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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Très belle découverte. Des témoignages de vie durs et poignants que l'écrivaine parvient à rendre très littéraires. Nous découvrons/ réalisons/assimilons la catastrophe humaine qu'est Tchernobyl à travers le travail de restitution de Svetlana Alexievitch . Elle a rencontré et écouté une multitude de personnes ayant été touchées par ce cataclysme. Les différents "monologues" , comme elle les nomme, expriment la diversité et l'étendu sur tous les plans ( santé, psychologique, social etc.) de l'impact de cet évènement. le travail sur la structure du livre, les témoignages bruts , leur donne toute leur puissance. L'auteur s'efface tout en laissant sa trace subtilement afin de rendre le tout poétique bien que tragique. C'est un livre que l'on pose, auquel on revient . Un livre essentiel .
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Un très gros merci à France Culture pour la découverte de ce livre.

Je n'étais pas né lors de la catastrophe nucléaire qu'à été Tchernobyl, je l'ai connue à travers quelques minutes de reportages de l'époque, quelques blagues dé-dramatisantes par la suite (le nuage s'arrêtera avec les frontières). Mais jamais, pas une seule fois on m'a remis dans le contexte, l'après-guerre mondiale (le mur de Berlin était encore debout), le monde encore sujet à des grosses tensions politiques. le début le précise bien, 1 biélorusse sur 4 est mort pendant la guerre et 1 biélorusse sur 5 vit dans une région contaminée.
N'ayant pas vécu ce drame, ni ses répercutions directes, je n'ai jamais pu ressentir la peur que posait ces retombés radioactifs et je n'ai donc jamais pu mesurer la gravité de Tchernobyl. Je l'ai toujours connu les quelques belles photos de villages désertés, des zones à touristes garantie sans trop de radiations et quelques endroits inaccessibles de Prypiat, c'est tout.

Après lecture, je me rends bien compte à quel point l'incident à Fukushima aurait pu être bien plus dévastateur et à quel point il l'est quand même et que depuis Tchernobyl il n'y a pas vraiment eu plus de mesure de sécurité. Je me dis que le Japon connaît le nucléaire et ses ravages, déjà par les bombes sur Hiroshima et Nagasaki et aussi par les retombées de Tchernobyl. Les gens qui ont construits la centrale, connaissent ça parce qu'ils ont vécu au moins à une des deux époques. En France aussi, rappelez vous de l'usine AZF en 2001, 31 morts, à proximité d'un lycée, d'une salle de spectacles et d'autres lieux contenant beaucoup de personnes.

La solution temporaire de « mettre un couvercle par-dessus » afin de limiter les dégâts immédiats et qui devient la solution sur le long terme. Si je ne te vois pas, tu ne me vois pas ! Non, ça ne fonctionne pas comme ça, aujourd'hui on ne sait pas si ce sarcophage peut tomber en ruine, ni ce qu'il en est des 20 tonnes de combustible nucléaire et on sait qu'il propage encore de la radioactivité. C'est bien beau d'enterrer des villages et faire venir plus d'un demi millions d'ouvrir si c'est pour laisser la radioactivité dans la terre (et donc les futurs cultures et tout l'écosystème présent, et ne pas protéger ces « liquidateurs ». le contexte replace quand même tout ça dans des régions pauvres et affaiblies par des guerres. Pour les faire les guerres il y avait du monde, c'était visible mais les radiations, bien que touchant la Terre, il n'y a pas eu d'aide. Rien que le temps pour avoir une annonce officielle et tout simplement scandaleuse. Je trouve tout cela plus qu'inadmissible et je commence à sérieusement me poser des questions sur le monde actuel. Ma ville est très proche de deux centrales nucléaires, d'une importante usine à gaz et possède un laboratoire contenant des maladies comme le choléra, différentes pestes etc, il y a parfois des activistes écologistes qui s'introduisent dans l'enceinte d'une centrale pour montrer la vulnérabilité de la sécurité, alors que nous étions pendant plusieurs année en alerte attentat. Moi qui les voyait un peu comme des gens vivant dans le passé, j'ai changé ma vision, ils sont plutôt dans le futur.

Les récits montrent également comment ils ont pris la nouvelle, comment ceux qui sont restés ont une sorte de résilience, ils sont seuls et ont comprit bien trop tard les dangers. Les radiations sont comme une maladie et que ceux qui en avait mourraient aussitôt…comment le linge à l'intérieur de la maison peut être irradié… il faut chercher là dehors, dans la forêt. Là où on ne les voit pas. Pourtant dans le premier récit montre bien qu'il y avait du césium dans son jardin, les radiations ça ne se voient pas et c'est peut-être l'esprit humain qui est ainsi, on gère mieux les crises si on les pense loin de nous.

Un livre qui me révolte, qui me fait prendre conscience des beaucoup de choses, qui me fait et m'a fait réfléchir. Il laisse tout sauf indifférent. Je l'avais lu cet été et il me marque encore.
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J'ai beaucoup hésité à lire cet ouvrage. D'abord il est très bien noté et cela implique souvent soit d'être déçu, soit d'avoir le sentiment de n'avoir pas compris la portée ou la valeur de ce que l'on a lu.et d'être passé à côté de l'essentiel ou de la beauté d'un texte. Dans le cas de la supplication, il s'agit de témoignages et pas d'un roman et je n'étais pas certaine que cela me plairait ,je ne voyais pas comment une multitude de témoignages allait pouvoir dégager une vision, un tout cohérent. Et ce n'est pas le cas et c'est ce qui fait tout l'intérêt de ces récits, ce sont les souvenirs , les peurs, les incompréhensions, les souffrances qui donnent du sens à ces témoignages. La plupart des témoignages sont courts voir très courts, certains sont terre à terre, d'autres plus philosophiques, techniques, poignants ou politiques selon l'interlocuteur car le vécu n'est pas le même selon qu'il s'agisse des paysans, des liquidateurs, de personnes plus érudites. Un peu comme des morceaux de tissus, tous différents, mais qui une fois cousus les uns avec les autres forment un patchwork qui a du sens.
Ce qui m'a surtout interpellé dans cette lecture, si on occulte la tragédie vécue, c'est le peu d'importance de l'individu devant le Parti, l'Etat, l'autorité. L'homme se doit d'être courageux, de se sacrifier pour le tout. La mort, la souffrance font partie de leur existence et on en décèle même une forme de fierté. Peu se révoltent ou s'insurgent, ils ne comprennent juste pas pourquoi cette catastrophe, pourquoi après la guerre, on leur a imposé une telle épreuve.
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La catastrophe de Tchernobyl m'a toujours intéressé et je ne saurais plus recommander cet ouvrage chorale d'une incroyable justesse.

Svetlana Alexievitch nous transmet via ses conversations la réalité glaçante des victimes directes ou collatérales de Tchernobyl. Poignantes, ces conversations font tantôt froid dans le dos, tantôt nous mettent la larme à l'oeil. Il n'est pas étonnant que Netflix ait utilisé "La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse" (1998) pour documenter sa série Tchernobyl : l'envers de la centrale nucléaire est racontée par l'auteure (et ses témoins) d'une manière incroyablement juste et détaillée.

Nous sommes impuissants face à L Histoire, mais il semble pourtant que Svetlana Alexievitch l'affine et la complète avec ces pans de l'histoire bien trop cachés - les documents sur Tchernobyl sont rendus publics en 1989.

On parle souvent de devoir de mémoire. "La Supplication : Tchernobyl, chroniques du monde après l'apocalypse" (1998) de Svetlana Alexievitch est la preuve de son immédiate nécessité.
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J'ai lu ce l'ensemble de ces témoignages avec une vive émotion. Il m'est arrivée de pleurer plus d'une fois au détour d'une phrase. Chacune de ces femmes et chacun de ces hommes ont laissé une vive impression de vie gâchée dans mon jeune esprit. Pourtant, travers certains témoignages, un amour profond et inconditionnel a supplanté toute a haine et l'incompréhension. Un amour inconditionnel, destiné à un mari, un enfant, un frère.... Une âme sacrifiée sur l'autel de la vie. Lire leur histoire constitue un premier pas vers leur reconnaissance. Il me semble important de partager notre lecture.
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Si vous ne devez lire qu'un seul livre sur la catastrophe de Tchernobyl... Svetlana Alexeivich est une immense écrivaine. Elle sait extraire l'émotion, la force brute de chaque témoignage pour dresser un tableau de l'apocalypse dans lequel l'humain occupe la place centrale. Elle est à côté des victimes quand ils racontent les vies brisées, les morts, les dégâts irréparables mais jamais elle ne verse dans le pathos. Ce livre est bouleversant de bout en bout. Il a largement inspiré plusieurs épisodes de la série TV sortie en 2019. Mais sa lecture est une expérience autrement plus marquante tant le style de l'auteur qui imprègne profondément ces témoignages délivre une émotion dramatique d'une rare intensité.
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le 26 avril 1986, une série d'explosions a secoué le réacteur nucléaire de Tchernobyl. Les flammes embraseront le ciel et les radiations résultantes ont contaminé la terre et empoisonné les gens pendant des années. Alors que les autorités tentaient de dissimuler les effets de l'accident, Svetlana Aleksievich a passé plusieurs années à recueillir les témoignages de survivants - anciens travailleurs d'usine, scientifiques, médecins, soldats, pompiers, personnes envoyés pour nettoyer, veuves, orphelins - dont les voix composent une histoire marquée par la peur, la colère et l'incertitude, mais aussi par l'humour noir et l'amour.
S'il y a une chose que j'ai apprise du livre, c'est que les gens sont motivés par les sentiments beaucoup plus souvent que par la raison. Des dizaines de témoignages sur les mêmes faits, mais avec des points de vue complètement différents, prouvent que, parfois, ce que vous ressentez est plus important que ce que vous savez.
Chronique du passé et avertissement pour l'avenir,"La supplication "est un livre crucial qui, en raison de sa force émotionnelle et de son honnêteté, restera un souvenir ineffaçable dans mon esprit de lectrice.
Ce que je retiens suite à ma lecture,c'est que Svetlana Aleksievich a écrit la douleur dans ce récit ,une douleur qui n'est pas prête à s'estomper pour certains.


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Cet enchaînement de témoignages est une épreuve, tant la réalité est brutale, tant leurs voix, scientifiques, liquidateurs, paysannes, enfants, sont à la fois uniques dans leur souffrance et leur pudeur, et partie d'un tout, un immense malentendu entretenu par fierté, par patriotisme, pour ne pas se laisser donner de leçon par l'occident.
Et pourtant, la voix de Svetlana Alexievitch, ces voix dont elle se fait l'écho, couche après couche, poussière après poussière, vodka après vodka, sont ce qu'il reste de cette catastrophe qui a encore lieu à bas bruit, 36 ans après l'explosion du réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Ce sont les paroles assourdies de tous ceux qui n'ont pas été entendus, ou à qui on a demandé d'obéir, ou à qui on n'a rien demandé et qui ont fait ce qu'ils croyaient être leur rôle de bon petit soldat soviétique, avec une confiance inébranlable envers le système.
Cette lecture éprouvante, je l'achève deux jours après ce funeste anniversaire, un mois après le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et les menaces sur les centrales de Tchernobyl et de Zaporijia.
J'aurais aimé découvrir ce texte dans d'autres conditions. le pire est-il à venir ?
Mon regret est de l'avoir lu après avoir pris connaissance de l'excellente mini-série Chernobyl, car certains témoignages (la femme du pompier appelé dès l'explosion) y sont intégralement repris.
Néanmoins les deux expériences sont bien différentes et complémentaires. Alors accrochez-vous !
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Assez bien écrit et traduis quoi que c est une histoire d horreur de souffrance d incompréhension, de solitude de peur etc.. On a mis la tete dans le sable en leur disant que c était sous controle..... Combien de morts combien de malade combien de milles alentours de Tchernobyl.. Un historien a écrit dans le livre que Tchernoby est une catastrophe de la mentalité Russe... Alexandre Revalski.
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Svetlana ALEXIEVITCH livre encore une fois au grand public un document d'une envergure colossale. Avec « La Supplication », le lecteur va une nouvelle fois apprendre, sortir des sentiers battus et se libérer de ce qu'on lui a donné comme informations, ici au sujet de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl en avril 1986.

Il faut avoir le coeur et les tripes bien accrochés pour lire ce récit. Les événements sont rapidement résumés puis le micro de la journaliste se focalise sur les témoins et les survivants. Témoignages, non pas dans le feu de l'action, mais près de 10 plus tard, lorsque le monde commence à se poser de vraies questions sur l'héritage de Tchernobyl, les dégâts irréversibles, des peuples entiers sacrifiés, condamnés sur l'autel du progrès nucléaire.

La première chose, le titre. On s'interroge, pourquoi ce titre ? Il est suivi d'une précision : « Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse ». Pour comprendre véritablement, il faut attendre la fin de l'ouvrage. le récit est encadré par deux témoignages plus longs que les autres : le premier, qui illustre le prologue, est celui d'une femme enceinte dont le mari décède suite à l'exposition brutale aux radiations dès le début de la catastrophe nucléaire. le dernier, nommé conclusion, est aussi celui d'une femme, d'une mère. Quatorze jours d'agonie ou une année de souffrance, ne reste que l'amour qui est vain quand il s'agit de combattre l'horreur : la radiation.

« Dix années ont passé… Tchernobyl est devenu une métaphore, un symbole. Et même une histoire. Des dizaines de livres ont été écrits, des milliers de mètres de bande-vidéo tournés. Il nous semble tout connaître sur Tchernobyl : les faits, les noms, les chiffres. Que peut-on y ajouter ? de plus, il est tellement naturel que les gens veuillent oublier en se persuadant que c'est déjà du passé… » (auto-interview de l'auteure, 1997). L'ouvrage est très dense, la somme des informations est incroyable, le travail de recueil est titanesque. Encore une fois, ALEXIEVITCH est la passeuse des voix que l'on n'a pas entendues.

Après un prélude à la catastrophe, divers acteurs ou simples spectateurs du désastre vont prendre la parole, raconter leur quotidien, leur destin qui a basculé en avril 1986, notamment en Biélorussie (terre natale de l'auteure) et en Ukraine. Radiations, terres empoisonnées, thyroïdes défectueuses, cancers, leucémies provoqués par l'accident. Des habitants qui racontent la souffrance, l'horreur, les enfants qui naissent, soit morts soit difformes. Des animaux monstrueux visibles un peu partout dans les villes, les campagnes. Et l'exode, comme pour une guerre.

Femmes de liquidateurs, chercheurs, scientifiques, parents d'enfants à venir et d'enfants déjà nés, un témoignage polyphonique autour de la seule catastrophe de Tchernobyl. le contexte dans un premier temps : 1986. Les événements de la Seconde Guerre Mondiale ne sont pas si lointains. Souvenez-vous, dans une chronique précédente, celle de « Derniers témoins », on peut écouter la voix des enfants pendant l'occupation nazie de la Russie. Ces enfants sont adultes, et on leur demande de se comporter comme en temps de guerre : on laisse tout derrière soi, les meubles, les souvenirs, les reliefs de repas encore fumants sur la table, les animaux de compagnie, de ferme, et on évacue. Mais pourquoi partir alors que l'ennemi est invisible ? Comment accepter de laisser les potagers en devenir, promesse d'abondance, pour partir sans avoir aucune réelle explication ? Les traces de la famine, de la rigueur sont encore présentes dans les esprits et les recommandations se heurtent à ce paradoxe de nature qui semble perdurer, le printemps qui s'installe doucement, les animaux qui se réveillent, la vie, finalement, qui s'écoule comme si rien ne s'était passé.

Beaucoup sont ceux qui évoquent la guerre, en ce temps ils savaient quoi faire, comment combattre, comment survivre. Mais comment lutter contre un ennemi sans aucun visage humain ? Tout est pollué. Des habitants ont souhaité rester clandestinement sur la zone interdite, ils sont nés là, ils veulent mourir là. Certes, il y a eu le pillage des maisons abandonnées, mais l'exode a aussi entraîné un déplacement des biens (radioactifs), un peu partout dans le pays. Alors foutu pour foutu, les irréductibles ne bougeront pas d'un pouce. de toute façon, au lendemain de la catastrophe, les autorités n'allaient quand même pas distribuer des masques faciaux aux autochtones, il ne fallait pas faire grimper la psychose, la panique. « … je sais que l'on a volé et sorti de la zone contaminée tout ce qui était transportable. En fait, c'est la zone elle-même que l'on a transportée ici. Il suffit de regarder dans les marchés, dans les magasins d'occasion, dans les datchas… Seule la terre est restée derrière les barbelés… Et les tombes… ».

Si en France on a eu peu d'informations sur la catastrophe (majoritairement de la désinformation), les locaux ne sont pas en reste : les communautés scientifique et politique sont muettes. Celles et ceux qui tirent la sonnette d'alarme sont ceux qui viennent nettoyer les radiations, qui travaillaient à la centrale et qui connaissent les risques considérables pris par la population qui ne bouge pas d'un iota. Mais où aller ? Car les habitant-es de Tchernobyl deviennent rapidement des parias : le mal des rayons n'arrive pas immédiatement après l'exposition, l'état se dégrade en 14 jours pour les plus atteints et celles et ceux qui ont été contaminés peuvent ressentir les effets délétères bien plus tard. Alors les autres, les « sains » les évitent, les médecins ne soignent pas, les infirmières ne peuvent entrer soulager les mourants dans les chambres.

Les Tchernobyliens sont stigmatisés. Les enfants qui naissent sans vie, ces jeunes femmes auxquelles on doit expliquer qu'enfanter sera impossible, ces hommes qui reçoivent pour consigne de ne pas procréer. Mais l'on se bat contre un ennemi invisible : qu'est-ce qui est contaminé et qu'est-ce qui est sain ? On ne fournit rien à la population qui permettrait d'évaluer le risque réel, et pour cause : les seuils sont allègrement dépassés, les compteurs Geiger trafiqués, histoire de contenir la population qui n'y comprend finalement plus rien. On doit quitter les lieux, pourtant l'Etat qui se veut garant de la sécurité minimise. Vous voulez vous protéger : la vodka voyons ! Plusieurs litres ingurgités vont vous nettoyer de toute cette radiation nocive. Les nettoyeurs partent avec leurs bouteilles, et l'ambiance est plutôt bonne dans les forêts de Pripiat.

Le graphite sur le toit de la centrale éventrée. Même les robots envoyés sur place ne répondent plus. Alors l'humain, encore. Avec des protections dérisoires, des hommes vont balayer les toits hautement dangereux, expédier les gravats dans le coeur du réacteur. Il leur en coûtera au mieux la santé, au pire la vie. Ce sont les liquidateurs.

Même eux, protégés par des vestes de fortune et des chaussures ordinaires, ceux qui arpentent les gravats radioactifs, ceux-là même dont les veuves confient leurs témoignages, finissent par chasser les animaux sauvages pour se nourrir et parfois se servent dans les potagers abandonnés pour se rassasier. Crime contre l'humanité, non pas génocidaire mais crime affreux, passé sous silence, où encore une fois ce sont les plus pauvres, les petites mains qui sont envoyés en première ligne. A la clé, beaucoup d'argent : ces hommes y voient l'avenir de leur famille, la douce promesse d'un futur serein à l'abri du besoin.

La suite : la radiation va rester active durant des milliers d'années sur terre, peut-être des millions, même les spécialistes ne sont pas à même de donner une fourchette approximative. Alors les survivants se retranchent parfois dans la littérature, seule bouffée d'oxygène non souillée : « Tchernobyl est un sujet à la Dostoïevski. Une tentative pour donner une justification à l'homme. Et peut-être est-ce tout simple ? Peut-être suffit-il s'entrer dans le monde sur la pointe des pieds et de s'arrêter sur le seuil ? ».

Cet ouvrage est un exemple criant de désinformation de masse, un crime insoutenable, des mensonges, propagés dans toutes les sphères, pas seulement au niveau national mais au niveau international. le nuage s'est arrêté à la frontière française nous a-t-on dit.

Ce bouquin indispensable a été adapté en mini-série télévisée en 2019. Oui oui, il s'agit bien de l'excellente série États-unienne « Chernobyl », qui s'appuie sur les témoignages, les monologues du récit pour en extraire un scénario solide, même si l'adaptation suit en particulier un homme-clé parmi les scientifiques : Valeri LEGASSOV, suicidé en 1988. On retrouve dans les images certaines scènes décrites dans le livre, les scénaristes n'ont pas eu besoin d'ajouter de l'hémoglobine tant la vérité a largement dépassé la fission.

Svetlana ALEXIEVITCH, grande dame dont l'oeuvre est un gigantesque doigt d'honneur à la langue de bois, aux énarques tout puissants, merci pour elles, merci pour eux, merci pour nous, de nous donner cette vérité à laquelle tout individu a droit.

« Amène-moi là-bas. Ne souffre pas ». Il a rempli de supplications tout notre cahier. Il m'a obligée à donner ma parole. »

Livre majeur paru en France une première fois en 1997 et régulièrement réédité depuis. La catastrophe nucléaire de Tchernobyl semble avoir été le premier clou sur le cercueil de la feue U.R.S.S., et les cercueils défilent depuis, irradiés souvent…

https://deslivresrances.blogspot.fr/

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