LIllusionniste (The Illusionist), film américain historique fantaisiste de Neil Burger, sorti en salles en 2006.
Mais c'est la précisément la question, car qu'est-ce que le génie, je vous le demande sinon une capacité d'être obsédé ? Tout enfant normal a cette capacité ; nous avons tous été des génies, vous et moi ; mais on nous abrutit tôt ou tard, on élimine notre génie, on en fane la gloire, et arrivés à l'âge de sept ans la plupart d'entre nous ne sont plus que de tristes épaves adultes. De sorte que le génie, pour être exact, c'est de rester capable d'être obsédé.
Mais c'est la précisément la question, car qu'est-ce que le génie, je vous le demande sinon une capacité d'être obsédé ? Tout enfant normal a cette capacité ; nous avons tous été des génies, vous et moi ; mais on nous abrutit tôt ou tard, on élimine notre génie, on en fane la gloire, et arrivés à l'âge de sept ans la plupart d'entre nous ne sont plus que de tristes épaves adultes. De sorte que le génie, pour être exact, c'est de rester capable d'être obsédé.
Je lève les yeux là-haut où les vastes espaces fendent l'âme comme le fer d'une hache, j'adresse mes adieux aux cieux plein de murmures, ces rue inaccessibles, puis je laisse tomber mon regard vers le bas, vers la terre qui s'élève, vers le lieu du sordide, l'humaine turbulence.
Edwin (…) poursuivit en prétendant (si j'interprète correctement ses remarques bredouillées) que le concept même de biographie est désespérement romanesque, car à la différence de la vie réelle, pleine de point d'interrogation, de passages censurés, d'espaces blancs, de rangées d'astérisques, de paragraphes sautés, et de séries innombrables de points de suspension se perdant dans le silence, la biographie procure une illusion de totalité, un vaste échafaudage de détails organisé par un biographe omniscient dont les aveux occasionnels d'ignorance ou d'incertitude ne nous trompent pas plus que les protestations polies d'une maîtresse de maison nous assurant, au sixième plat d'un luxueux banquet, que non, vraiment, elle ne s'est donnée aucun mal.
Au commencement était le silence, matrice de toute parole à laquelle toute parole aspire, mère de toute parole : le souffle de ma vie. Quand et comment le premier mot en a jailli jusqu'ici, c'est ce que je ne saurai jamais, et pourquoi non plus. Cela a-t-il une importance quelconque ? Peut-être le son n'est-il qu'un acte de folie du silence, un bégaiement dément de l'espace vide ayant pris peur de s'écouter soi-même et de ne rien entendre. Ainsi sommes-nous tous fous. Ou peut-être sommes-nous le silence parlant dans son sommeil, peut-être sommes-nous un long cauchemar du silence se débattant en plein tourment sur son lit de plume.
incipit :
Edwin Abraham Mullhouse, dont la mort tragique, le 1er août 1954 à 1h06 du matin, a privé l'Amérique du plus doué de ses écrivains, était né le 1er août 1943 à 1h06 du matin dans la sombre ville de Newfield, Connecticut. Le Dr Abraham Mullhouse, après avoir été lontemps moniteur d'anglais au City College de New York, était arrivé à Newfield College comme maître assistant en septembre 1942. Il avait, en juillet de la même année, emménagé dans une modeste maison d'un étage avec sa femme Helen, née Rosoff. Karen, leur deuxième enfant, devait naître en mars 1947 ; et ainsi de suite. C'est à peu près là qu'Edwin aurait jeté le livre, ou bien, de bonne humeur, se serait contenté de relever la tête le sourcil un peu froncé et de dire : "S'il y a une chose qui ne m'intéresse pas, ce sont bien les faits. Prends note, Jeffrey." Jeffrey Cartwright est mon nom.
Peut-être l'excès même de ces affirmations amplement fondées aurait-il dû nous alerter, car si un art vient pour de bon d'atteindre sa plus riche expression, il est alors permis de se demander si l'élan qui l'a entraîné dans la direction de sa pleine réussite n'est pas de nature à l'entraîner aussi au-delà de ses limites légitimes.
C'est ainsi qu'il est possible de se demander si la forme la plus accomplie de tout art ne contient pas les éléments de sa propre destruction - si la décadence, pour dire les choses simplement, loin d'être le contraire maladif de la parfaite santé d'un art, n'est pas simplement le résultat d'un élan qu'ils ont en partage. p.139
nous avions été bel et bien emballés, de sorte qu'au moment précis où nous mettions en cause son art cruel, nous étions tout prêts à lui offrir nos applaudissements.
Ce n'est que lorsque je m'approchais, dans la pénombre de cette après-midi, que je vis qu'y était installée une très grosse grenouille, haute d'environ deux pieds, assise la gorge posée sur le rebord de la table. "Ma femme", dit Albert, en me lançant un regard farouche, comme s'il était prêt à me sauter au visage. (p.37)
Lecteur ! Qu'est-ce qu'un livre ? Un livre, c'est une pression intolérable à l'intérieur de la boîte crânienne qui exige d'être soulagée. Malheur à l'écrivain damné entre les damnés, qui ne peut pas finir son livre ; car cette pression cherche alors un autre exutoire, un exutoire du côté du mal.