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EAN : 9781091328211
Gope éditions (20/08/2015)
2.92/5   6 notes
Résumé :
Une jeune provinciale d’à peine vingt ans paie le prix d’une enfance et d’une adolescence misérables. Pour se venger des sévices, privations et humiliations qu’elle a subis ; pour implorer des bribes de tendresse de la part de parents qui rejettent son amour – son père militaire qui la répudie ou, au mieux, la brutalise ; sa mère, qui change d’homme comme de sarong et se défoule sur elle de ses frustrations – ; par esprit d’autodestruction et en se calquant sur la c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Cette chronique sera très particulière. Tout d'abord, un grand merci aux éditions Gope de m'avoir fait cette recommandation de service de presse. Alors que je leur avais suggéré un autre ouvrage, ils ont su cerner mes attentes de lecture et m'orienter vers ce titre, qui célèbre cette année ses vingt ans. Un anniversaire sous le signe du macabre et de la désolation la plus totale. En 1997, Arounwadi, jeune Thaïlandaise de vingt-et-un ans à peine, trouve le courage au plus profond d'elle-même de faire publier son texte, intitulé Fille de Sang (écrit en quinze jours en plus, omg). Je n'ose imaginer à quel point sa rédaction a dû être laborieuse et assimilable à un chemin escarpé aux rochers saillants telles des lames de couteau bien aiguisés. Lorsque je me disais que cette autrice avait seulement un peu plus que mon âge, à cette époque lointaine où je n'étais pas encore conçue, quand elle a eu l'audace, la force d'âme et le cran de faire paraître ce roman glaçant et à l'impact d'un coup de poing en pleine figure, je peinais à y croire. C'était inouï. Je remercie encore une fois sincèrement Gope d'avoir eu du flair, et un sacré, en me proposant cette parution avec moins de testostérones et une vision plus d'âge mûr, mais qui n'a pas manqué de me provoquer des sueurs froides, qui ne me quittent plus. Âmes sensibles s'abstenir, vous êtes prévenus.

Ce livre, c'est l'histoire d'une Thaïlande cachée derrière un sourire. Un sourire figé, qui devient vite fat, aigre, qui suppure l'hypocrisie et une réalité que l'on ne soupçonne même pas d'exister. En parcourant cette intrigue de bout en bout, j'ai eu la sensation qu'il s'agissait d'une jeune femme au sortir de l'adolescence, fantôme de l'Arounwadi de 1997, d'une génération antérieure, qui s'adressait directement à une autre jeune femme au sortir de l'adolescence, en l'occurrence moi, votre dévouée Servante. La connexion s'est instantanément établie entre la fille au coeur fissuré, qui a saigné des larmes douloureuses pour donner corps à son roman, et entre celle dont l'organe vital est encore intacte, innocent, pur, mais plus pour très longtemps. En effet, Fille de Sang fait partie de ces lectures qui ne vous laissent pas indemnes. On en ressort hébété, changé à tout jamais, le prisme à travers lequel je voyais l'existence s'est terni et s'est taché de gouttes de sang rouille, dont la saveur salé s'est évaporée à force de sécher, réminiscence d'un mal-être insoutenable. Chaque page m'a fait mal, m'infligeait une souffrance supplémentaire. Deux cent vingt, c'était bien assez pour le calvaire. Calvaire nécessaire cependant, vous noterez bien. J'ai eu mal à mes veines, et je vous le dis de façon très juste.

Comme toujours quand je commence la lecture d'un énième ouvrage de ma Pile à Lire longue comme mon bras (quoique, j'avance bien, je suis fière de moi), prends un plaisir qui m'est propre à analyser les premières de couvertures AVANT et APRES ma lecture. Vous vous en doutez, le après est particulièrement intéressant car il éclaire la couverture d'un jour nouveau. Ici, le gris est une couleur qui s'impose, qui prédomine : toute l'atmosphère du roman en est imprégnée de la première ligne jusqu'à la dernière, à tel point que je me suis rendue compte avec pertes et fracas que durant toute cette aventure livresque, j'avais l'impression que la pluie me tombait dessus sans arrêt, ou bien que le ciel était d'un gris opaque déprimant, ne laissant jamais le soleil bienveillant de sa chaleur percer. D'ailleurs, à un moment de l'histoire, l'héroïne, dont on ne connaîtra jamais le nom (est-ce pour créer une meilleure connivence avec le vécu de l'autrice elle-même ?), a l'impression qu'un soir de pluie, cette dernière fait exprès de concentrer toute son averse sur elle, la transperçant jusqu'aux os. Cet effet de froid, d'inconfort, d'abandon et de destin qui s'acharne sur vous sans vous octroyer ne serait-ce qu'une parenthèse de répit, cet effet-là va perdurer au fur et à mesure qu'on va suivre l'héroïne face à ses humiliations et maltraitances constantes, jusqu'à sa descente aux enfers qui va être la goutte de sang qui va faire déborder le vase.

Les ratures en noir, qui donnent à la couverture un aspect négligé, presque comme si on avait voulu la saccager de rage ou en cacher le motif, représentent la peau de l'héroïne saturée de piqûres d'aiguilles, de sang versé, de coups donnés à ce corps habité d'un esprit malingre et ingrat, cette enveloppe corporelle expulsé par la mère, la mère malade d'avoir donné la vie à un petit corps parfaitement formé qui ne lui a pas laissé l'opportunité de le tuer dans l'oeuf grâce à l'avortement. Ce corps normalement constitué, presque beau, que la vie lui a donné, notre jeune fille va tout faire pour le détruire, en faire sortir un flot continuel de sang, source de sa joie. Elle va lui faire des injections, lui faire fumer de la hasch et cigarettes sur cigarettes. Après tout, ce corps est complètement non désiré de toute part au sein de la famille, elle, son propriétaire, en tête de peloton, alors à quoi bon ? Les cheveux relevés en chignon, les oreilles et les doigts un tant soit peu sertis d'ornements afin de se voiler la face à l'école secondaire, d'arborer un semblant de normalité, notre narratrice a grandi avec un vide au fond du coeur. Un vide ayant besoin d'être comblé. de sang. Une fosse s'est creusée au fil des années et est devenue une abysse, faisant place nette à des méandres de noirceur, d'amour non-réciproque, d'un noyau familial disloqué et malsain jusqu'à la racine, d'une place dans ce bas monde vacillante, voire nulle et non avenue. La narratrice manque, à chaque pas qu'elle entreprend sur cette terre, de vaciller, de tomber dans le gouffre de ses angoisses, dans le Néant avec rien derrière le rideau noir qui le recouvre. J'ai par ailleurs senti mes propres pieds partir en vrille, mes orteils me titiller face au danger imminent et qui s'ouvrait telle une gueule du loup. Ce qu'il manquait à notre jeune personnage en perdition, c'est une branche à laquelle se raccrocher à la vie, à un espoir sous-jacent et qui donne la force d'avancer. Seulement voilà, l'arbre est pourri, ses fruits rongés de vers et moisis, ses branches pendantes et sans la moindre feuille, comme sur la couverture. Un arbre né de la graine de la haine, de l'indifférence et de l'ignominie. Comment croître sur un sol stérile, aride de compassion, de tendresse et d'un brin d'humanité ? Ainsi, notre héroïne a évolué au milieu des mauvaises herbes, malveillantes, grinçantes, racornies et qui vous donnent de l'urticaire. A quoi cela sert-il de vivre, dès lors ?

Je vous pose la question car elle ne cesse de me hanter l'esprit depuis que j'ai refermé ce livre sur un son sourd, résonance de la vie dénuée de tout moment de bonheur, de sérénité et de réconfort de son personnage principal. Je me suis sentie pénétrer dans sa peau, entrer dans sa tête. J'ai senti les coups donnés à répétition, comme autant de cris de rage, de désespoir, de révolte face à cette vie injuste et compliquée, qui n'en fait qu'à sa tête, et qui nous laisse toujours mal accompagné, que ce soit par les autres autant que par soi-même. Ces gifles, ces poings valdinguant qui martèlent le corps, qui prend alors la couleur bleutée d'un Schtroumpf, ces cheveux pris par poignées par une main de fer pour vous traîner sur le sol telle une poupée de chiffon, ces coups de bâtons rêches et cinglant votre visage d'une marque rouge indélébiles, autant de gestes qui comportent une lassitude pesante envers cette vie, ces personnes qui vous environnent, qui ont comme un goût de lait caillé, ou plutôt de sang tout frais qui sort de la source. Vous vous forcez à le boire, ce sang immonde, car la douleur est la seule chose qui vous permette d'éprouver encore votre existence. Pour elle, vous vous devez de le faire. Sinon, qu'adviendrait-il de vous ? A quoi cela servirait-il de vivre, bon sang ? Pour citer l'autrice, on peut lire sur la quatrième de couverture : « La douleur fait partie de la vie, elle n'est nullement un divertissement de l'âme. » La douleur mérite d'être ressentie et exprimée. "That's the thing about pain. It demands to be felt.", comme le dirait un de mes auteurs favoris, John Green. Aux yeux de la narratrice de cette désastreuse aventure, cette peine infligée à son corps d'en extraire le sang, comme on extrairait la graisse d'un animal pour l'utiliser, afin de se divertir la vue et d'appliquer un baume à son coeur meurtri, en réalité cela est indissociable de son être, de sa façon de vivre et de concevoir la vie.

Malgré les brimades qu'elle subit et qui pourraient nous faire courber l'échine dès le premier manque d'affection, la remarque blessante ou le silence assourdissant de mépris et de rancoeur, l'héroïne ne va jamais véritablement en vouloir à ses proches. Certes, elle va vouloir à tout prix comprendre la raison perverse du chagrin perpétuel qu'est son cheminement sur cette planète si grande et pourtant si étriquée à travers ses yeux au regard entièrement différent du nôtre, elle va ressentir de la colère, de la jalousie, du désarroi, une envie ardente de hurler de tout son soûl pour briser les barricades érigées entre elle et le monde entier, cette paroi qui la sépare de ses proches et de tous les autres, comme si elle n'était qu'un esprit égaré. Cependant, toute cette amertume va se retourner contre elle-même. C'est elle qu'elle déteste par-dessus tout, qu'elle ne peut pas voir en peinture, qui lui donne la nausée. Source de cette impériale affliction permanente. Alors qu'au cours de ma lecture, je tempêtais contre ce père abjecte, qui a autant de maîtresses que de chemises, personnification même de la violence et de sa stupidité hors normes, esprit cruel et buté, qui n'a jamais voulu reconnaître son second enfant, l'empêchant de ne pas être orphelin de père, croyant lui faire une faveur en l'élevant après une dizaine d'années d'existence, couvant l'aînée, la soeur hermétique et déjà loin, yo-yo continu, de baisers, caresses et autres marques de tendresse suffisant à vous combler ; contre cette mère, qui soi-disant se bat contre vents et marées pour son vilain petit canard en lui procurant de l'argent par le biais d'hommes au masochisme exacerbé ou à la gentillesse trop latente et encline à la faiblesse, cette mère qui n'a jamais donné de véritable câlin à son enfant, ne l'a jamais serré contre son coeur, lui fait des scènes de ménage grotesques et à peine crédibles afin de tout ramener à elle et de se convaincre qu'elle est une bonne mère. Je hurlais face à ces imbéciles, qui n'ont pas un seul instant ouvert les mirettes face au spectacle navrant de leur enfant malade, malade de vivre, au coeur exsangue de n'avoir jamais été aimé et entendu, au sang drainé comme autant de petits morceaux de son âme. J'aurais voulu me jeter au cou de la narratrice, l'entourer de mes bras frêles et tremblotants au vu de cette situation révoltante et crève-coeur. Lui dire qu'on va prendre soin d'elle et de son âme cassée, de ses pensées tordues, perverties par l'amour du sang qui s'égraine, qu'on va enfin l'aimer de toutes nos forces, ne pas l'abandonner à elle-même et lui rejeter sans arrêt la faute. Malgré ce qu'elle a enduré, elle ne cessera jamais d'aimer ce père indigne, d'honorer sa personne, de le contempler avec déférence comme tout enfant qui se respecte. Elle voudra protéger sa mère des injures et commérages des vilaines gens du coin. Alors que ces deux piliers de la vie d'un enfant constituent autant de lianes glissantes, empoissonnées d'un venin mortel et dont on devrait éloigner toute idée de leur faire confiance, de s'y reposer et d'y accorder notre foi, elle s'y accrochera d'une force redoublée, parce qu'ils sont tout ce qu'elle a. Sinon, à quoi servirait-il de vivre alors ?

Concernant la plume de l'autrice, elle est incisive et ne mâche pas ses mots. Au contraire, ces derniers ont été savamment pesés, et marinés dans un bon breuvage de sang au sein du cerveau d'Arounwadi. Chaque phrase sonne telle une sentence irrévocable, chaque mot s'incruste dans votre chaire et y fait de beaux dégâts. Il semblerait que l'autrice ait pris dans ses mains ce qui faisait le matériau même de son coeur, visqueux, poisseux, de cette réalité thaïlandaise qu'elle côtoie à chaque jour qui passe (ceci est inspiré une histoire vraie, bonjour), puis qu'elle l'ait malaxé et sculpté son roman dans cet argile particulièrement sanguinolent et dont la tristesse, la dureté incommensurable ressort de chaque pore. le coeur est un lourd fardeau à porter, Arounwadi s'en est délestée dans son roman qui incarne son boulet de canon ferré à la cheville, cette effarante réalité, immuable et que l'on voudrait pourtant contourner, se débarrasser d'une pichenette ; telle est sa Croix, jusqu'à la fin de ses jours. Pour ma part, j'ai su grandement apprécié cette écriture percutant, d'une immense maturité et d'un sang froid (j'ai pas fait exprès) imperturbable, qui ne permet aucune concession et qui vise droit sa cible. le coeur en est frappé à chaque étape, chaque moment marquant noir sur blanc de la vie de la narratrice, qui n'a eu le droit à aucun cadeau de la part de celle qui l'a véritablement enfanté de son sang coagulé. Serait-ce un énième reflet d'une souffrance éprouvée qui a besoin de paraître au grand jour ? Ou dans le bain de lumière d'une lune de sang ?

Pour conclure, je recommande ce roman à des personnes ayant le coeur et l'estomac bien accrochés. Vous aurez compris que Arounwadi ne fait pas dans la dentelle et cela n'est pas joli-joli à voir. Si vous vous attendez à une immersion au coeur d'une Thaïlande digne de carte postale, prête à vous accueillir avec le sourire, détournez votre regard et passez votre chemin. Car, à la commissure des lèvres de cette peuplade provinciale que nous présente l'autrice, se cache une bile noire insoupçonnée ; elles ont vite fait de s'affadir et d'en devenir pâteuses et peu avenantes. Cet ouvrage, ce n'est pas le guide Michelin de l'ancien pays du Siam. La Nature n'y est pas portée en pâmoison et, si l'on vous acclimate aux traditions culinaires de la campagne avoisinante et des patelins du coin, c'est pour mieux en égorger les cochons et écraser les têtes infortunées de pauvres poulets. Les rats et les grenouilles ne seront pas en reste à cause d'oiseaux carnivores absolument répugnants, et pour ce qui est des chiens, meilleurs amis de l'Homme... C'est une autre affaire. Pour les défenseurs de la cause animale, votre sang n'en fera qu'un tour et l'envie de vous insurger vous prendra rapidement à la gorge, malgré la suffocation que ces scènes barbares, tant envers l'être vivant que l'être spécialement humain, feront naître. Animaux maltraités à outrance sont mis en parallèle avec les âmes torturées que nous sommes, dans un décor sombre, avec des personnages à peine esquissés. Pas de visage aux contours définis, pas de couleurs, pas de distinction. Tous des monstres. Ce roman est paru en 2015 mais le fait que je l'ai lu en 2017 sonne d'autant plus le glas macabre du honteux vingtième anniversaire. Et cette ultime question demeure, inébranlable : « A quoi ça sert de vivre ? » (vous avez quatre heures). Dans tous les cas, je suis toujours debout après la tornade Arounwadi, dont j'ai définitivement envie de lire ses autres romans, et c'est un coup de coeur ♥ sacrément battant et vivace qui s'est déclaré. Cependant, je déplore certains dommages collatéraux : plusieurs petits morceaux en ont été retrouvés sur le bord de la route, des minces lambeaux d'une certaine couleur rouge...
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J'ai reçu ce livre lors de la dernière masse critique, je remercie donc Babelio et Gope éditions pour l'envoi ! La couverture très intrigante et l'envie de découvrir un ouvrage de littérature asiatique m'ont poussée à postuler pour ce livre. Ayant déjà été en Thaïlande, j'avais hâte de redécouvrir ce pays sous un autre angle de vue et d'en découvrir plus sur la culture thaïlandaise. Ça n'a pas vraiment été le cas ici.

Les premiers mots qui me viennent en tête quand je pense à ma lecture sont « choc des cultures » ! le récit est à la première personne : la protagoniste nous raconte sa vie, ses pensées. Enfant non désirée, fillette battue et mal aimée, adolescente droguée et suicidaire, malade mentale, elle n'a connu que la violence et la solitude à chaque époque de sa vie. Malgré cela, je n'ai jamais réussi à la plaindre. J'étais parfois désolée pour elle, mais la plupart du temps, elle m'énervait. Elle ne se rebelle jamais vraiment contre l'autorité parentale. Elle se laisse faire, tout le temps. le seul moyen qu'elle trouve pour attirer l'attention, c'est se rendre malade ou tenter de se suicider. Et encore, ça n'a souvent pas beaucoup de résultats. Peut-être que notre culture est trop différente de la sienne, mais comment peut-elle rester aussi passive face aux situations qu'elle vit?

J'avais aussi beaucoup de mal à comprendre les autres personnages : la mère qui pleure quand la protagoniste se fait du mal, mais qui n'a aucun remord à la laisser seule avec des étrangers qui la maltraite pendant qu'elle part s'amuser avec des « amis ». Son père qui ne veut pas la reconnaître, qui l'interdit de l'appeler « papa », mais qui passe plein de temps avec elle, sans pour autant lui montrer aucun signe d'affection. Sa soeur qui ne fait que partir et revenir au domicile familial. Et tous les autres gens, voisins, famille, amis, qui ont l'air de trouver normal qu'une enfant soit maltraitée, mais qui vont l'insulter et lancer des rumeurs sur elle dès qu'elle rentre un peu tard chez elle. Une vie sans amour, sans tendresse ni compassion, voilà ce qui a mené la protagoniste à ses dérives sanglantes.

Ce livre décrit beaucoup de scènes d'abus de pouvoir, de violence, de maltraitance. Vers la moitié du livre, la maison familiale devient un abattoir et des animaux y sont tués quotidiennement. J'ai beaucoup de mal à supporter les scènes de souffrances animales, et elles étaient décrites avec un tel détachement que c'en était horrible. La petite fille regarde, voire aide, à tuer les animaux. Elle ne fait qu'obéir aux ordres de ses parents, mais va durant son enfance tuer un nombre impressionnant d'êtres innocents. J'ai cru que j'allais être malade parfois, entre les scènes d'abattoirs clandestins dans le jardin de la maison, le festin de sang et de viande crue qui s'ensuivait et le récit de la protagoniste à l'hôpital, qui s'amuse à se vider de son propre sang en enlevant et remettant les tubes et aiguilles de sa perfusion, parce qu'elle trouve ça fascinant. J'avais même parfois l'impression de sentir moi aussi l'odeur du sang tellement ce livre en est gorgé.

J'avais souvent des difficultés à imaginer l'âge de la protagoniste. La narration varie aussi entre le passé et le présent, mais tout est écrit à l'indicatif présent et le passage d'un à l'autre n'était pas toujours très clair. Aucun lieu n'est renseigné et à part quelques pratiques et métiers qu'on ne retrouve pas ici, je n'ai pas vraiment eu l'impression de découvrir la Thaïlande, ce que je trouve dommage.

J'ai par contre beaucoup aimé la plume de l'auteure, fluide et assez crue : ce qu'elle pense, elle l'écrit, même si ça choque ! J'avoue aussi que, même si je n'aimais pas la protagoniste, j'avais quand même envie de savoir ce qui allait lui arriver.

J'ai du mal à dire si j'ai aimé ou non ce livre : j'ai aimé la plume de l'auteure et le récit qu'elle nous a conté, mais je n'ai pas du tout apprécié les personnages et cette omniprésence maladive du sang. Attention, ce livre s'adresse selon moi à un public averti.
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Âmes sensibles, s'abstenir !

Avis de lecteur 1

Ce roman ( autobiographique ? ) […] relate à la première personne l'enfance et l'adolescence d'une jeune femme thaï, sans jamais nommer les personnages (désignés comme « ma mère », « ma soeur », « papa », « mon psychiatre »…) ni les lieux où ils vivent. Les 25 chapitres, tous écrits au présent, font alterner assez régulièrement le récit rétrospectif de l'enfance, depuis la grossesse de la mère, la naissance de la narratrice, les souvenirs de ses jeunes années, et celui des hospitalisations pour tentatives de suicide de la jeune fille.

Peu à peu, cette construction permet de comprendre ce qui relie les cauchemars, les hallucinations, les pratiques autodestructrices de la jeune femme à son enfance, sans jamais tomber dans l'explication. Celle qu'apporte le psychiatre se résume d'ailleurs à quelques pauvres formules, sans commune mesure avec ce qu'a vécu et éprouvé la narratrice.

Ce vécu est celui d'une enfant non désirée, qui a résisté aux diverses tentatives d'avortement de sa mère que son père a refusé de reconnaître, ballottée d'une maison à une autre, d'un « beau-père » à un autre, abandonnée à elle-même, et qui voue en dépit de tous les mauvais traitements un amour désespéré à sa mère et à son père.

C'est aussi le vécu d'une enfance rurale qui n'a rien d'idyllique. Cruauté dans le rapport aux animaux sauvages ou domestiques, qui s'entre-dévorent ou sont dévorés. de longues pages décrivent par le menu la manière de tuer les volailles, les cochons, les buffles, leur agonie, les flots de sang qui font de la maison un abattoir et de l'enfant une spectatrice fascinée et révulsée. Brutalité des hommes à l'égard des femmes, sadisme du père qui élève des oiseaux et oblige sa fille à les nourrir de petits animaux vivants…

L'imbrication continue de la relation minutieuse des faits et de l'expression des sensations et des sentiments éprouvés par l'enfant rendent certaines de ces pages insoutenables. de même que les chapitres où la narratrice plus âgée raconte comment elle s'y prend, à l'hôpital ou chez elle, pour se saigner, recueillir son propre sang, le boire enfin, dans la même confusion des sentiments de fascination, de dégoût et de désir éperdu d'être aimée.

L'emploi continu du présent, la juxtaposition de phrases courtes, l'ellipse fréquente du sujet ( par exemple : « Avant qu'on ne brûle le corps de papa, je me redresse. M'accroche au bord du cercueil. M'avance. Jette un dernier coup d'oeil à papa »), la quasi-absence de dialogues et le recours au style indirect, tout cela donne au récit un rythme très rapide, celui d'une hémorragie verbale, d'une parole qui se déverse dans l'urgence, sans recul, même pour des souvenirs lointains que rien n'a pu adoucir, qui brûlent toujours.

On est souvent comme étouffé par ce flot, parfois au bord de la nausée, mais aussi rempli de pitié, stupéfait devant l'acharnement à vivre et à être reconnue de la narratrice, enfin plein d'admiration pour la force de l'écriture. […]



Avis de lecteur 2

Fille de Sang est un roman thaïlandais de la fin des années 1990, récit à la première personne de la descente dans la démence d'une jeune adolescente.
La narratrice, jamais nommée (pas plus qu'aucun personnage), vit avec sa mère qui l'abandonne régulièrement pour tenter sa chance auprès d'hommes instables et violents. le roman suit l'enfance de la jeune fille, « bâtarde » selon ses termes, baladée de foyer en foyer et toujours maltraitée.

Ce qui pourrait être un roman trash et trop pathétique est en réalité le récit passionnant et troublant de la perte de l'identité de la jeune femme, qui peu à peu devient obsédée par le sang, en particulier le sien. Alors qu'elle grandit dans les fermes où l'on égorge les animaux, elle cherche de la douceur et de l'affection dans un monde pragmatique et cruel d'éleveurs d'oiseaux et de cochons.
Après l'une de ses nombreuses tentatives de suicide, elle découvre la vue de son propre sang dans la perfusion de l'hôpital, et se prend à jouer avec le liquide. le roman culmine dans une scène terrible où elle se saigne goutte à goutte dans la salle de bain de sa chambre d'hôpital, finissant même par boire son sang, jusqu'à s'en faire vomir, réminiscence écoeurée de la joie paysanne de boire le sang chaud des boeufs qu'on abat.

Cette thématique du sang fascine et dégoûte le lecteur autant que la narratrice. L'ivresse du sang et des médicaments lui fait alors jouer avec la réalité, ce qui déséquilibre le rapport que lecteur entretient à la vérité romanesque. Et si les ressorts psychologiques sont évidents (mère étouffante, père absent, etc.) le traitement du sujet, vu à travers le sang, est original et poignant.

[…] la traduction est efficace et sert la lecture.[…]
Lien : http://filledesang.blogspot...
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J'ai détesté ce roman!

Ma motivation pour le choix de ce livre (que j'ai reçu grâce à Masse critique, merci Babélio), était de partir en Thaïlande, en passant par les chemins détournés, loin de ceux que l'on connait avec le pays en versions tourisme ou trek. Et bien, il faut dire de suite que de la Thaïlande, on en parle jamais, car cette histoire aurait très bien pu se passer à Tombouctou, à New-York, à Avranches, Dax ou Lunéville.
C'est l'histoire non reluisante de la narratrice, jeune fille déboussolée, perdue, sans amour parental. Elle subit les foudres de son père, et aucune reconnaissance de la part de sa mère.
Intelligente, travaillant bien à l'école, elle n'a pourtant qu'une seule envie, en finir, se foutre en l'air par tous les moyens.
L'histoire se déroule au présent mais aussi en flashs-back, mais finalement, c'est toujours la même routine, en finir.
Des passages longs et terribles de massacres d'animaux, où l'on nous épargne aucun détail. Des passages infinissables de la narratrice qui se saigne, et on y revient sans arrêt....
C'est plat, noir, abominable, et je n'y ai trouvé absolument aucun plaisir de lecture. Ma seule satisfaction réside sur le fait que ce roman n'est pas très long, ouf!
Vous l'aurez compris, aucun intérêt, sauf si vous êtes avide de sang et de mauvaises odeurs....
Pour moi, c'était un supplice!
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Je tenais à remercier Babelio ainsi que les éditions GOPE qui ont placé leur confiance en moi.
Le résumé m'avait intriguée mais je redoutais quand même cette lecture parce que le dernier livre asiatique que j'avais lu avait été une épreuve plutôt désagréable… heureusement, cette fois, c'était bien plus intéressant.
Malgré le nombre de pages raisonnables (226 très exactement), j'ai terminé ce roman avec un peu de retard et je m'en excuse. Il ne m'a pas fallu des semaines pour le lire, cinq malheureux jours, cependant le sujet traité était suffisamment délicat et douloureux pour que je ne réussisse pas à avancer aussi vite que prévu.
C'est d'autant plus horrible que c'est autobiographique.

L'auteure nous raconte son enfance qui, n'ayons pas peur des mots, était plutôt glauque. Elle alterne entre des épisodes de sa vie lorsqu'elle était petite et celle plus grande – on ne peut pas dire que dans un cas comme dans l'autre ce soit très gai.
Sa mère la bringuebale comme un fardeau : quand elle ne veut pas s'en occuper, elle la dépose chez son soi-disant père qui est, à coup sûr, celui de la fille aînée mais peu de chance qu'il le soir de la cadette. Chaque fois qu'elle est là-bas, sa vie s'améliore un peu (tout est relatif) jusqu'à ce que sa mère vienne la chercher après son mariage avec un joueur invétéré. Cela ne s'empire pas mais quand elle est une fois de plus abandonnée chez son soit-disant géniteur, ce dernier se venge sur la gamine en l'obligeant à s'occuper de la nourriture de ses oiseaux.
Arrivée à l'adolescence, les ravages de la maltraitance font leur oeuvre et elle se retrouve, entre autre, à l'hôpital pour un long moment.
Le petit bémol pour moi est la fin, ce n'en est pas vraiment une ; rien ne change – je pensais qu'on finirait par apprendre comment elle en était venue à écrire son histoire mais non, dommage.

Les épisodes racontés alternent donc entre son enfance et son séjour à l'hôpital. Si les passages de sa jeunesse m'ont accrochée, j'ai eu plus de difficultés avec ceux à l'hôpital qui m'ont ennuyée et freiné ma lecture – heureusement, ils ne sont pas très nombreux et les pages qui suivent se lisaient toutes seules.
J'ai beaucoup aimé le style de l'auteure, il est fluide, musclé comme le précise le résumé sans pour autant être agressif.
Dans l'ensemble, j'ai relativement aimé : j'ai adoré certains passages tout en étant horrifiée qu'une enfant ait pu vivre cela, quant aux autres tranches de vie, j'ai aimé… tout simplement.
Lien : https://psylook.kimengumi.fr..
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Mon psychiatre,
Docteur, à quoi mesure-t-on la valeur d’une personne? A mon avis, on la mesure au coût de ses funérailles.
Il est tard. J’ai sommeil. Je suppose que le nouveau somnifère est en train de faire effet. Je tombe de sommeil.
Au revoir, psychiatre.
Je vous quitte avant deux heures du matin aujourd’hui. A quelle heure vais-je me réveille? Midi sans doute. Si je ne me réveille plus, qu’est-ce que je vais faire, docteur?
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Avec une paire de pinces, elle a enfoncé de grosses boules de coton dans les narines, les oreilles et les autres orifices du corps. J’ai demandé à mes voisines à quoi ça rimait. C’est pour empêcher le sang et les humeurs de s’écouler, m’a-t-on répondu. Que je meure et, si ça se trouve, on va me bourrer de coton aussi. Peut-être qu’ils ont peur que je reprenne connaissance et revienne à la vie pour mourir de nouveau, faute de pouvoir respirer par la bouche, obturée par une pièce de monnaie inamovible, vu que j’aurais les mains liées. Avant que j’aie défait les liens, je serais rôtie à point sur le brasier.
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Aussitôt qu'il apparaît dans l'encadrement de la porte, "M'man, papa est là !" je m'écrie, toute excitée. Puis ma joie sur-le-champ laisse la place au désespoir. Papa me toise d'un air glacial. L'aversion dans ses yeux est évidente. Il dit d'une voix forte "C'est qui, ça, 'papa' ?"
Il dépose ses colis puis grimpe à l'étage, me laissant plongée dans toutes sortes de réflexion. Quel crève-cœur ! Alors, comme ça, j'ai encore fait faux ?
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