Trois raisons m’ont incité à lire ce roman et bouleversé l’ordre de lecture de ma PAL gigantesque :
– La couverture absolument magnifique de Xavier Collette dont j’avais également beaucoup aimé les illustrations dans la bande dessinée Le Soufflevent d’Andoryss.
– Les avis dithyrambiques et unanimes sur la blogosphère (Le Bibliocosme, Blackwolf, Célindanae, Dup de Book en stock et Les lectures du monstre) et de mon libraire Mathieu.
– La venue de Thomas Géha le 27 Octobre prochain, à la librairie Décitre de Grenoble organisée dans le cadre du Mois de l’Imaginaire.
Je ne vais pas faire durer le suspense plus longtemps mais cette lecture a été un véritable coup de coeur, au point d’en avoir lu avant-hier les deux derniers tiers tellement j’étais avide de connaître la suite.
Sur l’île de Cosme et plus précisément dans le Royaume d’Adimala, situé à l’est, sévissent deux joyeux lurons prénommés Hent Guer et Pic Caram : le premier est un redoutable guerrier originaire de l’île de Scalèpe chargé de protéger le second, un magicien aux rubans capable de manipuler les corps et les esprits des hommes. Si leur but est l’appât du gain, il faut bien avouer que leurs entreprises se soldent la plupart du temps par un beau désordre leur valant de profondes inimitiés et des rancœurs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les deux compagnons ne sont pas vraiment étouffés par le sens de l’empathie, ni par leurs scrupules. Mais, la donne risque de changer lorsque Pic s’évapore mystérieusement après une soirée bien arrosée…
Je suppose que vous l’avez deviné dès la lecture du titre mais Des Sorciers et des Hommes est bien une référence au fameux ouvrage de John Steinbeck intitulé Des Souris et des Hommes. Hent Guer serait ainsi l’homologue de Lenny Small, le géant un peu bébête qui ne contrôle pas toujours sa force (bien que Hent ne soit pas aussi décérébré que Lenny) et Pic Caram, celui de George Milton, plus intelligent et plus vif d’esprit. Comme dans le roman de John Steinbeck, les deux personnages sont souvent en vadrouille en quête d’aventure et d’emploi lucratif.
Ainsi, Des Sorciers et des Hommes se divise en deux parties distinctes. La première est formée de quatre nouvelles et d’une novelette correspondant aux périples des deux comparses au sein du Royaume d’Adimala. Chacune d’entre elles a une intrigue propre et se déroule dans un lieu différent ; elles peuvent donc se lire de manière indépendante. En revanche, la seconde partie plus homogène est une novella qui est la suite logique de tous les évènements disséminés dans les chapitres précédents et s’apparente à une conclusion. D’après Blackwolf, on appelle ce format un Fix up (plusieurs nouvelles dont les trames se rejoignent afin de former un tout cohérent).
En ce qui concerne la première partie, j’ai eu comme sensation de départ, un enchaînement de chapitres un peu disparate et décousu, ne sachant pas vraiment où voulait en venir l’auteur (exception faite du chapitre 3 dont j’ai trouvé le dénouement absolument remarquable). En réalité, elle s’inscrit dans la pure tradition du Sword and Sorcery des années 30. Hent ne fait-il pas référence à ces héros virils façon Conan le Barbare, aimant taper sur tout ce qui bouge, tuer sans vergogne, manger et boire à l’excès et trouver le réconfort dans la couche d’une femme? Excepté que dans Des Sorciers et des Hommes, ce modèle est mis à mal. Hent et Pic apparaissent alors comme des antihéros pour lequel le lecteur développe un sentiment ambivalent : à la fois, on a envie qu’ils réussissent dans leur entreprise et en même temps, on réprouve leurs actes (meurtre, vol, mensonge, comportement éhonté à l’égard des femmes, etc…).
Et c’est justement là qu’intervient la seconde partie menée de manière tout à fait brillante et remarquable. En effet, les éléments de l’intrigue développés précédemment s’imbriquent les uns dans les autres à la façon d’un puzzle, les personnages secondaires laissés au second plan dans les nouvelles, prennent le devant de la scène dans la novella (notamment, les femmes) et enfin, cette conclusion se veut une lutte (peut-être une parodie?) contre les valeurs traditionalistes mises en avant par la Sword and Sorcery (patriarcalisme, exacerbation des valeurs virils, misogynie, etc…). Ainsi, les personnages féminins comme Yasi, Joanni, Mirni et Imatec apparaissent comme des femmes de pouvoir, fortes, indépendantes, des guerrières qui luttent pour la justice ou pour leur propre revanche.
En conclusion, Des Sorciers et des Hommes est un roman remarquable à plus d’un titre : fluide, doté d’un brin d’humour, d’une intrigue haletante et de personnages hauts en couleur. Mais, il possède également un double niveau de lecture que ce soit au travers de ses références littéraires citées ci-dessus ou de l’adéquation du roman avec les valeurs actuelles de notre société (exit, les femmes belles mais stupides qui servaient de faire-valoir aux héros virils de la Sword and Sorcery). Il me tarde donc de rencontrer l’auteur, samedi.
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