va se dérouler le plus gros de l'action.

La magie inventée par Steven Erikson est elle aussi très particulière, les Mages usent de garennes, une dimension parallèle ou ils puisent leur pouvoirs.

Mais c'est dans la description des anciennes Races, ayant existais bien avant les Humains, que l'Auteur m'a conquis.

Alors quand les Dieux entre dans l'Arène c'est l'apothéose, car ils s'affrontent au travers de certains des personnages clefs.

Bref! vous l'aurez compris, malgré la difficulté j'ai adoré ce premier tome que Steven Erikson m'a gentiment dédicacé au cours des Imaginales 2108 et j'ai sous le coude le tome deux, Acheté aux Utopiales et qu'il m'a aussi dédicacé.

Merci a Emmanuel Chastellière à qui revient le difficile Honneur d'assurer la traduction de cette décalogie et je remercie les éditions LEHA d'avoir choisi Marc Simonetti pour assurer les illustrations de couverture qui sont sublime.
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Le livre des martyrs, tome 2 : Les portes d..

Tel est pris qui croyait prendre



Malgré un titre qui est la traduction de Deadhouse Gates, second tome du cycle du Livre Malazéen des glorieux défunts, et une couverture française qui signale que ce livre est précisément cela, il ne s'agit en fait que d'une partie du tome 2 de la VO (c'est bon, vous suivez ?). Pour lire la totalité de ce dernier, il vous faudra Les portes de la maison des morts plus La chaîne des chiens, ce dernier étant fort improprement dénommé tome III du cycle par l'éditeur français alors qu'il ne s'agit en fait que du 2.5.



Je ne vais pas revenir sur les (nombreuses) particularités du cycle, si vous voulez vous rafraîchir la mémoire, je vous invite à vous reporter à la critique du tome 1. Mais entrons plutôt dans le vif du sujet (je précise qu'à partir de maintenant, si je parle de tome 2 ou 3, il s'agira de ceux de la VO, je ne compte pas adopter la numérotation de l'éditeur français : pour désigner le tome III de la VF, j'emploierai désormais l'expression tome 2.5).



- Continuité avec le tome 1 ou pas ?



Je savais que le tome 2 ne suivait pas l'intrigue principale du tome 1 (ce sera le cas des événements du tome 3, qui sont au passage supposés se dérouler simultanément par rapport à ceux du tome 2), et j'avais entendu dire qu'on ne retrouvait qu'une minorité de personnages du tome 1. Ce dernier point n'est qu'assez partiellement exact : tout compte fait, on retrouve pas mal de têtes connues : Kalam l'assassin, Crincrin (qui se fait appeler Fiddler, maintenant), Apsalar (ex-Mes Regrets), Crokus (le cambrioleur de Darujhistan), ainsi que Ben le Vif qui est souvent mentionné et surtout les deux soeurs de Ganoes Paran.



Tandis que l'une d'elles, Tavore, est devenue la nouvelle Adjointe de l'Impératrice, l'autre, Felisine, est victime des purges ordonnées par l'Empire Malazéen contre sa propre noblesse. Elle se retrouve esclave, et offre son corps à quiconque peut assurer sa survie ou un meilleur confort non seulement à elle, mais aussi à ses compagnons d'infortune. Seule la perspective d'une vengeance envers sa soeur aînée, qui a assisté sans intervenir à sa déchéance, lui permet d'endurer l'esclavage dans les mines du minerai anti-magie qu'on a déjà pu croiser dans le tome 1, la perte de sa dignité et de sa virginité. N'allez cependant pas croire que le lecteur va la prendre en sympathie : droguée, faisant collusion avec ses « bourreaux » de son plein gré, elle se révélera, même après son inévitable évasion, vicieuse, cruelle, manipulatrice et sans scrupules. C'est de la Dark Fantasy après tout.



Kalam et Fiddler sont supposés ramener Apsalar chez elle, mais on découvrira rapidement que leur véritable but est de s'en prendre à l'Impératrice pour ce qu'elle a fait aux Brûleurs de Ponts, y compris, si nécessaire, en se servant des aptitudes de l'ex-Mes Regrets (qui, bien que n'étant plus possédée par La Corde, a gardé l'écrasante majorité de ses aptitudes d'assassin et de combattante).



Une des caractéristiques les plus marquantes du cycle est le nombre faramineux de personnages, et ce tome 2 n'échappe pas à la règle : outre ces personnages que nous connaissons déjà, un grand nombre de nouveaux personnages débarquent donc. Mais globalement, j'ai trouvé cette première partie de tome 2 bien plus facile à suivre que le tome 1. Certains des petits nouveaux se révèlent passionnants, comme le sympathique mais néanmoins extrêmement redoutable duo formé par Mappo et Icarium, comme Heboric ou encore Baudin (qui a l'air d'être bien plus qu'il n'y paraît de prime abord). D'autre part, certains des personnages déjà connus prennent beaucoup d'envergure, surtout Kalam.



Enfin, au niveau du lieu de l'action, on se trouve sur le continent des Sept Cités, où on visite bien plus d'endroits que dans le tome 1. Il y a une nette dichotomie entre les lieux visités par les divers groupes de personnages, du très sec (la plupart) au très humide (les Marines, Kulp, Felisine, Baudin et Heboric). Enfin, il y a une assez nette différence entre les tomes 1 et 2 : alors que dans le premier, les destinées des divers groupes finissaient par converger au même endroit, ce n'est pas le cas dans le second, où ce serait même plutôt l'inverse. Même si on sent que ça va à nouveau s'inverser dans le tome 2.5.



- C'est la guerre ! (civile)



Comme s'il ne suffisait pas à l'Impératrice de se mettre sa propre noblesse à dos, elle nomme ou laisse en place des Poings (responsables locaux) négligents ou trop confiants dans les Sept Cités occupées, et est particulièrement passive face aux menaces de rébellion. Pire encore, une croisade religieuse est sur le point de se déclencher, et là encore, malgré des signes évidents, personne ne fait rien.



Personne ? Presque. Un nouveau Poing arrive avec ses troupes dans une des sept cités, Hissar : il s'agit du redoutable Coltaine, jadis adversaire des Malazéens qui, après la conquête de ses terres et de son peuple, est désormais devenu un de leurs généraux (ce revirement, qui peut paraître étrange, sera expliqué très logiquement à la fin du livre). Alors que l'ambiance générale est fortement arabisante dans ce tome, un grand nombre de tribus ou peuples, dont celui de Coltaine (les Wickans), évoquent, eux, clairement les indiens d'Amérique.



Coltaine entraîne les troupes Malazéennes locales à la contre-insurrection, au combat de rue et surtout à guider des colonnes de réfugiés lourdement chargés. La suite des événements montrera à quel point ce programme d'entraînement sera visionnaire. Lorsque l'inévitable insurrection, doublée d'une croisade religieuse féroce, se déclenche (en partie à cause de Kalam, d'ailleurs), il le seul gouverneur à entamer une retraite en bon ordre, malgré le fait qu'il soit opposé à des forces écrasantes et fanatisées à l'extrême. Mieux encore, dans la longue retraite (2500 Km) vers des villes restées sous contrôle impérial, plus tard connue sous le nom de Chaîne des chiens (qui donne son nom au tome 2.5 = III de l'édition française), il réussit l'exploit de transformer ce qui ressemble de prime abord à une fuite désespérée en une suite d'embuscades plus meurtrières (pour les insurgés !) les unes que les autres, dans une version suprêmement habile de « tel est pris qui croyait prendre ». Outre les talents stratégiques du général, la très grande qualité de ses troupes tribales de cavalerie y est bien entendu pour quelque chose. Et les dits talents ne s'étendent pas seulement aux tactiques tribales traditionnelles de son peuple : la bataille finale montrera aussi une maîtrise remarquable des techniques de génie militaire les plus avancées de cet univers.



La situation politique est en fait bien plus complexe qu'elle n'en a l'air : il y a des « collaborateurs » chez les natifs de Sept Cités (les Épées Rouges) et des traîtres chez les Malazéens (un des Poings déserte, massacrant une moitié de sa Légion tandis que l'autre abandonne son uniforme et se constitue en une compagnie mercenaire connue sous le nom de Légion du Tourbillon – du nom de la guerre sainte en cours-). de même, les loyautés de Kalam, sans être fluctuantes, sont complexes : bien que Brûleur de Ponts (donc déserteur) et prenant une part décisive dans le déclenchement du Tourbillon, il est aussi préoccupé par le sort des soldats Malazéens et n'hésite pas à tuer tous les croisés qu'il rencontre. Signalons d'ailleurs que les combats sont bien plus longs et mieux décrits que dans le tome 1, un point très positif à mon sens.



Dans le genre « tel est pris qui croyait prendre », Felisine va également faire les frais de sa sous-estimation systématique de la force de caractère des hommes qui l'entourent, et qu'elle croit manipuler à sa guise en usant de ses charmes adolescents. C'est particulièrement visible à partir du moment où le trio arrive sur la plage, où elle se fait damer le pion par un de ses compagnons d'infortune, Baudin, puis par les soldats dont ils croisent la route, et qui sont bien trop expérimentés pour se faire avoir par une telle jouvencelle.



- C'est magique



Le tome 1 était déjà bourré de magie surpuissante et à grand spectacle, mais clairement, dans ce tome 2, on passe encore un cran au-dessus. Si, si, c'est possible. Entre un tout nouveau Labyrinthe, des révélations fracassantes sur le Labyrinthe Jaghut, Heboric et ses tatouages et moignons très particuliers, la super-tempête du Tourbillon, le Mage Fou qui poursuit Kulp, la mort d'un Ascendant, les prêtres-envoûteurs Semks qui canalisent la rage de leur dieu au péril de leur vie, la nécromancie et les esprits de la terre des Wickans (sans compter leurs sorciers réincarnés dans des corps d'enfants…), il y a de quoi faire.



Mais le point le plus marquant en matière de magie est certainement l'introduction de deux races de change-formes, en clair des Lycanthropes très, très particuliers. En clair, la loi de conservation de la masse, c'est pour les fillettes, pourquoi se transformer en un léopard quand un seul change-forme peut en devenir huit ? Pourquoi devenir un ours lorsqu'on peut prendre la forme d'un scolopendre de la taille d'un dragon ? Bref, on est sur du Garou de très, très haut niveau là.



Le minerai anti-magie, l'Otataral, a une place très importante dans l'intrigue, et est en rapport avec un épais mystère entourant Heboric.



- Ambiance, Difficulté de lecture



Si vous avez lu le tome 1 (ou ma critique à son sujet), vous ne serez pas surpris du fait que dès le début, l'auteur ne vous mâche pas le travail en vous présentant le nouveau décor de l'action : il se comporte en fait comme si vous saviez déjà tout, vous déballant des noms de lieux, peuples, langues, etc. Cela contribue, pour moi, à renforcer l'image d'un univers si vaste, ancien et riche que vous, pauvre lecteur, n'en prendrez la mesure qu'au bout d'une longue lecture de l'ensemble du cycle et qu'après de réels efforts.



L'ambiance arabisante, d'autre part, ne plaira peut-être pas à tout le monde. Personnellement, j'adore, et je suis toujours ravi de voir un roman qui laisse la part belle à ce genre d'univers. La fuite (pas si) désespérée des réfugiés Malazéens, escortés par les Wickans et les Épées Rouges (plus ce qui reste de troupes impériales) est vraiment très bien décrite et se révèle très intéressante. Mention spéciale pour finir à une longue bataille finale, criante de vérité, et qui conclut de façon très habile cette première partie du tome 2 de la VO.



- En conclusion



J'avais trouvé le tome 1 fascinant mais exigeant, et j'avais vraiment aimé. J'ai adoré cette première partie de tome 2 : plus facile à suivre, avec un rythme plus constant que le tome 1 , plus riche en scènes d'action, avec de nouveaux personnages flamboyants comme Coltaine et des personnages connus qui prennent de l'envergure (comme Kalam), ce livre est une complète réussite.



Retrouvez une version un peu plus détaillée de cette critique sur mon blog.
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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

Premier abandon de 2022. Enfin plutôt, premier livre que je mets de côté. Je ne veux pas que ce soit une déception !



L'auteur le dit lui-même, son roman n'est pas à mettre entre toutes les mains. Ce dernier ne veut pas permettre au plus grand nombre de le lire en s'adaptant à eux. Il veut écrire comme bon lui semble, même si ça doit fermer l'accessibilité à un large public. 



On trouve beaucoup de personnages dans des lieux différents. C'est parfois dur de savoir où nous sommes et ce qu'il s'est déjà passé avec eux (ce n'est pas toujours très délimité.).



On a des descriptions multiples : lieux, personnages, magie, peuples, trahisons etc mais tellement condensés que - personnellement - je n'arrive pas à tout retenir. 



De plus, je n'ai pas toujours compris pourquoi tel fait arrivait a tel moment. J'ai eu l'impression que l'auteur pensait qu'on le savait d'avance.



Tout ça, ce sont les mauvais côtés. Mais sincèrement, le travail fourni par l'auteur et par le traducteur est énorme ! Tous les bons et mauvais côtés des humains sont présents. Je verrais bien les romans en série TV !



Nous avons un empire qui veut toujours s'étendre à l'infini, en soumettant les habitants. Mais aussi Loquevoile la cadre de mages, une pêcheuse possédée par un pouvoir terrifiant, une impératrice qui ayant tué l'ancien empereur, les brûleurs de ponts...



Il est vrai que je ne peux pas dire grand-chose de plus, car je ne l'ai pas terminé.



Désolé !
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Le Livre des Martyrs, tome 3 : Les Souvenir..

La première chose qui frappe une fois la lecture de ce tome achevée, c'est son incroyable densité ! J'ai, en fait, presque l'impression d'avoir lu plusieurs livres, le nombre de thèmes, d'arcs narratifs (et leur ampleur) étant assez ahurissant.



Dès le prologue, on comprend qu'avec ce volume, Erikson semble vouloir lever une partie du voile reposant sur les zones d'ombres de son cycle, mais aussi sur son envergure démesurée. Les premiers chapitres des Jardins de la Lune couvraient une période de 10 ans. Ici, c'est 300 000 ans !



Cette envergure pourrait effrayer, pourtant, bien au contraire, tout le début des Souvenirs de la Glace va en partie se concentrer sur le fait d'expliciter les enjeux du récit global et de son univers (les garennes, l'ascendance, les maisons Azath, cela principalement via Paran et Renarde Argentée). À mon sens, c'est en réalité le tome le plus limpide depuis le début du cycle, et qui clarifie même bien des points obscurs des 2 livres précédents.



D'ailleurs, un léger bémol à ce niveau (qui ne concerne fort heureusement que de rares cas) : le parti pris d'Erikson (de plonger le lecteur dans des scènes parfois uniquement compréhensibles rétrospectivement) montre parfois ses limites dans certaines de ces révélations, ou plutôt leurs mises en scène.

En effet, certaines des révélations (du fait de leur complexité) se limitent parfois à un simple dialogue d'exposition « pourquoi, comment » entre 2 personnages.

J'ai tendance à préférer quand ce type de révélation est directement imbriqué dans récit, de manière organique, dans l'action. Ou alors quand Erikson parvient à nous faire reconstituer le puzzle par nous-même, sans qu'un dialogue explicite clairement quoi que ce soit. C'est heureusement le cas, la plupart du temps.



C'est ensuite un réel plaisir de retrouver les Brûleurs de Ponts et leurs antagonistes du premier tome, désormais alliés. Je suis en général bon client des histoires d'ennemis qui se retrouvent forcés à faire alliance, du fait des circonstances, et celle-ci est particulièrement bien menée.

Cette rencontre forcée entre les deux camps va donner lieu à une succession de scènes mémorables (que ce soit par leur tension, la justesse des relations et interactions, voir l'humour de certaines situations), le tout admirablement bien servi par le casting quatre étoile mis en place par Erikson (réunir sous une tente des personnages tels qu'Anomander Rake, Mésangeais, Dujek, Caladan Rumin, Ben le Vif, Kallor, Kruppe, Renarde argentée, et bien d'autres, crée nécessairement un cocktail détonnant).



Surtout, cela va permettre à Erikson de déployer une histoire aux multiples arcs et thèmes, qui m'ont pour le plupart pris aux tripes à un moment ou un autre.



Car, les Souvenirs de la Glace, a été, me concernant, un tourbillon d'émotion.



C'est toujours aussi décomplexé, donc on passe du rire à l'horreur pure, de la poésie et des considérations historico-philosophique (le passé et le point de vue d'archéologue de l'auteur sont, selon moi, une des grandes forces de la saga) aux scènes grivoises ou directement sorties de la fantasy bad ass la plus régressive et jouissive.



Et encore une fois, la densité et la richesse de livre sont saisissantes !



Il n'y a quasiment aucun manichéisme dans cette histoire (à l'exception de quelques crevures ou fanatiques que l'on va adorer détester). Que ce soit du côtés des « bons » ou de leurs opposants, Erikson construit constamment des personnages complexes. Les plus admirables ne sont pas exempt de défauts, de parts d'ombres, ou d'actes discutables (voir pire). Leurs antagonistes ont des mobiles qui demeurent généralement compréhensibles, une histoire nous permettant de saisir leur personnalité et actions, ou bénéficient au moins d'une scène qui nuance notre jugement.



D'ailleurs, maintenant que la menace de la saga est enfin révélée, je dois dire que je la trouve vraiment brillante. Ce n'est, ni plus ni moins, que la brutalité, le chaos et l'horreur de l'existence que nos héros doivent affronter.

À ce niveau, les Tenescowris (l'armée de paysans fanatiques et affamés du Pannion) en est sans doute l‘image la plus sidérante, offrant au livre ses moment les plus cauchemardesques et horriblement stupéfiants (comment stopper une armée issue de la misère et de la famine).



J'adore les idées développées au sujet des dieux et de l'ascendance : où les croyances sont plus ou moins les mêmes depuis l'aube des temps, évoluant quelque peu ou ressurgissant au gré des êtres (souvent des mortels devenant des mythes) qui prennent possession de leurs trônes et deviennent des dieux (encore une fois, je pense que le point de vue de l'archéologue n'est pas étranger à la richesse de cette symbolique).



Le livre paraît vouloir dresser le portrait sans concession de ce qu'il y a de pire, mais aussi de meilleur dans l'existence humaine (même s'il faut avouer que le premier aspect surnage quelque peu par rapport au second). Opposés aux horreurs du Pannion, nous avons droit à de superbe récit d'amitié et d'humanité, à de magnifiques histoires d'amours et à des actes d'une incroyable noblesse.



Erikson excelle une nouvelle fois à conférer un souffle épique à ses scènes d'action. La siège de Capustan me restera longtemps en mémoire. J'ai rarement lu une bataille arrivant à ce point à me faire ressentir le sentiment d'horreur absolu, d'apocalypse, de chaos de fureur et de sang d'un champ de bataille. Où même les actes de courage sont empreints de barbarie.

Cela m'amène d'ailleurs à deux grosses réussites du roman : Grognard (un personnage d'emblée mythique à mes yeux, qui personnifie toute l'ambivalence de la guerre ) et les épées grises. Je ne pensais qu'Erikson arriverait à m'intéresser autant à ce groupe de mercenaires. La palme revenant sans hésitation à Itkovian, dont le portrait et le récit sont à mes yeux incroyablement beaux et touchants (l'une des histoires les plus fortes de ce tome).



La bataille de Capustan aurait d'ailleurs pu être le final du roman (on est à bout de souffle lorsqu'elle s'achève) et pourtant Erikson choisit de continuer, amenant son histoire dans des directions étonnantes. Certains pourront y voir un ventre mou, pour moi, cette partie et ce qui s'y passe prend tout son sens rétrospectivement, une fois que l'on a pris en pleine gueule l'uppercut des 100 dernières pages !



Car le final est dantesque, mais aussi et surtout dantesque émotionnellement !



Et avec tout ça, je n'ai même pas réussi à évoquer la mémorable apparition des terribles K'Chain Che Malle, Dame Envie et ses incroyables Segulehs, le récit de la naissance de Brûleurs de Ponts, les T'lan Imass qui passent de la typique armée de morts vivants à un peuple dont l'histoire est terriblement tragique, de la mhybe (cette mère qui doit accepter de se laisser dévorer par son enfant, et qui trouve un parallèle, une opposition thématique étonnante avec l'histoire de la matriarche K'Chain Che Male, mère à l'amour abusif et destructeur (physiquement et psychologiquement)), le dilemme de Caladan Rumin, le portrait des Tiste Andii et de Rake qui gagne en profondeur (êtres à la recherche d'idéaux illusoires afin de supporter leur existence sans fin), des dieux barghast ou de l'incroyable combat de Gogues pour être accepté par les clans, et j'en passe. Un livre énorme à tous les niveaux !



Pour le moment le livre ne me sort pas de la tête. Certains personnages sont entrés dans mon panthéons personnel des personnages cultes de la pop culture, même chose pour nombre de scènes marquantes.



Et cet épilogue désenchanté et mélancolique…



Brûleurs de Ponts, premiers entrés, derniers sortis ! Et dire que ce n'est que le troisième livre du cycle !
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Le livre des martyrs, tome 2 : Les portes d..

En résumé : J’ai passé un excellent moment de lecture avec le second tome de ce cycle qui ne manque pas de m’avoir captivé, se révélant prenant du début à la fin avec de nombreux rebondissements et de nombreuses surprises. On découvre ici de nouveaux fils d’intrigues et sous-intrigues, qui viennent densifier celle du premier tome de façon très intéressante. Le récit, au fil des pages, continue à se densifier, se complexifier. Comme dans le premier tome on a toujours cette impression d’être « balancé » dans cet univers, ce qui donne ainsi l’impression au lecteur de devoir s’investir, de devoir mettre les pièces d’un puzzle en place. Cela en dérangera peut-être certains, mais pour ma part je trouve cette façon de faire efficace si c’est bien fait, ce qui est le cas ici. L’univers continue à s’enrichir avec ce second tome, que ce soit dans la découverte de nouveaux lieux, de nouveaux pouvoirs qui veulent profiter des évènements et d’autres points encore. J’ai à nouveau plonger avec plaisir dans cette toile de fond vivante et soignée, donnant envie d’en apprendre plus. Les personnages ne sont pas non plus en reste, offrant des héros complexes, humains, soignés et entraînants. Chaque protagoniste arrive à trouver sa propre voix, sa propre motivation et même si certains donnent envie de le secouer, on les comprend pour autant dans leurs constructions. Mon seul regret vient peut-être de quelques petites longueurs que j’ai ressenti, principalement dans la partie sur Sha’ik reposant sur une révélation prévisible, mais franchement au vu de la taille de l’oeuvre, de sa richesse et du travail qui est proposé, c’est négligeable. Concernant le final, je dois bien admettre qu’il s’avère épique, flamboyant et que j’ai eu du mal à le lâcher jusqu’au bout. La plume de l’auteur est simple, maîtrisée et percutante et je lirai la suite sans soucis. A noter, concernant l’édition, qu’une relecture supplémentaire aurait été un plus, que ce soit devant l’accumulation de l’expression Yep ou encore certaines phrases mal construites.





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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

En Résumé : Cela faisait longtemps que je souhaitais me lancer dans la lecture de ce cycle, c’est maintenant chose faite, profitant de la nouvelle édition de ce premier tome. Je dois bien admettre que j’ai passé un excellent moment de lecture qui offre une Fantasy sombre, épique, fascinant et percutante. La construction de ce récit pourra en déranger certains, l’auteur nous balançant dans un univers sans obligatoirement nous donner toutes les clés d’un coup, poussant ainsi d’une certaine façon le lecteur à en découvrir plus pour en apprendre plus, mais pour ma part j’ai adoré cette façon de faire. Concernant l’univers il s’avère clairement dense, soigné, sauvage et que ce soit dans son aspect politique, magique, féérique et autre il m’a paru complexe et captivant. On sent que l’auteur le travaille depuis des années, présente une cohérence dans son ensemble et offrant par la même occasion une sorte de dépaysement, d’envie d’en découvrir plus tant il paraît vaste et possède encore de nombreux secrets. L’intrigue qui est construite à travers les nombreuses manipulations et les nombreux fils rouges est prenante et efficace, nerveuse dès le premier chapitre tout en arrivant à monter en tension au fil des pages sans jamais paraitre trop en faire. J’ai bien ressenti une impression de trop vouloir en faire vers le milieu tirant un peu sur l’intrigue, mais rien de bloquant. Les personnages sont complexes, humains, intéressants à découvrir et même si certains prennent le « dessus » sur d’autres ils m’ont tous paru intéressants et je ne doute pas qu’ils ont encore de nombreux secrets à dévoiler. Je regretterai peut-être le fait que l’auteur ait parfois eu un peu de mal à offrir une voix propre à chacun d’entre eux, mais je chipote un peu. Au final un premier tome plus que réussi et fascinant, bien porté par une plume efficace, riche et vivante. Je lirai la suite sans soucis et avec plaisir.





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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

Je me suis lancée avec appréhension dans ce tome 1 du Livre des martyrs. Après avoir lu et adoré le premier tome du préquel, La complainte de Danseur, il était temps pour moi de goûter à cette énorme saga. L’auteur le dit lui-même dans son prologue: si au tiers du roman, le lecteur n’accroche pas, il doit abandonner. Il faut dire que Steven Erikson ne nous facilite pas le travail. Il nous plonge en effet in medias res et laisse son lecteur se dépatouiller.



J’ai eu du mal à saisir l’intrigue au départ car les informations nous arrivent les unes après les autres sans vraiment d’explication. Les personnages sont nombreux et sont tantôt appelés par leur nom, tantôt par leur surnom, tantôt par leur fonction. Ce n’est pas évident de s’y retrouver. Pourtant, j’ai franchi le premier tiers, je me suis accrochée et au final, j’ai adoré cette lecture.



On y parle d’une troupe d’élite qui va chercher à semer la zizanie dans le camp ennemi. On y parle de forces obscures qui sont réveillées alors qu’elles devraient se taire à jamais. On y parle de dieux qui interfèrent avec les humains et qui font d’eux leurs pantins. Steven Erikson a su construire un univers unique où rien n’est laissé au hasard. Il faut se accepter de se laisser embarquer dans les méandres de ces intrigues multiples qui s’entrecroisent. Il faut aussi accepter aussi parfois de ne pas tout comprendre. Les chose se mettront en place au fur et à mesure.



J’ai aimé le rythme de l’intrigue, les personnages, le style de l’auteur. Ce premier tome est épique et savoureux. Alors oui, il faut s’accrocher et persévérer. Ce n’est pas de la fantasy facile d’accès mais Steven Erikson a su me conquérir avec ce premier tome d’une richesse incroyable!



Le premier tome du « Livre des martyrs » annonce une sage épique mythique!
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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

Un énorme coup de coeur, voilà c'est dit !



À l'occasion de la sortie du dernier tome du cycle Malazéen en décembre dernier, j'ai décidé de reprendre depuis le début cette saga. C'est donc une relecture pour moi (je m'étais arrêtée au tome 5), mais ne laissant pas d'avis à l'époque sur mes lectures, je rectifie maintenant le tir.



Alors oui, ce roman demande beaucoup de soi pour en apprécier toutes les nuances, toutes les saveurs. Oui, c'est un roman exigeant qu'il convient de lire sans trop de pause entre ses lectures au risque de perdre complètement le fil de l'histoire...



Mais quelle histoire !



Je salue le génie de Steven Erikson pour avoir imaginé une telle fresque qui ne se dévoile qu'au fur et à mesure du récit et des différents tomes.

C'est un monde extrêmement riche auquel nous convie l'auteur. Il est fouillé, détaillé mais sans que ce ne soit ennuyeux. J'y étais dans cet empire, à Pale, à Darujhistan auprès des très nombreux personnages qui façonnent l'intrigue.



Je les ai d'ailleurs tous adorés car le tour de force de Steven Erikson est de nous offrir toute une palette de personnages aussi originaux que différents les uns des autres: Kruppe l'excentrique dont on ne sait pas grand chose, mais aux dialogues et attitudes souvent drôles, toute l'escouade des brûleurs de Ponts avec leur esprit de camaraderie inconditionnel, même l'Adjointe Lorn a su m'émouvoir car au final, tous ces personnages agissent selon ce qui leur semble juste. Il n'y a rien de manichéen et c'est ce que j'ai vraiment apprécié.



Un petit mot également pour la magnifique couverture de Marc Simonetti qui reflète parfaitement ce premier tome.



Je pourrais en dire encore des tonnes, tellement il y a à dire et à savourer dans cette saga. Je finirais seulement en vous disant : "Si jamais vous trouviez l'abord trop difficile et compliqué, accrochez-vous ! Laissez-vous porter par la plume de l'auteur car le jeu en vaut la chandelle."
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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

"Les jardins de la Lune" est un roman de fantasy très dense, exigeant, compliqué à lire sur sa première moitié en plus de faire 1000 pages et d'être écrit petit. De mon point de vue il est réservé aux lecteurs qui ont vraiment l'habitude de lire de la fantasy, il n'est pas fait pour les néophytes ou même les impatients qui veulent lire vite car ici on doit prendre son temps, aller au glossaire de fin d'ouvrage à maintes reprises pour "essayer" de s'y retrouver dans les personnages (qui sont nombreux), les différents genres (humains, non humains, dieux anciens...), mais aussi les différents camps où les diverses factions et sociétés secrètes (armées, sorciers, guildes d'assassins...) et ce sans compter sur les arcanes et tarots utilisés par les sorciers.

Imaginez vous que la saga des "Archives de Roshar" de Brandon Sanderson c'est très très facile à lire à côté des "Jardins de la Lune".



Mon début de lecture a été compliqué mais je me suis accroché et j'ai pris énormément mon temps, ce n'est qu'après au moins 400 pages que je me suis (un peu plus) habitué à ces exigences et que ce fut plus agréable, il y a eu des moments de désarroi dans ma lecture mais aussi des moments passionnants.

Certains personnages sont inoubliables, d'autres m'ont laissé de marbre ou encore m'ont laissé un sentiment partagé.

Dans cette histoire il y a de l'action, d'ailleurs on est en plein dedans dès les premiers chapitres, mais aussi beaucoup d'intrigues politiques et militaires, de magie épique, de voyages, de complots, de trahisons, de corruption, de guerre, de boue et de sang.



En effet la violence est omniprésente, ne vous attendez pas à de beaux paysages et de gentilles princesses, c'est très sombre et emplis de viles personnages.

Je classerai ce premier tome du Livre des martyrs entre la "Dark Fantasy" et "L'épique".



J'ai au final bien aimé ma lecture mais j'ai tout de même trouvé ce premier tome trop exigeant pour me donner envie de me lancer dans la suite, pourtant c'est un très bon livre, mais si on s'attaque à la saga dans son ensemble (10 tomes au total, tous aussi vastes et épais que celui-ci, voir plus dense encore), je pense que l'on ne lit plus que ça et que plus rien n'existe autour pour un moment (à moins de mettre dix ans à tout lire) et c'est donc la raison pour laquelle je ne continuerai pas vers les autres tomes. C'est dommage car avec plus de simplicité ou de fluidité j'aurai poursuivi.
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Le livre des martyrs, tome 7 : Le souffle d..

Retour dans la monstrueuse épopée d’Erikson :ce volume ,le septième, se déroule dans l’Empire de Lether (voir le tome 5 Les marées de Minuit) dont on raconte la chute à laquelle concourent , entre autres l’armée des Osseleurs ( tome 6) mais aussi de nombreux autres personnages rencontrés dans les tomes précédents (dont les fameux « Brûleurs de ponts » . A part cela ,on ne résume pas une un roman de 1050 pages , avec150 personnages (à une vache près) dans un monde où les entités divines grouillent comme les asticots sur un âne mort : divinités anciennes , nouvelles, futures, demi-dieux , immortels en tous genres et aussi des hommes et des femmes dans toute la palette de l’humanité de l’abject au sublime . Erikson utilise tous les registres , épique ,lyrique, dramatique , farcesque . Je conçois que cela puisse dérouter un lecteur timide ou réfractaire à l’imaginaire mais , moi, j’adore . Chic , il y a encore trois volumes à venir !
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Le Livre des Martyrs, tome 1 : Les Jardins ..

Je viens de le terminer... Mais ai je bien tout compris? Je n'en suis pas sûr...

C'est indéniablement prenant. Mais il faut accepter de lâcher prise et de se laisser porter sans forcément tout comprendre.



Pour avoir lu plusieurs critiques avant de me lancer, j'étais prévenu. C'est dense. Très dense. A la limite du trop dense.

Toute la difficulté de compréhension vient du fait que nous prenons "le train en marche". Les implications entre les différentes factions, et les différents personnages, parfois au sein de la même faction, sont exposées sans que l'on sache comment ces relations ont pris leur forme actuelle.

Pourtant l'auteur nous prévient dans sa préface. Nous allons être jetés dans le grand bain et il va falloir apprendre à nager assez vite pour ne pas couler.



Fort heureusement, l'histoire qui nous est racontée est prenante. Et le fait de ne pas tout comprendre tout de suite m'a poussé à tourner les pages pour en savoir plus et mieux comprendre les tenants et aboutissants.

J'ai presque réussi.... Mais sans doute pas complètement d'où mon interrogation du début.

En tous cas, ça donne envie de lire la suite, ça c'est sûr.
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Le Livre des Martyrs, tome 3 : Les Souvenir..

Voilà le monstre épique de Steven Erikson, un récit long, dense et d'une extrême richesse. Une lecture intense et mémorable.



Nous sommes de retour sur le continent de Genabackis et l'action se déroule en parallèle de celle du deuxième tome. Les personnages du premier livre reviennent, et bien des nouveaux font leur apparition. Un vrai défilé de héros, de dieux, d'aspirants dieux et de bien d'autres créatures qui vont, chacun, évoluer de la plus intéressante des manières sous la plume de Steven Erikson.

Une plume que j'ai trouvée fantastique, grâce aussi à un très bon boulot de la traduction. L'auteur va arriver à distiller un humour qui fonctionne à côté de moments épiques, de réflexions philosophiques, de sublimes passages spirituels ou encore de l'horreur la plus terrible.



Nous retrouvons les boss des Brûleurs de Ponts, Dujek Unbras et Mésangeai. Ils vont s'allier à Anomander Rake et Caladan Rumin, ainsi qu'a d'autres peuples : Barghasts, Rhivis, Irréguliers de Mott... pour contrer une menace commune. Une menace qui a pour nom le Domin de Pannion, une armée de fanatiques mystérieuse et terrible, puisqu'elle compte dans ses rangs les paysans asservis et affamés qui sont transformés en cannibales.

Un autre ennemi s'immisce peu à peu dans ce conflit par l'intermédiaire des garennes. Un poison que rien n'arrête, une force très ancienne.



Dans ce récit, passé et présent se rejoignent, mais personne n'est capable de prédire l'avenir. Les anciens peuples ressurgissent, les dieux oubliés se cachent. Certaines divinités tombent en disgrâce, d'autres émergent et c'est grâce à une fantastique mythologie que l'auteur déroule un récit d'une profondeur et d'une complexité qui font de ce livre un chef d’œuvre !

Les implications sont nombreuses, à travers ce roman, mais aussi par rapport aux précédents, ce qui accentue le sentiment de monstre épique que l'on est en train de dévorer...



Impossible de résumer la chose en quelques lignes, je peux citer les facéties de Piocheuse et Mêle, les Brûleuses de Ponts, ainsi que les parties de jambes en l'air de Hetan (pauvres hommes...) pour les nombreux sourires que j'en ai tirés. Je peux également parler des capacités hors normes de Ben le Vif, qui se révèle enfin dans ce tome. Ou encore le tragique destin des T'lan Imass, histoire monumentale aux nombreux événements qui semble ne jamais prendre fin.

Mais ce sont surtout les aventures d'Itkovian et de la Mhybe qui m'ont le plus marquées.

La compassion sans faille du Bouclier-Enclume est bouleversante, tellement bien racontée et profondément spirituelle. Le destin de la Mhybe est terrifiant, et trouve une conclusion elle aussi très profonde qui montre qu'Erikson a énormément travaillé son histoire pour en arriver à un tel résultat d'interactions entre ses personnages.



Une chose, une seule m'a déplu :



Les autres personnages sont fantastiques, ils ont tous un énorme intérêt, à l'instar des Seguleh, dont j'espère en savoir plus dans les prochains tomes.

Le traitement de Grognard est superbe, sa transformation singulière et sa psychologie en font un personnage attachant. Et que dire de Kruppe ? Rien qu'à le mentionner j'ai envie de me marrer, mais aussi de l'admirer et surtout de me poser pleins de questions...



Beaucoup de choses nous sont ici révélées et c'est parfois difficile de faire tous les rapprochements. Mais le plaisir est bien là, un plaisir qui prend différentes formes.

Si les garennes, les anciens peuples et le rôle de Paran sont plus développés dans ce tome, de nombreuses choses restent encore à découvrir à leur sujet. Steven Erikson a encore beaucoup à raconter...

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