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Citations de Theodor W. Adorno (147)


L'individu doit affronter des problèmes qu'en réalité il ne comprend pas, et il doit développer certaines techniques d'orientation, aussi grossières et fallacieuses soient-elles, qui l'aident pour ainsi dire à trouver sa route dans le noir.
Ces moyens remplissent une double fonction : d'une part, ils fournissent à l'individu un type de connaissance, ou de substitut de connaissance, qui lui permet de prendre position lorsqu'on le lui demande, alors qu'en réalité il n'est pas préparé à le faire. D'autre part, en eux-mêmes ils apaisent psychologiquement le sentiment d'anxiété et d'incertitude et fournissent à l'individu l'illusion d'une certaine sécurité intellectuelle, de quelque chose auquel se raccrocher même s'il ressent, au fond de lui, l'incohérence de ses opinions.
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Fier d'écrire dans une langue "intraduisible" qui méritait bien la définition donnée par Arthur Lovejoy : un "pathos métaphysique de l'obscurité", Adorno n'aurait jamais pu accepter, comme Herbert Marcuse ou Hannah Arendt, de troquer définitivement l'allemand pour l'anglais.
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Adorno caractérisait l'étrange matérialisme de Benjamin avec des formules souvent admirables : regarder les objets de si près qu'ils apparaissent comme étrangers et, en tant que tels, élucider leur mystère.
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L'objet de l'analyse ne doit pas être la dynamique pulsionnelle isolée et atomisée à l'intérieur de l'individu, mais plutôt le processus de la vie dans sa totalité.
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Si l'on a, à tort ou à raison, considéré les chansons populaires comme un patrimoine culturel des couches supérieures qui a été déclassé, leurs éléments ont en tout cas pris leur forme populaire à travers un processus long et compliqué de transmission. La diffusion des chansons à la mode, en revanche, se fait en un éclair. L'expression américaine "fad", utilisée pour parler des modes surgissant comme des épidémies - c'est-à-dire lancées par des puissances économiques fortement concentrées -, définissait ce phénomène bien avant que des patrons totalitaires de la publicité aient imposé les lignes générales de ce qui est devenu la culture. Lorsque les fascistes allemands dédient un beau jour de lancer par les hauts-parleurs un terme tel que "intolérable", le lendemain, le peuple entier dira "intolérable". C'est suivant le même schéma que les nations visées par la guerre-éclair ont repris ce mot allemand dans leur langue. Les mots désignant des mesures sont finalement répétées partout, si bien qu'ils prennent un caractère pour ainsi dire familier, tout comme à l'époque du marché libre le nom d'un produit sur les lèvres de tous en faisait augmenter la vente. La répétition aveugle de mots déterminés, en se répandant rapidement, rattache la publicité au mot d'ordre totalitaire. La part d'expérience qui personnalisait les mots en les attachant aux hommes a disparu, et dans cette prompte assimilation, la langue acquiert cette froideur qu'elle n'avait jusqu'alors que sur les colonnes Morris ou dans les annonces des journaux. De nombreuses personnes emploient des mots et des expressions qu'elles ont cessé de comprendre ou qu'elles n'utilisent que parce qu'ils déclenchent des réflexes conditionnés, comme par exemple les noms de marques qui s'accrochent avec d'autant de ténacité aux objets qu'ils dénotent que leur signification linguistique est moins bien comprise.
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Ce que l'on pourrait qualifier de valeur d'usage dans la réception des biens culturels est remplacé par la valeur d'échange ; au lieu de rechercher la jouissance on se contente d'assister aux manifestations "artistiques" et "d'être au courant", au lieu de chercher à devenir un connaisseur on se contente donc d'un gain de prestige. Le consommateur devient l'alibi de l'industrie du divertissement aux institutions de laquelle il ne peut échapper. Il faut avoir vu Mr. Miniver, tout comme il faut avoir chez soi Life et Time. Tout est perçu sous ce seul aspect: pouvoir servir à autre chose, même si cet autre chose est aussi vague que possible. Tout objet n'a de valeur que comme objet d'échange et n'a aucune valeur en soi. La valeur d'usage de l'art, le fait qu'il existe, est considéré comme un fétiche, et le fétiche - sa valeur sociale qui sert d'échelle de valeur objective de l'oeuvre d'art - devient la seule valeur d'usage, la seule qualité dont jouissent les consommateurs. C'est ainsi que le caractère de marchandise de l'art se désagrège, au moment même où il se réalise pleinement, où l'art est devenu une marchandise parmi d'autres, préparée, conçue comme telle, assimilée à la production industrielle, que l'on peut acquérir et échanger. Mais l'art comme type de marchandise qui vit pour être vendue et pour rester cependant invendable, devient - hypocritement - invendable dès que le profit cesse d'être seulement son intention et devient son principe même.
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A un moment où il était gravement malade, Beethoven jeta loin de lui le roman de Walter Scott qu'il lisait en s'écriant: "Le bougre ! il écrit pour de l'argent !", alors que travaillant sur ses derniers quatuors - suprême refus du marché de l'époque - il se révéla hommes d'affaires expérimenté et obstiné: c'est l'exemple le plus grandiose de l'unité des oppositions marché-autonomie de l'art bourgeois.
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Les oeuvres d'art sont ascétiques et sans pudeur, l'industrie culturelle est pornographique et prude.
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Theodor W. Adorno
J’ai dit un jour que, après Auschwitz, on ne pouvait plus écrire de poèmes et cela a donné lieu à une discussion à laquelle je ne m’attendais pas lorsque j’ai écrit cette phrase. Si je ne l’attendais pas, c’est parce qu’il est propre à la philosophie — et tout ce que j’écris est de la philosophie, je n’y peux rien, même si cela n’a pas l’air de toucher aux prétendus thèmes de la philosophie — de ne jamais s’exprimer de façon complètement littérale. La philosophie porte toujours sur des tendances et ne consiste pas en statements of fact [en relevés de faits]. C’est mal comprendre la philosophie, à cause de sa proximité croissante avec les tendances scientifiques toutes-puissantes, que de mettre une telle proposition sur la table et de dire : « Il a écrit qu’après Auschwitz on ne pouvait plus écrire de poèmes. De deux choses l’une : ou bien on ne peut vraiment plus écrire de poèmes et celui qui en écrit est un misérable ou un sans-cœur ; ou bien il a tort et il a dit quelque chose qu’on ne devrait pas dire. » Bon, je dirai que la réflexion philosophique est à mi-chemin ou consiste, en terme kantiens, dans la vibration entre ces deux possibilités qui, sinon, s’opposent platement. Je suis prêt à concéder que, tout comme j’ai dit que, après Auschwitz, on ne pouvait plus écrire de poèmes — formule par laquelle je voulais indiquer que la culture ressuscitée me semblait creuse —, on doit dire par ailleurs qu’il faut écrire des poèmes, au sens où Hegel explique, dans l’Esthétique, que, aussi longtemps qu’il existe une conscience de la souffrance parmi les hommes, il doit aussi exister de l’art comme forme objective de cette conscience. Dieu sait que je n’ai pas prétendu en finir avec cette antinomie et ne peux pas le prétendre pour la simple raison que mes propres impulsions dans cette antinomie me portent plutôt du côté de l’art qu’on me reproche à tort de vouloir réprimer. Dans certains journaux d’Allemagne de l’Est, on a même dit que j’avais pris position contre l’art et adopté ce faisant le point de vue de la barbarie. Il faut pourtant bien se demander si l’on peut encore vivre après Auschwitz — c’est une question métaphysique, bien qu’elle se fonde sur une suspension radicale de la métaphysique ; il est remarquable de constater à quel point les questions qui nient la métaphysique et se dérobent à elle prennent ce faisant un caractère curieusement métaphysique. Je me le suis moi-même demandé, par exemple, dans des cauchemars récurrents où je n’ai plus le sentiment de vivre mais d’être seulement l’émanation du désir d’une victime d’Auschwitz. Bon, les bêlements du consensus ont sur-le-champ tiré argument de cela pour dire qu’il était grand temps pour quelqu’un qui pense comme moi de se suicider — ce à quoi je peux seulement répondre que cela arrangerait bien trop ceux qui détiennent le pouvoir. Aussi longtemps que je pourrai exprimer ce que j’essaye d’exprimer et aussi longtemps que je croirai pouvoir faire accéder au langage ce qui, sinon, n’y accèderait pas, je ne donnerai pas satisfaction à cet espoir, à ce désir si le pire ne m’y pousse pas. Ce qui est dit dans Morts sans sépulture, l’une des plus importantes pièces de Sartre, qui pour cette raison n’est presque jamais jouée en Allemagne, doit être pris de façon très sérieuse comme une question métaphysique. C’est le personnage d’un jeune résistant soumis à la torture qui s’y demande si l’on peut ou à quoi bon vivre dans un monde « où des hommes [...] vous tapent dessus jusqu’à vous casser les os ». Puisqu’elle porte sur la possibilité d’une affirmation de la vie, cette question ne peut être éludée. J’aurais tendance à croire que toute pensée qui ne s’est pas mesurée à cette problématique, qui ne l’adopte pas théoriquement, démissionne d’avance devant ce sur quoi il faut réfléchir — et que pour cette raison elle ne mérite plus d’être appelée « pensée ».
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Les œuvres d’art sont ascétiques et sans pudeur, l’industrie culturelle est pornographique et prude.
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Celui qu'une logique trop conséquente rend incapable de donner, fait de lui-même une chose et se condamne à une froideur glacée.
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Ce que dit constamment l'individu en public, ce qu'il dit lorsqu'il se sent à l'abri de la critique, ce qu'il pense mais ne dit pas du tout, ce qu'il pense mais ne veut pas admettre pour lui-même, ce qu'il est disposé à penser ou à faire lorsqu'on l'y incite de diverses manières - tous ces phénomènes peuvent être conçus comme constituant une structure unique.
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La critique du privilège devient un privilège : tant le train du monde est dialectique. Ce serait une fiction de supposer que, dans des conditions sociales, particulièrement de l'éducation, qui brident, arrangent et estropient de maintes manières les forces productives spirituelles, qu'avec l'indigence qui règne dans le domaine de l'imagination et les processus pathogènes de la petite enfance diagnostiqués par la psychanalyse mais cependant nullement modifié en réalité, tous pourraient tout comprendre ou au moins se rendre compte.
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Mais le non-vrai se convertit de lui-même dans l'enflure.
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Le sens implicite de la morale des maîtres selon laquelle celui qui veut vivre doit mettre la main à la pâte est devenu entre-temps un mensonge plus misérable encore que la sagesse cléricale du XIXème siècle.
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Celui qui serait en mesure de déterminer la dimension utopique que recèle le plaisir somatique, qui est aveugle et ne porte en lui aucune intention mais contente jusqu’aux ultimes intentions de l’homme – celui-là serait à la source d’une idée de la vérité vraiment solide. Mais l’œuvre de Freud reproduit involontairement la double hostilité à l’esprit et au plaisir, dont la psychanalyse a précisément donné les moyens de connaître la racine commune. Le passage de l’Avenir d’une illusion où, dans l’esprit de la sagesse misérable d’un vieil homme à qui on ne la fait plus et dans les termes connus d’une sentence de commis voyageur, il est question du Ciel, qu’on doit laisser aux anges et aux oiseaux, est le pendant d’un autre passage de l’Introduction à la psychanalyse où Freud condamne, horrifié, les pratiques perverses du monde vivant. Ceux auxquels on a inspiré un égal dégoût pour le plaisir et pour le Ciel, ils se trouvent en fait parfaitement préparés à être ravalés au rang d’objets
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Ce qui surgit tandis que la perception sereine n'atteint plus que le calque des choses - préformé socialement - n'est que répétition. Le nouveau recherché pour lui-même, produit pour ainsi dire en laboratoire, pétrifié en un schéma conceptuel, devient, dans sa brusque apparition, retour inéluctable de l'ancien, assez comparable aux névroses traumatiques.
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parler clair - Il est un critère quasiment infaillible pour savoir si quelqu'un vous veut du bien: la manière dont il rapporte les déclarations inamicales ou hostiles à votre égard. Le plus souvent de tels ragots sont inutiles, simples prétextes à laisser transpirer la malveillance sans en assumer la responsabilité, voire même au nom du bien.
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Telle conversation nouée au hasard d'un voyage en chemin de fer et les quelques phrases auxquelles on accepte d'acquiescer pour éviter une dispute, alors qu'on sait très bien que la logique de leurs conséquences est fatalement meurtrière, voilà déjà une première trahison.
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De fait le rire, dans lequel, selon Bergson, la vie devrait se reconstituer face à son enracinement dans les conventions, est depuis longtemps devenu une arme des conventions contre la vie insaisissable, contre les traces d'un naturel incomplètement domestiqué.
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