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Critiques de Vladimir Sorokine (63)
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La queue

Dire que ce livre a été écrit en 1983, c’est peu dire que je regrette de ne pas l’avoir eu entre les mains durant l’hiver 84-85. Cela aurait été le parfait manuel de conversation quotidienne en russe. C’est vraiment représentatif du quotidien de cette époque en tout cas. Le premières lignes mettent dans le bain :

- Camarade, qui est le dernier ?

- Probablement moi, mais derrière moi il y a encore une femme en manteau bleu.

- Donc, je suis derrière elle.

- Oui. Elle arrive dans un instant. Mettez-vous derrière moi en attendant.

Et le texte continue, en un fil de dialogues entre les personnes qui attendent.Dans l’édition en russe il y a des silhouettes de petits personnages alignés qui illustrent les pages ainsi que la couverture. C’est très juste, simple, et en même temps une critique acerbe de la situation en URSS.

Cet ouvrage mérite largement plus de 15 lecteurs, mais il faut dire qu’il a été desservi dans sa version française par l’équivoque inévitable due au titre (en russe il n’y a aucun jeu de mot sur le titre) qui a entraîné plus de fous rires sur les plateaux de télévision que de présentations sérieuses.
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La glace

La phrase très succincte qui tient lieu de biographie en quatrième de couverture évoque un auteur « sulfureux », j’ai lu ailleurs « non-conformiste » quelque part ailleurs, voilà qui ne manque d’attirer mon attention, la vôtre peut-être aussi. Ici un interview de l’auteur par les Inrockuptibles, qui permet de comprendre que visiblement ces termes quelque peu langue de bois signifient tout simplement qu’il est connu pour être un opposant au gouvernement. Le mouvement prosoviétique Going Together a organisé nombres d’actions contre lui, autodafés et procès, accusant l’écrivain de pornographie (pour autant que je puisse en juger, il y a effectivement des passages crus et explicites mais ils restent épisodiques). En 2014, il a d’ailleurs désavoué la politique russe en Crimée.



Le texte a été traduit par Bernard Kreise, dont je vous transmets un article ici, où le traducteur évoque sa perception de Sorokine. Découvrir et lire les articles de Passage A l’Est, merci à elle, m’a fait prendre conscience de l’importance du rôle du traducteur, alors qu’ils sont les mieux placés pour parler de l’œuvre, voilà pourquoi je me décide à en parler. En cherchant à en savoir plus sur Vladimir Sorokine, j’ai découvert qu’il s’agit en fait d’une trilogie, les autres tomes s’intitulent La voie de Bro et 23 000. Vous l’aurez deviné, ce premier tome se lit indépendamment des deux autres. Cette chronique étant pour moi l’occasion de me rafraichir la mémoire (….), je me suis replongée donc dans le roman avec plaisir.



Ce livre est composé de quatre parties, de longeurs inégales, et de nature différente, narration à la troisième ou la première personne, récits, l’auteur russe casse les conventions et le rythme du roman traditionnel. Dès le début, j’ai été décontenancée par ce procédé, briser la poitrine d’hommes et de femmes à coup de marteaux glacés, d’accord, mais dans quel but. Je me suis longtemps demandée vers quel but voulait nous mener Sorokine. J’ai d’abord penché pour le roman policier, bien que le titre ne soit pas classé dans la collection idoine de la maison d’édition. Ou pour le roman ésotérique, il y a quelques passages qui amènent à se poser la question. Lorsqu’on se rend compte que l’homme, qui se fait charcuter le poitrail, portait une inscription sur son t-shirt http://www.FUCK.RU, on commence à y voir un peu plus clair. Le mélange des genres est audacieux, il n’y a pas de doutes.





Beaucoup d’humour noir teinte ce roman, qui pourtant se base sur un réalisme tout aussi sombre, glauque et tragique en un sens et dénonce cette situation qui est tout sauf amusante. Les personnages dans la lignée de beaucoup d’autres personnages de la littérature russe, n’ont rien d’héroïque ou même de marquant, bien au contraire, ils sont enfoncés dans une lucidité amère et destructrice. Les tentatives de rébellion font sourire certes. Mais les hommes se perdent quelque part entre antisémitisme primaire, nationalise frôlant le social- et l’obéissance au régime. Allégorie du totalitarisme, celui qui brise la poitrine des gens, torture pour soumettre et aliéner le citoyen récalcitrant.



C’est une langue crue, dure, sans filtre, qui me fait penser à bien des égards à celle de Zakhar Prilepine, qui reflète une réalité qui est tout sauf idyllique, où alcool, proxénétisme, prostitution, drogue, flagornerie enveloppent les êtres dans un quotidien sans fard et sans lumière, ou tout se vend et tout s’achète, moyennant quelques liasses de dollars ou de roubles, peu importe. L’auteur ne nous donne aucun permis d’espoir, la réalité est brute, il faut l’accepter.



C’est une langue crue, dure, sans filtre, qui me fait penser à bien des égards à celle de Zakhar Prilepine, qui reflète une réalité qui est tout sauf idyllique, où alcool, proxénétisme, prostitution, drogue, flagornerie enveloppent les êtres dans un quotidien sans fard et sans lumière, ou tout se vend et tout s’achète, moyennant quelques liasses de dollars ou de roubles, peu importe. L’auteur ne nous donne aucun permis d’espoir, la réalité est brute, il faut l’accepter. Car les espoirs de fraternité et de famille, vitrine d’un lavage de cerveau, ne sont laissés et entretenus que par cette secte qui s’acharne à briser les gens.



Ce roman m’a vraiment décontenancée, me laissant perplexe devant la signification et son unité profonde: les quatre parties sont dissemblables et amènent plus de questions que de réponse. Qu’est-ce que cette glace, est-ce allégorique? Je suis donc allée voir ce que l’on en disait ailleurs. L’auteur aurait été suspecté de nazisme, rien que cela. Dénonciation du totalitarisme, mise à mal d’une société en manque de rêves, je ne suis pas arrivée à trouver une réponse qui me satisfasse pleinement, si toutefois elle existe. Reflet du chaos ambiant, voila une hypothèse qui me plaît. Quoi qu’il en soit, il faudrait surement lire la suite de la trilogie pour mieux cerner les intentions de l’auteur, ce qui n’est pas au programme de mes réjouissances immédiates. Peut-être l’année prochaine.






Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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La glace

Verve ravageuse, terrifiante et enjouée métaphore de la violence politique et humaine satisfaite d'elle-même.



Troisième roman du touche-à-tout iconoclaste russe, publié en 2002, "La glace" développe la "manière Sorokine" déjà bien expérimentée dans le "Le lard bleu" précédemment.



Récit en deux parties qui voit d'abord, dans la Russie contemporaine, les membres d'une secte pour le moins étonnante s'en prendre à des "victimes" qu'ils cherchent à "révéler" à grands coups de marteaux de glace dans la poitrine. Bonheur à ceux dont le cœur ou les poumons révèlent alors, sous les coups, un nom intime, dans un souffle involontaire : ils rejoindront la secte, malgré leur incompréhension initiale, et connaîtront la félicité. Malheur aux autres, dont les cadavres martelés et éclatés seront simplement abandonnés sur place.



La suite du récit, à la première personne, retrace la genèse et la jeunesse de la secte, depuis 1943 et l'évacuation d'une jeune Russe déportée vers un camp de travail en Allemagne, où des SS déjà affiliés, usant de cette même méthode d'extraction déjà éprouvée, la révèleront à elle-même, et lui permettront de poursuivre son récit jusqu'à sa conclusion, dans la Russie contemporaine.



Plutôt qu'une simple dénonciation du phénomène des sectes religieuses et millénaristes, une verve ravageuse au service d'une terrifiante et enjouée métaphore de la violence politique et humaine satisfaite d'elle-même.

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La glace

Type : Phénoménal, marquant, indélébile, crépusculaire... ésotérique, inquiétant...

Ma première rencontre avec un livre de Sorokine, et une découverte totale, lu d'une traite.

L'auteur : "J'ai moi aussi mon propre système optique: mes deux éclairages sont la Russie d'avant la révolution et la Russie post-industrielle de l'avenir. C'est à l'endroit où leurs rayons se croisent que je vois apparaître l'hologramme de la Russie d'aujourd'hui".

Le mot clé : DYSTOPIE - Décrire le monde sous des couleurs futuristes et totalitaires..

Je me suis laissé prendre par l'intrigue, l'angoisse, le mystère (mais qui sont donc ces gens ? cette Confrérie de la Lumière originelle ?), l'originalité du propos et de l'écriture. Les membres de cette secte enlèvent de façon inattendue des individus, blonds aux yeux bleus, dans les rues de Moscou. Pour quoi faire ? Pour faire "parler le coeur des hommes" en leur frappant la poitrine à coups de marteau en glace issue d'une météorite tombée il y a 100 ans en Sibérie... ...

Seuls les "élus" survivent et rejoignent la Confrérie de la Lumière originelle, les "prêtres de la glace dont la finalité est de retrouver la pureté de la lumière cosmique originelle..., qui se veut pure comme la glace et a pour objectif ultime de purifier l'humanité souillée par la corruption, le sexe, la violence....

Et la fin est tellement incroyable, pleine de références, de questions, de surprise... un très bon livre même pour les lecteurs qui, comme c'est mon cas, ne sont pas trop attirés par la science fiction...mais qui apprécient de lire sur la Russie.

La Glace relate la quête désespérée d'un paradis perdu.

Violent, énigmatique, ce roman, qui mêle plusieurs genres - fantastique, policier, satirique, picaresque -, est la critique féroce d'une époque où le sacré semble avoir disparu." (4e de couverture)
Lien : http://coquelicoquillages.bl..
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La queue

Titre équivoque en français, mais pas en russe puisqu'Очередь/'Otchered', c'est la file d'attente,

omniprésente dans la vie soviétique. Le livre de Sorokine est choral, composé de dialogues ou de conversations, instants tannés de la vie quotidienne, portraits et situations sur le vif. Plus explicite que des analyses abstraites, il raconte les Soviétiques et leur existence au jour le jour, leurs relations, la difficulté de vivre, mais aussi les petites joies quand on réussit à mettre quelque chose dans sa filoche, son 'avos'ka , mot dérivé de "au cas où". Un livre vivant, oral, idéal pour apprendre le russe qui se parle ailleurs que dans les manuels. Il suffit de se procurer deux livres, l'original et la traduction et de les lire en parallèle.
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Roman

Qui est le véritable héros de Roman de Vladimir Sorokine ? Est-ce Roman, jeune avocat qui décide de quitter la ville pour revenir habiter chez son oncle et sa tante, qui l'ont élevé ? Ou bien est-ce le roman russe lui-même, et son histoire tumultueuse qui accompagne celle de la Russie ?

On se demande parfois, à lire les délicats troubles amoureux de Roman et sa vie dans une campagne russe désuète, si on n'est pas égaré chez Dostoïevski, Pouchkine ou Tolstoï. Mais en transportant soudainement son texte sur le terrain d'un roman contemporain sec et teinté d'absurdité existentielle, Sorokine finit par retourner toutes les attentes. Dans une effarante explosion de violence finale, il signe l'acte de décès du genre romanesque et dynamite les défenseurs nostalgiques d'un "âge d'or" du roman russe. Un acte de vandalisme qui redonne un sérieux coup de fouet à une littérature perçue comme déclinante.
Lien : https://balises.bpi.fr/litte..
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La glace

Prenez les grands mythes habituellement véhiculés par les hippies : l'amour universel, le pouvoir du cœur, tout ça tout ça. Mettez-les dans un shaker que vous faites secouer par un auteur russe : on s'approche alors de La Glace.

Je ne vois absolument pas comment vous décrire autrement ce roman.

Il se développe en quatre parties, et pour chacune d'elle, l'auteur emprunte un style différent d'écriture. La première partie frôle la quintessence du minimalisme : sujet, verbe, point. C'est aussi perturbant qu'efficace. Ça n'est pas froid, c'est sibérien, violent, sans pitié, sans empathie : à peine humain. Ensuite seulement ça se détend, un peu.

Sans être un grand roman, c'est une lecture suffisamment surprenante pour être intéressante. Ça aurait pu être niais sans le traitement qui est fait du sujet, et pourtant, ça ne l'est pas du tout.

A découvrir !
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Roman

Le roman se déconstruit progressivement, subtilement, et s'achève dans une violence inouïe et inattendue. Voilà le sort que Sorokine prédit à la civilisation. Dans ce tableau idyllique et archétypal d'un village de la Russie profonde vivant en harmonie avec la nature se glissent des éléments dissonants, des simples écailles de peinture dans l'isba des Vospennikov jusqu'à l'affrontement insensé avec le loup.



Malgré tout, on a bien du mal à voir d'où sort cette violence sans nom, certes brutalement aveugle mais ritualisée . L'absence de tout facteur causal rend la vision de l'auteur difficilement compréhensible. Faut-il y chercher un sens allégorique ? Ou alors doit-on comprendre que tous les philosophes et écrivains invoqués par Sorokine seront à jamais inutiles face aux impulsions passionnelles et aux destructeurs accès de violence ? Véritablement, le souffle de la passion semble tout emporter chez Roman : la peinture, Schopenhauer, et jusqu'à ses réflexions métaphysiques (son monologue intérieur se raréfie au fil du texte).



C'est pas clair, et je crains que ça ne le sera jamais avec Sorokine. Visiblement, il expose une vision apocalyptique du futur dans toute son oeuvre (dont ma connaissance reste encore assez superficielle c'est vrai), sans donner à comprendre comment et/ou pourquoi on en arrivera là, alors que c'était peut-être mon attente principale, au-delà de revisiter les classiques du XIXe siècle.
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Soupe de cheval

Dans un wagon du train Simféropol-Moscou, se conclut un étrange marché.



Boris Ilyitch Boumistrov sort d'un camp de rééducation. Cet individu à l'aspect répugnant, inquiétant, prie Olia, rencontrée dans le train, de l'autoriser, une fois par mois, à assister à l'un de ses repas, spectacle qui lui procure un plaisir orgasmique. Elle percevra pour cela une importante rétribution. Décontenancée par cette surprenante proposition, la jeune fille l'accepte pourtant, essentiellement motivée par le gain qu'elle en retirera.



Ainsi s'instaure un singulier rituel entre ces deux inconnus. Leur rendez-vous mensuel est comme une parenthèse hermétique au reste de leurs existences : c'est dans le plus grand secret qu'Olia se soumet à ce cérémonial régulier, dont les modalités évoluent peu à peu. Arrive un moment où l'assiette que lui sert Boris dans les appartements successifs -de plus en plus luxueux- où il l'emmène, est vide. La jeune fille doit alors feindre de manger, pendant que son spectateur entre dans des transes de plus en plus intenses.



Pendant ce temps, les années passent...



"Soupe de cheval" est un texte court (il s'agit d'ailleurs d'une nouvelle, rééditée hors de son recueil par les Editions Olivier), une sorte de fable légèrement glauque, qui procure un sentiment d’écœurement et de malaise. Le jeu pervers auquel se livrent Olia et Boris instaure une forme de dépendance d'autant plus malsaine qu'elle est a priori incompréhensible.



La volonté de l'auteur, avec ce conte subtilement cruel, devient, au fil des évolutions du récit, évidente. Le lecteur comprend qu'il convient d'y voir une parabole des mutations qui, en l'espace de deux décennies, ont transformé la Russie, un mal en chassant un autre. Le récit débute avant la fin de l'ère soviétique, pour s'achever dans une Russie contemporaine gangrenée par la mafia. Au rationnement, à la rigueur, aux privations qui focalisent les fantasmes sur le prosaïsme d'une assiette pleine, succèdent le cynisme et l'iniquité d'une économie de marché où la jouissance ultime réside dans le fait même de posséder, devenu l'échelle de mesure d'un pouvoir exercé en toute impunité, et non plus le moyen de satisfaire des besoins vitaux.



La démonstration pourrait sembler un peu grossière, mais on se laisse facilement prendre à l'atmosphère étrangement malsaine du récit, suffisamment intrigué pour guetter avec impatience le dénouement de cette confrontation atypique. Le style de l'auteur est également très plaisant, j'ai entre autres apprécié sa façon de transcrire les pensées de ses personnages comme s'ils les exprimaient à voix haute, et sa capacité, en quelques phrases, à les doter d'une certaine densité.



Malheureusement, la fin, obscure et d'une violence subite, m'a profondément déçue. Je ne l'ai pas vraiment comprise, et l'ai trouvée décalée vis-à-vis du reste de l'intrigue.
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23 000

La conclusion dantesque de la trilogie de la Glace, mêlant indissociablement farce noire et sérieux mortel.



Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/02/09/note-de-lecture-23-000-vladimir-sorokine/
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Roman

Le (très) violent et (très) inattendu dynamitage de la mythique stase, campagnarde russe ou autre.



Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/02/01/note-de-lecture-roman-vladimir-sorokine/
Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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La glace

J'ai commencé par lire la suite de La Glace, "la voie de Bro"... autant dire que je ne comprenais pas grand chose mais je me suis accrochée. Puis j'ai lu la glace et j'avais l'impression d'avoir enfin les clés. Je n'ai pas réussi à le lâcher avant la fin car c'est un livre qui laisse une drôle d'impression, qui interpelle par la vision de l'humanité, son impact sur la planète... la glace et la voie de bro sont indissociables évidemment. Ces deux livres nous plongent également dans l'absurde de l'histoire et la culture russe. Je recommande ces deux livres à ceux qui s'intéressent aussi à l'histoire et qui aiment "un peu" la culture slave. Si vous n'aimez pas le fantastique, passez votre chemin...
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Le lard bleu

Délire scientifico-littéraire en Sibérie, fable politique et pornographique, son 1er chef d'œuvre



Surdoué provocateur, bête culturelle, poly-artiste, Sorokine est tout ça. « Le lard bleu », son second roman, publié en 1999, est son premier vrai passage à l'acte, après la déclaration d'intention réussie de "Roman" en 1994.



En 2068 en Sibérie, un groupe de scientifiques russes parvient à produire une très mystérieuse substance aux incroyables pouvoirs, le « lard bleu » à partir du corps des clones de sept grands de la littérature russe (Tolstoï, Tchekhov, Nabokov, Pasternak, Dostoïevski, Akhmatova et Platonov). Détourné par les services spéciaux, le « lard bleu » est confié à une machine à remonter le temps pour intervenir en 1954 dans les tractations de l'époque entre Staline, Krouchtchev et Hitler...



Témoignant de la stupéfiante maîtrise de l'histoire littéraire russe dont dispose l'auteur, également grand hommage à Rabelais, ce roman lui valut d'emblée d'être poursuivi pour pornographie – et d'avoir jusqu'à aujourd'hui encore de gros soucis avec le régime de Vladimir Poutine...



"Le 2 janvier 2068

Salut, mon petit. Mon lourd garçon, ma tendre salope, mon top-direct divin et abject. Me souvenir de toi a quelque chose d'infernal, rips laowai, c'est lourd au sens propre du terme.

Et dangereux – pour les rêves, pour la L-harmonie, pour le protoplasme, pour mon skand-chi, pour mon V-2.

A l'époque où je me trouvais à Sydney, chaque fois que je m'insérais dans la circulation, je m'adonnais déjà au souvenir. Tes hanches qui luisent à travers la peau, ta familière tache de «moine», ton tatoo-pro de mauvais goût, tes cheveux gris, tes jingji secrets, tes chuchotis salaces : embrasse-moi aux ETOILES !

Mais non. Ce n'est pas un souvenir. C'est mon brain-yueshi provisoire, grumeleux, plus ton minus-posit purulent. C'est un sang vieux qui coule en moi. Mon Heilong Jiang fangeux sur la berge limoneuse duquel tu chies et tu pisses.

Oui. Malgré mon Stolz-6 foncier, sans toi la vie de ton AMI est pénible. Sans coudées franches, sans gaowan, sans anneaux. Sans le cri final et le piaulement d'un lièvre : Wo ai ni !

Rips, je te croquerai. Quand ça ? OK. Top-direct.

Ecrire des lettres à notre époque est un travail épouvantable. Mais tu connais les conditions. Ici, tous les moyens de communication sont interdits, hormis les pigeons voyageurs. Des paquets nous parviennent à l'occasion, enveloppés dans du W-papier vert. On les scelle avec de la «cire à cacheter». Une belle expression, n'est-ce pas, rips ni ma de ?

Les AEROTRAINEAUX, c'est pas mal non plus. On m'y a baratté six heures durant depuis Atchinsk. Le diesel vrombissait comme ton clone-fighter. On avançait sur une «neige très blanche».

«L'Orient-Sibérie est grand», dit Fan Mo. "



Que le lecteur inquiet se rassure : l'énorme majorité des bizarres termes de russo-chinois utilisés dans les lettres des ingénieurs bénéficie d'abondantes notes de bas de page et de lexiques...

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Le lard bleu

Difficile de s’intéresser à un roman où on ne comprend rien... même traduit, on se retrouve a lire du russe-chinois-anglais mêlé à des termes techniques qui n'existent pas encore et ne sont pas expliqués. C'est fastidieux et l'histoire n'en vaut pas la peine
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La glace

L'objet de la Toungouska est tombé le 30 juin 1908, à 7h 17mn 11s heure locale à 60 km de la petite ville de Vanavara. Le cataclysme est survenu précisément dans la région de la Toungouska Pierreuse, en Sibérie centrale, à 800 km au nord-ouest du lac Baïkal.

Les habitants de la région ont raconté que, juste avant l’explosion, ils ont vu une boule de feu fendre l’air, et, à Kirensk, à environ 400 km de là, des témoins ont parlé d’une « colonne de feu ».

Les ondes de choc sont si violentes qu’un cheminot du Transsibérien crut que sa locomotive avait explosé. Il se trouvait pourtant à 560 km du point d’impact.

60 millions d'arbres sont brutalement couchés sur le sol et brûlés. A moins de 20 km de l’épicentre de Toungouska, environ 700 rennes et tous les chiens sont brûlés vifs. Tentes, nourriture et stock de bois des nomades partent également en fumée.

Les incendies brûlent pendant deux semaines et l’on peut voir une énorme colonne de flammes à plusieurs centaines de kilomètres de distance. Poussières et débris sont projetés dans l'atmosphère.

Les témoins rapportent également que juste après l'effroyable bruit qui suivit l'explosion, le sol se crevassa. Au même moment, le sismographe de l'Observatoire d'Irkoutsk enregistre un séisme de magnitude 5 qui durera 51 minutes.

Des perturbations magnétiques ont été enregistrées suite à l’explosion. La perturbation a duré plus de 6 heures. La tempête magnétique fut si intense que les boussoles de l'Observatoire d'Irkoutsk furent inutilisables à 977 Km de l'épicentre.

Les autorités impériales russes passent l’événement sous silence. Aucune allusion n’est donc faite dans la presse internationale.

Ce n’est qu’après la révolution que le gouvernement soviétique charge un scientifique, Leonid Kulik, d’enquêter sur l’explosion.



Vladimir Sorokine s'empare d'une des hypothèses de cet événement, la chute d'une comète, pour y placer la glace au centre de son livre. Nous trouvons alors dans un conte fantastique dans lequel les hommes cherchent à écouter leurs cœurs. Mais tout se passe comme si il fallait nécessairement recourir à la violence pour y parvenir. Les idéologies y sont fortement présentes. Au cœur du livre nous trouvons l'URSS envahie par l'Allemagne nazie.

La première partie du livre nous mène dans une période plus indéterminée de la Russie moderne alors que la fin nous conduit jusqu'aux années de la perestroïka et une autre invasion, celle de la société de consommation, d'Internet et de ses forums de discussion. La glace comme le cœur des hommes fondra au soleil de la société libérale. Cette partie est plutôt conduite comme un polar fantastique. L'ensemble du livre d'ailleurs nous y plonge, il s'agit d'un conte.

La deuxième partie m'a semblé plus ennuyeuse. C'est un long récapitulatif de l'histoire de Mer, matrice comme il se doit de ce conte fantastique.

La troisième se veut plus objective, plus réaliste, comme si l'auteur voulait ici nous faire perdre nos illusions d'enfants. La fin en est d'ailleurs une parfaite illustration.

L'ensemble du livre m'a donc paru un peu inégal.
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La tourmente

Encore un bouquin conseillé par Anne, décidément il va falloir que je la mette dans les dealers… Donc bref, c’était un cadeau pour mon anniversaire (oui, mon anniversaire, c’est bientôt, donc en gros ça fait longtemps qu’il est dans ma PàL. Oui, onze mois et demi, bon, on va pas passer la journée là-dessus, si?) et une fois de plus, j’ai glandouillé, attendu pour le lire (et aussi été assez paniquée par la couverture trop sérieuse des éditions Verdier qui me donne toujours l’impression que ce sont des bouquins trop intelligents pour moi). Tout ça pour dire que je m’y suis mise l’autre jour, qu’en fait c’est franchement pas mal, assez déjantée et très représentatif de ce qu’on appellera pour plus de simplicité « l’âme russe ».







On y croise de la neige, de tous petits chevaux, de la neige, de la drogue bizarre, de la neige et éventuellement un peu de neige. C’est très réaliste et en même temps complètement surréaliste. On y croise un médecin et un livreur de pain qui mettent beaucoup, beaucoup de temps à faire un trajet finalement pas si long et réfléchissent ensemble pendant ce temps.J’ai un peu du mal à vous en dire plus sans tout dévoiler, mais franchement je vous le conseille.
Lien : http://www.readingintherain...
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Journée d'un opritchnik

Bon livre, mais pas aussi bien que La Glace...

Le quotidien d'une milice spéciale, dont les membres sont des assassins, des pervers, des orgiaques... qui règnent sur Moscou en 2028. L'opritchina nous renvoit à Ivan le Terrible, et l'on constate que dans cette Russie de 2028, la vie est effroyable, tout est sous le joug d'une sorte de nouveau KGB, commandé par un tsar sanguinaire et sans plus aucune trace d'un Etat de droit.

Ulta-violent, ultra-inquiétant, ultra-lucide ? Et toujours la "dystopie"...

Voir : http://coquelicoquillages.blogspot.com/2012/03/vladimir-sorokine-la-glace-opritchinik.html
Lien : http://coquelicoquillages.bl..
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Manaraga

2050, suite à deux révolutions islamistes et une guerre, l’Europe se remet de ses plaies dans un moyen-âge high-tech étrange. L’ère du livre papier et du manuscrit est révolue, devenant pièces de musée d’exception. Une mode brûlante et clandestine enfle, celle des books’n’grills ! Autodafé alimentaire, les livres – chefs-d'œuvre aux éditions originales – ont remplacé le charbon dans des barbecues hors de prix. Ce monde grotesque se découvre à nous par un prisme lui-même en décalage du système. Nous suivons le quotidien de Gueza et ses « futées » – puces « électroniques » qui règlent, accompagnent et renseignent sa vie, – des « cuisiniers » hors-la-loi. Entre marchés noirs du livre, cuisine à domicile chez d’excentrique plein aux as à travers le monde, réunion extraordinaire de la mafia des books’n’grills, complot moléculaire…



Ce high-concept aura beau donner l’impression d’être tiré par les cheveux, Vladimir Sorokine s’échinera de toute son âme à le rendre diablement concret et ne manquera jamais de nous paraître signifiant : sur la matérialité des choses, sur l’évolution des us et coutumes, sur la place de la technologie, sur la révolution industrielle qui a permis la multiplication du produit culturel, sur les révolutions qui singe la révolution pour n’être qu’un nouveau système de domination incrémentée +1, sur les contre-cultures qui deviennent populaires à l’apogée de chaque génération, sur la place de l’art et la littérature, sur la matière qu’est la langue, sur le contrôle mental et la technologie envahissante, sur la fiction, sur la réalité, sur l’empiètement de l’un sur l’autre… Manaraga interroge les mondes modernes derrière son auvent ubuesque. Publié en 2017, le roman reflète les crises patentes et latentes qui planent sur l’Europe.



Vladimir Sorokine donne à son écriture les moyens de ses projets. Il va la fouiller, lui donner un souffle, une musicalité, jonglant entre vocabulaire riche, néologismes pseudo-futuristes, et vulgarité splendide. À travers le narrateur Gueza et ses « futées » – car de leurs présences fluctuent les détails, – l’auteur ne va pas hésiter à jouer de la stylistique pour imiter l’essoufflement du personnage dans une course effrénée, sa chute d’un avion, ses bugs de cerveau sous-traité. Cela n’est pas sans me rappeler le travail de e. e. cumming sur sa poésie typographique. En outre, romancier post-moderniste, les romans dans le roman sont de la partie, nous gratifiant du texte Tolstoï, par Leon Tolstoï – aucun lien – homonyme de Leon Tolstoï ; ou bien les restes carbonisés de quelques pages ayant résisté aux flammes du grill ; ou encore un flash électronique et littéraire, pur produit de la littérature de 2050 ; un extrait d’opéra ; un essai philosophique révisé ; les pitch holographique, etc. etc.



Coup de cœur évident, j’ai grignoté les 250 pages de ce roman aussi vite que les langues de flamme dans le grill. Au menu ce soir, nous vous proposons ours à la Sorokine avec sa sauce vodka aux glaces du Manaraga (éd. L’Inventaire/Nouveaux Angles, 2019).
Lien : https://disappearagain.wordp..
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La glace

Il s’agit du premier volume d’une trilogie dont je n’ai pas lu la suite : La Voie de Bro et 23000. Mais quand l’auteur l’a écrit il ne pensait pas écrire une suite, donc on peut le lire isolément.

De mon point de vue, c’est assez hermétique, difficile de comprendre où l’auteur veut en venir, c’est sympathiquement déjanté, loufoque. Au début on a l’impression d’avoir affaire à un polar, puis après à une espèce de SF ésotérique, à l’évidence ce n’est ni l’un ni l’autre. Il y a plein d’humour, genre plutôt noir, et je suis sortie de cette lecture en ayant l’impression de ne pas avoir compris grand-chose : critique virulente de la Russie soviétique comme de la Russie post-soviétique (façon années 90), quête d’un paradis perdu ??? En tout cas cela met mal à l’aise et rend perplexe.
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La queue

J'ai lu "La Queue" = очередь (la file d'attente pour lever l'équivoque) dans les années 1980 en revenant d'URSS et j'ai gardé un souvenir fort de ce livre qui représentait bien ce que j'avais ressenti au contact (distant comme l'exigeait l'époque) de la culture soviétique. Tout un système de gestes barrières était en place pour éviter la contamination occidentale.



Le phénomène le plus typique était la queue, la queue pour tout : pour acheter, pour payer, pour retirer son achat, pour accéder à la buvette, pour déconsigner ses bouteilles le dimanche (jour hebdomadaire de déconsigne).



Ce livre montre la durée d'attente simplement en mettant en scène la multitude de petits événements qui se déroulent pendant qu'on fait la queue. Le livre entier est un dialogue entre les personnes qui attendent. L'air de rien, une violente critique du système qui organisait la pénurie pour occuper la population et l'empêcher de réfléchir.



Le livre commence par la phrase typique que dit un soviétique en venant prendre la queue :



- Товарищ, кто последний? (Camarade, qui est le dernier ?)
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