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Outre un ensemble d'études sur Laclos (dont un texte de Giovanni Macchia), ce volume de la revue Europe contient une anthologie de nouvelles traduites du thaï et du lao. Une occasion rare et belle de découvrir ces voix de pays de l'Asie du Sud Est trop peu entendues en france. Cet entreprise est une initiative de Frédéric Maurel qui la présente dans un texte introductif bref mais documenté suivit une précieuse bibliographie.

A travers le regard d'un narrateur épistolier ce roman par lettre raconte l'installation en 1945 d'un émigré chinois en Thaïlande. Débuts comme commis chez un négociant chinois, avancement, mariage, éducation des enfants (à l'école chinoise), la biscuiterie qu'il va créer, l'évolution de la Thaïlande moderne. On y lit les espoirs et les déceptions d'un homme d'affaire parti de rien en 1945 jusqu'au déclin de ses forces en 1967. Récit d'une réussite économique ou l'on découvre les rapports peu chaleureux entre chinois et siamois et la manière dont la culture chinoise est capable de se siamiser sans s'assimiler.

Ce roman est le quatrième roman traduit en français de l?écrivain thaïlandais Saneh Sangsuk. On y retrouve la même puissance narrative portée par le lyrisme singulier de cet écrivain ; dans un style qu?on pourrait qualifier de déclamatoire, Saneh Sangsuk anime en mouvements violents et sombres les forces naturelles où l?homme se débat. La condition humaine dans les romans de Saneh Sangsuk est toujours écartelée entre pulsion et dépassement, dans un perpétuel tourment. Dans ce roman, l?auteur nous transporte en Inde du temps du bouddha et nous raconte une des « paraboles » les plus connues de la vie du fondateur du bouddhisme; l?histoire de Kashi Gautami, la jeune femme qui refusait d?admettre la mort de son enfant.

Cet autoportrait d'une rare violence qui le fait toucher au sublime témoigne du désarrois d'une jeunesse thaïlandaise dont la jeunesse occidentale n'a probablement rien à fiche mais si cette dernière prend le temps de lire ce livre elle entendra une voix forte et singulière qui ne devrait pas laisser indifférent.

La chute de Fak est certainement beaucoup plus que la chute métonymique des anciennes valeurs du bouddhisme que l'auteur, au demeurant, ne défend pas. Cette chute d'un pathétique extrême vous entraîne dans l'histoire d'un village du pays Isarn depuis les temps où il n'était pas encore électrifié jusqu'à nos jours. Toute l'évolution des m?urs rurales se déroulera devant vous à cette lecture; peu de romans vous apprendrons autant de chose sur les thaïlandais. Si je devais recommander un seul livre sur la Thaïlande, ce serait celui là.

Aux lecteurs qui sauront entrer dans cette structure narrative complexe et ambitieuse cette œuvre, très loin des clichés sur le monde asiatique ouvrira une fenêtre unique sur les problématiques intergénérationnelles en Thaïlande. Ce tableau de la vieillesse en hospice, assez haut en couleur pour satisfaire l'appétit d'exotisme du lecteur occidental, porte une émotion que je crois universelle.