De la chaise longue où je me suis installée sous le tilleul, je les regarde, lui et elle, rafistoler cette maison familiale laissée à l'abandon depuis des années. Jolie maison aux dimensions harmonieuses, construite pour durer longtemps et abriter des générations de familles aux enfants turbulents.
Des tuiles sont de guingois, la peinture est partie en lambeaux, l'appentis ne tient plus debout que de mémoire ou grâce à l'enchevêtrement des toiles d'araignées.
Plus loin, jouxtant le jardin rendu à son état sauvage, la rivière, la rivière poissonneuse dans laquelle son père lui avait appris, ainsi qu'à son frère, comment placer les nasses, lancer les lignes et se tenir d'aplomb pour ne pas être emporté par le courant. Car elle coule tranquille en apparence mais cache des remous tumultueux remplis de souvenirs et de blessures.
Pourquoi donc ce départ, pourquoi donc ce retour ? Rien ne le dit vraiment. de temps à autre, deux trois mots esquissés laissent supposer un malheur, un chagrin, une fragilité, une difficulté à vivre pleinement.
Lui a décidé de se donner une nouvelle chance, de réparer ce qui doit l'être, d'ôter ce qui est mort ou envahissant, de faire entrer la lumière et d'alléger son quotidien. Elle, aimante, complice, pleine d'entregent et de courage, ponce, peint, recycle, part à la découverte des environs, échange quelques mots avec la voisine, sauve un ragondin du dépeçage de sa fourrure, rencontre une adorable petite fille handicapée, apprend le nom des arbres, fait mijoter de délicieuses potées avec les plantes aromatiques du potager. Ici ça va.
Tout ce petit livre simple, pudique, silencieux, raconte à pas feutrés l'histoire d'une réparation, d'un retour sur soi, sur l'enfance, sur les blessures qu'emporte l'eau. Et puis, un jour, le frère arrive avec femme et enfants, les sourires renaissent francs, naturels, heureux. Ici ça va ne connaît pas de happy end mais tend vers une paix croisée, authentique. Superbe.
Je ne connaissais pas Thomas Vinau. Quelle simplicité, quelle richesse ! Je le découvre grâce aux chroniques de Terrains Vagues et de Michfred qui m'ont attirée comme une coulée de miel doré.
Tous ces courts moments de vie et de réappropriation laissent beaucoup d'espaces blancs qui, à pratiquement chaque page, ont enflammé mon inspiration. Si j'étais douée pour le dessin, j'aurais rempli ces vides de jolies couleurs, d'arbres, d'animaux, de nids, de ciel, de croisillons de fenêtres, de profils d'elle et de lui. Ici ça va, la formule prend tout son sens.
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Ici ça va, merci.
Pas un meurtre, pas d’intrigue politicofinansexuelle, pas de tortionnaire ni de sérial taré, pas de fin du monde, pas d’égotique, pas d’épouvante, pas de questions existentielles ni de guerres, pas de pathos ni de tragique, pas de lutte de pouvoir, pas de pouvoir du tout c’est encore mieux, pas de superflu dernier cri, pas de trou dans la couche d’ozone, pas d’accident, pas de sang de pleurs de cris, pas de naufrage, pas d’emprisonnement, pas de flics, pas de militaires, pas de psys, pas de multinationales, pas d’argent, pas d’enquêtes, pas d’extra terrestres ni de méchants envahisseurs ni de savants fous, pas de nasillons ni de fachos, pas de bobos, pas de télé ni de journaux, pas d’enfants martyrs ni d’enfants soldats, aucun tremblement de terre ni volcan en éruption, pas de tsunami, pas de tempête de tornade de cyclone d’inondation, pas de terroristes , pas de religions, pas d’injustices pas de camps, pas d’espionnage, pas de dictature ni de génocide, pas de crimes passionnels ni de chagrin d’amour, pas de divorce, de garde d’enfant, pas de juges ni de procès, pas d’humiliations ni d’esclavage ni asservissement, pas de viol ni torture, pas de psychopathes de psychorigides de psychoses, pas de…
Euh… vous êtes toujours là? Non parce qu’en général pour capter le lecteur il faut un truc qui fasse sensation, on se fout de ce qui va bien. Pire, souvent ça en rend certains agressifs.
Donc ici tout va bien, très bien même. De l’amour en barre saupoudré de petits bonheurs quotidiens tout simples, le tout baignant dans un océan de poésie.
Ici ça va et si les souvenirs de Thomas font parfois l’école buissonnière, sa reconstruction cimentée par l’amour d’Ema et par leur complicité, fait de ce livre une petite merveille prenant à contre pied certaines de nos préoccupations quotidiennes qui nous font trop souvent passer à coté d’un p’tit truc anodin qui pour peu qu’on lui jette un regard différent, ou un regard tout court, a tout pour nous ensoleiller une journée.
Ici ça va, c’est un petit journal, quelques instantanés où perfuse la paix, la sérénité. Rien de spirituel là dedans, c’est du bio, du vrai, du naturel, comme une respiration. Des billets courts et intenses d’émotions simples et tellement belles.
Ici ça va, il n’y a qu’enchantement, joie, plaisir, délice, calme, gaité, charme, grâce, poésie…
Euh… vous êtes toujours là?
Donc les trains qui arrivent à l’heure ça vous intéresse?
Alors n’hésitez pas une seconde, foncez. Ce bouquin est un Sourire. XXL le sourire.
Merci m’sieur Vinau, une fois de plus.
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Le sourire de Noé à travers la vitre embuée lui rappelle à quel point son fils est sa bouée de sauvetage. Son nuage. Son équilibre. Même précaire. Vaciller. Espérer. Attendre le soir qui tarde, grimpé là-haut dans sa cabane. Pour seule compagnie la voisine flûte traversière qui le berce. Fuite en avant pour mieux se retrouver. Contempler le ciel et les nuages. S'étendre. Trouver refuge dans un arbre, les pieds suspendus, les yeux au ciel, le cœur en jachère. Parenthèse enchantée et enchanteresse...
Thomas Vinau n'est pas un écrivain mais un poète. Dans ce roman vibrant, hommage aux choses qui nous entourent et que l'on ne prend plus la peine de regarder, l'auteur dessine les mots, réenchante le quotidien et nous invite à un véritable voyage vers les nuages. Epuré, sensible, doux-amer, poétique, parfois mélancolique, ce roman ouvre le champ des possibles. Economie de mots et courtes phrases pour une profusion de sentiments. Thomas Vinau ne se raconte pas, il se lit.
La part des nuages... des étoiles dans les yeux...
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Une affaire de nuages.
Un long poème sur l'instant qui passe et toutes nos journées perdues à se donner l'illusion. Le café du matin. Le travail. Les courses au supermarché. L'attente des congés payés. Le pavillon, et son petit jardin. De temps en temps, une pizza.
Une banalité affligeante qui étrille nos rêves, qui tue l'amour.
Un jour, celle pour qui on aurait fait dix fois le tour de la terre, s'en va, déçue, amère, fatiguée. Elle s'en va sans se retourner, construire une autre vie ailleurs, en prenant le gosse par la main.
Joseph, 37 ans, n'a rien vu venir. Il n'a pas vu venir grand-chose dans sa vie. Il se retrouve seul, complètement vide de lui-même, à attendre le retour à heure fixe de Noé, le fils prodigue, celui qui illumine dans la grisaille.
Mais Joseph n'a pas dit son dernier mot. Il cherche à petits pas à ranimer ses rêves, à bousculer son quotidien trop sage. Et d'abord, prendre son temps. Cette impression de tenir tête à la tempête. Il le fait pour Noé. Pour essayer de retrouver son amour perdu, mais sans trop y croire.
Perché sur un cerisier, il va découvrir le monde qui l'entoure. Qu'il n'avait jamais pris la peine de regarder. Il va savourer chaque seconde qui passe. Il va s'ouvrir aux autres, à d'autres éclopés de la vie. Il n'attend plus rien des autres, même du visage rieur de la « voisine flute traversière ».
Noé peut vivre de ses rêves. De tous ses rêves. Son papa sera désormais là pour l'accompagner. Il en a de la chance.
Un beau livre qui, mine de rien, avec tendresse, et désespoir, et beaucoup d'amour, parle de nous.
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Admirer l'aube naissante. Boire à grandes goulées la pluie qui tombe. Ressentir le souffle du vent.
Caresser l'ombre de la nuit. Boire le bleu du ciel. Butiner le soleil. Saupoudrer de nuage.
Écouter les premiers pas dans l'escalier. Plonger le sucre tête la première dans le café noir. Murmurer trois notes de musique.
Rattraper la vie qui galope. Le temps qui déraille. Suspendre l'instant présent.
S'asseoir au bord du temps, les pieds dans le vide...
Susurrer les mots. Cajoler le moment. Simplement profiter, s'émerveiller.
Plonger la main dans ses petits riens. Fragiles. Cotonneux. Nostalgiques.
Regarder la vie passer avant qu'elle nous échappe...
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Partir. Voyager. Découvrir. Admirer. S'enrichir. Rencontrer.
Prendre tout ce que la vie a encore à donner.
Puis revenir. Auprès de celle qui.
N'être qu'un. Puis deux.
Profiter des petits riens. Des matins gris. Des dimanches orange. De la lune blanche.
De la pluie cinglante. De l'herbe mouillée. Du froid doux.
Partager un panier de légumes. Une chanson. L'odeur du lit. L'arc en ciel des sentiments.
Vivre l'instant. L'aujourd'hui. Pour des lendemains chantants.
Se regarder vivre. S'énamourer. S'apprivoiser.
Et toujours profiter. Jouir. S'émerveiller.
À hauteur d'homme. Avec ses hauts et ses bas.
Des mots susurrés. Suaves. Mélancoliques.
Des sentiments à fleur de peau. À fleur de mots.
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Avec Ema, il vient tout juste d'emménager dans la maison de son enfance. Une maison encore emplie de silences, de poussière, de toiles d'araignée et de souvenirs. Elle ne demande qu'à être retapée, nettoyée, fleurie, embaumée pour être à nouveau vivante, à l'instar de ce jeune couple. Lui, être fragile, sent qu'il peut à tout moment perdre pied. La mort soudaine de son papa l'a ébranlé. Mais la vie est là, à ses pieds. Il suffit juste de se pencher pour la cueillir. La pêche, la visite de la voisine, le sauvetage d'un ragondin, la visite du frère, autant de moments qui réenchantent la vie...
D'une grande et sincère simplicité, Thomas Vinau nous offre une parenthèse enchantée. de la poésie et un brin de magie se dégage de ce roman dans lequel l'auteur joue avec les mots, nous plonge dans cette rivière et nous aide à panser nos blessures du quotidien. Celles du narrateur sont juste devinées, il n'y a pas besoin de mots parfois pour les décrire. On les ressent, c'est bien là l'essentiel. La maison de son enfance et Ema, qu'il aime regarder jardiner, seront un nouveau départ pour lui. Chaque instant est vécu avec intensité. Thomas Vinau, de par son écriture poétique et maîtrisée, décrit des moments tout simples avec subtilité et intensité. L'on referme ce roman tout doucement comme l'on referme la porte de cette maison et l'on s'éclipse sur la pointe des pieds, de peur de voir le bonheur s'envoler...
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Des petits mots. Des mots doux. Des mots tendres. Des mots-pansements.
Des mots de tous les jours. Des mots de petit jour. Des mots volés et envolés.
Des petits bonheurs deci-delà. Éparpillés. Semés.
Des petits riens silencieux. Des petits riens qui font grand bruit.
Des instants suspendus. Un entre-deux.
Un matin gris. Des feuilles jaunes. Un diamant noir. Un ciel vert.
Des brumes bleues. Des petits jours blancs. Des matins aubépine. Des soirs orangés.
Vague à l'âme et âme sœur.
Bleu de travail. Bleus au cœur. Bleus à l'âme.
Poèmes des matins-chagrins, des matins-sourires.
Poèmes berceurs et enchanteurs. Poèmes mélancoliques.
Thomas Vinau, funambule sur le fil de la vie...
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365 jours et autant de merci, de je t'aime ou de merde.
365 regards posés, attendris, surpris ou émerveillés.
365 fois de peut-être, de pourquoi pas, de et si.
365 larmes et autant de rires et de sourires.
365 flaques de soleil, poussières d'étoiles et ciels cotonneux.
365 papillons dans le ventre, 365 étincelles dans les yeux...
365 poèmes à grignoter. Au fil de ses envies. De ses humeurs. De ses besoins.
Des poèmes enchanteurs qui donnent vie aux petits riens du quotidien.
Des poèmes qui ravissent, qui ravivent... qui font, peut-être, qu'aujourd'hui, c'est un beau jour pour ne pas mourir...
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Un grand merci à Babelio et aux éditions Alma...
Blotti sous un buisson d'acacias, le garçon peine à reprendre ses esprits. La peau tuméfiée, quelques traces de sang ici et là sur son visage, la douleur qui lui coupe le souffle. Après une longue course effrénée, c'est au cœur de la forêt qu'il a trouvé refuge. À côté de lui, son chien, couché sur le flanc. Blessé lui aussi, une respiration lente. Gaspard va devoir le porter à bout de bras s'il veut avancer, maintenant qu'il n'a plus peur. Il s'enveloppe dans cette brume de printemps. S'enfonce dans le ventre de cette forêt, à la fois protectrice et hostile...
Comme Gaspard, goûtez, explorez, apprivoisez cette forêt et laissez-vous guider... Partez à la découverte de personnes incroyables, fantasques et généreuses qui, comme ce petit garçon, sauront vous prendre la main et vous emmener vers des horizons inconnus... Que ce soit Jean-le-blanc, le sorcier herboriste au grand cœur, Sarah, l'intrépide prostituée, Fata' ou encore Capello. Au contact de ces gens du voyage, surnommés la Caravane à Pépère, Gaspard apprendra la dureté de la vie, la solidarité, les révoltes sociales, les injustices. De sa plume douce et poétique, Thomas Vinau, ce conteur, dépeint une société vieille de plus de 100 ans et constate combien peu de choses ont changé. Il nous offre un roman lumineux, profondément humain, minéral et ancré dans la terre.
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Juste après la pluie, c’est une copieuse averse de poèmes, deux cent quatre-vingts pour être précis, certains très courts, voire minuscules quand d’autres s’étalent sur deux pages. Ils sont tendres, ou bien audacieux parfois effrontés et rebelles, mais jamais ils ne laissent indifférent. On sourit ou on rit, on s’émeut et on en redemande. Ce sont des petits bonbons acidulés, piquants ou moelleux qui parfois ont un gout de caramel venu de l’enfance. « ce monde est un bonbon au piment ».
On y croise tout une animalerie : des baleines souriantes ou encore « un éléphant qui marche tranquillement sur la lune ». Il a des mauvaises herbes qu’on n’arrache pas pendant qu’on fait l’amour derrière les volets clos et que « le pot-au-feu [qui] popote dans la grande nuit qui tombe » parfume la nuit et la vie.
Certains poèmes ont la concision d’un haïku
« Les mauvaises herbes
Elles en auront sauvé
Des paysages »
« Je suis un écririen » nous dit encore le poète qui tisse les mots, croque le quotidien et multiplie les petits rien comme des petits pains pour nous en offrir les miettes.
Vous l’aurez compris, la poésie de Thomas Vinau est une poésie du quotidien, une poésie sans affèteries qui va à l’essentiel en s’ouvrant sur le merveilleux, une poésie vivante qui bouscule parfois car elle prend racine dans la condition humaine.
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Après une mise en quarantaine volontaire de littérature, ce petit livre de Thomas Vinau s’est invité dans mon bagage. Entendant sa propriétaire me murmurer que ce petit opus me ferait du bien, je savais déjà que cet emprunt serait définitif.
Reconstruire sa maison, quelle belle métaphore pour nous montrer comment le personnage principal cabossé par la vie va se reconstruire. Attentif à la nature et aux saisons, il va réapprendre à vivre en compagnie d’Ema. Des gestes simples : tailler la vigne, soigner un ragondin, ramoner la cheminée, pêcher, arroser un plant de radis, remettre en état cette maison qu’il a quittée il y a bien longtemps. Se sentir vivre à nouveau.
Thomas Vinau n’a pas son pareil pour nous décrire ce parcours par petites touches dans ce qui ressemble à une chronique. En refermant, trop vite, ce livre, vous penserez que oui, aujourd’hui : Ici ça va.
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Au cœur de ce jardin, l'on trouvera
Des tomates, des radis, des poivrons
des cerises, des abricots, des fraises
et des salades.
Des limaces, des escargots, des coccinelles.
Et un curieux jardinier,
souriant contemplativement.
Un amoureux de la nature
qui sème de la poésie,
qui plante de la magie,
qui récolte de jolis mots.
Qui cultive, en somme,
avec amour, patience et tendresse,
la terre de nos aïeux, la terre de nos enfants.
Des salades délicieuses, sucrées ou douces,
Qui se laissent fondre sous la langue...
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« C’est fini!
Nous avons saigné et pleuré pour toi. Tu recueilleras notre héritage.
Fils des désespérés, tu seras un homme libre! »
Cette citation de Jules Vallès tiré de « l’insurgé » vient clore ce Camp des autres beaucoup trop tôt tant j’aurais aimé prolonger le voyage. Prolonger un voyage au cœur des mots de Thomas Vinau.
La dernière page tournée, je n’ai pas pu fermer le livre. Pas envie de défaire la valise, pas tout de suite, pas comme ça. Pas comme on passe à autre chose, nous les héritiers qui petit à petit dilapidons les combats des anciens… Alors j’ai repris une page au hasard et j’ai relu, puis une deuxième, une troisième et encore, encore, encore… un peu… s’il te plait.
Ce camp des autres, c’est celui que les gens biens, craignent, mettent à l’écart ou aimeraient effacer d’un coup d’œillère. C’est le camp des exclus de tout horizon, des bandits de grand chemin, des déserteurs, des braconniers, des manouches, des saltimbanques, des rêveurs, des révoltés, des insoumis, des gens de rien. C’est le camp des Robin des bois dont les signes de ralliement sont synonymes de cœur et d’éthique contrairement aux apparences. C’est le camp de ceux pour qui famille est un lien du sans, un choix, une solidarité. C’est le camp de la nature, de la forêt qui accueille ce gibier de potence, le protège des puissants chasseurs bien pensant.
J’avais envie de continuer la route en compagnie de Gaspard, ce gamin chair à malheur, fuyant la noirceur et le drame de ses premières années au début du XXe siècle. Que j’aurais aimé que se prolonge la période où il prend conscience, entre crainte et fascination, que son futur ressemblera au présent de ses compagnons d’infortune. Il connaitra ses premiers instants de bonheur. Un bonheur simple, celui d’être ensemble, d’être dans le camp des autres quoi.
Pas envie de les quitter, je suis si bien avec eux, presque léger malgré le poids du destin, malgré les morsures du froid du cœur de l’homme. Il y a des chaleurs humaines qui pansent bien des plaies, qui protègent bien mieux que toutes les polices.
Inspiré de faits réels, nous sommes au début des brigades du tigre et déjà à l’époque Clemenceau envoyait la police contre les miséreux pour rassurer le bourgeois. Un siècle plus tard rien n’a changé mais je m’égare… si peu.
Quelle belle lecture. Plus qu’un livre, c’est presque un recueil de poésie où chaque portrait est tracé à la sanguine, noirci au charbon, jauni au temps qui passe. Chaque branche, chaque feuille, chaque buisson de ronces est une respiration. Chaque goutte de pluie ou de rosée, chaque souffle de vent est une caresse, un murmure.
L’écriture de Thomas Vinau est juste terrible, belle, magnifique enfin je ne sais pas si elle est très « littéraire » et je m’en tape, elle est poétique à souhait et correspond complètement à ce qui me touche, à une part de ma sensibilité. Que demander de plus? Un prochain bouquin siouplait m’sieur.
J’avais déjà été conquis avec La part des nuages, Le camp des autres confirme que Thomas Vinau fait maintenant partie des auteurs dont je vais attendre les prochaines publications avec impatience.
Sinon… j’ai adoré. Merci m’sieur Vinau.
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Dans un autre temps, là-bas au fond des forêts, Gaspard et son chien blessés fuient la violence paternelle. Sur leur chemin, une belle âme leur sauve la vie avant qu'une troupe de voleurs de grand chemin initie le jeune Gaspard à la vie marginale, à ses règles et ses valeurs.
Ce n'est pas un conte, l'histoire de Gaspard et de la Caravane à Pépère est inspirée de faits réels : constituée d'une centaine de membres, dont des déserteurs, des anciens prisonniers évadés et des bohémiens, originaires de Belgique, d'Allemagne ou de Suisse, la bande, dirigée par Jean Capello, un suisse, agissant jusqu'alors dans les Pays-Bas, entre en France en 1906 par la Lorraine et se dirige vers la Bretagne. En août 1906, elle terrorise les campagnes de Vendée, de Touraine et de Charente, commettant vols et escroqueries. le 2 juin 1907, une partie des membres de la caravane est arrêtée à La Tremblade par les futures brigades mobiles. Les roulottes sont perquisitionnées et sur la cinquantaine de nomades arrêtés, 17 sont relâchés. le 3 juin, des fonctionnaires du service anthropométrique de la Seine arrivent pour prendre les photographies, les mensurations et les empreintes digitales des nomades arrêtés. Si le bilan des perquisitions est maigre, l'opération est fortement médiatisée afin de rassurer les Français en démontrant que le gouvernement agit contre les bandes organisées (Wikipedia).
Thomas Vinau est sans aucun doute un poète, un poète idéaliste. Mais n'est-ce pas un pléonasme de le dire ? Toujours est-il que sous une masse de mots, de phrases décrivant une nature belle mais hostile, à l'instar d'une bande de voyous qu'il imagine retorse mais au grand coeur, il nous gratifie d'un message social du genre : déjà au début du XXe siècle des « méchants riches » s'en prenaient à « des gentils pauvres » (fussent-ils des authentiques fripouilles). Merci Monsieur Vinau...
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D'abord j'ai aimé le titre.
Parce qu'il me mettait aussitôt dans la tête une chanson d'Arthur H que j'adore , qui s'appelle je crois le Chercheur d'Or mais dont le refrain est " Ici ça va"...
"Ici ça va,", dit Thomas Vinau lui-même, "est une lettre du front. C'est par ces mots que je commencerais une lettre si j'étais loin, que j'allais bien et que je voulais rassurer quelqu'un".
Une longue lettre, un court récit.
La chronique pudique et poétique d'une reconstruction, après un accident, une dépression, un choc, un deuil...on ne sait pas, et là n'est pas le propos.
Pas de confidence pathétique, pas d'exhibition narcissique, pas d'enlisement névrotique, pas de marasme dépressif.
Juste des gestes de réparation- un toit qui fuit, une cabane qui brinquebale, un couteau qui rouille- , des gestes généreux -semer, délivrer, rassurer- , des gestes qui entretiennent - élaguer, débroussailler, cueillir.
Une certitude: Ema, son amour, son rire, sa confiance. Et tout redevient promesse, élan, chanson. Renaissance.
Un seul lieu: ici, au bord de la rivière d'une enfance perdue, oubliée, enfouie dans un entrelacs de broussailles et de souvenirs.
Thomas Vinau est unique pour donner des ailes à la tristesse, pour la faire envoler, légère, dans la vibration d'une rencontre -un vigneron, une petite fille sourde- , dans la chaleur des affections - celle d'un frère qui revient, celle d'un chien qui vadrouille.
Autant la tristesse d'un Olivier Adam plombe, poisse et s'apesantit, autant celle de Thomas Vinau féconde, caresse et s'évapore en rosée tendre, irisant le monde tout autour.
Car derrière elle, il y a une joie. Pas bébête, pas béate, pas benête.
Une joie faite de petits riens, de moments précieux et fragiles. Petites perles de rien du tout. De quoi se faire un collier.
Un grand collier d'air, comme disait joliment Aragon.
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C'est l'hiver...il fait froid dehors et , quand on est retraité, le canapé est si attirant...Enfin , le canapé , oui , mais avec un nouveau " bon bouquin ".Et celui -ci , comme on dit , il est petit , petit mais costaud .
Lui , c'est Gaspard , sûrement un bon gamin , un bon gamin qui doit prendre des "roustes " , a dû être poussé à bout et qu'on retrouve en fuite , dans la campagne avec son chien qui a pris sa défense.
Et c'est là que l'on tombe sous le charme , dans la nature . La nature protectrice , la nature nourricière , la nature qui se maitrise , qui se gagne , qui se mérite . Des bruits , des odeurs , l'eau qui court , qui indique le chemin de la mer , le chemin de la liberté .
Le rythme lent est d'une grande beauté , dégage beaucoup d'émotion. Les chapitres sont courts et donnent aux descriptions la force d'un torrent déchaîné. Paradoxal, certes,mais si efficace .
Et puis il y aura les rencontres , protectrices , bienveillantes , formatrices malgré les apparences .Des rencontres d'honnêteté , d'honneur , de respect , d'amour , l'apprentissage de la survie .C'est un très beau texte , vite lu , certes mais qui s'incruste en vous à jamais.
Il se termine par la première mission des "brigades du Tigre "...Oui , mais de tigre , peut-il en être question dans nos campagnes ? Pas certain , mais ....on y trouve bien encore de vieux loups...
Je vous conseille cette lecture ,elle est vraiment "particuliére" et interpelle...Elle est surtout pleine d'amour et de poésie, mais l'amour et la poésie sont-elles encore des valeurs d'aujourd'hui ? Comme vous , j'ose le croire ...encore un peu.
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