Vous qui empruntez régulièrement le tracé des anciens boulevards extérieurs, je vous propose de les visiter sous terre, sur la ligne 6 du métro parisien, la ligne préférée des usagers en général et des touristes en particulier. Préférée car entre Nation et
Charles de Gaulle Étoile, sur ses 13 km de trajet, 6 sont en voies aériennes, soit 16 stations sur 28, offrant une vue unique sur les monuments parisiens et deux traversées de la Seine.
Sous un ciel de faïence, superbement orchestré par
Céline Laurens, oblige à se coltiner ceux que l'usager du métro tente habituellement d'éviter : les types qui en échange d'une chanson, demandent une participation, comme
René-Charles, le grand maigrichon au répertoire musical entre Donald Duck et
Céline Dion, les prédicateurs comme Melchior, incarnation de la foi et de la gentillesse, et son double maléfique Soren, qui promet l'Enfer à tous, Yvette « la minuscule vieille dame bossue » violoniste, le trio de clodos philosophes qui prend sous son aile Amandine la paumée, venue à Paris pour ses études, tombée sur un punk à chien doublé d'une belle ordure…
C'est Jacques, conducteur du métro de la ligne 6 qui fait ce lien entre eux et nous, en racontant ses seize années avec Madeleine, entre souvenirs enfouis comme son trajet sous terre, et son quotidien à l'air libre, des contes pas jolis-jolis, et les légendes de la Ligne 6. Outre « la faune souterraine » énumérée plus haut, il y a aussi la vie de Jacques : avec Madeleine, bourgeoise déclassée par conviction et hypocondriaque au dernier degré, Henri, le collègue et ami, poète mystique, profondément marqué par deux drames vécus sur sa rame.
En braquant la lampe torche sur les « habitants du monde d'en bas »,
Céline Laurens met en avant les problèmes de notre société, et montre qu'on peut trouver du beau partout.