Un vigile est très différent de l'excellent
La traversée du Mozambique par temps calme. Autant le dire d'emblée, je pense que c'est un roman très original qui risque de ce fait de ne pas plaire à un grand nombre de personnes.
C'est très expérimental, aussi bien au niveau du fond que de la forme.
Concernant le fond, il ne se passe pour ainsi dire rien. Il s'agit, sur une petite centaine de pages, de l'introspection d'
un vigile consciencieux qui, avec pas mal de recul, nous explique par le détail en quoi consiste ses journées de travail. On sent qu'il intellectualise beaucoup ce qu'il fait. On sent aussi qu'il s'ennuie énormément et l'on se demande pourquoi il continue à faire ce travail qui ne semble pas l'épanouir le moins du monde.
« Ma porte est une porte somme toute normale, rectangulaire, munie de deux gonds en son flanc gauche et d'un groom assez performant qui résiste à énormément d'ouvertures. […] Son utilisation est ancestrale : on l'ouvre en la tirant à soi et en la poussant pour sortir. La poignée est une poignée droite, à baisser. »
Comme vous le voyez, le vigile détaille vraiment minutieusement
les choses. S'en suit la description de tous les cas de figure d'ouverture de « sa » porte, ce qui se passe si deux personnes arrivent en même temps de chaque côté, ou si l'une d'elles a les deux bras chargés...
Du coup, c'est très particulier sur la forme aussi, presque oulipien dans le style par moments, avec cette façon de lister des possibilités de manière plus ou moins exhaustive (cf.
L'art et la manière d'aborder son chef de service pour lui demander une augmentation de
Georges Pérec par exemple).
Bien que l'ensemble soit assez froid, comme son narrateur, qui décrit
les choses de manière quasi clinique,
Patrice Pluyette se permet une touche d'humour de temps à autre.
Le roman avançant, le vigile commence à nous parler de sa vie (ou plutôt de sa non-vie) en dehors du travail, et se questionne de manière existentielle. Les dernières pages sont très étranges et difficilement qualifiables (surréalistes ?).
Du début à la fin, on ne sait pas où l'auteur va nous mener. Je pense que pour pouvoir profiter de ce roman pour le moins spécial il faut (pouvoir) accepter son étrangeté, tant sur le style que sur le fond.
Bien que celui-ci m'ait moyennement plu, je poursuivrai avec l'oeuvre de
Patrice Pluyette.
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