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Citations de Yoann Barbereau (114)


Cueilli impréparé, j’étais de ces taulards qui font leur entrée dans le monde sans aucun effet personnel.
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Il importait peu que l’histoire n’eût aucun sens, les avocats me dessillèrent. Seules comptaient les apparences : conformité de la paperasserie, respect du code de procédure pénale, expertises légales. S’il y avait eu trucage, piratage et bricolage, la charge de la preuve nous incombait.
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Le bon peuple peut donc se scandaliser, on l’y encourage, il peut s’il le souhaite rester indifférent, c’est bien aussi, et si beaucoup distinguent derrière l’affaire la main malpropre du FSB, c’est parfait, cette poigne est effrayante, regardez-la, on vous la montre à la télévision. Redoutez-la en silence. Une foule de simples railleurs est docile, une foule d’indignés est souvent utile. Craintive, elle est idéale.
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En matière de sexualité, le cunnilingus est une souillure absolue pour celui qui se déclarerait adepte. La fellation fait débat : le saint pénis pourrait s’en trouver flétri ou à l’inverse porter la flétrissure sur la bouche accueillante. La pratique est admise en général, certains la réservent aux seules « fées » (les prostituées), ils épargnent ainsi l’épouse qui doit rester digne d’être embrassée. La morale des bandits organisés est une bigoterie aussi grotesque que la bigoterie d’église, de mosquée ou de synagogue. C’est le même sérieux dans l’absurde, la même violence infligée aux « impurs » déclarés, la même occultation des femmes, le même monde du phallus-roi et la misère sexuelle qui l’accompagne.
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Comme la cellule, l’homme d’honneur doit être immaculé et respecter certaines règles. La pureté implique qu’il y ait du touchable et de l’intouchable. Les coqs sont d’évidents intouchables. Personne ne doit entrer en contact avec la vaisselle qu’ils utilisent, ils mangent aux toilettes, jamais à table avec les autres. On ne leur parle pas. Ils dorment dans un endroit séparé, parfois sous les lits. On peut néanmoins « consommer » le coq, ce contact-là n’est pas contaminant, le consommateur demeurant actif et brutal, cela va de soi. Dans le monde des mafieux, il est des gestes purs, d’autres impurs. Il en existe toute une liste. Tuer un policier ou un gardien de prison est un geste impur. Voler un autre prisonnier est un acte malpropre qui vaut déchéance.
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Richard aurait fort souhaité gommer le sourire voltairien et les piques que je lui renvoyais à chaque acte de procédure ou nouvel interrogatoire, sous l’œil tantôt anxieux, tantôt complice des avocats. Dans ce contexte, Gricha s’inquiétait de me voir noircir des cahiers toute la journée.
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La console de jeux : privilège ! C’est interdit ! Et il y a d’autres objets encore, tu verras. Les gardiens qui entrent ici sont au courant. Mais pour ce qui te concerne, silence ! Tu fermes ta gueule. C’est capital. Tu es un zek ici, c’est-à-dire moins qu’une merde. Nous sommes à la merci de salopards qui peuvent nous frapper, nous torturer, nous mettre plus bas que terre. Ils nous écoutent, ils nous regardent. La caméra là, tu vois ? Aujourd’hui, ce sont des amis accommodants et mes obligés, la vie est douce. Demain, on ne sait pas. Tout peut s’inverser. Honore ces deux prescriptions et tout ira bien. Je m’occupe du reste. Pour l’organisation de la vie, pour les règles de conduite, tu vas apprendre petit à petit, on va te montrer. Observe, respecte. » Un gardien a frappé deux coups secs sur la porte. Livraison ! De la nourriture est arrivée par le passe-plat. Les plus jeunes l’ont réceptionnée en quelques mouvements de ballet impeccables.
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La vie peut être supportable ici, mais il faut m’écouter et respecter les règles. Écoute-moi bien. Première règle : le mensonge n’existe pas entre nous et ne peut pas exister. Nous nous devons la vérité. Ne me mens jamais. Jamais tu ne mentiras. C’est clair ? Si la confiance est rompue, tout se rompt dans la cellule.
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Fumer est le seul plaisir qui existe dans l’isolateur. Il importe peu que les pieds trempent dans la merde quand on peut fumer.
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Souka peut se traduire par « salope », « chienne » ou « chiennasse ». Le mot signifiait que j’étais vivant et adapté à mon environnement. La cheffe a étouffé un gloussement, je l’ai entendu tandis qu’elle refermait sur moi la lourde porte.
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Aucun contact avec le dehors. C’est tout le charme de la quarantaine. On marine. On rumine. Ce sont des occupations suffisantes. Il va falloir s’accrocher mon cher Vania. C’est une affaire d’adaptation, rien d’autre : s’adapter à la lumière qui ne s’éteint jamais, s’adapter à la caméra, au micro, à la voix qui ordonne de se lever ou interdit de s’étendre sur le lit, s’adapter à la radio dans le couloir, elle est faite pour assommer et rendre fou, elle ne s’arrête que la nuit, le matin on la fait hurler directement dans la cellule ; on peut s’adapter et on peut encaisser les brimades, et les humiliations des gardiens, et les rituels de dressage, les fouilles, les mains dans le dos, la tête baissée, on peut s’adapter et avaler la soupe quotidienne faite de légumes nidoreux baignant dans le saindoux.
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On parlait de Koltchak dans les cellules. Pour nous, misérables des oubliettes, c’était comme toucher un peu de beauté mythologique. Il y a dans le centre-ville d’Irkoutsk une impressionnante statue de l’amiral, haute de cinq mètres, j’avais lancé quelques blagues en la découvrant, je m’en souviens, j’avais ironisé sur le charme des dictatures militaires. Alexandre, mon maître en renchérissement, disait que Koltchak avait sa place auprès de Lénine, l’homme qui sans doute avait ordonné son assassinat. « Révolution et contrerévolution sur un même piédestal ! On y est, c’est un beau et grand moment de rassemblement. L’humanité est étonnante – étonnante dans la forme, quoique lassante dans le fond. Ça s’abandonne à la vieille routine carnassière, aux usages immodérés du feu et du sang, et à peine sorti de la fange et des cendres, ça dresse des monuments aux grands carnivores ; et puis on y retourne, la folie carnassière, le feu, le sang, et l’inépuisable recommencement pour rien.
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On préfère plaindre le jaloux, parler d’amour en souffrance quand il n’y a plus que volonté d’assujettissement, désir absolu de constituer un prisonnier, une prisonnière, et un jour peut-être désir de l’exécuter.
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Je suis une proie docile. Elles disposeront selon leurs désirs, elles jouiront de moi ou m’abandonneront pour se repaître ensemble, alors je jouirai du spectacle avant que nous n’enfilions de nouvelles gammes allegro, celles dont les corps gourmets aiment à se délicater.
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Nous nous aimions. J’aimais éperdument Margot qui aimait que Marta m’aimât ; elle aimait Marta ; et comme Marta aimait Margot, comme Margot m’aimait, cela me rendait fou d’amour pour elles. J’écris ces lignes en souriant, c’est une liesse enfantine. Nous nous aimions. Nous le savions et nous ne le savions pas. Nous jouissions de notre chance sans y penser. Lorsque Marta s’endormait dans les bras de Margot, la seule présence de leurs corps délassés me procurait un plaisir d’une intensité presque irréelle. Je m’endormais auprès d’elles, à ma place. L’une ou l’autre viendrait peut-être se lover contre moi tout à l’heure.
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Pour apaiser la colère des vaincus, pour les dissuader de lui coller un contrat sur la tête et pour éviter la prison, le maire avait intégré à son équipe quelques hommes influents parmi ses adversaires. Il était inexpérimenté, ne disposait d’aucun conseiller fiable, il ne fit que joindre l’utile au vital. Trois mois après son élection, on n’est jamais trop prudent, il avait adhéré au parti présidentiel. Simple mesure prophylactique, on a beau vouloir bousculer le système, on n’en est pas moins amoureux de la vie, et on tient à sa petite entreprise.
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Certaines histoires nous appellent, on finit toujours par les entendre. Certaines scènes sont faites pour nous, il est rare d’y bien tenir son rôle. J’étais à ma place sur la nef des fous.
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L’absence est à l’amour ce qu’est au feu le vent, Il éteint le petit, il allume le grand, Mon enfant, ma sœur, songe à la douceur d’aller là-bas vivre ensemble, Aimer à loisir, aimer et
mourir au pays qui te ressemble, Il n’y a pas d’amour heureux, Et tant je t’aime que j’en tremble, Aussi longtemps que tu voudras, Nous dormirons ensemble, Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien, Par la Nature, – heureux comme avec une femme, Oh ! nos os sont revêtus d’un nouveau corps amoureux, Amour, amour quand tu nous tiens, On peut bien dire « Adieu prudence ! », Mignonne, allons voir si la rose…
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L’indifférence le plus souvent prévalait. Ma tâche consistait à débusquer les alliés, à séduire l’argent, à le faire ruisseler en direction des projets de l’Alliance française. La vérité : le ruisseau était tout au plus une rigole. Il autorisait la survie. Contre l’avancée partout déprédatrice des industries culturelles, la protestation est vaine et symbolique, mais de temps à autre on parvient à faire voir quelques beautés intempestives, on capte une oreille, un regard, on organise sa petite toussovka . C’est souvent risible. On échoue, on se trompe, on vend son âme. Parfois, c’est une grâce. Dans un pays où, de Moscou à Magadan, n’importe quel café affiche sur sa carte un gâteau nommé « Napoléon », les toussovka sont nombreuses à partager la culture française, et pas seulement autour d’une table, lorsque ritualisant avec boissons et victuailles les âmes sœurs se reconnaissent. L’amour de la France prend place en Russie parmi les invariants, il est inscrit dans la langue de Pouchkine, donc dans les corps. J’en fis l’expérience jusque dans un hôpital psychiatrique. Après la prison, je fus interné durant vingt jours, avec sous mes yeux déployée toute la violence du monde.
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La vérité : j’étais de la menue monnaie à usage tactique, rien de plus. Je fus un pion dans le jeu sans fin des civilisations qui s’entrelacent et se haïssent, s’applaudissent, se jalousent, bâtissent des mondes à coups de lames, des romans et des morales à coups de canons. Je devins un télégramme diplomatique de chair et d’os.
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