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Citations de Tchinguiz Aïtmatov (84)


Goulsary, immobile, a laissé aller la tête contre le sol. La vie l'abandonne lentement. Quelque chose gargouille, râle dans sa gorge, ses yeux se dilatent puis s'éteignent, regardent la flamme sans ciller, et ses jambes deviennent raides comme du bois.
Tanabaï fais ses adieux à son amblier et lui dit ses dernières paroles :
"Tu fus un grand coursier, Goulsary. Tu fus mon ami, Goulsary. Tu emportes mes meilleures années avec toi, Goulsary. Je ne t'oublierai jamais, Goulsary. Et déjà j'évoque ton souvenir, car tu es en train de mourir, mon beau coursier, Goulsary. Nous nous retrouverons, un jour, dans l'autre monde. Mais là-bas je n'entendrai plus le bruit de tes sabots. Car là-bas, il n'y a pas de routes, pas de terre, pas d'herbe, pas de vie. Mais tant que je serai vivant, tu le demeureras aussi, parce que je ne t'oublierai pas, Goulsary. Et la battue de tes sabots résonnera à mes oreilles comme la chanson la pliés aimée..."
Voilà ce que pense le vieux Tanabaï, tout attristé de voir que le temps s'est envolé, aussi rapide que le trot de l'amblier. Qu'ils ont vieilli si étrangement vite. Peut-être est-il encore trop tôt pour Tanabaï de se considérer comme un vieillard. Mais l'homme ne vieillit pas tant de vieillesse, pas tant à cause de l'âge, que parce qu'il prend conscience d'être devenu vieux, voit que son temps a fui, qu'il ne lui reste plus qu'à attendre sa fin...
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"Ah! mon fils, quand les hommes se mettent à briller par la richesse et non par l'esprit, c'est que cela va mal."
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Alors je ne faisais que voir tout cela, mais je ne comprenais pas tout. Aujourd'hui encore, je me pose souvent cette question: peut-être bien, l'amour est-ce aussi une inspiration, comme l'inspiration du peintre, du poète? A regarder Djamilia, l'envie me venait de m'enfuir en courant dans la steppe et de jeter des cris, interrogeant ciel et terre, sur ce que je pourrais bien faire, comment vaincre en moi cette inquiétude incompréhensible et cette incompréhensible joie. Et un jour, il faut croire, j'ai trouvé la réponse.
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Une nuit bleue, déposée, plongeait dans le chalach le regard de ses étoiles, un vent froid s'abattait par rafales, la terre dormait, et seule semblait il, la rivière déchaînée s'avançait sur nous, menaçante.
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Et puis je demeurai longtemps couché sur la paille, je regardais le ciel qui s'obscurcissait de nuées et je songeais: "Pourquoi la vie est-elle à ce point incompréhensible et compliquée?"
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Devant moi se dressaient des tableaux étonnamment familiers, qui m’étaient chers depuis l’enfance : tantôt, à cette hauteur où volent les grues au-dessus des yourtes, flottait le campement printanier des tendres nuages d’un bleu brumeux ; tantôt sur les coteaux c’était la calme lave des troupeaux de chèvres…
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Alentour s’étalait largement la steppe aux abords de la montagne chargées de ténèbres lilas. Les champs sombres, confus, fondaient, semblait-il, lentement dans le silence.
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Djamilia était vraiment belle. Elancée, bien faite, avec des cheveux raides tombant droit, de lourdes nattes drues, elle tortillait habilement son foulard blanc, le faisant descendre sur le front un rien de biais, et cela lui allait fort bien et mettaint joliment en valeur la peau bronzée de son visage lisse. Quand Djamilia riait, ses yeux d’un noir tirant sur le bleu, en forme d’amande, s’allumaient d’une jeune ardeur, et quand elle se mettait soudaint à chanter les couplets salés de laïl, dans ses beaux yeux apparaissaient un éclair non virginal.
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D'abord , on lui avait acheté un cartable. Un cartable en simili cuir avec un fermoir en métal brillant que l'on faisait passer sous un étrier. Et une jolie poche extérieure pour les petits objets. Bref, un extraordinaire cartable tout à fait ordinaire.
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Telle était la nouvelle qu'avait apprise Edigueï en franchissant le seuil de sa demeure et il en était resté comme pétrifié, écrasé par le chagrin. Jamais il n'aurait imaginé éprouver une peine aussi violente pour ce premier enfant mort si jeune et dont il n'avait même pas eu le temps de s'occuper. Ce dernier fait lui rendait d'ailleurs plus douloureuse encore la perte qu'il venait de subir et il ne pouvait chasser de son esprit le sourire clair et confiant du bébé qui n'avait pas encore une seule dent et dont le souvenir allait longtemps lui serrer le cœur.
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Il faut avoir du courage pour vivre dans cette région de Sara-Ozek. La steppe est immense, et l'homme, lui, est tout petit. Elle est aussi indifférente, ça lui est bien égal que vous alliez bien ou mal et il faut la prendre telle qu'elle est. L'homme, au contraire, n'est pas indifférent à ce qui lui arrive et il se tourmente, en proie à des désirs divers. Il a l'impression qu'ailleurs, parmi d'autres gens, la chance aurait pu lui sourire et qu'il n'est ici que par quelque erreur du destin... Alors, face à la steppe immense et insensible, l'homme se décharge de son être comme les accus de la motocyclette de Chaïrmerden. Chaïrmerden ménage sa motocyclette, il ne s'en sert pas et ne la prête à personne, et son engin reste là, inutile, mais quand on a besoin il ne démarre pas, car sa force mécanique est tarie.
Tel est le destin du cheminot des gares d'évitement de Sara-Ozek: s'il ne s'attache pas à son travail, s'il ne s'enracine pas dans la steppe, il a du mal à résister. Parfois ceux qui regardent par les fenêtres des wagons se prennent la tête entre les mains et s'écrient: "Mon Dieu, comment peut-on vivre ici ? Avec pour seul voisinage la steppe et les chameaux !"
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La nuit tombait vite. Les nuages voilèrent le ciel et descendirent très bas au-dessus de l'eau. Le lac devint lisse et sombre. On eût dit qu'un soudeur travaillait dans les montagnes. Il y jaillissait des étincelles aveuglantes qui s'éteignaient aussitôt. L'orage arrivait.
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Seulement, le bonheur, il dure chez qui conserve son honneur et sa conscience. Souviens-t’en ! Respecte-toi !
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J'aurais enjambé le torrent, et pftt! dans la forêt! Parce que les arbres, ils ont très peur, la nuit, dans la forêt. Ils sont tout seuls, ils n'ont personne pour leur parler. Ils se gèlent en plein vent sans rien pour s'abriter. Moi, je me serais promené dans la forêt en faisant une caresse à chaque arbre pour qu'il ait moins peur. Les arbres qui ne reverdissent pas au printemps, c'est sûrement ceux qui sont restés glacés de peur.
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Edigueï se disait encore qu'indépendamment de l'existence ou de la non-existence de Dieu, aussi indigne que soit cette façon de faire l'homme n'y pense le plus souvent que lorsqu'il est dans le malheur. Et c'est sans doute que cela que, comme le dit le proverbe, le mécréant ne songe pas à Dieu tant qu'il n'a pas mal à la tête. Quoi qu'il en soit, il est important que chacun sache les prières.
Et se retournant sur ses jeunes compagnons qui le suivaient sur leurs machines, Edigueï avait eu le cœur sincèrement affligé à l'idée que ce n'était le cas d'aucun d'entre eux ne les connaissait. Comment feraient-ils pour s'enterrer les uns les autres ? Quels mots trouveraient-ils pour embrasser l'existence de l'origine à la mort et accompagner le défunt aux portes du néant ? "Adieu camarade, nous ne t'oublierons pas", ou quelque autre bêtise du même genre ?
Un jour, s'étant trouvé à des obsèques en ville, il avait eu la stupéfaction de constater qu'au cimetière tout se passait comme à une réunion. Des orateurs avaient pris la parole devant le cercueil pour lire des discours rédigés et pour parler tous de la même chose : de la profession du défunt, des fonctions qu'il avait occupées, de l'emploi qui avait été le sien et de la façon dont il s'en était acquitté. Puis il y avait eu de la musique et on avait couvert la tombe de fleurs. Personne n'avait jugé bon de parler de la mort comme le font les prières qui, depuis la nuit des temps, sont l'incarnation des connaissances que les hommes ont accumulées sur la vie et le néant. On aurait dit qu'il n'y avait jamais eu de mort avant celui-ci et que personne n'allait le suivre. Les malheureux, se croyaient immortels ! Et niant I'évidence, ils avaient l'air de déclarer : « Untel est entré dans l'immortalité! »...
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Je comprenais que seul ainsi peut aimer sa terre, qui de longues années a langui d'elle, qui a souffert pour cet amour là.
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Djamilia ! Djamilia ! – éclatai-je, sanglotant.
Je venais de me séparer des êtres qui m'étaient les plus chers et les plus proches. Et ce n'est qu'à ce moment, gisant à terre, que je compris soudain que j'avais aimé Djamilia. Oui, cela avait été mon premier amour, encore enfant.
Je restai longtemps ainsi, le visage enfoncé dans mon coude mouillé. Je venais de me séparer non seulement de Djamilia et de Danïiar, je venais de me séparer de mon enfance.
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Et était-il nécessaire de parler, puisque on ne s’exprime pas toujours, on n’exprime pas tout avec des mots…
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" Il a mal à la tête, c'est la chaleur", conclut le gamin qui l'avait suivi de loin. Il ne savait pas qu'Orozkoul pleurait, qu'il ne pouvait plus refréner ses sanglots. Il pleurait parce que celui qui avait couru au-devant de lui n'était pas son fils, parce qu'il n'avait pas su trouver une parole humaine à dire à ce petit garçon qui brandissait son cartable.
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Il n'y a pas d'autre solution. Je vous fais avancer sur des terres tantôt meubles tantôt dures, cela vous est pénible, mais impossible de faire pousser le blé autrement. Le vieux Tchékich dit que cela a été et sera toujours dans les siècles des siècles. Il dit que le blé, que chaque morceau de pain est inondé de sueur; seulement tout le monde ne le sait pas et n'y pense pas, quand il mange. Nous avons grand besoin de pain. Grand besoin.
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