J'ai attaqué cette pièce avec un a priori négatif, simplement parce que l'analyse qui la précédait insistait beaucoup sur sa médiocrité.
La pièce lue, je trouve que l'auteur de l'analyse exagérait un brin. Sa vision d'expert ne pouvait coller avec la mienne ; moi qui apprécie que l'on me raconte la mythologie grecque sous quelque forme que ce soit. Quand cela est doublé d'une deuxième lecture à caractère historique, je sais que je ne perds pas mon temps.
L'intrigue se place dans le cycle Thébain. Dans les épisodes précédents, Polynice, fils d'Oedipe, a amené une armée d'Argiens, commandée par les Sept, devant Thèbes. La ville était tenue par Étéocle, son frère qui a gardé le pouvoir pour lui tout seul. Les Argiens perdirent, les deux frères et les Sept moururent, sauf Adraste, roi d'Argos. Côté Thèbes, on aura ensuite droit à la tragédie d'Antigone, soeur de Polynice et Étéocle. Côté Argiens, on a droit à l'histoire contée ici.
Les mères et enfants des Sept accompagnés d'Adraste arrivent à Éleusis où se trouvent Thésée, roi d'Athènes. Ils viennent le supplier d'intercéder auprès de Thèbes pour qu'ils leur rendent les corps des Sept. Intercéder et, au besoin, les forcer. Après avoir bien enfoncé le clou dans la bêtise d'Adraste pour avoir été l'inconscient agresseur, Thésée se laisse convaincre. Comme par hasard, un messager de Thèbes vient le voir pour lui signifier qu'il n'a pas intérêt à se mêler de cette affaire. Donc Thésée s'en mêle, veni vidi, vici et le voilà de retour avec les corps. Les pleureuses peuvent entrer en action. Un traité d'alliance lie désormais Argos et Athènes (ce qui fait référence à la situation réelle de l'époque).
C'est tout pour l'essentiel et c'est déjà pas mal. Je ne connaissais pas la suite de la guerre des Sept et j'ai donc trouvé la pièce intéressante.
Euripide rajoute quelques bons dialogues de son cru en confrontant les opinions à propos du système démocratique (pour le héraut thébain : « état gouverné par la multitude et les beaux parleurs qui montent la tête aux gens », pour Thésée : « les lois sont égales pour tous, la parole est à qui veut »).
Mais le but véritable de la pièce est peut-être le message politique. A l'époque de la tenue de la pièce, Athènes est en pleine guerre du Péloponnèse, et ça ne se passe pas forcément très bien.
Euripide se lâche d'abord sur l'horreur de la guerre qui détruit les bourgeons de la cité, sur la folie des décideurs qui devraient négocier plutôt que de chercher à se rentrer dans le chou. Puis il se comporte en patriote, lançant des piques aux Spartiates (« Sparte a un coeur de pierre, sa conduite n'est que fourberie ») et en plaidant pour qu'Athènes ne renonce pas à l'alliance avec Argos.
Cependant, le dernier tiers de la pièce fait vraiment remplissage : les lamentations des Mères et des Enfants des Sept sont un peu longs, mais acceptables dans le contexte. le suicide d'Évadné, femme d'un des Sept, devant son père qui débarque d'on ne sait où est décorrélé du sujet principal et n'apporte rien de vraiment tragique. Et fallait-il vraiment faire intervenir Athéna en guest star pour souffler à l'oreille de Thésée l'idée des conditions du traité avec Argos ? J'ai un doute.
Une pièce donc plus intéressante que passionnante.