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Citations de Yambo Ouologuem (48)


À la même période, les provinces Nakem souffrirent d'une telle disette, doublée de peste qu'une infime quantité de nourriture en était arrivée à coûter le prix d'une esclave, c'est-à-dire au moins dix écus. Sous le coup de la nécessité, le père vendait son fils, le frère son frère, tant chacun essayait de se procurer des vivres par n'importe quelle scélératesse. Les gens que la famine faisait ainsi vendre, étaient achetés par des marchands venus de Sao-Tomé avec des bateaux chargés de victuailles. Les vendeurs prétendaient que c'étaient des esclaves, et ceux qui étaient ainsi vendus se hâtaient de le confirmer, fort joyeux de se voir hors d'un péril qui les avait tant alarmés. Quantité d'hommes libres se firent ainsi esclaves, et se vendirent par nécessité.

I. La légende des Saïfs.
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“Il est d’autres Nègres en France que les Noirs d’Afrique ou des Amériques : les gagne-petits, la horde des gens hantés par le S.MI.G, anonymes habitants de ce désert français, qui est, lui aussi, une petite Afrique. 
(…)
J’ai donc pris sur moi de parler. Quel danger ? Un Nègre saurait-il rougir ? …
Qu’on ne s’attende donc pas à trouver dans cette Lettre à la France Nègre une quelconque concession. J’ai choisi délibérément la voie de l’humour pamphlétaire.
(…)
Je sais que la France n’est ni l’Amérique du Black Power, ni l’Afrique du Sud. Mais la France a été habitée par l’Afrique, et l’Afrique hantée par la France. 
Alors…”
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Et, sans doute - colonisés étonnés et bourgeois - les sous-développés, sots ingénieux asservis par leurs passions, seraient plus terribles encore s'ils devenaient riches. Ces gens-là, à vrai dire, perdent à gagner. Plus opulents, ils vivent plus inquiets, en pauvres Nègres indécrottables... Centupler ses besoins, faire tout pour l'ostentation, avoir cent ambassades à l'étranger parce que telle grande puissance en a cinquante, et, si elle en a soixante, en avoir vite deux cents, c'est s'empêtrer dans une pénurie encore plus effroyable que la gêne de jadis.
Mais se gouverner décemment, savoir s'arrêter quand bien même l'aide au Tiers-Monde serait centuple, employer le reste à développer le pays, à occuper les siens, sans Rolls ni Bentley, ou à tirer d'embarras des budgets déficitaires : tout cela vaut mieux que les insultes gauchement braillées par l'anti-colonialisme de la négraille politique. Et c'est fausse sagesse, que de régner en mendiant ou en hâbleur.
Car c'est bien peu que de n'être point comme le commun des pauvres ; mais c'est être bien riche déjà, que de n'être plus comme le commun des riches...
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Souvent, plus parée encore de sa beauté que de ses atours, une jouvencelle, qui avait tout juste le caquètement d'une pintade, comme elle en avait l'oeil inquiet et la gorge en émoi - séduite par le corps de ces esclaves, voire le tremblant gabarit de leur virilité - et cherchant auprès de sa mère toute rose, sinon le réconfort, du moins la sollicitude, ou quelque avis autorisé sur la sexualité nègre, s'entendait répondre, entre autres gracieusetés : "Le Saint-Père n'approuve guère le café au lait..."
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Et ce fut la ruée vers la négraille. Les Blancs, définissant un droit colonial international, avalisaient la théorie des zones d’influence : les droits du premier occupant étaient légitimés. Mais ces puissances colonisatrices arrivaient trop tard déjà, puisqu’avec l’aristocratie notable, le colonialiste depuis longtemps en place, n’était autre que le Saïf (l’empereur du Nakem), dont le conquérant européen faisait — tout à son insu ! — le jeu. C’était l’assistance technique déjà ! Soit. Seigneur, que votre œuvre soit sanctifiée. Et exaltée. »
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Quand Louis XIV disait à Aniaba : Il n'y a donc plus de différence entre vous et moi que du noir au blanc, il marquait que tous deux étaient rois, solidaires dans la royauté, et qu'ils pouvaient être différents par la couleur tout en étant unis par l'identité de leur nature royale. Et maintenant, par extension, c'est l'identité d'une nature royale qu'il s'agit entre l'Afrique et nous.
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Et c’est alors que du fond de l’oubli, des visages renaissaient devant lui, des symboles aussi, faiblement éclairés d’abord, puis fumée fugitive, impalpable, poudreuse, cendre grise tombant sur ses paupières- misère soudain concrétisée, devenue objet familier et reconnu, puis vertige, danse solennelle, molle et féconde, délire, clameur, avec une débauche d’images de visages d’éclairs de cris remontant à la surface de cette eau trouble où sa mémoire des noms célèbres et des lieux fameux savait, reconnaissait et se comprenait.
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Sankolo sentit sur son visage la caresse humide du Yamé. Battement de son cœur harcelé comme une boussole affolée. Des gémissements fusèrent de la camionnette. Ils s’embrassaient. Brusquement Sankolo voulut courir se jeter sur la femme. Mais une douleur hébétée le rivait à sa place. Il vit Madoubo renifler, étriller, happer d’une lèvre gourmande et nerveuse, triturer, fouiller du bout de sa langue, du bout de ses doigts, les seins de Sonia. Elle se tenait dans une étrange immobilité. Allongée. La tête droite. Les sourcils légèrement froncés et plongés dans le même engourdissement. Elle caressait l’homme. Sankolo voulut avancer un bras hésitant. Son bras, ses doigts, refusèrent d’obéir. Brutalement, il se déplaça de côté, de manière à suivre dans le rétroviseur l’enlacement du couple. Il tira sur la corde de son touba, et immédiatement fut dévêtu. Il s’étendit sur son boubou, et, les yeux exorbités de désir et d’angoisse, devant les splendeurs de la chair de Sonia, empoigna ses propres seins, ses lèvres, se renversa sur son propre corps, yeux rivés sur l’accouplement. Un rire de gorge, chaud et sensuel, qui l’enivrait, faisait haleter ses flancs nerveusement empêtrés dans le boubou de coton, qu’il déchira. Soudain, il eut un ricanement, et, crachant dans sa paume droite puis se saisissant de sa verge pointée vers le couple :

« Jamais je n’ai connu ça ! Je ferai souffrir mon ventre, je veux aimer à plein. Dis, ma verge, as-tu vu les deux tourterelles blanches dans ce pigeonnier ? Tiens, entre dedans, vois miroiter contre toi ce petit trésor boisé en haut de la frise de ces jambes blanches. Viens, happe de tes bonnes lèvres gourmandes l’arc tendu de leur bosquet blond parfumé et touffu, où tu dors, mon trésor. Encore ! haletait-il se cabrant dans les airs. Oh ! encore, je t’en supplie, embrasse là ! Bécote, lèche, foudre qui foudroie mes entrailles et révèle l’auréole de mon ventre. Tiens mes doudounes, tu les aimes, mon petit mongoli. Continue… là… oui, là, goûte à sa chair réelle, fais-moi vomir les délices de son orgasme. Ça te plaît, dis. Tu veux bien, n’est-ce pas ? »

Et il ronronnait sous ses propres caresses, se lovant en tous sens, frottant ses jambes l’une contre l’autre – et toute sa chair vibrait comme la corde d’une harpe adroitement pincée, joliment caressée. Il n’était que plaisir lancinant, laissait courir, gambader ses doigts sur le petit lutin bandeur et querelleur de sa verge, accueillant sur ses doigts une rosée chaude et abondante qui le fit râler et gémir de plaisir, en un superbe tohu-bohu de toute sa jouissance. Puis il lécha de sa langue râpeuse sa main, enduisant ensuite son corps de salive, regardant dans le rétroviseur les lèvres sanglantes de la vulve. Il se mit doucement à sangloter…

Il sentit derrière lui une présence. Il se retourna : Awa, sa fiancée, l’observait.
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Ce Saïf connut donc le bonheur d’avoir été assez habile pour jouer ce rôle de messie, où de nombreux fils de notables s’étaient escrimés en vain, et appauvris. N’est pas Christ qui veut. Pardonnez-nous, Seigneur, de tant révérer les cultes dont on vous habille…
… Lancées de partout en cette seconde moitié du XIXème siècle, multiples sociétés de géographie, associations internationales de philanthropes, de pionniers, d’économistes, d’affairistes, patronnés par les banques, l’Instruction publique, la Marine, l’Armée, déclenchèrent une concurrence à mort entre les puissances européennes qui, essaimant à travers le Nakem, y bataillèrent, conquérant, pacifiant, obtenant des traités, enterrant, en signe de paix, cartouches, pierres à fusils, poudre de canons, balles. (…)
Et ce fut la ruée vers la négraille. Les Blancs, définissant un droit colonial international, avalisaient la théorie des zones d’influence : les droits du premier occupant étaient légitimés. Mais ces puissances colonisatrices arrivaient trop tard déjà, puisque, avec l’aristocratie notable, le colonialiste, depuis longtemps en place, n’était autre que le Saïf, dont le conquérant européen faisait – tout à son insu ! – le jeu. C’était l’assistance technique, déjà ! Soit. Seigneur, que votre œuvre soit sanctifiée. Et exaltée.
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Puis, avec une voix de fausset :
"Voyez-vous, mon cher, un conte nakem rapporte ceci : "Aux hommes et à leur folie, le Destin a dit : Je dois les excuser, l'humanité est si jeune !" Et il a attendu. Et il attend. Comme la patience devenue monument. Je trouve ça piquant... Mais brusquement, l'imprévisible ! forme précipitée des règles du jeu : "Qu'est-ce qui n'a pas marché ?" Toute la machinerie humaine dont la chaudière prête à éclater, éclate. Mais le Destin est là, et lui pardonne, fatalement. Son pardon : signature de ministre. Lu et approuvé avec date et lieu, puis cachet. Cela s'appelle un sursis ; quand il expire, l'humanité recommence, malignement ; et le destin, par procuration, pardonne, inlassablement. Et comment se lasserait-il, comment, s'il s'en lassait, ne connaîtrait-il pas l'Ennui, conscience vide du temps sans contenu ? Ennuyeuse innocence de qui n'a point péché ! Et nous sommes pécheurs. Alors Dieu pardonne par contrainte, ou par amour, peut-être.
- La contrainte, pour le métal de bien d'âmes, est comme un coup asséné sur un silex : l'étincelle qui jaillit s'appelle Amour.
- Qui se soucie d'un amour qui ne serait qu'une étincelle ?
- L'homme.
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« Je me lève. Le Sud. Le Sud. Mon corps flotte. Mes jambes pédalent. Mes bras s’agitent. Mais ce n’est pas moi. Je suis bien. Un ange me porte. Je suis bien. Les arbres sont bleus, l’eau est du mercure, je suis joailler. Je fabrique des bijoux avec les rayons du soleil. Je les offre aux oiseaux aux plumes blanches, aux yeux verts, jonchés d’étoiles, et les oiseaux me suivent ; ils font de la musique pour le plaisir de mes sens. J’ai à mes pieds, au milieu d’un cortège de tympanons sonores et de flûtes amoureuses, des femmes, à demi vêtues, couvertes d’un châle de soie qui cache leurs cuisses. Il y a des brunes, trois – enveloppées de laine blanche ; des blondes, deux – se vêtant de leurs mains d’or ; une rousse – qui s’affuble de fleurs de feuilles vertes et de raisins ; des noires en ronde, sans robe ni bijou ni sandale ; des Asiatiques aux yeux félins dont les boucles – noires de leur noir – et les bouches – roses de leur rose – flottent autour de moi, libres et rondes comme des plumes… Leur sourire provocant griffe mon sexe qui se tend, se dresse vers l’une d’elles, fourche écartée balançant mes pieds dans le vide – et je les possède toutes. Mes bras vont, viennent, parlent au vent, je vole et plane à ras d’un tapis d’herbes acajou, douces comme un duvet sous la caresse de la brise. Des étoiles, des planètes fusent de mes doigts. Un coup de vent, une saute soudaine m’enlèvent haut dans les airs : et je vois des villes, des peuples entiers surgis des quatre coins du monde s’allonger démesurément, avoir des pieds de cigognes et des visages humains, sculptés par moi. Je vois brusquement l’homme blanc qui m’a vendu et fait droguer, et je parle à mes frères asservis. Ils sont tout petits, tout noirs, avec des traits indiscernables. Je leur parle, leur dis que je vais travailler pour rien, mort sur l’état civil, chien drogué par la pourriture du monde – et je vois qu’ils regardent vers Saïf et pleurent. Je tiens soudain un sceptre. Je fais cesser la guerre secrète autour de l’argent. Saïf est anéanti sous les laves. L’argent est mort. Je fais cesser tout. Je lève mon sceptre : des lions avancent, agitent leurs crinières où se pavanent toutes les femmes que j’ai possédées, tous les hommes que j’ai dominés. Les Nègres ressuscitent. Les Juifs ressuscitent. En ressuscitant, tous les opprimés ont sauvé l’essentiel d’eux-mêmes. Le vent les regarde, le silence les écoute. Le ciel est noir indigo, et je me découpe sur un fond d’azur tombé des nuages. Je donne des ordres, ma parole a la puissance du Verbe. On me descend à terre. Je marche. Je m’avance. Je souris sans bouger les lèvres. Le fleuve me suit. L’onde me suit. Le soleil valse avec mes pas. Mes pas sont légers, ils tricotent dans le paysage et forment sous mon ombre immense des dessins, des ogives, des Lieux saints, des énigmes que moi seul déchiffre devant la forêt médusée. Les arbres arrêtent de parler, et leurs branches s’écartent à mon passage. Ma hache est sans pitié, et cogne les jaloux. Un lion halète tant il a marché : il est devant moi. Il rugit, tire la langue, avance à reculons et se perd à l’horizon. Il se juche au haut d’un arbre, devient une superbe panthère rose à la gueule en feu, rougeoyante sous une léchure de flamme :

« C’est le soleil qui se couche ».
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Dès lors, du Nakem, du Nakem-Ziuko, de Goro Foto Zinko, du Yamé, de la Géboué, du Katséna, du pays des Sao, des Galibi, des Gohou, des Gondaîtes, du Dargol, des N'Godos, sagaies, lances, flèches empoisonnées, javelots, coupe-coupe, poignards, sabres et mousquets, armes de tous genres, toutes trois fois bénies par Saïf ben Isaac El Héit, furent remises aux guerriers; en même temps, montés sur des mules noires, sorciers, éleveurs de vipères, de boas, mages, criminels spécialistes de morts ordaliques, herboristes retors en empoisonne ments, en traitements de puits, de mares, assassins connaisseurs de plantes vénéneuses, d'objets dangereux, de bêtes terrifiantes, à qui mieux mieux mirent au service de la patrie et de la religion: fétiches, guerriers, serpents, abeilles, guêpes, flèches, éléphants, panthères: - chars d'assaut de la résistance Nakem.
P. 54 (édition Seuil mai 2018)
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souvent il est vrai, l'âme veut rêver l'écho sans passé du bonheur. Mais, jeté dans le monde, l'on ne peut s'empêcher de songer que Saïf, pleuré trois millions de fois, renaît sans cesse à l'Histoire, sous les cendres chaudes de plus de trente Républiques africaines...
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Ils ne se disaient rien et restaient l’un en face de l’autre, la tête baissée, le regard indécis, comme perdus en une difficile méditation, sentant du nouveau dans l’air, respirant de l’invisible- avertissement mystérieux qui les prévint de leurs intentions secrètes, les paralysait dans une sorte d’ardeur frémissante, de soulèvement-, en cette brusque tension qui court au bout des doigts, surexcite à les exaspérer toutes les facultés de sensation physique, jusqu’à cet innommable besoin de commettre des sottises.
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Une femme adultère, dans ces conditions, encourait des sanctions impitoyables: elle était pour le moins mise nue, exposée en pleine cour royale, et, chargée d'un carcan aux chevilles, subissait- en vertu du droit coutumier- un lavement vaginal avec une décoction d'eau pimentée- où nageaient, ouallahi ! des fourmis. Dans certains cas (si la fautive se trouvait en état de grossesse, avortait et mettait au monde un enfant mort-né) un autre supplice, institué par Saif maintenait la femme cuisses ouvertes au-dessus d'un feu de bois, qui lui roussissait les poils du sexe.
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Le lendemain, Saif devait marier Tambira et Kassoumi. Mais, s'étant réservé le droit de cuissage pour le premier mariage de ses serviteurs, il fit valoir "que la mariée devait être vierge." Ce qui n'était pas le cas [...] la matrone fait asseoir Tambira, jambes écartées, sur un gros mortier que l'on avait roulé jusque dans sa chambre. Et, tandis que la première vieille maintient la femme immobile, la seconde, à l'aide d'un couteau plutôt sale - pratique l'ablation du clitoris, incise puis avive les deux lèvres, les rapproche et les maintient dans cette position en les agrafant avec des épines. Ménageant sous cette "couture'' un petit orifice (pour les besoins naturels), elle y introduit un bâtonnet évidé, enduit de beurre noir, attache enfin, l'opération terminée, par un triangle de morceaux de canne de mil, le bas-ventre de la femme. Du genou à la hanche. Jusqu'à complète guérison, interdiction de tout mouvement [...] Enfin, nombre d'hommes, vivant en concubinage avec le sexe faible, se trouvèrent heureux d'avoir à conquérir, à l'occasion du mariage, un plaisir nouveau, sadique, fait de volupté et de souffrance, quand ils défloraient, sexe picoté d'épines, flancs éclaboussés de sang, leur maîtresse, elle-même ravie, et morte plus qu'à moitié de plaisir et de peur. (p.87)
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Ceux qui pensaient le connaître voyaient en lui un idéaliste, illuminé, l’espace d’un éclair, par quelque immense idée sous le coup de laquelle il restait comme ébloui, souvent trop longtemps. Il ne parvenait pas, disait-on, à dominer son idée, y croyait fermement, passionnément, mais, dès lors, toute son existence ne devenait plus qu’une lente agonie sous la pierre qui l’avait à demi écrasé. Révolté ? Cynique ? Ignoble ? Mythe vivant d’une colère ambulante à la merci de sa légende névrosée ? Sorcier raté ? Non. Pas exclusivement. On lui trouva un autre qualificatif : celui de criminel en retraite.
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Nous avons toute la vie pour être malheureux, ironisa-t-il. Car, dit le conte, le Destin avait rendez-vous avec Dieu sur la Terre d'amour. En chemin, il voit sur un champ défriché, des hommes se battre. En vain, il les réconcilie. Puis, exaspéré : "Il n'est pas, leur dit-il, de justice sans amour ni d'injustice sans nécessité." Et au nom de la nécessité, le Destin massacra les hommes, puis, brandissant le flambeau de la raison laissé aux sur-vivants - qu'il bénit - va, vole et arrive au rendez-vous. En retard. Dieu était absent. Le flambeau, aux mains des hommes, derrière lui, éteint. Dieu avait choisi. Le Destin aussi. L'homme de même ; tu comprends ?
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Où est-il, le « bragouillon », le « strigouillât », le« schniffamouck » ? Il va la danser, cette fois, la « salampouff », le « vachardouillaud », le « sacribouillacastafouinouillard ! »
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De par toutes les provinces, les résistants noirs razzient des captifs noirs, et paient de cette monnaie, aux marchands, chevaux, poudre, armes, augmentant ainsi, par hordes, les colonnes incessantes du nombre des esclaves, tandis que, de leur côté, les Blancs gagnent du terrain. Tout est pris, saccagé, volé - et les captifs, au nombre de huit mille environ, sont rassemblés en un troupeau dont le colonel commence la distribution. Il écrivait lui-même sur un calepin, puis y renonçait, clamant: " Partagez-vous cela !" Et chaque Blanc obtint plus de dix femmes noires à son choix. Retour au quartier général en étapes de quarante kilomètres avec les captifs. Enfants, malades ou invalides: tués à coups de crosse et de baïonnette. Et leurs cadavres, laissés au bord de la route. Une femme est trouvée accroupie. Elle est enceinte. On la pousse, on la bouscule à coups de genoux. Elle accouche debout en marchant. A peine coupé le cordon et jeté, d'un coup de pied, hors de la route, l'enfant, l'on avance, sans s'inquiéter de la mère hagarde qui boitille, délire, titube, vagissant, puis tombant, cent mètres plus loin, écrasée par la foule. (p.57)
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