Je viens de terminer la lecture de cette excellente biographie. Contrairement à certains historiens, enfermés dans leurs partis pris, l'auteur s'efforce de proposer une vision équilibrée et nuancée du personnage. S'il ne l'exonère pas de sa responsabilité dans les excès de la Terreur, il souligne également son apport essentiel au débat démocratique dès 1789, notamment lorsqu'il défendit le suffrage universel. Les illustrations sont par ailleurs d'une très grande richesse et viennent utilement compléter le propos.
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ce livre s’impose par la rigueur de son propos et la richesse de son iconographie.
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Il n'était cependant, ni plus habile, ni plus éloquent que les autres, mais son fanatisme politique avait un caractère de calme et d'austérité qui le faisait redouter de tous ses collègues.
Toutes les mesures d'exception votées par l'Assemblée dans les premiers mois de 1793 reçurent son approbation. Le 10 mars, il [Robespierre] se prononça en faveur de la création du Tribunal criminel extraordinaire, bientôt dénommé Tribunal révolutionnaire, qu'il jugeait indispensable à la punition des ennemis de la République. [...] Dix-sept jours plus tard, il vota en faveur du bannissement des Bourbons, isolant ainsi l'ancien du d'Orléans qui siégeait parmi les Montagnards, et demanda que Marie-Antoinette comparût devant le nouveau tribunal, de même que le général Louis-Henri de Marcé qui venait d'être défait en Vendée. La mise en place des comités de surveillance et l'envoi de représentants en mission aux armées et dans les départements reçurent son plein assentiment. Le 8 mai, après que la Convention eut appris la prise de plusieurs villes de l'Ouest par les rebelles, il réclama l'arrestation des suspects et de "tous les ennemis de la liberté, robins, nobles, financiers, banquiers ou prêtres". Le soir même, aux Jacobins, il accusa les "factieux", dénonça l'alliance des ennemis de l'intérieur avec ceux de l'extérieur et conclut en affirmant qu'il n'y avait que "deux partie en France, le peuple et ses ennemis", appelant à "exterminer tous ces êtres vils et scélérats, qui [conspiraient] éternellement contre les droits de l'homme et contre le bonheur de tous les peuples".
(Pages 136 et 137).
Personnification d'un peuple en quête de sa souveraineté, Robespierre symbolise tout autant une Terreur dont la véritable nature n'a jamais cessé de faire débat. Si l'ensemble de la représentation nationale assume la responsabilité d'une législation d'exception qui aboutit à des centaines de milliers de visites domiciliaires, d'arrestations, d'exécutions et de massacres sur une grande partie du territoire, c'est bien lui qui en porte tout le poids aux yeux de la postérité. Sa dénonciation permanente des "traîtres" et des "conspirateurs" trouva dans la situation dramatique de l'an II l'occasion de se déployer au plus haut sommet de l'Etat. Plus que tout autre révolutionnaire, il incarne une répression décorrélée des circonstances politiques et militaires, devenue un instrument d'extermination des "ennemis du peuple" et la condition même de l'émergence d'une société utopique fondée sur la vertu. Sa froideur, son dogmatisme et son intransigeance, qui se nourrissent d'un sentiment de persécution attesté par de nombreux contemporains, contribuent plus encore à noircir son image.
A la fois défenseur des droits du peuple et théoricien d'une Terreur fanatique, Robespierre demeure le symbole achevé d'une révolution à la fois fraternelle et fratricide qui ne cesse de faire débat depuis deux siècles.
(Page 8).
Appelant de ses voeux un gouvernement démocratique et républicain pouvant seul permettre de parvenir à la "jouissance paisible de la liberté et de l'égalité", il [Robespierre] souligna cependant la nécessité de "terminer la guerre de la liberté contre la tyrannie", affirmant que "le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur est funeste, la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante". La première, définie comme la "justice prompte, sévère, inflexible", était désormais indissociable de la seconde, qui n'était autre que l' "amour de la patrie et de ses lois".
En posant la vertu comme fondement de la Terreur, Robespierre conférait à cette dernière une signification propre, indépendante des seuls impératifs de la défense nationale. Instrument destiné à punir les "ennemis du peuple", elle devenait la condition même de l'émergence de l'homme nouveau ouvrant la perspective d'une épuration sans fin du corps social.
(Pages 169 et 170).
Légitimant les mesures d'exception que celle-ci [la Convention nationale] avait prises, refusant de condamner les massacres de Septembre [2 au 5 septembre 1792], en invitant les députés à "garder quelques larmes pour les calamités plus touchantes", il [Robespierre] finit par emporter l'adhésion de l'Assemblée en déclarant que "toutes ces choses-là étaient illégales, aussi illégales que la Révolution, que la chute du trône et de la Bastille, aussi illégales que la liberté elle-même".
Et de lancer à ses collègues :
"Citoyens, vouliez-vous une révolution sans révolution ? [...] Non, nous n'avons pas failli. J'en jure par le trône renversé, et par la République qui s'élève."
Son habileté politique soulageait la conscience des conventionnels en leur ôtant tout sentiment de culpabilité à l'égard des massacres et des arrestations qui avaient suivi la chute de la monarchie.
(Page 121).
Storia Voce - 12 mars 2021
Le peuple à l'assaut du pouvoir (1789-1795)
Christophe Dickès reçoit Antoine Boulant.
Dans ses mémoires consacrées à la Révolution française, le baron Paul-Charles Thiébault disait de la capitale qu’elle était un « sol volcanique dont les torrents de feu s’échappaient à la moindre secousse. » Or, une des expressions de ces torrents de feu est la fameuse journée révolutionnaire. Nous connaissons tous ce moment si particulier de la prise de la Bastille qui fu dans les faits une reddition… Il n’empêche, la prise de la Bastille est devenue un symbole dès les premiers jours mais est-elle pour autant l’archétype de la journée révolutionnaire ? D’ailleurs, combien existe-t-il de journées révolutionnaires et comment naissent ces moments si particuliers de cette période? Qui en sont les meneurs et qui en sont les organisateurs ? Comment les autorités, les élus, le pouvoir réagissent-ils ? Quels sont enfin les conséquences de ces journées ?
L'invité: Docteur en histoire, Antoine Boulant est l’auteur de nombreux travaux relatifs à l’histoire politique, institutionnelle et militaire du XVIIIe siècle, de la Révolution et du Premier Empire. Il a notamment publié une biographie de Saint-Just. L’archange de la Révolution, saluée par la critique, et La Journée révolutionnaire. Le peuple à l'assaut du pouvoir, 1789-1795 (Passés / Composés, 224 pages, 18€).
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