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Luba Jurgenson (Autre)Nina Berberova (Traducteur)Mina Journot (Traducteur)
EAN : 9782358731805
964 pages
Le Bruit du Temps (18/11/2022)
5/5   2 notes
Résumé :
Les Ze-Ka ou Zeks (abréviation écrite sous la forme « z/k » de « zaklioutchonny kanaloarmeets ») ce sont les « détenus-combattants du canal », ces esclaves d’un des grands chantiers soviétiques du début des années 1930, le canal mer Blanche-Baltique. Le terme désigne par la suite tout détenu des camps du Goulag. Comme l’écrit Julius Margolin : « Le pays des Ze-Ka ne figure sur aucune carte soviétique et ne se trouve dans aucun atlas. C’est le seul pays au monde où i... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Parler d'un tel livre est casse-gueule. le « Voyage au pays des Ze-Ka » est monumental, pas au sens de « Madame Bovary » ou de « Belle du seigneur », non, il est monumental par sa portée. Et le risque c'est de ne pas bien mesurer cette portée. Les années 39-45 sont un enfer pour le docteur en philosophie et journaliste Julius Margolin. Comme beaucoup, il a la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Polonais, il vit à Tel-Aviv depuis quelques années, il y est marié et père. Alors qu'il est en visite dans sa famille en Pologne, le pays est envahi par les allemands à l'ouest, par les russes à l'est. Il se trouve à Pinsk, dans la partie russe ; quelques semaines après l'invasion il est arrêté comme « élément socialement dangereux », tout comme de nombreux autres hommes juifs ; puis il est déporté dans le nord, il devient un Ze-Ka, un détenu.

Il ne s'agit pas de récrire le livre ou d'expliquer le goulag, ce que va connaître Margolin est violent et absurde. La violence physique bien sûr mais aussi, le vol, l'humiliation, la faim et le froid perpétuels, la maladie, etc, seront son lot quotidien pendant ces années. C'est absurde parce que ce genre de livres ne devraient pas exister, ce dont ils témoignent n'auraient pas dû avoir lieu.
Pourquoi lit-on les livres de Julius Margolin, Robert Antelme, Charlotte Delbo ou Varlam Chalamov ? Qu'est-ce qui nous attire, nous aimante plutôt ?
Tenter de savoir pourquoi des humains font subir un tel traitement à d'autres humains. Comment devient-on un bourreau ?
Imaginer ce que nous-mêmes pourrions endurer. de quel courage serions-nous capables ? Serions-nous des bourreaux ?
Julius Margolin est un homme d'une intelligence fine, d'une rare capacité d'analyse. C'est ce qui rend nécessaire la lecture de ces pages que j'ai lu bien tranquillement dans mon lit, au chaud. Et pourtant cette lecture s'est avérée difficile, ardue. J'ai éprouvé la nécessité de faire des pauses entre les chapitres pour éviter l'asphyxie. Ce que Julius Margolin décrit est une machine à broyer les gens, la rééducation par le travail telle que mise en oeuvre au goulag vise à annihiler l'humanité des condamnés, à créer des êtres exsangues épuisés par la sous-alimentation et par un travail harassant, à tuer industriellement, indifféremment, anonymement. En plus de sept cents pages, il raconte ses années et ce qu'il a vécu de manière chronologique, de son incapacité à sortir de Pologne jusqu'à sa libération et à son départ de Marseille vers sa famille en Palestine en 1946.
Il omet volontairement certains épisodes, car à l'époque de la rédaction et de la première publication du livre (1949), nombreux sont ceux qu'il a connu à être toujours en captivité ou sous surveillance, et donc potentiellement en danger.

« Le voyage au pays des Ze-Ka » est typiquement de ces oeuvres qui rendent vains de nombreux autres livres, qui les fait tomber des étagères, comme si son éclat dépassait allégrement son nombre de pages.

« Le voyage au pays des Ze-Ka » est suivi par « Le Chemin vers l'occident », un récit d'environ deux cents pages assez différent dans sa forme.
Des « petits cailloux », c'est ainsi qu'il nomme les souvenirs qui s'inscrivent involontairement dans sa mémoire et relatent une discussion, une rencontre, une scène dans la rue, et sont l'occasion de réflexions sur la politique, sur la captivité, la liberté.
Les pages les plus poignantes du livre sont celles de son passage tel un fantôme à Lodz et sa découverte de l'anéantissement de presque tous les juifs d'Europe Centrale, dont ses parents. le monde de sa jeunesse a été englouti.
C'est lors de ce retour vers Tel-Aviv qu'il prend conscience de sa condition de double survivant : à la fois en tant que prisonnier du goulag et en tant que juif polonais, car paradoxalement, avoir été capturé par les russes lui a laissé une infime chance de survivre. S'il s'était trouvé du côté allemand lors de l'invasion de la Pologne, il serait mort dans les mois suivants.
Enfin arrive les premières retrouvailles familiales à Paris, puis le trajet en bateau vers Tel-Aviv sur lequel sont écrites les premières lignes de ce qui deviendra « Le Voyage au pays des Ze-Ka ».

Il faut saluer l'initiative de l'éditeur, le Bruit du temps, qui a réuni ces deux oeuvres auparavant parues séparément. de cette manière nous pouvons lire l'intégralité de ce voyage en enfer dans un unique volume de presque 1000 pages pour un prix démocratique avec préfaces, cartes géographiques et notes établies par Luba Jurgenson dont les propos sont toujours éclairants et jamais envahissants.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Les nerveux, les personnes qui avaient du mal à s'adapter avaient péri, tandis que nous autres les survivants avions appris à considérer la cruauté absurde et la bestialité obtuse comme des phénomènes ordinaires et naturels, comme une norme de ce monde. S'il m'arrive d'être étonné et sincèrement ému, c'est chaque fois que je me trouve face à un acte de bonté, une attention à l'humain, une manifestation de l'intelligence et de l'humanité dans les relations sociales.
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« Ne pas raisonner ! D'autres l'ont fait pour vous ! Il vous suffit de travailler ! » En tant qu'Occidental, je savais qu'avant tout il fallait être un homme. Seul l'homme libre peut goûter la joie d'un travail libre ; pour lui ce travail a un sens, car il a un but qu'il a lui-même choisi et auquel il croit. Sinon ce slogan : « Il faut travailler », répété machinalement et pieusement, en URSS, par des millions de gens incultes, comme une fatalité, comme une prédestination, comme un rite inévitable de leur pitoyable vie, devient une sagesse de cheval, et peut être appliqué également aux bêtes et aux hommes.
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Les Ze-Ka répètent : « Nous ne vivons pas, nous existons. » Ils veulent dire que leur vie se résume au maintien des fonctions physiologiques de l'organisme. À présent, cette « existence » se transformait pour moi en une souffrance physique permanente. En m'endormant, je souhaitais ne pas me réveiller le lendemain.
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Il était interdit de poser la question : « Pour quelle raison ? » Cette question contenait déjà un défi à l'égard de la terrible puissance, la conscience de ses droits, de sa valeur. Une pierre écrasée par un rouleau compresseur n'a pas à demander « pour quelle raison ». Nous n'étions plus des individus, mais des numéros dans une masse et, tous ensemble, nous formions cette surface sur laquelle avançait le tank soviétique, écrasant têtes et échines, broyant les existences humaines.
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