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Critiques de Yves Thériault (36)
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La fille laide

Roman québécois de 1950 que j’ai eu en lecture obligatoire pendant mon parcours scolaire, qui n’est pas très loin d’un «Roman du terroir». La plume est très près de la langue orale, sans fioritures. La poésie sans la verbosité.



Cette lecture m’avait fortement marqué. On y suit principalement trois personnages dans un petit village de campagne :



Bernadette, magnifique veuve, propriétaire d’une terre agricole.

Édith, la fille laide, recueillie par Bernadette alors qu’elle fuit le village voisin.

Fabien, beau et fort, engagé par Bernadette pour faire fonctionner la ferme.



Alors voilà, Bernadette est belle, jeune et riche. Le beau Fabien devrait bien s’intéresser à l’épouser. Mais non, il est amoureux de la fille laide. Comme Bernadette tente de s’interposer dans leur amour, Fabien la tue. Lui et Édith, enceinte, deviennent propriétaires de la ferme. (Et puis la finale en vaut la peine.)



Mon autre souvenir, avec ce roman que j’avais adoré, c’est la déception qui avait suivi son analyse en classe. Lorsque le professeur avait expliqué qu’il s’agissait d’un livre qui avait pour but de «promouvoir la suprématie de la vie paysanne sur la déchéance des villes, et de la supériorité de la vie vécue selon les enseignements de l’Église.»





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Agaguk

Classique de la littérature québécoise récente, ce livre demeure pour moi assez énigmatique. Ce qu’en dit Thériault, cité sur la quatrième de couverture, semble la meilleure description que l’on puisse en faire : « Je n'ai pas voulu écrire autre chose qu'un roman du Grand Nord en écrivant Agaguk. Ceux qui ont voulu y voir un réquisitoire ou une apologie de la vie arctique se trompent tous. ».

En effet, quelques jours après avoir lu ce livre, au moment d’écrire cette note de lecture, je ne peux toujours décider quel est le message de l’auteur. L’écriture est en effet relativement objective, elle se contente de dérouler les faits, sans aucune analyse ni prise de position. Si les réactions des protagonistes peuvent sembler étranges considérées depuis notre référentiel occidental, elles ne sont jamais commentées ni jugées, que ce soit pour en faire l’apologie ou les dénigrer. Relativisme culturel avant l’heure ? Surtout lorsqu’il est question de battre sa femme ou de décider si une fille nouveau-née doit vivre ou mourir ? Je ne crois pas non plus. Il me semble plus que ce livre se veut un témoignage, une relation de ce qu’est cette culture aux lisières du cercle polaire arctique, de ce qu’elle a été et qu’elle est en passe de ne plus être.



Ce livre se passe dans les années quarante ou cinquante, alors que déjà les changements se font sentir au contact d’une culture occidentale qui se fait plus présente. Agaguk, le héros éponyme, n’est déjà plus l’esquimau qu’étaient ses aïeux, lui qui veut vivre en solitaire, loin de sa tribu, gagné par cet individualisme qui est la marque des blancs. Pourtant, pour vivre ainsi seul, il faudra qu’il use d’une connaissance de la nature et des animaux élaborée par des générations et des générations avant lui. C’est ce début de mutation qu’Yves Thériault raconte, dans un style sobre et sans parti-pris.

Ce fut une belle lecture, à la fois instructive et plaisante, malgré la violence de certaines scènes. Une écriture au plus près des personnages, dont la seule poésie est celle de la simplicité et des besoins essentiels comblés chaque jour. Agaguk est accompagné d’Iriook, sa compagne, un personnage féminin au fort tempérament, elle aussi premier chaînon de cette mutation en train de se dessiner, et ce couple devient le trait d’union entre le lecteur lisant au chaud sous ses couettes et ce peuple esquimau dont il ne sait probablement pas grand-chose et qui pourtant vit la même vie que lui, une vie où il faut se nourrir et s’abriter, une vie qui transmet la vie, une vie fière, une vie qui fait face à l’adversité. Une vie qui peut à peu s’éveille à ce qui la transcende et lui donne un sens.

C’est peut-être cela qu’Yves Thériault a voulu écrire, un message d’universalité, de fraternité qui fait fi des différences culturelles qui pourraient apparaître comme insurmontables. Mais aussi l’espoir que chacun peut choisir son destin, chacun en tant qu’individu et chacun comme représentant d’une société, d’une culture qui n’est pas figée mais qui doit continuer d’évoluer, de s’adapter.

Au moment où j’écris cette note, je me prends à penser à deux grands hommes que j’ai entendu citer récemment. L’un est Paul-Emile Victor qui s’émerveille de la capacité des esquimaux à avoir su répondre aux exigences de la vie dans un environnement aux ressources si limitées : de l’eau (ou de la glace), parfois un peu de bois, des rênes ou des phoques, des poissons. Et ils peuvent combiner ces éléments de tant de façons différentes qu’ils peuvent se vêtir, s’abriter et se nourrir. C’est exactement cela que décrit Thériault, ces combinaisons sans nombre qui permettent qu’une génération remplace la suivante, toujours. L’autre est Claude Lévi-Strauss qui, dans une conférence sur « Race et Histoire » dans les années cinquante, estime que les cultures ne peuvent rester repliées sur elles-mêmes, elles se doivent d’échanger, mais doivent aussi se montrer réticentes dans cet échange, au risque de perdre leur spécificité et de ne plus rien avoir à échanger. Il me semble que c’est aussi ce qu’illustre Thériault, une culture qui change, mais qui demeure irréductiblement elle-même.

Un livre qui mérite d’être découvert bien au-delà du cercle polaire ou des frontières du Québec. Un livre qui mérite d’être le classique qu’il est, et dont je lirai avec plaisir les deux suites, l’histoire de Tayaout fils d’Agaguk et celle de Agoak fils du fils d’Agaguk, l’homme qui est maintenant chanté dans les veillées, comme il le rêvait, même s’il ne pouvait s’imaginer que ce serait dans les veillées des blancs dans des maisons en pierre et dans les pages d’un livre qu’on le chanterait.
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La fille laide

Le jour où Bernadette Loubron, une jeune femme dont le veuvage n'a nullement entaché la beauté, prend à son service Edith une pauvre hère ayant fui son village et le beau Fabien, un jeune homme au corps puissant et aux épaules solides, elle est à mille lieues de se douter de l'attirance de ce dernier pour Edith, sans aucun charme, squelettique, mal fagotée et laide. Impossible pour Bernadette d'accepter un tel outrage à sa beauté et sa féminité. Elle sait l'envie dans le regard des hommes, mais c'est sur Fabien qu'elle a jeté son dévolu, espérant bien le mettre dans son lit et pourquoi pas dans sa vie, lui qui a tant fait prospérer sa ferme à force de travail acharné. Au comble du désespoir, Bernadette va tenter par tous les moyens de le dissuader de se mettre en couple avec Edith. A bout de nerfs par les injures proférées par sa patronne à l'encontre de celle qu'il aime, ce dernier fini par l'étrangler et jette son corps dans " La gueuse " laissant croire à une noyade malencontreuse. Après la découverte de la malheureuse flottant à la dérive, avec des arguments solides, le couple parvient à être mis hors de cause et désormais libres, lavés de tous soupçons, les voilà propriétaires d'un domaine conséquent avec l'approbation des villageois et comble du bonheur, un enfant à naître bientôt.

Aussi lorsque la mère Drusseau leur conseille de sceller leur union par une cérémonie religieuse, Fabien s'emporte, refusant tout de go de passer devant Monsieur le curé. Ils s'aiment et ne voient pas la nécessité d'une telle bénédiction.

Mais pour Edith et Fabien, le prix à payer va être lourd de conséquences pour s'être bâti leur bonheur sur les cendres de Bernadette et pour avoir, selon la croyance, commis un péché en refusant le sacrement.



J'ai adoré ce récit d’Yves Thériault à la fois poétique et dramatique. Si le langage employé peut paraître quelque peu désordonné, il ne gâche en rien la beauté de ce roman d'une efficacité remarquable, que je considère comme une véritable pépite.

Et comme résumé si justement en une seule phrase sur la quatrième de couverture, La fille laide est une oeuvre faite pour durer en nous et qui ne s'efface pas avec la mémoire.
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Les temps du carcajou

Mon Dieu, quelle noirceur ! Si je m'étais attendu...

Alors, Yves Thériault fut un prolifique auteur québécois relativement oublié de nos jours (mort en 1983). Son oeuvre la plus connue est ''Agaguk'' qui nous emmène chez les Inuits, et que je connaissais par son adaptation au cinéma dans les années 90. Désireux d'étendre mon exploration du terroir livresque québécois, j'ai sélectionné ce titre au feeling comme premier coup de pioche dans la longue bibliographie de l'auteur, sans même lorgner du côté du résumé. Et donc, rien ne me préparais à cet impitoyable assaut littéraire ! C'est un peu comme si au moment de syntoniser une banale chaîne de radio commerciale, les haut-parleurs vous cracheraient aussitôt à la tête quelqu'agressif échantillon de death métal... Ce roman est une sordide histoire de vengeance. Au-delà de cette noirceur inhérente à ce thème et aux rudes existences qui font office de personnages, l'auteur aborde l'univers maritime du St-Laurent, fleuve et golfe, de Montréal jusqu'au Labrador, ainsi que le sort de communautés éloignées, le tout avec des moments d'intensité paroxysmiques. Ça me paraît clair, j'ai été fortement impressionné par ce livre !
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Tayaout, fils d'Agaguk

Tayaout, premier fils d'Agaguk, part seul vers le Sommet de la Terre, à l'âge de quinze ans. Il y affronte l'ours blanc, le grand représentant des Esprits. Agaguk et sa femme ont retrouvé leur village. Iriook rêve de son fils et prie les Esprits pour qu'il revienne. Et Tayaout revient, avec la pierre magique.



Deuxième partie d'une histoire familiale, ce texte s'essouffle dès les premières pages.
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Le ru d'Ikoué

Un court roman que tout le monde devrait lire, c'est à la fois une leçon d'écologie et une leçon de sagesse sur fond de culture Alconquine. Ikoué est un jeune indien du Canada, il découvre dans la forêt un ru, un petit ruisseau, dont il pense qu'il va lui révéler tous les secrets et l'ordonnance de la Nature. Il se met alors à l'écoute de la pensée de l'eau afin d'atteindre la sagesse de ses ancêtres. Dans son parcours initiatique, Ikoué comprendra la voix des animaux et des plantes, de la terre, des eaux, du ciel et des vents, celle du Grand Esprit, le Kije Manito. Une leçon de connaissance et de respect.

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Agaguk

Un livre absolument magnifique, hors du commun, si vous êtes intéressé par la culture inuit et par l'appel du nord ; sinon, passez votre chemin littéraire, il n'aura que peu d'intérêt pour vous. Tout y est, tout ce que j'ai pu ressentir en Terre de Baffin, au Groënland et au Spitzberg. Le drame humain originel rapporté à quelques individus au milieu du désert ...

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Ashini

Livre de sang. Les courtes phrases fonctionnent comme les directs d'un boxeur rapide. On ne voit pas venir les coups et pourtant ils sont juste sous nos yeux. C'est un roman sur la liberté et l'égalité. C'est un écrit sur la condition autochtone, mais ultimement sur tous les laissés-pour-compte, les bafoués et les refoulés en tout genre. Comment meurt un peuple? En s'abandonnant lui-même. Le passé n'est pas un mouchoir sale dans lequel on ne met plus son nez.

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Ashini

Petit récit sur la fin d'un peuple amérindien.

Des phrases courtes,une écriture simple et riche à la fois,très imagée,poétique.
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Aaron

Aaron est un jeune Juif élevé à Montréal par son grand-père, vieillard dont la sagesse s’appuie sur les lois anciennes du judaïsme. Moishe a tout enseigné de la tradition judaïque à son petit-fils : il espère perpétuer la lignée de ces hommes qui, de tout temps, ont dû s’exiler, bafoués par les schlemiels, mais qui ont su préserver les rites salvateurs (car Adonai protège son peuple, c’est bien ce dont Moishe aimerait convaincre Aaron), ainsi que les fêtes traditionnelles qui rythment la vie, comme la Bar-Mitvah qui fera d’Aaron un homme. La parole du grand-père se veut protectrice, dominatrice, la seule vérité possible pour l’enfant. «Posément, il récitait les grandes vérités transmises de génération en génération…» C’est justement après sa Bar-Mitvah que le jeune homme rencontre Viedna, une adolescente délurée, juive comme lui, mais dont le père s’est détaché du judaïsme pour devenir un homme d’affaires prospère. Avec elle, Aaron vit ses premiers émois, et il réfléchit à ce qu’il souhaite de la vie. La parole de l’aimée remplace celle du patriarche : «Riche et opprimé, c'est infiniment mieux que pauvre et persécuté. L'argent achète les compensations.»



Et c’est sur une parole de désespoir que se terminera le récit d’Aaron… des mots qui portent à penser que la religion, si elle ne relie pas les hommes entre eux, si elle ne cimente pas la famille, n’a pas sa raison d’être, et que dès lors, Dieu n’existe plus…



La prose limpide d’Yves Thériault laisse deviner l’intérêt qu’il a porté à ce peuple partout présent et nulle part chez lui…



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La fille laide

J'ai bien aimé ce roman de Thériault, même si le style n'est pas très bien défini (c'est une suite de mots et de phrases presque sans structure, comme lancés spontanément et avec des émotions vives et négatives). J'ai trouvé les dialogues intéressants et les personnages touchants malgré leur rudesse.
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La fille laide

À ma grande surprise, j’ai bien aimé ce roman. Il décrit la jalousie et l’antagonisme des citoyens de deux petits villages. Il dépeint surtout très bien le sombre tableau de l’ignorance, des préjugés et leurs conséquences. On est témoin du climat malsain du village, des commérages méchants mais aussi de la bonté de cœur et de la sagesse de certains vieux villageois. Les personnages sont bien développés et incroyablement vivants. L’amour de Fabien envers Edith est poussé jusqu’à la folie, c’est à la fois violence et tendresse. L’écriture de Thériault est beaucoup plus poétique que réaliste ce qui sied bien à l’histoire.
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Agaguk

Agaguk est inuit. Voulant échapper au contrôle de son père, il part dans la toundra avec sa femme Iriook. Ils vivront plusieurs années à l'écart des leurs, dans l'angoisse des Blancs. Pour se défendre, Agaguk tue Brown, un trafiquant d'alcool. Entre peur et quotidien, Agaguk se bat aussi contre lui-même.



Peu de choses à dire. Je n'ai pas été touchée par le personnage. La description des paysages est intéressante mais elle suscite peu d'émotions.
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Agaguk

Un œuvre passionnante et une histoire bien ficelée qui se lit facilement grâce à des chapitres courts. On est dépaysé par le mode de vie des inuits, mais aussi par leur façon de comprendre le monde. Certaines scènes sont difficiles dans ce monde rude et sans merci, notamment l'accouchement de l'attaque de l'ours.

Au final, une grande leçon !
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Agaguk

Il m'a fallu bien des années d'hésitation avant de lire ce classique de la littérature québécoise récente, il m'a fallu aussi l'insistance d'un ami qui ne tarissait pas d'éloges à propos de ce roman même si il l'avait lu il y a plus de cinquante ans. C'est donc d'un pas hésitant que je me suis avancé dans cette aventure mais au bout de quelques pages à peine mon hésitation s'est évanouie et c'est de plein pied que je me suis enfoncé dans la lecture de ce roman.



Alors que la vie des Inuits me semblait monotone et que leur habitat me semblait rébarbatif, l'auteur par sa belle plume m'a fait découvrir un univers insoupçonné plein de vie et ayant sa propre beauté C'est incroyable qu'habitant le même pays je sois si ignorant de la culture et du mode de vie de ces peuples qu'on nomme maintenant premières nations à juste titre. Il m'a fallu lire un livre écrit il y a 65 ans pour mieux connaître les Inuits , du moins ceux de cette époque.



J'ai beaucoup aimé ce roman dont l'auteur dit n'avoir eu d'autre intention ou prétention que d'écrire une histoire sur le grand-nord. Pari réussi l'histoire est captivante, bien écrite dépeignant bien la nature sauvage et grandiose de la toundra canadienne et les moeurs de ses habitants. Il y a des moments poignants, des descriptions de chasse splendides le tout servant de décor à l'histoire d'une communauté où il se passe des événements très humains pas plus ni moins brillants que dans nos sociétés le tout pimenté d'une petite intrigue policière. D'ailleurs je verrais bien Yves Thériault écrire un polar. J'ai donc passé un bon moment de lecture et j'essaierai de mettre la main sur la suite de cette histoire.
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Agaguk

Lire la littérature québécoise pour un anglophone, c’est un calvaire. Malgré toute sa bonne volonté, un Canadien-anglais n’est pas capable de s’intéresser aux obsessions habituelles des écrivains québécois; c’est-à-dire, la langue et la nation. Comme résultat, on enseigne « Agaguk » qui ne parle pas de ces questions aux universités anglophones du Canada.

La thématique d’ « Agaguk » est plutôt canadienne-anglaise. Il parle de la confrontation culturelle entre les peuples autochtones. L’intrigue se déroule pendant les années cinquante dans le grand nord québécois. À cette époque les francophones étaient complètement absents de la région qui étaient peuplée des Inuits (esquimaux) et des blancs anglophones (les membres de la gendarmerie royale).

Publié en 1958 sept ans après le très célèbre « People of the Deer » (1951) de Farley Mowat, « Agaguk » commence sur le même ton. À première vue, Agaguk, le protagoniste est un bon sauvage Rousseauiste qui vit dans la solitude et qui suit le code d’honneur ancestrale de son milieu. En fait, Agaguk vit dans la misère. Son existence nomade et la chasse ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins. Nourrir sa famille est carrément hors de sa portée.

Thériault partage les idées de Mowat sur les conditions de vie des Esquimaux mais il voit leur culture autrement. Contrairement à Mowat, Thériault voit leurs valeurs d’un très mauvais œil.

Agaguk est sauvage dans le sens que Rousseau donne au mot mais loin d'être bon. Il tue volontiers un trafiquant d’alcool qui lui avait volé ses fourrures sans sentir le moindre remords. Au foyer, Agaguk est un vrai monstre. Il bat sa femme régulièrement parce qu’il croit que c’est son devoir. Il ne permet pas à sa femme de s’exprime sur quoi que ça soit et il prend toutes les décisions du ménage tout seul.

Le hic est que la femme d’Agaguk est beaucoup plus intelligent que lui. Surtout, elle comprend mieux comment se compter avec les blancs afin de s’en tirer à bon compte. Grace aux stratèges de sa femme, Agaguk s'échappe à la justice de état Canadien et le couple poursuit leur vie dans la Toundra.

« Agaguk » est un roman très provocateur. Son portrait de la culture inuite est peu flatteur. La thèse de l'auteur que les hommes qui battent leurs femmes sont capables de se racheter ne plaira probablement pas à bien des feministes. Néanmoins, il y a beacoup de vrai dans « Agaguk ». Il mérite toujours d’être lu non seulement par des étudiants anglophones mais par le grand public canadien.
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Contes pour un Homme Seul

J’ai décidé d’aborder Contes pour un homme seul d’Yves Thériault (1915-1983). Pourquoi? Yves Thériault semble être le précurseur du fantastique québécois du vingtième siècle avec ce livre publié aux éditions de l’Arbre en 1944. Ce bouquin est composé de 18 contes répartis en trois parties. On pourrait affirmer que les contes de Thériault s’avèrent à la limite du fantastique. Ainsi, Thériault cherche, avec ce recueil, à démystifier la vie à la campagne et à briser ainsi les croyances instaurées par le roman du terroir. Par le biais du fantastique, l’ordre à la campagne est inversé. Ses personnages sont bien campés à la campagne où les gens se connaissent, ont appris à vivre ensemble, travaillent de leurs mains. Mais, dans ce recueil les aspects associés au terroir servent de prétexte pour inverser l’ordre établi et à faire naître le fantastique. On peut penser à des contes comme «La fleur qui faisait un son » ou à «Challu-la-chaîne». Par ailleurs, chez Thériault, le fantastique survient par le biais d’un objet fascinant et qui semble s’animer.



Dans «La fleur qui faisait un son », le Troublé, l’idiot du village, croit entendre une fleur qui produit un son et ce son le séduit, l’apaise. Le Troublé tombe amoureux à la fois d’une fleur, des fourmis, d’un soc et d’un sac. Plus encore, le personnage du Troublé semble solliciter les pulsions macabres du lecteur car c’est grâce à ce personnage que l’irrationnel survient dans la vie de tous les jours. Il apparaît comme étant le médiateur entre le quotidien et l’au-delà. Il abolit les frontières entre l’imaginaire et le réel. Le Troublé est associé aux pulsions instinctives, à la destruction à l’état pur. Le surnaturel surgit à travers ce désir de mort qu’il ressent envers ceux qu’il aime. Il a un immense besoin d’amour mais en même temps, il détruit ce qu’il aime. Comme il le souligne :



«Il faut que je tue ce que j’aime… (p. 23)»



Il aime les fourmis alors il les écrase, il est en amour avec Anette, alors il la tue. L’ambiguïté naît de cet agencement vie-mort. De plus, le lecteur ne sait pas si c’est sa naïveté qui agit comme distorsion du réel.



Le Troublé n’est pas le seul personnage du recueil à ressentir ce besoin de tuer lorsqu’un objet extérieur ensorcelle ou anime les pulsions bestiales. L’objet guide le personnage vers l’inconnu, vers l’interdit. Il lui révèle sa propre folie. Dans «Challu-la-chaîne», Challu découvre une chaîne en marchant. Le fantastique semble naître par le biais de la présence d’un vocabulaire relevant du mystérieux. Ce vocabulaire propose une ambiance propice au fantastique (noir, tourbillon d’ombres, néant, infernal, vide). Mais encore, Challu aime trop la chaîne qu’il a trouvée. Cet amour pour l’objet semble engendrer la mort de son épouse. Ainsi, le sentiment pour l’objet participe au réel et a un impact sur le devenir de l’autre. De plus, Challu sera lui-même victime de cet amour pour l’objet car il se jettera dans un lac et perdra ainsi la vie.



Avec Thériault, le lecteur est confronté à un fantastique de l’instinct qui naît dans les forces incontrôlables de l’être humain. Les personnages sont amenés à ressentir une jouissance en tuant. La mort entre en conflit avec la vie, elle s’en empare, elle prend possession des personnages. L’ambigüité relève de cet agencement vie-mort car l’être s’y révèle comme absolu.



J’ai beaucoup apprécié les contes de la première partie. À travers Contes pour un homme seul, Thériault présente des personnages troublés, troublants, primitifs valsant avec le drame. Il sait jouer avec la tension.



Je voulais partager avec vous un peu de fantastique québécois en abordant un recueil d’un grand écrivain.



https://madamelit.ca/2019/10/16/madame-lit-contes-pour-un-homme-seul-dyves-theriault/
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Agaguk

Écrit en 1958. Récit sur les Innus dans le Grand Nord québécois. Histoire très touchante qui décrit la vie de ceux qu'on appelait autrefois, "les Esquimaux", terme devenu très péjoratif. Agaguk a tué un homme blanc. Il est protégé par sa tribu, mais la justice des blancs fera son chemin pour le retrouver. Il quitte, avec sa femme pour aller vivre en Arctique, terre arides et hostiles ou l'hiver est représente un des plus grands dangers. Un incontournable de la littérature québécoise.
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Ashini

écrit en 1960- Très belle oeuvre poétique sur la dure condition du peuple autochtone quand les blancs les ont manipulés pour prendre leur terre. C'est touchant et cette situation elle celle de tous les peuples qui sont déracinés de leur mode de vie afin de mieux exploiter leurs richesses et les assimiler à notre culture. Ashini est très attachant. Quête et lutte pour garder sa culture, ses terres, les siens, mais devant les blancs on ne peut rien faire malgré des luttes féroces.

J'aime beaucoup cet auteur québécois. Il est né en 1915 et l'an dernier on a souligné son 100e anniversaire. On lui connait quantité d'oeuvres : Agaguk, le Fils de Tayaout, la fille laide et nombreux prix et distinctions de tous genres.

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Tayaout, fils d'Agaguk

Aussi bien qu'Agaguk. J'avais quelques appréhensions, l'ayant trouvé par hasard à Québec. Et puis non, c'est bien ça ...

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