AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Thomas Gunzig (551)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Le sang des bêtes

Tom mène une vie toute planifiée qui ne le satisfait pas, tout en travaillant à la Boutique Passage Fitness où il vend des compléments alimentaires pour les sportifs. Tout en se cherchant encore, il aimerait avoir plus de courage pour sortir de sa routine.



Par contre, sa compagne Mathilde est une femme qui a du savoir-vivre et qui prend sur elle pour satisfaire tout le monde. Elle est très famille et n'hésite pas à accueillir son fils Jérémie, "son bébé" en pleine crise conjugale avec Jade, addict zéro déchets très écolo...



De plus, Maurice le père de Tom s'impose chez lui avec son chat. Ce pépère, d'origine juive, toujours traumatisé et en colère depuis la guerre, fait tout revenir aux juifs avec humour et en riant toujours de lui-même.



Extrait :

Jérémie sort de sa chambre pâle et triste et son grand-père lui sort :

- Elle t'a laissé tomber, hein... Mais ne t'inquiète pas : se faire quitter, c'est bon pour un juif : au moins comme ça, il sait pourquoi il est triste !



Puis, l'arrivée d'une énigmatique jeune femme va chambouler le schéma quotidien du bodybuilder... Est-ce ce genre de changement qu'il attendait ?



Enfin ce Récit, plutôt loufoque et surréel, porte à la réflexion sur l'être humain et l'acceptation de soi. Les dialogues sont si drôles que j'ai bien ri et j'avais hâte de tourner les pages mais en même temps j'avais peur d'arriver à la dernière.... Je l'ai dévoré ! Une excellente lecture !

Commenter  J’apprécie          140
Le sang des bêtes

« - Demain, tu fais quoi ? demanda-t-elle.

- Demain ? fit Tom un peu surpris, demain c'est mardi, je vais à la boutique.

- Et après-demain ?

- Mercredi ? Je vais aussi à la boutique.

- Et la semaine prochaine ?

- Je…

- Et le mois prochain ? Et l'année prochaine ? Tu vas continuer comme ça ? Qu'est-ce que tu fais de ta vie ? »



C'est en réalisant un test ADN offert pour ses 50 ans et en secourant une étrange jeune femme, N7A, qui n'est autre qu'une vache génétiquement modifiée, que Tom, resté un petit garçon figé par ses peurs dans un corps de bodybuilder, va enfin oser desserrer ses freins, trouver des réponses à ses questions, et, qui sait, peut-être passer avec brio cette foutue crise identitaire. Car le plus grand des bonheurs n'est-il pas déjà d'exister tout simplement ?



Un roman vraiment original, extravagant, plein de rebondissements. Thomas Gunzig emprunte brillamment un style burlesque qui lui permet de faire passer quelques bons messages à ses contemporains ! Un bon moment de lecture !



Merci encore à Babelio et aux éditions Au Diable Vauvert de m'avoir fait découvrir ce livre et surtout cet auteur !

Commenter  J’apprécie          140
Autour de Blake & Mortimer : Le dernier Pha..

Sans hésitation, le meilleur album de la série, à mon humble avis. Les graphismes donnent vraiment un coup de jeune. De plus, l'histoire prend aux tripes. C'est un peu de la science fiction prémonitoire, en ce qui concerne le fond de l'intrigue : un monde divisé en deux avec d'un côté ceux qui acceptent d'effectuer un retour en arrière et les autres. J'apprécie également la morale de l'histoire. Bravo aux auteurs qui ont su donner une autre dimension à cette série.
Commenter  J’apprécie          140
Feel good

Comme Alice, moi aussi, ça y est, j’ai fini. J’ai terminé Feel good. J’ai terminé de le lire, tandis qu’elle a fini d’écrire le sien, ce qui fait évidemment une grande différence. D’après Tom, ce qu’elle a écrit est formidable. Non qu’il sache vraiment de quoi il parle, à l’entendre :

« Tom n’avait pas la moindre idée de ce qu’un « grand livre » pouvait bien être. Il ne savait pas vraiment non plus ce qu’était un « bon livre ». Tom savait (il en avait même un peu honte alors il gardait ça pour lui) qu’en matière de littérature il n’avait absolument aucun goût.` Il aimait certaines choses, il n’en aimait pas d’autres. »

Mais bon, il aime beaucoup ce qu’a écrit Alice. Comment ils se sont rencontrés, qui ils sont l’un pour l’autre, c’est toute une histoire, pas vraiment Feel good, celle-ci. On est dans l’ultra moderne solitude, telle que déjà chantée par Souchon il y a quelques années. Mais la grise, la peu glorieuse, celle qui galère de tout juste en panique-à-bord sans la chaleur du serrage de coude façon gilets jaunes. Les Sisyphes que personne n’imagine heureux, tout le monde s’en fout. Ils travaillent appliqués, besogneux, pendant des années et des années et ne joignent jamais les deux bouts, ou alors exceptionnellement le seul mois en quinze ans où aucune tuile ne leur tombe dessus. Il n’est guère étonnant qu’ils en viennent parfois à certaines extrémités pour ruer un peu dans les brancards, mais la voie choisie par Alice est elle, peu commune…

Thomas Gunzig signe ici un roman qu’on lit d’une traite tant il est réussi. Satire sociale pour sûr, il possède néanmoins un ton bien particulier extrêmement entraînant (en plus ça parle – beaucoup – de livres). Le fond est sombre, sombre, sombre mais la fantaisie semble naturelle, ni fabriquée ni forcée et surtout pas guillerette. La rencontre de ces deux forces à l’oeuvre fonctionne vraiment bien et ne donne qu’une envie : relire encore cet auteur.



Commenter  J’apprécie          140
De la terrible et magnifique histoire des c..

Des monstres qui puent et qui sont tellement moches que leur race est en voie d'extinction : aucun ne supporte la vue et l'odeur des autres ! Un jeune garçon qui est condamné a travailler toute sa vie à l'usine sans aucune perspective d'avenir mais qui garde un jardin secret : le dessin. La rencontre entre ces deux solitudes va prendre la forme d'un conte...



Un récit agréable à lire avec des extraterrestres pour une fois attachants !


Lien : http://0z.fr/jrrsk
Commenter  J’apprécie          140
Le sang des bêtes

Mais quel est le propos de Thomas Gunzig ?

Sur la couverture (magnifique au demeurant - et c'est elle seule qui mérite une étoile), il est écrit que c'est un roman politique. Mais qui dénonce quoi ?

- Le wokisme ? Pas vraiment puisque finalement, tout le monde fait des efforts pour complaire à Jade, alors qu'elle mériterait d'être enterrée vivante dans la fosse à purin qui lui tient lieu de pensée. On est loin du Voyant d'Etampes d'Abel Quentin !

- Le culte du corps et le danger de la prise de compléments alimentaires ? Non, puisque Tom a réussi à sculpter son corps à sa guise et que les concours de bodybuilding sont valorisés.

- L'antisémtisme ? Le personnage du père est tellement caricatural qu'il en est agaçant. Il voit des Mengele partout mais le pire, le pire du pire, c'est

le généticien ! Alors là, les bras m'en sont tombés. Qui peut croire qu'un mec tout seul puisse se livrer, dans un pavillon de banlieue, à une manipulation génétique ultra sophistiquée ? Qui peut croire qu'en 2022, un scientifique généticien puisse dire à des gens (page 198) "Vous avez des nez de juifs, des yeux de juifs, des fronts de juifs. Je suis sûre que chez vous, ça sent le juif." J'ai eu honte pour Thomas Gunzig. Sérieusement, c'est gênant.

- La cause animale ? oui admettons, encore que, ce n'est pas très clair car, dans ce cas, il faudrait épouser le mode de vie de Jade dont l'auteur semble se moquer.

- L'identité ? Grosso modo, il s'agit de barbotter dans la soupe identitaire libérale et victimiste. "Deviens qui tu es", "Refuse les cases" (mais construis-toi ta propre cage), "Mes ancêtres ont souffert alors j'ai le droit de pourrir la vie de mon entourage", "Moi je souffre plus que toi"...

Et enfin, comme si ça ne suffisait pas, Thomas Gunzig nous fait avaler des niaiseries par pelletées entières que n'auraient pas réussi à produire Gilles Legardinier et Joël Diker réunis: "la vie est belle", "sois ce que tu es", "Il y a déjà tellement de malheureux sur terre qu'il faut bien s'entraider". Les 2 dernières pages feraient passer Martine pour du punk trash tellement c'est niais.

Bref, c'est un des livres les plus nuls que j'aie lus de ma vie. J'avais pourtant aimé Feel Good. C'est pour ça que quand Babelio m'a proposé Le Sang des bêtes, j'ai accepté avec enthousiasme. En plus, le début était très bien. Mais après... la cata.

Commenter  J’apprécie          134
Autour de Blake & Mortimer : Le dernier Pha..

Avec "Le Dernier Pharaon" les personnages mythiques de "Blake & Mortimer" se retrouvent entre les mains du dessinateur François Schuiten, du cinéaste Jaco Van Dormael, du romancier Thomas Gunzig et de l’affichiste Laurent Durieux.

Evidement cet événement majeur a crée d'immenses attentes dans le monde de la bande dessinée, et les avis seront sans doute partagés quand à la réussite du quatuor sur cet album.

Pourtant le scénario est bourré de qualités, mélangeant les références de l’œuvre d’Edgar P. Jacobs à des considérations plus politiques sur la nécessité de bâtir un nouveau monde. Tout ceci est plutôt bien vue, avec cet épisode se passant dans le futur de Blake et Mortimer, à un âge ou ils semblent plus proche de la sagesse que de l'aventure...

Au final, cela donne un opus très réussies, avec le mérite de "casser les codes" par rapport à la narration jacobsienne.

Au niveau du dessin, chaque planche de Schuiten est un régal pour les yeux, et la version à l'abandon de Bruxelles et de ces rues de la capitale belge retournées à l’état sauvage est un travail extraordinaire. Quel plaisir de voir enfin un dessinateur s’approprier les personnages de Blake et Mortimer sans pour autant renoncer à son style et à son univers.

On pourrait dire que cela ressemble à "Brüsel", un épisode de la série des "Cités Obscures", plutôt qu’à un album de Jacobs, mais rien que pour les dessins, "Le Dernier Pharaon" est un album absolument indispensable !
Commenter  J’apprécie          130
10 000 litres d'horreur pure : Modeste cont..

Patrice, Marc, Ivana, JC et Kathy sont étudiants et plus ou moins amis. Ils décident de passer un week-end dans un chalet perdu au fond des bois, près d'un lac. Vous avez lu le titre, faut-il vraiment en dire plus ? Oui, ça va saigner, ça va couper, ça va souffrir et ça va crier.



Il y a quelque chose de jouissif dans ce genre de lecture qui répond parfaitement aux codes du genre dans lequel elle s'inscrit. L'atmosphère alcoolisée et sexuelle du début devient glauque et angoissante à souhait à mesure que les mystères sont dévoilés. Qu'est-il arrivé à la sœur d'un des protagonistes ? Qu'est-ce qui se cache dans la cave ? Quel secret légendaire est bien dissimulé par les habitants de la région ? Les personnages sont archétypaux au possible : le beau gosse odieux, la blonde écervelée qui ne supporte pas la solitude, l'intello déterminée à réussir, le mec cool et le pauvre gars complexé. « Je vais pas te retenir, mais je vais te dire que t'es un con. Tu n'es pas invulnérable... / JC se redressa, il tenait fermement un couteau à viande de belle taille dans la main droite. Ce gros qui m'a attaqué non plus. » (p. 65) OK, il y a des incohérences et des questions qui ne trouvent pas de réponse. Mais ce qu’on demande à ce genre de texte, ce n’est pas une démonstration : c’est du frisson !



10 000 litres d'horreur pure est un slasher et un survival qui font honneur au genre. Les illustrations sont cauchemardesques et parfaitement réussies pour installer le malaise. Et elles aident à visualiser les saloperies de monstres cachées dans les sous-sols. « Devant lui, dans le frigo ouvert, éclairé par la petite ampoule de quinze watts, il y avait la plus horrible chose qu’il ait vue de toute sa vie. C’était un paquet de chair à vif, de pattes, de doigts, de pieds. Il y avait des yeux, à différents endroits, des bouches, des dents, des nez, des extrémités pointues et d’autres griffues comme des champignons sur une carcasse d’animal mort. » (p. 119) Précision : je ne supporte pas les films de ce genre, mais les livres, allez savoir pourquoi, ça passe très bien... Allez, vous reprendrez bien une louche de gore ?
Commenter  J’apprécie          130
Manuel de survie à l'usage des incapables

Une grande banlieue anonyme, au milieu des tours d’habitations et des zones pavillonnaires, un centre commercial. Comme tant d’autres. Une caissière, parmi tant d’autres. Trop lente, pas assez performante. Alors il faut s’en débarrasser au meilleur compte possible, trouver la faille pour ne pas payer les indemnités. Le tout sans se salir les mains. Malheureusement la situation dérape totalement et la caissière perd la vie. Ses quatre fils, quatre jeunes loups, sont prêts à tout pour venger leur mère.

Difficile de décrire ce roman atypique, baroque, de Thomas Gunzig, qui oscille entre fiction, roman d’anticipation et roman noir. Il décrit une société hyper violente, utilitariste et ultra consumériste. Tout est chiffré, tout est évalué, tout est contrôlé. Tout est « marchandisé ». Les hommes eux-mêmes sont devenus des machines, avec leur vie sans éclat, creuse, parfois même uniquement virtuelle. Et les loups, avec leur désir de vengeance, leur ébauche de sentiment, semblent bientôt beaucoup plus humains que les hommes.

C’est un livre très violent, qui dérange et ne laisse pas indifférent. Une immense critique de nos sociétés actuelles à ne pas manquer.

Commenter  J’apprécie          130
Rocky, dernier rivage

Le pitch :

Notre planète est frappée par une succession de catastrophes : réchauffement climatique, épidémies mortelles, conflit mondial, explosions nucléaires, pénurie de vivres et d’eau potable,…

Ce tableau apocalyptique génère l’anarchie. Chacun fait ce qu’il peut, selon ses moyens, pour se préserver… mais les jours sont comptés.

Fred, un homme d’affaire qui a « réussi sa vie », achète une île pour y mettre sa famille à l’abri. Il a tout prévu en termes de nourriture, approvisionnement en eau potable et en électricité, data center contenant des milliers de films, séries, musiques, … et engagé un couple de domestiques.



Mais dans cette prison dorée, l’oisiveté et l’inquiétude face à l’avenir « détraquent » les comportements et redistribuent les cartes. Car l’argent n’achète pas tout.

🎶🎵 “Aïe on nous fait croire

Que le bonheur c’est d’avoir

De l’avoir plein nos armoires” 🎵🎶



Et en regard de tous leurs biens de consommation, le stock d’amour entre les quatre membres de cette famille est plutôt mince.





Sous son apparente légèreté, le roman soulève des questions philosophiques :

Qu’est-ce qui fait de nous des êtres “civilisés” ?

Que se passe-t-il quand nos plus vils instincts (même dictés par la peur) prennent le pas sur le respect et la bienséance ?



L’Homme peut difficilement se contenter de vivre dans l’instant, du moins pas à long terme. Son équilibre psychologique repose sur ses projets, sur la possibilité d’un ailleurs.





Par son côté déjanté, ce roman post apocalyptique m’a évidemment fait penser aux films Parasite (Palme d’Or 2019) et Triangle of sadness/ Sans filtre (Palme d’Or 2022).

Si vous avez aimé ces films, il y a fort à parier que vous apprécierez Rocky dernier rivage.





Le roman de Thomas Gunzig est un (plus que) sympathique « page turner », dont je te recommande la lecture.
Commenter  J’apprécie          121
Rocky, dernier rivage

D'habitude, dans une critique, on ne propose que de l'abstrait : des clés de lecture, des ressentis, des appréciations sur le style, etc. Cette critique ne dérogera pas, mais le livre dont il est question m'a donné l'idée d'une activité infiniment plus concrète que j'ai le grand plaisir de vous proposer à vous, lecteurs qui êtes sur le point de débuter l'oeuvre de Thomas Gunzig.



Voici : associez un exercice physique à chacun des mots redondants et réalisez-le à chaque fois que vous les croisez. Par exemple :

- « monde » : 10 pompes ;

- « vie » : 5 tractions ;

- « jamais » : 15 abdos ;

- « ça » : 20 squats ;

- « ciel », « nuit », etc.



Faites 10 « burpees » lorsque vous rencontrez un cliché.



Faites 30 « climbers » lorsque vous rencontrez une expression toute faite.



Faites 50 polichinelles lorsque vous rencontrez une comparaison ridicule.



Faites 10 fentes sautées lorsque vous rencontrez un anglicisme non placé entre guillemets.



Restez en gainage pendant tout le temps qu'il vous faut pour venir à bout des listes à la Prévert de placements produits.



Je vous épargne des exercices pour les parenthèses et les phrases nominales, sinon vous allez mourir.



Croyez-moi, quel que soit le nombre de pages que vous lirez, vous ferez votre sport de la journée, et vous tirerez au moins un bénéfice d'une lecture quasiment sans intérêt, que ce soit sur le plan thématique ou sur le plan stylistique.



Sur le plan thématique, je vais d'ailleurs me débarrasser tout de suite du petit passage intéressant qui m'oblige à écrire « quasiment » au lieu d'« absolument » : la description des effets des anxiolytiques et des produits anesthésiants en focalisation interne est bien menée. Voilà, c'est tout. de même, je passe rapidement sur le cadre apocalyptique global dans lequel s'inscrit l'action, résultat de la vengeance d'une nature à conscience propre sur une humanité tarée dès l'origine qui devrait s'excuser d'exister, cadre que l'auteur traite sur le ton de l'ironie tragique un peu prématurée du « on vous l'avait bien dit ». Comme, dans notre belle société du débat contradictoire, l'on se fait traiter de « climato-sceptique » dès que l'on a l'outrecuidance de soupçonner la moindre minuscule exagération dans ce genre de scénario catastrophe, même sans remettre en cause le dérèglement climatique, ou bien de « facho » lorsque l'on ne communie pas sans réserve au dogme anticapitaliste, contenons-nous là-dessus et concentrons-nous principalement sur l'histoire.



Chaque chapitre adopte de façon privilégiée le point de vue de l'un des quatre membres de la famille : père, mère, fils, fille (la famille américaine type, mais avec des prénoms français). Faites votre choix : le salaud de riche, pur produit de la « start-up nation », geek, bêta qui se rêve alpha ; la connasse de femme active, ultra-performante dans son « bullshit job », largement nympho (sauf pour son mari évidemment), qui carbure au Xanax ; le romantique mélomane alcoolique en crise d'ado, qui ressasse en permanence le grand moment de science-fiction qu'il a vécu avec la Miss de sa classe (qui a fait les 100% du trajet vers lui, on se demande bien pourquoi) ; la Barbie narcissique dans le déni, fugueuse, décérébrée par les séries de « high schools » américaines, qui se fait des films sur un avenir qui, évidemment, n'a plus lieu d'être. Ça a l'air sympa, hein ? Rajoutez à cela que tout ce petit « casting » de caricatures se déteste et se méprise cordialement. Et parce que tout le monde se déteste et se méprise, le dernier foyer d'humanité, pourtant parfaitement autonome, pourtant parfaitement protégé, devient foyer incandescent lorsque les dernières technologies qui permettaient de maintenir les rapports de force et la cohabitation indifférente (l'argent et l'écran) sont victimes des aléas naturels.



Alors l'on essaye de résister à des avalanches de sentiments, de sensations, de ressentis, toutes les nuances du sens, … Tout n'est qu'états d'âme et suivi psychologique. A la rigueur, cela se défend, mais l'on se dit qu'il est loin, le temps où les écrivains donnaient subtilement à deviner la nature des émotions de leurs personnages au lieu de les imposer ; cela avait au moins pour intérêt d'obliger le lecteur à interpréter tout seul comme un grand. L'on perdrait au moins un bon tiers du livre si l'on retranchait toutes les phrases qui incluent les verbes sentir, ressentir, penser, éprouver, trouver (au sens abstrait), avoir envie de, avoir l'impression de, etc., et tout le discours indirect libre. C'est pratique, le discours indirect libre, ça permet d'étaler une philosophie de comptoir tout en se dédouanant sur les personnages si le lecteur n'y trouve pas son compte. L'auteur cultive avec brio le flou entre les types de discours, de sorte qu'il est impossible de critiquer la vision du monde qui est proposée dans le livre puisque cette vision pourrait tout aussi bien être celle du narrateur-auteur, celle du narrateur fictionnel ou celle du personnage suivi à ce moment-là.



Avec cela, on coche l'archi-majorité des cases du bingo de la littérature contemporaine, au milieu de laquelle le style de l'auteur a bien du mal à se démarquer : phrases nominales partout ; retours à la ligne intempestifs ; énigmes lourdes dans les premières pages ; organisation non-chronologique ; sexualité dans son acception la plus vile ; oisiveté ; fin nihiliste ; colonisation mentale américaine (personnages ET auteur) ; dépression ; addictions ; emphase permanente ; grossièreté hors dialogue ; pseudo-subversion. La surabondance de parenthèses est peut-être le seul élément qui démarque un tant soit peu l'auteur, ce qui est quand même problématique pour une oeuvre qui se veut littéraire. L'auteur voudra bien par ailleurs expliquer dans une réédition ultérieure, ce qu'à Dieu ne plaise, ce qui différencie concrètement pour lui, dans l'exclamation d'un personnage, une phrase qui se termine par « ! » et une autre qui se termine par « !!!! » ; la BD, c'est très bien, mais ce n'est pas le roman. Une chose que l'on ne peut pas enlever au livre, c'est qu'il se lit très facilement, mis à part deux ou trois raisonnements techniques du papa. Chacun interprétera cette facilité soit comme une fluidité de l'expression, soit comme une absence d'exigence ; moi, j'ai ma petite idée. L'on ne peut que se réjouir, par ailleurs que l'écrivain se double manifestement d'un lecteur de vraie littérature : on repère effectivement quelques allusions proustiennes, mais surtout, la répétition à trois ou quatre endroits du bel effet de l'expression « dont il ne connaissait pas le nom ». Monsieur Gunzig, vous n'êtes pas le seul à avoir lu et vu « le Château de ma mère » de Marcel Pagnol : ce genre d' « emprunts » ne peut pas passer inaperçu.



Le livre fait environ 350 pages. Sachant que les marges et la police choisies par l'édition correspondent à ce qui se fait pour les livres à destination des enfants de 7 ans, il devrait y avoir environ 300 pages avec une présentation normale. Retranchons à ces 300 le tiers déjà évoqué sur les atermoiements tapageurs qui n'avancent à rien, en y incluant pour être bon prince tout ce qui relève de l'obscénité gratuite et les retours à la ligne inutiles, on tombe à 200 pages. Supprimons les redondances et remplaçons les formulations qui alimentent notre programme de « cross-fit », on arrive à 160-170 pages à tout casser. Voilà comment l'on divise par deux le volume de papier d'un ouvrage sans toucher à l'intrigue, sans toucher au message politique, sans toucher aux personnages. Voilà, Au diable vauvert, comment l'on agit concrètement pour l'écologie au lieu de signer des donneurs de leçons.
Commenter  J’apprécie          125
Rocky, dernier rivage

Un couple et leurs deux enfants, sur décision de Fred le patriarche décide d'aller vivre sur une île à 600 kilomètres au large, afin de bien vivre l'effondrement... afin de supporter ce huit clos, Fred pensait avoir pensé à tout : de la nourriture à profusion, des teraoctets de musique, de cinéma et...un couple de domestiques afin de se la couler douce..bref le bonheur assuré loin du tumulte....Ce roman est pour moi une jubilation intense : Thomas Gunzig (dont je n'avais jamais entendu parler) propose plus une satire de notre société à travers la description des quatre personnages principaux, dont ce couple délicieusement odieux. Une écriture vraiment agréable, les pages se tourne facilement.. L'effondrement est narré par le prisme de ce couple dit "parfait"... Un véritable coup de coeur 2023 pour moi...mon seul regret est d'avoir terminé à l'instant ce roman.
Lien : https://www.babelio.com/livr..
Commenter  J’apprécie          120
Rocky, dernier rivage

Il y a quatre ans, je vous présentais avec enthousiasme un roman humoristique, "Feel Good", de l'auteur belge Thomas Gunzig. J'avais très envie de relire cet l'écrivain. Voilà qui est fait et c'est de nouveau une très belle découverte, dans un genre très différent puisque l'auteur nous propose cette fois un roman survivaliste.



Une catastrophe d'ampleur mondiale entraine la fin de notre civilisation. Fred, milliardaire prévoyant, a anticipé cette probabilité et acheté une île déserte sur laquelle il a conçu une infrastructure luxueuse pouvant accueillir sa famille en cas de cataclysme sur la terre. Quand ce scénario intervient, Fred a tout juste le temps de fuir le continent avec sa famille, en avion, pour rejoindre son île. Il n'a pas oublié de prévoir le personnel de maison, un couple de chiliens. Au début, tout se passe plutôt bien. Les ennuis commencent quand les employés se rebellent.



"Rocky, dernier rivage" est un roman d'aventure assez haletant, surtout dans la dernière partie. Je dois dire que j'avais du mal à le quitter, très impatiente de découvrir quelle tournure allaient prendre les évènements. Nous suivons les faits et gestes de chaque personnage et avons accès à ses pensées. Chaque membre de la famille réagit différemment et l'un d'eux va finalement commettre un acte qui va débloquer la situation.



On ne peut pas réduire ce roman à un roman d'aventures. Il apporte une réflexion sur différents sujets : la famille, le salariat, le rapport à la modernité mais surtout sur la relation de l'homme avec la nature. Tout autant que les discours et conférences sur le sujet, le roman peut apporter sa pierre à l'édifice écologique en replaçant l'homme à sa juste place.



Un très bon roman !
Lien : http://sylire.over-blog.com/..
Commenter  J’apprécie          120
Borgia, comédie contemporaine

Poursuivant l'œuvre de cet auteur que j'aime décidément beaucoup, j'ai bien apprécié cette pièce de théâtre profonde, complexe, drôle et juste à la fois. L'acte s'ouvre sur une mise en abyme : une grand-mère qui raconte une histoire à sa petite fille pour dormir, mais elle n'y arrive pas... Alors, elle propose une histoire vraie, une histoire de famille. Comment on quitte une famille, comment on se trompe de famille... Six chapitres. Les personnages arrivent tour à tour, se mêlant à la scène initiale et créant des distorsions entre le récit, l'acte, le commentaire et le décalage. Jusque-là, c'est sympa, mais ce n'est pas la révolution non plus. Sauf que Gunzig a l'idée saugrenue de créer un personnage improbable. En effet, à la suite d'un accident, la grand-mère se retrouve avec une petite tête sur son épaule qui va - dans un langage sans concession - ouvrir les yeux de la gamine sur sa famille. Pourtant, des gens très bien, le père est Bourgmestre. Son voyage se poursuit... J'ai beaucoup aimé la famille triste, lucide, militante, mais triste... Le final est un surprenant retournement de situation qui détricote tout le système, en espérant que la jeune fille ne suive pas le même sillon. C'est très réussi, un peu complexe à suivre parfois. D'autant plus à mettre en scène, j'imagine. Quoique de temps en temps, il suffit de suivre ce que propose l'auteur et la magie théâtrale fait le reste... J'espère voir une de ses pièces sur scène, un jour.
Commenter  J’apprécie          120
Le sang des bêtes

Merci tout d'abord à Masse Critique pour la proposition de cet ouvrage.



Récit assez philosophique et teinté de surréalisme. Roman qui questionne selon une tradition existentialiste la place de l'individu dans le monde, dans la société mais aussi dans l'Histoire avec comme prisme d'analyse un personnage qui à l'ère écologique est une vache mais qui remplace l'homme naturellement sauvage de Rousseau et qui renvoie d'une certaine façon les interrogations que se posent les personnages de manière brute et sans déterminisme.



Un ouvrage assez contemporain qui substitue à la condition de l'homme moderne, la condition de l'anima présent.

C'est très perspicace, intéressant et nous invite à une grande humilité.
Commenter  J’apprécie          120
Le sang des bêtes

Thomas Gunzig nous pousse,, au travers d'un récit surprenant et désopilant, à une réflexion sur les grands thèmes societaux actuels. Rien n'est dit, tout est en filigrane. Le "sauvetage" d'une jeune fille très spéciale donne lieu à aborder le veganisme, la cruauté envers les animaux, les OGM, les dérives de la science, le transgenrisme, la seconde guerre mondiale, les gènes familiaux,l'antisémitisme... bref un beau melting pot de tout... et j'en passe.

c'est très sympa et ça se lit très vite (2 heures pour ma part)
Commenter  J’apprécie          120
Le sang des bêtes

Fable? Conte?

Une morale est à tirer de ce petit livre sautillant, à l'apparence légère.



Quid d'une vache qui, suite à une expérimentation, est devenue femme qui sent, ressent et vous parle?

Cherchez l'intrus…



Celui qui sait entendre? Ou celui qui passe à côté de ce qui peut être essentiel?



De grands thèmes sociétaux sont traités : judéité et malaise, spécisme, véganisme, migrants, culte du corps, couple en dérive…



Tout y est décliné et met en exergue la faiblesse humaine, le refus de voir, le refus d'agir, les non-dits, les malaises.



Une façon personnelle choisie par l'auteur, un peu d'absurde, un peu d'humour qui désarçonne voire déstabilise avant de revenir à une réalité : la difficulté de la vie, d'être et d'agir.

Sa propre existence et celle des autres, jusqu'où est-on lâche, jusqu'où est-on présent à ce qui est?



Tout finit bien après ce méli-mélo excessif de faits et de sentiments s'assimilant à un espoir : l'homme peut être autre chose… ?

Cependant cette lecture me laisse insatisfaite... et demeure une fantaisie peu probante.



Merci à Babelio et aux Éditions Au Diable Vauvert pour cette lecture.

Commenter  J’apprécie          120
Autour de Blake & Mortimer : Le dernier Pha..

N'ayant pas relu de "Blake et Mortimer" depuis l'enfance, je ne suis probablement pas la mieux placée pour juger de l'héritage de E. P. Jacobs.

Cependant, ce nouveau tome est dans la lignée des souvenirs que m'ont laissé les originaux. Des mystères, des enjeux internationaux, l'Égypte, des monuments visités de nuit... L'essentiel est là, moins le côté très explicatif et bavard. C'est plutôt un compliment, dans la mesure où je n'ai jamais compris pourquoi Jacobs décrivait ce que l'on voyait dans les cases (d'ailleurs je ne lisais que les dialogues).

Côté scénario, j'ai donc été assez séduite. Même si je ne suis pas sûre que cette histoire de flux à maîtriser pour permettre à une civilisation basée sur la technologie de voir le jour tienne vraiment la route (enfin il est possible que j'ai perdu le fil... Ils s'y sont quand même mis à trois pour écrire le scénario !).

Les dessins ont de quoi déstabiliser car ils sont très éloignés du trait original, mais ils sont magnifiés par la mise en couleur de Laurent Durieux. Si vous ne connaissez pas son travail, je vous invite à chercher ses revisites d'affiches de films. C'est du grand art !
Commenter  J’apprécie          120
La vie sauvage

Cher Thomas,

.

Dans mes lectures, il semble que j’ai parfois un temps de retard ou d’avance c’est selon.

Ainsi je ne t'avais jamais lu. Jusqu'à la découverte de ta prochaine parution. Qui m'a incité à en savoir plus et tenter de comprendre l’auteur que tu es... .

Sans vraiment réfléchir, j’ai choisi le premier livre trouvé, et c’est « La vie Sauvage ». Peut-être en écho à ce film de Truffaut qui m’a permis d’appréhender une autre forme de cinéma…

.

J’ai retrouvé dans ce texte ce qui m’avait interpellé dans le précédent. Ce ton parfois désabusé, avec ces pointes d’humour noir, ces références littéraires, comme ajoutées pour légitimer le propos, et ce portrait de notre société, sans concession, qui dérange les consciences, avec aussi quelques clichés, déjà vus ou entendus mais toujours d’actualité.

.

J’ai suivi Charles, adolescent différent de ceux qu’il va maintenant côtoyer, et malgré tout semblable à ceux de son âge qui remettent en cause les modèles de leurs aînés, avec cette forme d’arrogance liée à la pensée de déjà tout savoir, de tout comprendre…Une normalité adolescente qui s’érige comme une exception…Son analyse du monde occidental est acide, pessimiste, perturbante. Et pourtant certains points décriés ne sont-ils pas similaires à ce qu’il souhaite offrir à celle qu’il aime…La contradiction de l’adolescent qui rejette, dissèque ce qu’il va recopier, très peu au début, plus parfois au fil du temps. .

Ce roman pique, met mal à l’aise, interroge, mais surtout est addictif. On s’accroche au récit, on observe, fasciné, le visage de Charles qui se dessine, on lève les yeux au ciel en se disant que tout cela va trop loin, et puis on comprend que non, c’est ainsi que ça devait être, parce que la fin justifie les moyens… parce que l’immoral fait preuve de moral…parce qu’il s’agit d’amour avant tout.

.

C’est évident, ça peut agacer. Mais moi, j’aime quand ça bouscule, surtout en étant si bien écrit, que ça questionne, mais n’est-ce pas le but d’un livre ?

Ce que je retiens au final, c’est que cette histoire, passionnante, est un très bon choix de lecture.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
Commenter  J’apprécie          120
Figures du transfert - episodes cliniques

Vous devez savoir que j’aime Thomas Gunzig comme un membre de ma famille – entendez par là, la partie douce et joyeuse de ma famille, parce qu’elle est également composée d’une branche plus rugueuse dirigée par mon Grand Oncle, et si j’avais dit, par exemple, j’aime Thomas Gunzig comme mon Grand Oncle, l’auteur aurait eu raison de présumer de toute mon inimitié. Quand il s’agit de famille, je ne suis plus certaine d’être complètement objective. Cela va même plus loin : à la moindre attaque – justifiée ou non, là n’est pas la question – je deviens méchante-méchante. Gare à quiconque porte atteinte à l’une de ses crolles.



Cette précaution d’usage étant faite, je ne peux que vous conseiller la lecture de Figures du transfert – épisodes cliniques. Et ce d’autant plus que ce livre ne compte que deux lecteurs sur Babelio. Un des lecteurs étant moi, l’autre étant soit l’éditeur, soit Thomas Gunzig lui-même. (Cette dernière option serait la plus triste puisqu’elle implique que son propre éditeur ait oublié jusqu’à l’existence dudit manuscrit). Dans les cercles restreints de lecture se cachent deux interprétations possibles. Soit un livre n’a que quelques lecteurs parce qu’il est en réalité de faible qualité, auquel cas son faible rayonnement n’en est que logique (il est question ici de l’hypothèse la plus souvent vécue), soit les quelques lecteurs (étant conscients d’avoir entre leurs mains un petit chef d’œuvre) souhaitent se réserver, un peu égoïstement il est vrai, le bienfait de leur trouvaille et sentir, en plus de la joie de la lecture, le plaisir de l’appartenance à un tout petit groupe d’élus. Le livre nous touche intimement et nous flatte à la fois : hypothèse rare mais ici rencontrée. Nos égos nourris de l’exclusif portent cependant atteinte à l’intégrité financière des auteurs. Thomas Gunzig est obligé de se prostituer – avec élégance malgré tout – sur les ondes de la RTBF, ses droits d’auteur étant – j’imagine mais je n’en sais rien, peut-être aime-t-il cela – trop faibles que pour mener une vie décente. C’est un appel : achetez son livre.



À peine prononcé, cet appel doit subir une nuance. Ou plutôt un aveu : je n’ai pas acheté son livre neuf mais d’occasion, dans un magasin de seconde main à Bruxelles au milieu d’une rue pratiquement piétonne. C’est un lieu merveilleux où les prix varient entre 0,5 cents et 5 euros. J’en profite pour remercier tous les revendeurs de livres estampillés SP (service presse). Leurs reventes y sont proposées à prix d’amis (alors qu’ils semblent n’avoir jamais été ouverts). Mes remerciements vont particulièrement à un directeur d’un quotidien culturel belge qui a la gentillesse de ne pas arracher la page sur laquelle une dédicace lui est parfois adressée. Je possède alors des livres dans un état impeccable et signés de la main de leur auteur (certes pas à mon intention, il faut parfois se contenter de ce que l’on a). Ces achats de réemploi ne m’empêchent pas d’aller dans des librairies indépendantes sur Bruxelles ou Namur. Ces modes de consommation se complètent. Il est tout à fait possible que j’aille y faire un tour pour offrir neuf ce Figures du transfert.



Le livre est court, fluide, il se lit d’une traire, comme une nouvelle. Sa lecture ne m’a pris que le temps d’un trajet Ecaussinnes-Bruxelles Nord en train (Départ d’Ecaussinnes : 8h30, arrivée Bruxelles Nord 09:18+3 minutes de retard) (cette précision est importante, ce train n’étant pas direct, un changement doit être effectué à Braine-le-Comte, le trajet est alors rallongé, il dure exactement 48 minutes (+ éventuel retard), temps de lecture idéal) (Prenez quand même un second livre avec vous, un grand David Foster Wallace par exemple, avec la SNCB nous ne sommes jamais trop prudents, ces deux auteurs ayant quelques points d’accointance – sur ce texte du moins –, vous ne serez pas déçus).



Ce livre parle de politique. Avec un humour grinçant. Typiquement belge. D’ailleurs, pour bien comprendre les influences culturelles et sociétales de Thomas Gunzig, je vous conseille de lire ce livre dans mon fameux train. Celui qui fait Ecaussinnes-Bruxelles Nord. Non plus parce que le temps de parcours est idéal mais parce qu’il a des vertus pédagogiques. C’est une illustration poétique de nos institutions. Vous commencerez par traverser la Wallonie, au départ du Hainaut, vous verrez les arrières de jardin et des ouvriers qui n’en finissent pas de couper des arbres à l’abord des rails pour en faire des copeaux, la contrôleuse vous parlera en français. Vous pénétrerez ensuite en Flandre, avec des jardins tout aussi jolis, parfois mieux entretenus, et de temps à autre des drapeaux jaunes avec un lion qui tire la langue, la contrôleuse ne parlera plus que néerlandais. À peine quelques minutes plus tard, vous entrerez dans Bruxelles, là où toutes les voies de chemin de fer se rejoignent et la contrôleuse deviendra bilingue. Ces travestissements langagiers rythment de poésie mon quotidien. Ils ont parfois été l’occasion de situations surréalistes comme cette fois où, sur un trajet du retour, Bruxelles à peine quittée, la contrôleuse devait, en néerlandais uniquement, nous expliquer que le train allait devoir reculer parce que la locomotive ne pouvait plus le tracter et que revenu à Bruxelles, il pourrait ensuite repartir dans la bonne direction. Son message d’annonce ne fut ni compris par les néerlandophones qui descendent à Hal, ni pas les francophones qui auraient pourtant pu se douter que gereculard avait la même étymologie que reculer. Un italien me lançait des petits regards d’incompréhension mais, mon pauvre vieux, nous étions tous dans la même misère. C’est finalement un passager parfaitement bilingue (qui n’est pas mort lui) (pour comprendre la parenthèse précédente, il faut avoir lu un autre livre de T.G., pas mal lui non plus) qui a fait la traduction dans les deux langues, faisant fi des réglementations linguistiques, tandis que notre train reculait. L’histoire ne dit pas si ce passager était d’origine flamande ou wallonne (mais l’expérience me fait dire qu’il est certainement descendu à Hal avec beaucoup de retard). La politique abordée dans Figures du transfert – épisodes cliniques est plus sournoise et plus générale que la simple politique belge. Elle se mêle à la médecine. Science qui, sous des attraits objectifs, n’est cependant pas apolitique. En ce qu’il rassemble parfaitement ces deux environnements, le livre est brillant.



Dernier argument massue pour vous convaincre de l’acheter – et éventuellement de le lire –, ce livre a une force orale assez rythmée. Les dialogues sont retranscrits sans fioriture, ils sont d’une belle justesse, d’une tendre drôlerie. Ils ne gâchent pas le côté sombre du récit. L’humour souvent rajoute du malaise à l’angoisse. Ces dialogues ne sont pas sans rappeler le débit de certaines chroniques de Thomas – à ce stade-ci, je me permets l’usage du seul prénom, nous atteignons une forme d’intimité et si vous vous demandez en lisant cette recension Que suis-je en train de faire de mon temps ?, sachez que je me pose à l’instant exactement la même interrogation en écrivant. Écoutez ces chroniques et vous comprendrez mon rapprochement. Il fait ses déclamations sous forme de cafés serrés le matin sur la première. J’avais moi-même écrit, depuis mon lit, une chronique à sa place, pour qu’il ait moins de travail et qu’il se concentre sur l’écriture mais il était deux heures du matin, j’avais trop bu, je ne lui ai finalement rien envoyé. J’avais aussi écrit, le lendemain, une lettre pour lui expliquer pourquoi je ne lui avais pas envoyé ma chronique la veille (lettre que je n’ai pas envoyée non plus). Elle commençait avec un aphorisme : « L'alcool est toujours sublime puis tragique : on croit s'endormir Thomas Gunzig dans un excellent café serré et on se réveille Stéphane Pauwels commentant un match de D3 ». (Parce que je ne veux froisser personne, ma critique porte surtout sur la qualité footballistique de la D3 belge).



Lisez ce petit livre de Thomas Gunzig. La vitesse de lecture ne le rendra pas éphémère pour autant.

Commenter  J’apprécie          122




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Thomas Gunzig (2055)Voir plus

Quiz Voir plus

Mélo-Méli de titres (policiers et thrillers - 3)

L'armée des glaces

Fred Vargas
Franck Thilliez
Camilla Lackberg

12 questions
85 lecteurs ont répondu
Thèmes : thriller psychologique , thriller américain , thriller francais , policier français , policier scandinaveCréer un quiz sur cet auteur

{* *}