La nouvelle venimeuse, à la fois âpre et onirique, du romancier thaïlandais
Saneh Sangsuk.
L'auteur plante le décor dans un petit village paysan au confins de l'ancien Royaume du Siam pour nous faire vivre le récit cauchemardesque du combat entre un enfant de dix ans et un sSSssSsserpent.
D'emblée la nouvelle nous captive par sa fluidité à la fois dans le style mais aussi la narration de Sangsuk. Nous savons depuis la quatrième de couverture que tôt ou tard l'enfant croisera la route du serpent.
“Et c'est alors que, d'un antre secret au sein de la terre sous le tamarinier géant pourrissant qui gisait là, un cobra femelle pointa la tête au comble de la colère. Son corps était gros comme la cuisse d'un homme mûr. Son dos était d'un noir d'encre, son ventre blanc strié de gris.”
Lorsque arrive enfin la rencontre, une tension attrape le lecteur pour ne plus le lâcher … un peu comme une Sangsuk (pardon).
L'auteur enroule ses mots autour de son lecteur comme le serpent enroule son corps autour de la taille du frêle gamin thaï. le souffle manque, la peur écrase le coeur, un brouillard d'angoisse et de suspense s'installe. Tout s'entremêle, pendant que le corps lutte, l'esprit s'évade, les souvenirs défilent, dans ce moment de bascule, de lutte pour la vie, le lecteur n'a plus aucune idée de là où l'auteur veut l'emmener — forcé de vivre au rythme de l'étreinte plus ou moins pressante de la bête.
A travers son combat contre le serpent, le “mental” comme on dit dans le sport avec un bon accent tolousaing, se révèle crucial, à l'image des épreuves de la vie, cette épreuve d'une nuit voit le jeune garçon passer par toute sorte de phases émotionnelles, dictées ou non par la douleur physique.
Certes il y a le cobra mais la vipère du village c'est Songwât, sorte de chamane auto-proclamé, abusant de la crédulité superstitieuse des habitants, aveuglé par sa haine du petit garçon estropié dont les parents osent lui tenir tête. le fait qu'on décrive ce persifleur comme “efféminé” donne peut-être une clé pour le comprendre : une homosexualité indicible, que l'on ne peut pas vivre, peut pousser à chercher un rôle à l'abri des représailles, et quoi de mieux que de devenir le prêtre mystique du village… je n'irai pas plus loin dans les comparaisons et la sociologie des vocations ecclésiastiques de toute obédience… ni dans la culture thaïlandaise, qui nous donne d'étonnantes leçons de tolérance avec ses “ladysboys”.
Venin est une lecture ouverte à de multiples interprétations, tellement immersive qu'elle nous hante encore et moi-même qui vous parle j'ai dû en découdre en rêve avec un Cobra, il est fort Sangsuk !
Qu'en pensez-vous ?