Étienne Balibar

"Macron aurait réalisé un mémoire sur l'intérêt général en rapport avec la philosophie du droit de Hegel, et sous ma direction? Je n'ai pas de souvenir ni de trace de cet épisode!" (aux journalistes de Challenges, avril 2015)

L’universel ne rassemble pas, il divise. La violence est une possibilité permanente.

(Le Monde, 9 février 2017)

Il serait erroné d'analyser le mouvement des gilets jaunes comme une jacquerie des populations rurales défavorisées contre des citadins fortunés.

Un évènement : cette révolte en est un, indéniablement. Et il n'est pas grandiloquent d'affirmer qu'il est historique : parce qu'il donne le sentiment que rien ne sera plus comme avant.

L'exclu par excellence n'est pas celui qui se trouve de façon contingente "en dehors" d'un espace géographique ou sociologique donné, c'est celui dont l'extériorité est reproduite dans le temps : le chômeur fils de chômeur, ou l'immigré fils d'immigré, ou le fils d'immigré toujours encore considéré comme un immigré (.) Ce sont là les figures typiques qui apparaissent à plus ou moins bon droit comme archétypes de toutes les précarités.

Il n’y a rien de nécessaire à ce qu’existe un jour une citoyenneté transnationale, en revanche il est nécessaire qu’une telle citoyenneté représente un progrès démocratique dans des domaines fondamentaux : la reconnaissance des droits sociaux, la participation aux affaires publiques et les possibilités de contrôle du pouvoir politique, etc. C’est la condition pour que les institutions supranationales apparaissent acceptables, et même désirables, à la population, c’est à dire à la masse des citoyens

(…) l'histoire ne se fait pas « par le bon côté », c'est-à-dire en raison de la force intrinsèque et de l'excellence des idéaux humanistes, moins encore par la force de la conviction et de l'éducation morale : mais par la « douleur du négatif », l'affrontement des intérêts, la violence des crises et des révolutions. (…) L'histoire n'avance pas seulement « par le mauvais côté » mais du mauvais côté, celui de la domination et de la ruine.

c’est l’institution frontalière elle-même, en particulier les différences qu’elle comporte entre les frontières de sécurité et de simples délimitations administratives, qui produit l’étranger comme un type social et un fait anthropologique

Comme le dit Benjamin Bayart, militant de la neutralité et de la liberté du Net :« L’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire. » Mais, comme pour la lecture, le peuple, le peuple « modeste », ne disposait pas d’un espace d’écriture à son image. Tout comme le peuple hésite souvent à se rendre en médiathèque ou en bibliothèque parce qu’il ne s’y sent pas légitime ou qu’il en ignore les codes et les usages. C’est cet espace d’écriture que Facebook a offert au peuple. Un espace confiné, confinant, mais aussi un espace confiant, un espace confident.

Les conflits sociaux ont une dynamique qui s'accompagne d'enjeux glissants. On part de la taxe sur le carburant et on glisse à la question des impôts, on passe de la question du pouvoir d'achat à celle du pouvoir de vivre, de la légitimité du président de la république à celle de la démocratie. Un mouvement social circonscrit les enjeux. La révolte , elle, les pulvérise.
Pierre Rosanvallon.