Élise Fischer

Les patients qui sont soignés dans ces services pour des affections respiratoires - très souvent la tuberculose - viennent de tous horizons. Même si le milieu bourgeois pointe avec mépris les petites gens. La tuberculose est considérée comme une maladie honteuse. C'est la maladie de la misère.

Il lui avait fallu du temps pour comprendre que personne ne peut grandir sans un jardin de nostalgie, là où les âmes s'embellissent et se fortifient.

C'est fini à Stalingrad... La veille, Hitler a fait de Von Paulus un maréchal. Sans doute pour éviter la reddition. Un maréchal allemand ne se rend pas. Il meurt sur le champ de bataille ou se suicide. Von Paulus s'est rendu. Les pertes allemandes sont terribles : 40 000 morts et 28 000 prisonniers. On dit que cet homme n'est pas un nazi. Il est plutôt critique face à Hitler et empêcherait ses soldats de commettre certaines exactions. Le voilà libéré du froid. Il est prisonnier. Pour lui, la guerre est finie. Mais que de gâchis !

Le Général explique pourquoi nous avons perdu :
Ce n'est pas parce que nos soldats ou nos marins étaient pleutres, mais parce que nous n'avions pas assez d'avions, de bateaux et de machines perfectionnées. Nos soldats ont au contraire été courageux, comme tous les papas des enfants de France. Et le Général de terminer son message en disant :
Eh bien, moi, je vais vous faire une promesse, une promesse de Noël. Chers enfants de France, vous recevrez bientôt une visite, la visite de la Victoire. Ah, comme elle sera belle, vous verrez !
Il n'y a pas à dire, ce général sait parler et toucher le coeur.

Plus grave : le 7 décembre, Hitler a signé le décret " Nacht und Nebel ". En fait, nous a expliqué Frantz, quand un juif ou un résistant sera arrêté, on ne pourra pas savoir dans quel camp il a été envoyé. Ce qui signifie, a ajouté Frantz avec douleur, que cette personne, dès son arrestation dans , disparaîtra dans < la nuit et le brouillard >.

Ce 28 juin est un jour de honte et d'horreur. Hitler a fait relâcher des criminels à Kovno en leur donnant pour mission d'exécuter les juifs qui y vivent.
Ce qui vient de se passer est abominable. Plus de 3 800 victimes sauvagement assassinées.

Que de mensonges ! Pas étonnant que des résistants qui ont écouté la radio officielle, Radio Paris ou celle de Vichy, chantent sur l'air de "La Cucaracha" : "Radio Paris ment, radio Paris ment, Radio Paris est allemand... " Et Radio Londres ne cesse de se moquer de Radio Paris. En tout cas, tous ceux qui y officient sont jugés, classés pro-nazis.

Je n'ai pas le temps de répondre que Norbert, qui nettoyait le comptoir, lance haut et fort :
- Que Pétain installe sa dictature. Oh, c'est très à la mode en Europe. L'Allemagne, bien sûr, avec le Führer, l'Italie avec le Duce, l'Espagne avec le Caudillo Franco, manquait la France, mais le cher maréchal n'est qu'un pantin. Pétain, le pantin du Führer. C'est pas beau, ça ?

Nous sommes d’accord. J’ai beaucoup changé, madame. Au début, nous suivions tous Adolf… Il était notre espoir, le grand chef qui redonnait grandeur et fierté à l’Allemagne. Et puis nous le découvrons autre… Et beaucoup d’entre nous sont consternés… Le mot est faible, horrifiés parfois. Il se lance dans des entreprises de mort et nous commençons à penser qu’il fera le malheur du Reich. Il ouvre une tombe gigantesque et il répand la haine. Et pour l’instant, nous ne pouvons qu’obéir.

Le parc de notre propriété ignore la guerre et les jonquilles vont très vite céder la place aux tulipes. Une jolie parade, le temps que les lilas se préparent à fleurir et à embaumer les alentours au soleil couchant.

Quel plaisir de prendre le train jusqu'à Metz pour aller chez tante-marraine que j'aime beaucoup! Tante Angeline est la soeur de mère mais, pour être honnête, j'y vais parce que je sais que j'y rencontrerai Reinhardt, le meilleur ami de mon cousin Rodolphe.

Le cœur ne prévient pas quand il veut s’arrêter. On est si peu de chose, ici bas. C’est là-haut que tout se décide.

On pouvait sourire des facéties du destin qui prenait plaisir à faire se croiser les fils de la vie, à tisser des étoffes singulières. Rien n’est innocent.

Chacun fait ce qu’il peut. L’essentiel étant de ne jamais vouloir nuire de façon délibérée. Il attendrait d’être seul pour lire, pour découvrir cette mère dont il n’avait que des images floues dans la tête et le cœur.

Ce n’est jamais aisé de parler d’affection et de montrer ce que l’on pense. Nous sommes des hommes et nous appartenons à une terre où la discrétion est une qualité première. Une terre fleurie de trop de réserve. Les guerres en sont la cause. Il a toujours fallu se méfier. Or, l’excès n’est jamais bon. Et cette retenue dont nous avons appris qu’elle faisait partie de la bonne éducation ne peut que flétrir, voire tuer les élans de vie.

La vie va vite, nous bouscule et nous malmène. Nous étions toujours, toi et moi, fort occupés.

Naître est un moment exceptionnel qui devrait être associé à l’espérance.

La mort ne devrait jamais être triste, elle fait partie de toute destinée humaine. Elle apporte le chagrin et la révolte lorsqu’elle fauche trop tôt des innocents ou des vies inaccomplies, j’en sais quelque chose…

Que diriez-vous d’un mariage certes discret, mais béni par saint Nicolas ?
– De toute façon, nous n’avions pas prévu de grandes festivités, glissa Marguerite. Nous trouvons qu’à nos âges, ce serait un peu ridicule. Il est plus raisonnable d’utiliser l’argent à d’autres fins.

Une bonne nouvelle dans ces moments d’angoisse apporte un peu de douceur.