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Critiques de Wallace Stegner (260)
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Une journée d'automne

Un petit roman sur la trahison, les convenances, l'acceptation du malheur, le mensonge, l'abnégation...

Quel aurait été le destin de ces 3 personnages si l'un d'eux avait demandé sa part de bonheur ?

Je ne savais pas à quoi m'attendre en lisant cette histoire. Et pourtant j'ai beaucoup apprécié cette lecture. Ecriture simple mais efficace. On ressent le malheur dans l'acceptation de la vie des personnages. Est-ce un bien ? Est-ce un tort d'avoir choisi cette vie ? Est-ce un choix, à cette époque ? Tant de questions se posent... L'auteur n'y répond pas, c'est un constat... A nous, lecteurs, de nous interroger sur les décisions de ces 3 protagonistes...
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Une journée d'automne

Voici un petit roman qui a su toucher mon cœur. Ce roman est tellement dense qu’on en regretterait presque qu’il ne compte que 148 pages. C’est comme un condensé, un préambule à une excellente saga américaine.



Auprès de son mari Alec, Margaret attend l’arrivée de sa jeune sœur Elspeth quittant son Ecosse pour vivre avec eux dans l’Iowa. Elspeth est jeune, spontanée, pétillante. Elle s’émerveille très vite des joies de la vie à la ferme. Elle parle aux animaux, guette les écureuils et les rouges-gorges, toujours le sourire plein les yeux.

Alors que sa sœur Margaret est plus austère à l’image du salon décrit brillamment par l’auteur comme une pierre tombale. Margaret est parfaite dans son côté stoïque, catholique, droite et inflexible. Il fallait donc s’y attendre que son mari Alec s’intéresse de plus près à cette jeune sœur qui préfère sauter à saute-moutons que les compter, qui préfère rire aux éclats que chuchoter des politesses.



Dans une journée d’automne, Wallace Stegner dessine en peu de pages un univers nature-writing qui me plaît avec une nature en toile de fond épousant les visages humains. Il dresse aussi un portrait passionnant de la honte, la culpabilité, les non-dits faisant monter les ombres de la terre pour ensevelir des âmes de plus en plus torturées et prisonnières d’une journée d’automne. Un très beau roman qui m’a charmée tant par la plume, le fond et ce mélange nature et nature humaine.
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Vue cavalière

Vue cavalière.définition : perspective, plan, vue selon l’angle visuel d’un observateur placé en un point élevé.

Joseph Allston ex agent littéraire de New-York pourrait passer une retraite heureuse en Californie mais la perspective de vieillir le rend bougon. « Vieillir, c’est un peu comme de se tenir dans une longue queue qui progresse lentement. A danser d’un pied sur l’autre, on sombre dans une espèce de torpeur dont on ne se réveille que lorsque la file vous permet d’avancer.. »

Sa vie est comme ces lignes de fuites dans un dessin. Elle s’éloigne. Le moindre tracas la moindre douleur le rendent insupportable au grand désespoir de son épouse Ruth.

Une carte postale venant du Danemark va réveiller des souvenirs de voyage, et la relecture à voix haute de trois carnets vont replonger Joe et Ruth plus de vingt ans en arrière.

La découverte d’un auteur ou autrice est toujours passionnante et j’ai été gâté avec Wallace-Stegner.

J’ai aimé son style ironique, son auto dérision, ça parle beaucoup dans « vue cavalière « c’est ce qui rend l’histoire intéressante, un récit sur le temps qui passe, sur la relation père fils . Un très beau roman que je recommande à celles et ceux qui ont envie d’une lecture reposante. Merci à la maison d’édition Gallmeister pour ses rééditions.
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Une journée d'automne

Alec et Margaret sont à la tête d'une prospère exploitation agricole dans l'Iowa des années trente. Lorsqu'elle quitte l'Irlande pour s'installer chez eux, la jeune soeur de Margaret apporte avec elle sa fraîcheur et sa spontanéité, mais déclenche bientôt la tempête en glissant dans une relation adultère avec son beau-frère. Soucieuse de sauver avant tout et à tout prix les apparences, Margaret va enfermer le trio dans un huis-clos destructeur qui, jusqu'à la fin de leurs jours, fera de leur vie un enfer.





Wallace Stegner a laissé son imagination courir en pensant aux deux vieilles tantes lugubres de son épouse : quel drame peuvent bien cacher deux soeurs âgées et décharnées, vivant seules avec le fils de l’une ou de l’autre - nul ne sait -, qu’elles ont élevé ensemble ? L’histoire narrée ici déroule une trame implacable et cruelle, où un instant de faute adultère fait à jamais basculer trois existences dans un cauchemar dont seule la mort aura le dernier mot. L’atmosphère passe directement de la gaieté insouciante de la jeunesse à la désolation de vies irrémédiablement ravagées. Rongés par le poison du ressentiment, de la honte et de la culpabilité, les personnages se confinent dans un non-dit sclérosant qui les lyophilise peu à peu corps et âme.





En peu de pages, l’auteur parvient à suggérer les effroyables abîmes cachés derrière des existences ordinaires, la cruauté de comportements pourtant à la base exempts de méchanceté, l’ineffable tristesse de destins résignés au malheur par pur souci des apparences. La maîtrise de la narration, le rendu psychologique des personnages, l’impact et la profondeur du récit alliés à un style épuré et sans défaut, révèlent dès ce premier roman le maître de la littérature américaine qu’allait par la suite devenir Wallace Stegner.





Une journée d’automne est un petit bijou de lecture que l’on achève impressionné par la maestria de l’écrivain, et durablement hanté par le réalisme cruel de son histoire. Coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Une journée d'automne

L'après-midi où Margaret Stuart attend, à la gare de Spring Mill, sa sœur, Elspeth, venue tout droit d'Écosse après le décès de leur père, son mari, Alec, ne l'avait pas vue aussi joyeuse depuis des années. La jeune femme est ravie, en effet, d'accueillir chez elle sa cadette et de vivre, de nouveau, avec elle. Elspeth est aussitôt charmée par les grandes plaines de l'Iowa, les animaux de la ferme, la somptueuse propriété et admirative de l'élégance presque guindée de son aînée. Un vent de fraîcheur, de jeunesse souffle sur le domaine et une tendre complicité unit rapidement Elspeth et Alec. Ce dernier n'est d'ailleurs pas insensible au charme et à la joie de vivre de la jeune femme...



Wallace Stegner nous plonge au cœur d'un triangle amoureux au sein d'une famille fort respectable et respectée, et plutôt aisée, du début du vingtième siècle. Malgré l'amour qui unit Margaret et Alec, ce dernier ne résiste pas à la jeunesse et l'insouciance de sa belle-sœur. Dès lors, leurs relations s'en trouvent inexorablement changées. Entre secrets, mutisme, rancœur, jalousie, culpabilité, trahison et pardon impossible, tous les trois s'emmurent dans le silence. Un silence qui transforme cette journée d'automne en un interminable hiver gris, pesant et maussade. Wallace Stegner dépeint, avec finesse et une certaine mélancolie, les relations entre les membres de cette famille, soumise aux traditions et aux bonnes mœurs. Un roman qui respire la fin d'une saison au soleil couchant. Un tableau un brin désenchanté de deux sœurs séparées par un même homme qui les aura bafouées.
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Une journée d'automne

Une journée d’automne. Il aura suffi d’une seule journée pour que la vie d’Alec, de son épouse et de sa belle-sœur change à tout jamais. L’auteur choisit de nous décrire les journées sans fin qui se suivent et se ressemblent malgré les saisons. Par un accord tacite, les trois protagonistes décident de dépérir lentement dans la ferme transformée en tombeau pour expier leur faute. Wallace Stegner a su trouver les mots pour nous parler de la culpabilité, du ressentiment, de la fuite du bonheur.
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Une journée d'automne

Ce roman est incroyablement bien écrit en peu de pages. Cette histoire s'apparente à une petite saga américaine.



Magaret et Alex sont à la tête d'une grosse exploitation agricole prospère dans l'Iowa dans les années trente.



Sa jeune soeur débarque d'Ecosse pour aller s'établir chez eux suite au décès de son père.



Les deux soeurs sont des extrêmes : Elspeth est un rayon de soleil, respire la jeunesse, volubile, entraînante, alors que sa soeur est austère, peu loquace, axée sur les rituels.

La cadette va illuminer leur vie.



Un jour d'automne leur destin va basculer… Alex n'est pas insensible au personnage de sa belle-soeur.



Une relation triangulaire amoureuse va se construire entre les protagonistes. Les amants vont donner naissance à un fils.



Magaret veut sauver les apparences sur la paternité de l'enfant, elle donne le change sans sourciller et musèle la famille dans un silence prégnant…et la vie continue...



L'auteur nous embarque dans un environnement implacable, oppressant. C'est la stratégie d'écriture de Wallace Stegner, c'est tout son talent.

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Une journée d'automne

L'automne arrive...

L'automne est là.

Par ma fenêtre, je peux voir les branches de mon châtaignier, ployer sous le poids de ses fruits.

Des bogues, nombreuses, ont déjà rejoint le sol pour former une jolie nappe d'un ton jaunâtre.

Les températures ont chuté... Les jours ont raccourci...

Quoi de mieux, par ce temps, que de se réfugier sous un plaid, avec un bon bouquin et une tasse de thé.

Une histoire, de saison, par exemple, mais se déroulant, au début du 20ième siècle, au fin fond de l'Iowa.

Une Amérique profonde. Sa campagne. Ses grands espaces.

Avec Une journée d'automne de Wallace Stegner. Une légende littéraire américaine !

Son premier roman, écrit en 1937. Un récit inédit en France.



A la mort de leur père, Elspeth vient rejoindre sa soeur Margaret et son époux, Alec, dans leur somptueuse ferme. La plus belle de la région.

Tout de suite, une certaine complicité naît entre cette jeune soeur et le mari de l'aînée.

Sa fraîcheur et sa joie de vivre ont vite fait de faire succomber ce dernier...



Une journée d'automne, où tout va basculer.

Une journée d'automne et la naissance d'un triangle amoureux.

Une journée d'automne, qui ne sera dès lors, qu'un long hiver sur toute une vie...



Avec toutes les convenances de l'époque, ses non-dits.

Il faut sauver les apparences, son statut...

Masquer, camoufler, mentir, faire semblant, se résigner...

Une narration, tout en suggestion, tout en poésie, tout en délicatesse, comme soufflée, avec raffinement, pour ne pas mettre de mots sur ce qui ne doit pas être dit.



Pendant que dehors, les saisons passent et révèlent tous leurs trésors, derrière les portes, les silences font leurs oeuvres aussi....



Je remercie Babelio et Les éditions Gallmeister, pour cet agréable moment de lecture.

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Une journée d'automne

Quel bonheur de découvrir au hasard de mes nombreuses déambulations au Hall du livre , ma librairie préférée cette pépite rééditée soixante - ans après sa parution en 1937, et un écrivain inconnu en France jusque là !



Histoire simple et secrets de famille mettent en scène l’inévitable triangle amoureux mais conté de manière adroite , émouvante , aboutie, bucolique et poétique , surtout que c’était un premier roman !



Au cœur de la campagne de l’Iowa , Margaret et son mari Alec accueillent avec grand plaisir la jeune sœur de Margaret , Elspeth, venue de son Ecosse natale après la mort du père pour vivre avec eux.

Court roman d’atmosphère : lumineux au début, fous- rires partagés, fêtes entre voisins, fraîcheur, vivacité communicative , joie de vivre d’Elspeth, curieuse de la chaleur dans cette rude campagne, grosses bêtises d’Alec, travail de la ferme , soins aux bêtes , complicité, émerveillement devant la flamboyante beauté de la nature au fil des saisons, la rivière et les arbres, le tout rendu avec virtuosité par l’auteur .



Puis tout bascule : piège du sentiment amoureux, rancoeur et jalousie, non - dits, lourds ,silences, , refoulement ,honte, froideur, trahison, piège dramatique, sans issue.......



La narration est parfaitement équilibrée : les deux sœurs acrimonieuses se transforment , décharnées , sèches, vieillies avant l’heure elles ressemblent à deux oiseaux noirs lugubres et tristes, prématurément âgées , à quarante et quarante -sept ans:

L’une ravagée par le poids de son péché.



L’autre empêtrée dans ses principes calvinistes et sa froideur, au comble de ses souffrances , repliée sur elle même, comme desséchée ....



Derrière les apparences paisibles de l'existence se joue l'irréparable...



Très belle première de couverture , un roman inédit chez Gallmeister que je ne regrette pas d’avoir acheté , lu d’une traite dans le train !

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La montagne en sucre

La montagne en sucre, tout le monde veut en croquer.

Bo Mason, atteint d'hypoglycémie chronique, un peu plus que la moyenne.

Bo, c'était le genre balèze en tout. Horripilant facilement la gente masculine, affolant l'autre.

C'est peut-être bien pour ça qu'il lui a tapé dans l'oeil à la Elsa, pour lui taper un peu aussi sur le système par la suite, faut bien l'avouer.

Bo, s'il avait pu soulever des montagnes, il l'aurait fait.

Jamais rassasié, n'aspirant qu'à une chose, la réussite et ce par tous les moyens, légaux ou pas .

Aussi différents que complémentaires, ils vont tracer un bout de chemin ensemble.

Écrivant à quatre mains, puis huit, l'histoire de leur vie au rythme d'une Amérique en pleine mutation qui récompense alors les plus audacieux tout en châtiant férocement les ambitions les plus folles, ils vont enfiler les chapitres au gré des fortunes diverses rencontrées par un paternel semblant, tout comme le phénix, toujours renaître de ses cendres.



Avis aux petites mimines, ce livre, édition poche, n'est pas pour toi.

D'un fort beau gabarit ma foi, il pourrait aisément choir de ta main tremblotante un soir de fatigue passagère et réduire à néant tes espérances de vie centenaire. En même temps, trouver le repos éternel lors d'une courageuse escalade, on a déjà vu plus extravagant comme disparition. C'est toi qui voye, le piolet est désormais dans ton camp...



La montagne, ça vous gagne.

Pas faux au vu du bestiau proposé.

Le trek est monstreux, beau et intense.



Stegner décrit l'humain dans tout ce qu'il a de plus généreux et de plus absurde.

Dualité de l'homme toujours en quête d'ailleurs, allant voir si l'herbe verte, justement, ne le serait pas un peu plus en d'autres lointains horizons.



Elsa en femme courage et aimante, le portrait fascine et émeut du début à la fin.

Sans rien dévoiler, il m'a profondément touché, au final, en convoquant certains souvenirs douloureux, toujours à l'état de braise, sur lesquels Stegner a soufflé en usant d'une plume par trop évocatrice. Émotion à fleur de peau, palpitant qui déborde. le bonhomme meurtrit, chagrine. Les pages défilent, mortifiantes, mémoires d'un passé pas si lointain.



Bo, en mec aussi courageux qu'inconscient et égoïste, suscite tout et son contraire.

Doté d'une ambition démesurée à laquelle il sacrifiera souvent sa famille alors considérée comme frein récurrent à une réussite qui ne cessera jamais de lui tendre ses p'tits bras musclés, le gars touche finalement en affichant un caractère volontaire que rien ni personne ne bridera jamais.

Le bonhomme ne dépareillerait pas en Don Quichotte abonné aux escarmouches mort-nées.



La Montagne En Sucre est un magistral roman d'apprentissage épique et mémorable, ode à la liberté la plus absolue, fût-elle cultivée au prix d'une vie de famille sacrifiée sur l'autel de la cupidité et de l'orgueil poussé à son paroxysme.



4,5/5



Merci à Babelio et aux éditions Gallmeister pour la cerise sur la montagne en sucre !
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La Vie obstinée

De la fenêtre de son bureau, Joseph, notre narrateur, regarde la pluie assombrir et noyer l’horizon. Ce temps maussade s’accorde aux sombres pensées qui l’accaparent. Quelques heures avant, sa femme Ruth et lui sont rentrés du cimetière. Il note la désolation qu’offre ce mois d’octobre sur la végétation. Seul un cerisier moribond tente désespérément une dernière floraison hors saison ; un gauphre a mangé ses racines.

Sur le retour, la maison voisine et la cabane de Peck évoquent déjà de tristes souvenirs, ceux contre lesquels Joe pensait se prémunir en se terrant ici, dans ce coin choisi de Californie. Sa femme et lui se contentaient alors de balades, de jardinage, bricolage et lectures. Mais la sérénité que Joe cherchait après le décès de son fils a été gravement mise en péril par l’arrivée de Peck, puis, dans un tout autre domaine, par l’installation de la famille Catlin et plus spécialement par l’aura émanant de Marian.

« Je suis transi comme je l’ai été à la mort de Curtis. Cependant, alors que la disparition de mon fils m’avait poussé à trouver un terrier où me glisser, celle de cette jeune femme, que j’ai connue un semestre à peine, ne cesse de me forcer à sortir à découvert, et je déteste cela. »

Existe-t-il, quelque part, un sanctuaire hermétique à la souffrance morale ? Colères et chagrin se sont insinués dans sa vie paisible de retraité, alors il écrit, fouille au fond de lui-même, analyse, fait son autocritique et soulève ainsi la pierre, matière minérale qui le caractérisait, enfin c’est ce qu’il croyait.



– Roman végétal d’où s’extraient les senteurs capiteuses de la luxuriante végétation californienne. Au gré des promenades du couple, les environs s’animent et prennent du relief sous la plume époustouflante de l’auteur. La richesse du vocabulaire vient combler quelques lacunes personnelles !

À côté de l’extase d’un printemps précoce, des concertos d’alouettes et moqueurs, cette nature est aussi qualifiée de défectueuse par notre narrateur qui voudrait un véritable paradis. Du côté végétal, le sumac venimeux, les sarments de concombre sauvage, le liseron, du côté animal, la mite du chêne, le gauphre avec ses dents jaunâtres, autant de nuisibles dont il se fait l’exterminateur.



– Roman choc sur les limites à tolérer des personnes dont on ne peut partager les idéaux, le mode de vie. Au détour d’une balade, ce choc est artistiquement dépeint lorsque Peck, campé sur sa moto, vient demander l’autorisation de camper au creux du vallon. Derrière une voix douce, un sourire flottant partiellement caché par sa barbe noire, son arrogance exaspère Joe mais il cède à la demande de l’étudiant. Cette présence indésirable, qui viendra se gonfler d’autres spécimens hippies, ne fera qu’attiser sa colère à l’encontre de ces jeunes en recherche, souvent excessive et trop libérale, d’un monde meilleur. L’antipathie de Joe, sa contrariété évidente, contrastent avec la pondération de Ruth et son ouverture d’esprit vis-à-vis des jeunes.

« Ce n’est pas un farfadet, c’est un farfelu. » dira Joe à sa femme.



– Roman de la difficulté et l’impuissance parentales face à un fils instable, courant inéluctablement à sa perte. L’agressivité de Joe n’est-elle pas tristement attisée par ce qu’il ne peut éviter de ressentir comme un échec vis-à-vis de son unique fils ? Responsabilité ou fatalité ?



– Roman de la vie tout court, ni bonne, ni mauvaise, défendue par Marian, cette jeune femme lumineuse, au regard si vif. Si frêle et en même temps si pleine de vitalité. Partisane d’un beau jardin livré à lui-même, arrivera-t-elle à adoucir les réactions acides et épidermiques de Joe ? Alors qu’il ne voit que les inconvénients et nuisances causés par les hippies « Elle les voyait comme des gosses jouant à l’utopie. »

Une chose est sûre, le terrier de Joe sera désormais ouvert à tout vent.



– Roman de la conversion d’un homme où les opposés s’affrontent, dans l’aversion ou dans l’amour. Où son impuissance face aux nuisibles trouve une répercussion sur la force vitale qui peut animer chaque végétal, chaque animal. Où la souffrance, amenée par une disparition, ne peut être écartée sans renoncer à des moments chers et chaleureux.



Un roman magnifique, à l’écriture grandiose, à l’histoire déchirante qui nous crie de ne pas sommeiller dans son terrier mais de vivre.

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La Vie obstinée

"LA VIE OBSTINÉE" de Wallace Stegner

Traduit par Eric Chédaille - Éditions Libretto



Comment parler de ce chef-d'oeuvre sans le trahir ? C'est un livre auquel il me faudra (en tout cas pour moi) plusieurs lectures pour en saisir toute la portée et là, je n'en suis qu'à la première... alors j'ai la désagréable sensation de n'avoir qu'effleuré le génie de Wallace Stegner.



Joe Allston, le narrateur, est un éditeur retraité de 65 ans, avec un caractère ronchon, qui porte un regard cynique sur lui-même et ce qui l'entoure :



"Recalé en sympathie, j'ai eu à peine mention passable en stoïcisme. En revanche, j'ai décroché le premier prix d'ironie - cette calamité, cette escampette, cette cuirasse, ce moyen de rester planqué tout en jouant les esprits forts."



 Avec son épouse Ruth, il s'est installé dans les collines, encore sauvages, proches de San Francisco :



"Je m'étais retiré... d'une société par trop robotisée pour me cacher au fond d'un cul-de-sac derrière un panneau ."



Joe passe son temps à faire la chasse aux thomomys, des rongeurs qui s'en prennent aux racines des végétaux nouvellement plantés dans le jardin :



"On s'échine à bêcher, à fumer, à planter, à traiter, à tailler, à bichonner, pour qu'une vermine aveugle vienne se promener par là-dessous, détruisant tout sur son passage !"



Mais voilà qu'un jeune hippie, Jim Peck, qui campe illégalement sur son terrain et l'installation d'un jeune couple, les Catlin, dans une propriété voisine va bouleverser la petite vie pépère de Joe...



Le thème principal du livre, c'est la fracture entre l'homme moderne et la nature. L'homme qui plante des végétaux exotiques et fragiles dans des environnements non adaptés, l'homme qui détruit par inadvertance les prédateurs naturels des nuisibles, l'homme qui détruit tout court par avidité...



C'est un livre exigeant mais le cynisme de Joe Allston apporte l'humour nécessaire pour alléger la lecture. Et l'écriture est magnifique.



Un dernier mot sur la traduction d'Éric Chédaille : EXCEPTIONNELLE !!!
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Une journée d'automne

Une journée d'automne pour Wallace Stegner, une journée d'hiver pour moi : voici un très court roman lu quasiment d'une traite.

Pour reprendre une expression du texte, l'auteur nous fait visiter "les geôles irrespirables de la culpabilité".



Le point de départ est tout simple. En compagnie de son mari Alec, Margaret va chercher à la gare sa jeune sœur Elspeth qui vient vivre avec eux.

Même sans lire la quatrième de couverture (trop bavarde, comme très souvent, malheureusement), le lecteur comprend tout de suite ce qui va se passer. Mais ce n'est pas grave car l'intérêt n'est pas là. L'intérêt est "après". Après la faute. Les conséquences, et les attitudes de chacun.



Wallace Stegner nous plonge dans un autre lieu, dans une autre époque. Nous sommes dans l'Iowa au début du vingtième siècle.

Le poids des convenances est fort, le regard des voisins compte énormément et il faut tout faire pour sauver les apparences. Margaret, Elspeth et Alec ne sont pas libres d'agir comme bon leur semble, ils doivent se soumettre aux contraintes sociales.

Que vont-ils faire ? Quelles vont être les conséquences sur leurs vies ?

C'est ce que l'on découvre dans cette journée d'automne.



J'ai beaucoup aimé l'omniprésence de la nature et de la vie à la ferme, qui offrent un très beau décor à ce récit bien triste.

Des vies entières vécues dans la honte et la culpabilité, des destins gâchés par ce que l'on pense être son devoir ou ce que les gens attendent de vous.

Margaret, Elspeth et Alec se sont-ils seulement autorisés à rêver à ce qu'aurait pu être leur vie si... ?

Le lecteur, lui, peut imaginer à leur place, envisager d'autres choix, prendre d'autres décisions : c'est la magie de la lecture !

Une courte histoire aux teintes automnales, un joli petit roman.
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La montagne en sucre

Très grand coup de coeur pour ce beau roman qui donne à voir avec talent l'âme d'une certaine Amérique.

1905. Elsa, dix-huit ans, quitte son Indiana natal pour le Dakota du Nord où elle va rencontrer Harry Mason dit Bo, jeune homme fougueux, entreprenant et entrepreneur. Ces deux-là vont tomber follement amoureux, et dès lors Elsa choisit de le suivre partout où il voudra l'emmener, elle et leurs deux enfants à venir. C'est l'objet de cette puissante saga familiale de questionner si ce choix fut le bon, ou pas.

Car Bo est un de ces hommes meurtris dans l'enfance qui passera sa vie à chercher sa "montagne en sucre", cet eldorado américain hérité des mythes pionniers qui apporte la fortune aux pieds de celui qui a le courage et l'énergie de la conquérir.

Or en 1905, c'en est déjà terminé de ces fortunes colossales bâties sur des terres nouvelles et des filons prodigieux. Bo est né une voire deux générations trop tard, les "coups" qui restent à faire sont réservés aux plus retors là où lui, sous son égoïsme et sa violence, sa créativité et son énergie, garde une part d'humanité débile et de naïveté qui l'empêcheront d'accéder à cet argent "qui se gagnait comme on puise de l'eau au puits".

De plans foireux en projets avortés, il trimballe sa famille du Wyoming au Canada, de l'Utah à la Californie, déménageant sans cesse, prenant des risques vains, flirtant avec les limites dans l'Amérique de la prohibition.

Sous la poigne de cet homme irascible sans cesse habité de rêves impossibles, Elsa, solaire, se solidifie, se sanctifie presque alors qu'elle a toujours rêvé de la stabilité d'un foyer, pendant que les cicatrices se creusent dans les âmes des enfants.

Dire que ce roman m'a enchantée est un euphémisme: tout au long de cette épopée américaine qui traduit la fin de cette période pendant laquelle "la nation tout entière avait été comme l'oiseau sur la branche", j'ai eu envie d'applaudir à la maestria de l'auteur à rendre ses personnages plus que réels, de rager contre leur infortune et l'intransigeance du père, de frémir face à cet amour pourtant indéfectible entre deux êtres que tout oppose, de pleurer face aux conséquences des drames vécus par les deux enfants.

Car c'est bel et bien une chimère "cette bonne grosse montagne en sucre, ce lieu d'une inconcevable beauté qui avait attiré toute la nation vers l'Ouest", et de cette quête ne restent que des cendres.

Wallace Stegner, que je lis pour la troisième fois grâce aux éditions Gallmeister, est un auteur fabuleux, aussi grand qu'un Steinbeck.
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Angle d'équilibre

Si vous avez lu la Vie obstinée de Stegner vous vous souvenez du personnage principal. Ce vieux ronchon ! Vous savez ce personnage qu'on adore détester.

Ici c'est Lyman. Il a été amputé et est cloué dans un fauteuil roulant. Son fils pragmatique et anxieux, ne rêve que de le placer à la maison de retraite de Menlo Park, « là où l'on met les vieux au vert ». C'est mal connaître Lyman. Historien et professeur émérite il a un projet, vivre dans la maison de ses grands parents et y rédiger le récit de leurs vies « pour éviter d'avoir à trop se pencher sur la sienne ».

A partir de lettres, de coupures de presse et de beaucoup d imagination, Lyman va retracer un peu plus d'une vingtaine d'années d'un couple de pionniers.

Susan, la grand-mère, quaker, bourgeoise, fière et artiste mariée à un ingénieur réaliste, taciturne, doué et sérieux définitivement peu doué pour les affaires.

Une vie dans l'Ouest entre 1870 et 1890 à l'époque où tout était à construire, des mines à évaluer, des canaux à percer, des terres à irriguer, souvent avant l'arrivée du train. Une vie de privations, de déménagements, d'espoirs et des déboires. Une vie où Susan emportait sa tradition avec elle dans l'inconnu culturel. Deux personnes qui vécurent debout, ensemble.

C'est beaucoup plus qu'une histoire de l'Ouest ou un livre d'aventures. C'est plus qu'une échappatoire, c'est la quête personnelle d'un biographe qui s'efforce de descendre à la racine d'un malheur non expliqué. L'histoire est rédigée avec le recul temporel de Lyman. Il s'agit de découvrir comment ce couple si dissemblable resta soudé l'un à l'autre, « dévalant la pente de leur avenir ». C'est aussi pour Lyman la volonté farouche de prouver qu'il est capable de mener de front une oeuvre ambitieuse au nez et à la barbe de sa famille condescendante.

Le récit entrelace la vie au XIXème siècle et les démêlés de Lyman avec son entourage à la fin des années soixante. Très belle réussite ces passages de paix armée avec sa famille et surtout ses querelles avec son assistante improvisée la jeune Shelly, si énervante et si aguichante à la fois. Elle l'emmène là où il ne veut plus aller.

Lisez jusqu'au bout ce pavé qui fut couronné du prix Pulitzer en 1972 jusqu'à la suprême récompense. Une scène superbe s'installe subrepticement à pas feutrés et dynamite tabous et bon goût.

Stegner ose tout. Il alterne mélancolie, doute et mauvaise foi jubilatoire. Un grand sentimental qui ne veut pas se l'avouer.

Il joue de sa dextérité pour faire de son lecteur sa victime consentante.







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La Vie obstinée

Ruth et Joe ont quitté la vie sociale pour vivre dans la campagne californienne. Enfin c’est ce qu’ils croyaient. Pour tromper l’ennui ils ont créé des habitudes dont des promenades régulières dans la nature. Mais voilà, les habitants des campagnes sont bruyants, très bruyants et entre le bruit des tronçonneuses, des chasseurs et des voisins qui tentent de bétonner, pas facile de trouver la sérénité et la paix.



Surtout qu’un jeune vient leur demander de camper sur leurs terres. Ruth l’apprécie, Joe, pas du tout, mais ils acceptent pour de mauvaises raisons. Leur fils, n’ayant jamais trouvé sa place dans ce monde est décédé et ce jeune Peck ravive bien des sentiments.



C’est déjà bien compliqué comme ça et Joe nous conte avec perspicacité et humour les jours qui passent, les saisons, le jardin et surtout, surtout pas de confessions larmoyantes sur le deuil et sa culpabilité qu’il traîne depuis longtemps.



Et voilà qu’une jeune femme, nouvelle voisine, va lui apprendre la résilience et comment profiter du moment présent, alors que jeune maman et enceinte elle est malade.



Je ne sais pas si c’est un roman ou une autobiographie, mais c’est brillant, passionnant enlevé. Tout y est : le vocabulaire (plus de dix mots que je ne connaissais pas), le style, la forme, la désespérance, l’humour, l’ironie, la vie malgré tout. L’éditeur décrit l’auteur comme un maître de la clairvoyance désenchantée, il n’y a pas meilleure description.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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En lieu sûr

"Nous partagions tous ce même état d'esprit. C'est certain. Car, arrêtés devant leur portail avant de remonter en voiture, nous nous embrassâmes, hilares, en une étreinte à quatre, tant nous étions heureux de nous connaître et heureux de ce que les milliards de hasards de l'univers nous aient amenés au même moment dans la même ville et la même université."



Un petit matin d'août 1972 à Battell Pond, autour d'un lac du Vermont à quelques kilomètres de la frontière canadienne, haut lieu de villégiature pour les Lang, Ellis et leurs amis…

Larry, arrivé la veille avec son épouse Sally, sort de la maison d'amis faire quelques pas alentour, dans les chemins si souvent pacourus durant des années.



"Tel il était, tel il est, ce lieu où, pendant la meilleure époque de notre vie, l'amitié avait son domicile et le bonheur son quartier général."



Une amitié indéfectible. Larry et Sally, Sid et Charity. Les Morgan et les Lang.

Deux couples qui se rencontrent en 1937 à l'université du Wisconsin, à Madison, où Larry et Sid ont tous deux décroché un poste d'assistant.



C'est un coup de foudre immédiat entre les deux couples, les prémices d'une amitié que rien ne parviendra à entamer réellement, ni les choix et contraintes professionnels, ni l'éloignement géographique, ni les défauts des uns et des autres, ni les coups durs, ni le passage des ans.



Les souvenirs reviennent, et de la première année partagée à Madison aux vacances à Battell Pond, des années de guerre au séjour à Florence, différents moments essentiels de la vie de ces quatre êtres dessinent les contours de leur amitié si précieuse et si particulière, nourrie tant par les qualités indéniables des uns et des autres que par leurs travers.



Cette journée d'août 1972 court souterraine derrière l'évocation des quarante années qui la précèdent ; Larry passe d'une époque à une autre, passe les ans pour revenir sur ses pas, raconte aussi Sid et Charity avant leur rencontre avec Sally et lui, pour mieux revenir à cet attachement si profond qui les unit.



Comme des rides plissant la surface du lac, les évènements esquissent un schéma plus contrasté, ombré d'incompréhensions, d'agacements, d'envie aussi, qui amène à ce dernier jour d'août 1972, sans pour autant remettre en cause les sentiments partagés.



Malgré les accrocs et les blessures du temps, cette amitié est fabuleusement séduisante.

Wallace Stegner lui donne tous les chatoiements, l'enserre dans de superbes paysages, l'entoure d'une tribu, celle des Ellis, dans un lieu unique, Battell Pond.

Il évoque avec finesse ce qui pourrait remettre en cause l'attachement entre les deux couples, la force que cet attachement nourrit autant qu'il s'en nourrit.



J'ai été emportée par l'enthousiasme et le plaisir d'être ensemble de ces quatre amis, leurs aventures et mésaventures, et ce lien que rien ne peut défaire.



C'est un très beau roman dont je n'oublierai ni les personnages ni les lieux, en particulier Battell Pond et les environs du lac où se rassemblent année après année les Ellis, Lang et amis, "la bibliothèque ouverte à tous et emplie d'ouvrages salutaires au nombre desquels j'ai noté le Vent dans les saules, le Manuel du boy-scout, toute la série des Winnie l'Ourson, le Cheval et l'Enfant, Les Quatre Filles du docteur March, Jody et le Faon. Sans compter des piles de National Geographic" du cottage de Tante Emily dans les années 1930, à laquelle fait écho "l'alcôve, où, disposés de part et d'autre d'un oriel, des meubles et des rayonnages croulaient de livres, de cubes, de poupées, de modèles réduits de voitures et de camions, de jeux de société, pour les visites impromptues des petits-enfants" de Charity et Sid quarante ans plus tard.



Sans parler des lectures de Tante Emily à tous ces petits enfants, "d'innombrables cousins, neveux et nièces,

petits-neveux et petites-nièces, petits voisins, enfants d'invités ou de gens en visite", surtout celle de Hiawatha de Longfellow, qu' "Elle lit d'une voix forte afin de se faire entendre malgré le crépitement de la pluie."

"Tous les petits Indiens rangés en demi-cercle autour de Tante Emily reçoivent une empreinte qui leur restera toute la vie. Le son de sa voix en train de lire conditionnera leur vision d'eux-même et du monde. Cela s'inscrira pour partie dans l'ambiance chérie de Battell Pond, trait de lumière dans l'émerveillement chromatique de leurs jeunes années. Ces sensibilités enfantines ne se départiront jamais des images de forêts obscures et de lacs étincelants."

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Une journée d'automne

Je ne connaissais pas cet auteur américain, surnommé " le doyen des écrivains de l'Ouest". Le livre, un roman court inédit en France, a été réédité soixante ans après sa parution, en 1937. Belle découverte pour moi!



Plongeons dans la rude campagne de l'Iowa, en ce début du vingtième siècle, décrite poétiquement , on perçoit l'intérêt écologique de l'auteur et son amour des grands espaces, où il a grandi. Margaret attend avec joie et impatience l'arrivée de sa jeune soeur , Elspeth, venue d'Ecosse apres la mort de son père. Son mari, Alec, l'accompagne à la gare.



Malgré une entente certaine,on sent déjà un tiraillement dans le couple, car Margaret , assez guindée et stricte, redoute qu'Alec n'aille attendre au cabaret, en buvant en compagnie d'autres fermiers.



Quand Elspeth descend du train, c'est l'enthousiasme et la gaieté légère qu'elle apporte , un vent de fraîcheur. Alec, qui aime plaisanter, ne s'en prive pas avec elle. Une complicité s'installe très vite entre eux...



...qui se transforme en un sentiment beaucoup plus fort, source de honte et de drame. L'auteur a su rendre avec justesse et finesse toutes les émotions de chacun des personnages de ce triangle amoureux, piégé dans ses non-dits douloureux, son silence pesant.



Sinistre conséquence que ces deux femmes, prématurément vieillies, l'une portant le poids de son péché, l'autre engoncée dans les principes calvinistes, deux corbeaux noirs, tristes, décharnés .



"Remember laughter", c'est le titre d'origine, on ne badine plus du tout ( et sûrement pas avec l'amour, désormais banni) , à la fin de ce roman , où les fous-rires du début ne sont effectivement que de lointains souvenirs.
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La Vie obstinée

Bizarre que je sois passée à côté de Wallace Stegner lors de mes explorations littéraires américaines ces dernières années, merci à la maison Gallmeister (et au challenge Totem!) de me l'avoir fait découvrir: on tient un grand bonhomme, là!

Ce roman va beaucoup plus loin que son pitch, déjà attrayant en diable : revenu de tout et désabusé, le narrateur qui a fui le bruit du monde découvre un jour, atterré, qu'un hippie est venu squatter son petit coin de paradis californien, sans l'ombre d'une envie de lever le camp.

Paradis, il faut le dire vite : le bruit du monde se rapproche dangereusement avec ce voisin qui joue du bulldozzer avec la joie bruyante de ceux que les valeurs liées au respect de la nature en touche une sans bouger l'autre.

La nature, parlons-en : à l'image du sumac contre lequel notre héros mène un combat perdu d'avance, elle est invasive, brutale, agressive, prolifique: la vie obstinée, qui s'accroche.

Autre combat perdu d'avance : convaincre les plus jeunes, le hippie et ses copains en l'occurrence, que leur utopique illusion de changer la vie l'est tout autant : la vie juvénile, renouvelée, qui renverse la table.

Perdus aussi les illusions, l'espoir de rattraper les échecs, le fils mort que l'on a pas su accompagner.

Et puis arrive Marian : jeune, belle, diaphane, aimant de tout son être la vie pour la vie, sous toutes ses formes. Face à elle, voilà que l'ami Joe se retrouve comme un con avec son fusil anti taupes à la main, perd ses moyens et ses dernières illusions face à ce qui advient dans sa vie à elle.

Un roman bouleversant, intelligent, drôle, triste, qui met nos petites personnes en abyme dans une nature magnifique, à la fois dominatrice et fragile.



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Une journée d'automne

Un court roman ou une longue nouvelle, c'est au choix (une novelette dit Mary Stegner, la femme de l'autre dans sa postface), jusque-là inédite en France : c'est ce que Gallmeister nous apporte à propos en cette fin d'été avec Une journée d'automne, de Wallace Stegner, traduit par Françoise Torchiana.



Une histoire simple au début du siècle dernier dans un domaine fermier de campagne au coeur de l'Iowa, mettant en scène un classique trio amoureux : le mari et sa femme, rejoints au domaine par la jeune soeur de celle-ci. Je ne vous fais pas un dessin sur ce qu'il va se passer...



Le reste n'est qu'atmosphère, ambiance, sentiments refoulés, apparences sauvegardées, silences, non dits, et drame... rien que du classique donc, mais extrêmement bien restitué et rédigé.



Dès le début, ma lecture a été envahie par cette montée en puissance progressive d'une analogie fulgurante : changez le décor et faites un gigantesque saut au-dessus de l'Atlantique, de l'Iowa à la Normandie, et vous voilà chez Maupassant, dans un de ses contes de la campagne : le travail de la ferme, les domestiques dans les communs et les granges, l'alcool bu le soir à la veillée, les fêtes entre voisins, le drame tout simple qui s'installe brusquement et brise les équilibres...



Et quitte à abuser des parallèles aventuriers, il ya aussi du bovarysme chez Elspeth, la jeune soeur venue d'Écosse pour s'ennuyer dans cette campagne américaine où la nostalgie se cultive aussi bien que le reste.



Si on sait aujourd'hui que Stegner a enseigné et influencé nombre de grands auteurs américains - Abbey, McMurtry - il n'a sans doute pas eu l'occasion de s'inspirer des classiques français de la fin du XIXe . Mais les analogies sont saisissantes. Ne serait-ce que pour cela, il faut lire Une journée d'automne.
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