Pour cette première plongée dans la littérature contemporaine Italienne, il faut reconnaître que c'est une réussite. D'abord,
Mal de pierres séduit par le choix des désignations. le Rescapé, tout au long du roman, reste le Rescapé. Grand-mère ne changera pas de nom, elle non plus. C'est un récit qui implique plusieurs générations, et les femmes en particulier. La plume de la petite-fille offre à son lecteur, à qui veut bien la lire, la vie que sa grand-mère a bien voulu lui confier, elle qui ne parlait jamais à personne.
C'est l'histoire d'un espoir de femme, de désespoirs aussi, de regrets et d'une attente perpetuelle de l'amour. C'est aussi UNE histoire d'amour, celle de la Grand-mère et du Rescapé. L'histoire se déroule semble-t-il en marge du grand-père, tolérent, indulgent, aimant peut-être -on ne le saura jamais, mais toujours disponible dans cette absence qu'il offre à celle qui lui échappe et ne veut guère de lui. Sauveur méconnu de cette femme à part, venue de la lune, il n'est qu'un mari qui accepte de dire 'bonne nuit à vous aussi' ou bien 'prends ça' selon les envies de sa femme : éternelle enfant, novice de la vie, celle-ci s'invente des amours dans chaque regard posé sur elle. Chaque fois, la déception la pousse dans un désespoir que personne ne comprend.
L'écriture se veut simple, mais non dépourvue de poésie.
Milena Agus mène habilement ses personnages et son lecteur au coeur des secrets. Rien ne laissait supposer que la destination était de part et d'autre un secret de famille. Elle n'insiste d'ailleurs pas longtemps sur ces touchantes révélations, amenées tout en finesse. le but n'est pas le secret, et pas non plus de s'y apesantir.
Bouleversante également est cette fin : bouleversante de raffinement, d'habilteté. Renversante aussi. Car au fond, on attendait peut-être depuis longtemps une vague nouvelle d'auteurs sachant manier le pacte de lecture avec autant de justesse, mêler de façon si simple et si belle leur talent à une histoire dont on ne saura probablement jamais si elle est fiction ou réalité, et si les personnages ont vcéu ou fantasmé tant de beauté.
Enfin,
Mal de pierres est un ouvrage empreint de liberté. C'est sans doute ce qui fait tout le talent de cet auteur peu connu. On ne sait pratiquement rien de cette
Milena Agus, si ce n'est que pour son prochain roman, elle nous emmènera encore dans la Sardaigne, région que l'on se prend à convoiter, ne serait-ce que pour aller y rencontrer l'amour.. ou bien l'y inventer.
Un extrait, pour le plaisir : "Si nos nuits sont sans cauchemars, si le mariage de papa et maman a toujours été sans nuages, si j'épouse mon premier amour, si nous ne connaissons pas d'accès de panique et ne tentons pas de nous suicider, de nous jeter dans une benne à ordures ou de nous mutiler, c'est grâce à grand-mère qui a payé pour nous tous. Dans chaque famille, il y a toujours quelqu'un qui paie son tribut pour que l'équilibre entre ordre et désordre soit respecté et que le monde ne s'arrête pas."
Léthée Hurtebise - 24 mars 2008 -
Mal de pierres -
Milena Agus - Editions Liana Levi - 13 €
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