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4,1

sur 1102 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Dire que j'ai failli passer à côté de ce petit bijou de littérature qui ne parle que d'amour et de vie!
L'auteur , emprisonné dans les geôles turques pendant quelques années pour avoir défendu, en tant que journaliste des positions dérangeantes pour le pouvoir, après avoir écrit en prison "je ne reverrai plus le monde", est tout de suite revenu au roman .
En Turquie donc( même si le pays) n'est pas nommé, un jeune homme , Fazil, issu d'une famille riche avant les répressions , apprend à devenir pauvre. Pour gagner quelques sous il participe à un tournage de télévision, rencontre Mme Hayat, une cinquantenaire d'une sensualité extraordinaire, et cette femme qui n'a jamais lu un roman mais connaît la vie mieux que personne va lui faire découvrir " le suprême bonheur d'être un homme".
Mais dépassé par ses sentiments, Fazil est attiré par une jeune étudiante, du même milieu que lui et aussi passionnée de littérature que lui. Ils pourraient se forger un destin commun en exil...
Un joli roman d'amour ,de résistance , des personnages attachants et surtout une écriture lumineuse. Femina etranger 2021.
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Madame HAYAT, comme vous l'aurez compris, est une histoire d'amour fougueuse entre un jeune homme, universitaire, à qui on a tout pris : son père a été assassiné, et ses biens confisqués, et Madame HAYAT, femme plantureuse et généreuse, d'un âge certain, pour qui la vie n'a pas été simple et qui a subit bien des outrages, que l'on devine.

« J'en sais bien plus long que tu n'imagines sur la vie et ses réalités, comme tu dis. Je sais ce que c'est que la pauvreté, la mort, le chagrin, le désespoir. Je sais que nous vivons sur une planète où des fleurs graciles décorent les insectes qui se posent sur elles. Je sais que depuis des milliers d'années les hommes se font du mal, qu'ils volent et en spolient d'autres, qu'ils s'entretuent. Je connais réellement la vie. Et comme tout  le monde, je mange son miel empoisonné. le poison je l'avale, le miel je le savoure. Tu peux gémir autant que tu veux, tu peux redouter autant que tu veux ce miel empoisonné, ni la peur ni les gémissements ne détruiront le poison. Tu ne réussiras qu'à tuer le gout du miel. Les réalités de l'existence, je les connais, seulement je ne m'y arrête pas. S'il faut boire le poison je le bois, mais les conséquences ne m'intéressent pas. Parce que je sais qu'enfin il s'agit de mourir ... »

Mais au-delà de cette histoire d'amour de Fazil et de Madame HAYAT, il y a tout le contexte politique qui ravage le pays. Peu à peu, les rues se vident, des arrestations arbitraires se passent tous les jours, les librairies et bibliothèques ferment les unes après les autres, la presse est censurée et réprimée, la joie de vivre et les libertés sont peu à peu grignotées…

C'est dans ce marasme que Fazil et Madame HAYAT vont vivre une parenthèse amoureuse sensuelle, flamboyante, voluptueuse, exubérante, libre, de plus en plus difficile à vivre dans ce climat délétère. de plus, Fazil fait la rencontre d'une jeune femme de son âge et de son milieu dont la famille a subit la même chose.

Fazil est déchiré entre ces deux femmes et son pays. Alors que Sila pousse Fazil à demandé un visa pour partir de ce pays où les libertés rétrécissent et où l'oppression est à tous les coins de rues, il est partagé et ne sait quelle voie choisir. Quitter son pays est un véritable déchirement. Quel choix va-t-il faire ?

Ahmet ALTAN m'a entraîné dans son histoire, dans ce pays si majestueux, meurtri. Comme lui, j'ai le coeur qui se serrait à chaque oppression, chaque répression. Il faut savoir qu'il a écrit ce livre alors qu'il était en prison, enfermé de façon arbitraire.

Mais comme il le dit, « Vous pourrez me jeter en prison, vous ne m'enfermerez jamais, car comme tous les écrivains, j'ai un pouvoir magique : je passe sans encombre les murailles.» Ce livre est interdit dans son pays.

Un bel hymne à l'amour et à la liberté sous toutes ses formes.
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Est-il encore besoin de présenter ce roman ?

Après la mort de son père qui a suivi la ruine de l'entreprise familiale, le jeune Fazil trouve un petit boulot de figurant dans une émission télévisée pour financer ses études littéraires et sa chambre dans une petite pension.

Sur le plateau il rencontre successivement deux femmes : Madame Hayat, une quinquagénaire voluptueuse qu'il remarque au premier coup d'oeil et Sila, une jeune étudiante en lettres elle aussi.

Fazil va entretenir une relation simultanée avec ces deux femmes aux caractères diamétralement opposés. Madame Hayat a choisi de vivre sa vie avec désinvolture, « d'avaler le poison et d'en savourer le miel » alors que Sila ne pense qu'à fuir cette Turquie aux libertés bafouées. Fazil va devoir lui aussi choisir sa route.

Je suis tombée sous le charme de ce roman initiatique tendre et sensuel dès les premières pages.

Madame Hayat est une véritable invitation à la liberté dans tous les sens du terme, un bel hommage aux femmes, à la littérature et une déclaration d'attachement à un pays.

Une lecture solaire et une magnifique réflexion sur la vie qui prend encore plus de sens quand on sait que l'auteur l'a écrit en prison.
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C'est l'histoire d'une passion, d'un sentiment amoureux fulgurant dont seule la littérature a la maîtrise. Fazil, un étudiant en lettres, boursier, rencontre Mme Hayat, une femme beaucoup plus âgée, figurante, qui ne lit jamais. Qu'ont-ils donc en commun ? Pas grand chose, car lorsque le premier analyse tout à la lumière de la littérature et de la philosophie, l'autre explique tout par des explications rationnelles apprises dans les reportages. Ça n'a l'air de rien, pourtant, il est difficile de contredire Madame Hayat. Cette relation étrange dévorera la vie de notre jeune narrateur, alors même que les roues d'Istanbul se vident, au rythme des attestations. C'est un roman brillant, qui offre une passion amoureuse dans la plus pure tradition littéraire, celle de Flaubert, Tolstoï ou Dostoïevski. Et pourtant, la réalité, celle d'un pouvoir qui brûle son peuple, qui arrête ses intellectuels, qui remplace ses riches n'est jamais très loin. Entre passions politiques et corporelles, ce roman se lit parfaitement à la lueur d'une bougie, un soir d'hiver. Tout comme les romans russes d'ailleurs. Rédigée en prison, cette oeuvre a plus d'une lecture !
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Roman d'apprentissage déchirant et somptueux à la fois, fable réaliste, hymne à la liberté d'une grâce sidérante, le livre d'Ahmet Altan est tout cela. Rédacteur en chef d'un quotidien, il a été accusé par les autorités turques de compromission avec le mouvement guleniste après la tentative de putsch de 2016 et emprisonné à plusieurs reprises avant d'être libéré en 2021, suite à une décision de la Cour européenne des droits de l'homme et un arrêt de la Cour de cassation turque. Il n'est pas inutile de rappeler ses années de détention, toile brute sur laquelle l'écrivain a brodé, jour après jour, le destin du jeune Fazıl, le narrateur du livre.
Étudiant fauché à Istanbul, sa famille ayant été ruinée par les aléas du marché de la tomate, Fazıl survit en devenant figurant pour la télévision dans des émissions de divertissement. Il y fait la connaissance de deux femmes : Madame Hayat, séduisante femme mûre, et Sıla, étudiante en littérature comme lui, jetée dans la pauvreté à la suite de la confiscation des biens de son père par le régime. Dès lors, l'existence de Fazıl se trouve éclairée par ces deux lumières. Madame Hayat (elle s'appelle en réalité Nurhayat, Lumière de la Vie) brille à la manière d'une flamme chaleureuse, enveloppante, douce et charnelle, tandis que la jeune fille est une clarté vive, brillante, irradiant la colère et l'impuissance nées de l'injustice.
Dans la pension miteuse qui l'abrite, Fazıl découvre aussi des compagnons d'infortune, Gülsüm le travesti, l'activiste politique le Poète, Bodyguard le videur, Emir et sa fillette Tevhide, Mogambo le vendeur à la sauvette. Les bastonnades, la menace sourde des arrestations arbitraires, l'insécurité les réunissent dans une entraide empreinte de pudeur et de respect alors que l'étau de la répression se resserre sur la société.
La force du livre est d'être tout d'abord un vrai roman, avec des personnages forts auxquels on s'attache aussitôt. C'est un grand roman de la nuit, ses protagonistes vivent bonheurs et drames quand la lumière du jour s'éteint, remplacée par le scintillement des paillettes du spectacle, les vitrines éclairées des restaurants, la lampe de Madame Hayat ou les gyrophares des voitures de police. Ahmet Altan nous montre avec beaucoup de subtilité le crépuscule dans lequel s'enfonce de plus en plus la société turque, l'effacement de la démocratie d'une manière plus ou moins insidieuse, les libertés grignotées jour après jour. Il convoque la littérature comme le moyen de conjurer l'obscurité qui s'empare des esprits en montrant qu'elle devient très vite la cible des esprits bornés et rétrogrades.
Madame Hayat est un joyau, une pierre de jais dont le sombre éclat renvoie toutes les facettes de la vie.
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Evidemment, il y a l'arrière-fond politique que l'on connait (Ahmet Altan est accusé d'avoir participé au putsch manqué du 15 juillet 2016, dans un contexte d'arrestations massives frappant les milieux médiatiques et intellectuels - wikipédia) mais ce que je retiens de ce roman c'est cette formidable histoire d'amour entre deux êtres, Fazil et Madame Hayat. Ce récit aurait pu s'intituler « une éducation sentimentale, sexuelle et philosophique ».
C'est également un merveilleux texte sur la vie, la mort, la peur, l'amour. A chaque page, il me faudrait m'arrêter, réfléchir, en parler à d'autres personnes tant les questions posées par l'auteur sont fondamentales dans nos existences. La peur est également un des pivots du livre dans un pays qui bascule vers la noirceur.
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Madame Hayat… mon tout premier roman numérique… ma première lecture d'un auteur turc… et quelle lecture, quel merveilleux moment j'ai passé avec Fazil, Sila et la grande et unique Madame Hayat !

Fazil, jeune étudiant en littérature d'une famille aisée d'une ville et d'un pays qui ne seront jamais nommés, mais qu'on devine être la Turquie, se retrouve désargenté suite au décès de son père. Déménagement dans une chambre modeste, travail de figurant sur un plateau télé pour arrondir les fins de mois, ce changement de cap sera pour Fazil le début d'une année d'une intensité rare.

Il rencontrera ses deux amours, Sila et Madame Hayat, d'un côté l'amour charnel, passionné, plein d'insouciance, de l'autre, un amour vrai, sincère, complice, mais ancré dans le réel et dans la vie. Il verra aussi, au fil des mois, la situation politique de son pays se dégrader. Les rues autrefois très animées se vident, les bouquinistes disparaissent, les gens gagnés par la peur, se replient chez eux. Enfin, des événements auxquels il n'aurait jamais imaginé assister surviennent. Lorsque son propre pays sombre dans les mains de l'obscurantisme et du totalitarisme, lorsque l'on assiste à ce déclin, faut-il résister, se battre, au risque d'être dénoncé ou arrêté ? Faut-il poursuivre son existence quotidienne, insouciante, détachée ? Faut-il se résoudre à l'exil ?

Madame Hayat est une femme époustouflante. Voluptueuse, toujours joyeuse, elle savoure chaque plaisir de la vie dans l'insouciance la plus totale, sans se préoccuper du lendemain. Elle est un personnage presque irréel, qui paraît n'avoir ni passé, dont elle élude toujours les questions, ni futur. Elle n'a pas de projet, ne planifie rien, n'économise jamais… Elle vit sans peur ni angoisse, avec légèreté et allégresse.
Sila est une jeune femme sérieuse, d'une intelligence fine, pleinement consciente des enjeux de son existence. Etudiante en littérature comme Fazil, les événements vécus par sa famille et la situation du pays qui ne cesse de se dégrader la poussent à envisager l'exil. Sila pense à son avenir, à ses études, à la construction de sa vie.
Fazil aime profondément et intensément ces deux femmes. Qui choisir ? Faut-il choisir ? Il voudrait poursuivre toujours cet équilibre, ces deux amours. Mais cette situation n'a pas d'avenir durable, il le sait.

Au début du roman, Fazil est un jeune étudiant naïf. Grâce à Sila et à travers les événements qui l'entourent, il prend progressivement conscience de la situation dans laquelle son pays est en train de sombrer. Exercice du pouvoir qui se durcit, arrestations arbitraires, passages à tabac en règles et liberté d'expression malmenée… C'est à la moitié du roman que j'ai découvert qu'Ahmet Altan, dont je ne savais rien jusqu'alors, avait écrit ce roman au cours des 5 années de détention passées dans les prisons d'Istanbul. En 2016, pour avoir eu des propos critiques du régime, l'auteur a fait partie des vagues d'arrestations ayant suivi le coup d'état raté contre Erdogan.

La lecture prend alors une toute autre dimension.

J'ai adoré l'écriture d'Ahmet Altan, belle, fluide, puissante. Ses personnages sont finement construits, attachants, presque réels, j'ai eu l'impression d'évoluer à leurs côtés. Pour ne rien gâcher, il nous offre tout au long du roman de nombreuses références littéraires. Certains passages sont sublimes dans la description des sentiments amoureux... Un très beau roman !
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Fauché après la faillite son père, le jeune Fazil s'installe dans une petite chambre en ville pour poursuivre ses études de lettres. Pour arrondir ses fins de moi, il accepte de faire de la figuration pour une émission de télé (tellement baroque!). Il y fait la connaissance de la flamboyante Madame Hayat et succombe immédiatement au désir qu'il a pour elle. Dans ce même studio, il rencontre également Sila, une étudiante en lettres comme lui, dont il tombe instantanément amoureux. Elle aussi est une déclassée, mais le père de Sila a tout perdu suite à une arrestation arbitraire.
A partir de cette situation de triangle amoureux plutôt classique, Ahmet Altan construit un magnifique roman, qui m'a séduite dès les premières pages. Avec pudeur et délicatesse, il nous raconte l'éveil sensuel et amoureux de ce jeune homme, dans les bras généreux et libérateurs de Madame Hayat. Parce que c'est bien elle la véritable protagoniste du roman : « Entre ses bras, contre son sein, la peur et l'angoisse, le passé et l'avenir s'évanouissaient, il n'existait plus qu'une solitude peuplée de lumière, une obscurité lourde de désir. » Madame Hayat n'a pas peur, elle n'est pas raisonnable, elle est la liberté même.
Et ce n'est pas rien dans le monde que nous décrit Altan. La menace est sourde au début, discrète mais présente. Puis au fil des pages, la violence systémique, l'arbitraire, la répression déferlent dans le roman et envahissent la vie de Fazil. Dans sa résidence d'abord, puis à l'université ensuite, et dans la vie privée du jeune homme qui s'éveille ainsi à la dimension politique de chacun de ses actes dans un pays où il suffit d'un soupçon pour être condamné.
Quelle voie reste-t-il à ces êtres menacés, « coincés dans la paume d'un géant qui pouvait [les) écraser quand il le voulait » ? La réponse d'Altan, c'est la littérature, qui libère, qui résiste et nous sauve.
J'ai tout adoré dans ce roman courageux : Madame Hayat bien sûr (quel personnage!), les questionnements existentiels et littéraires d'Altan, et enfin cette description implacable de la terreur ressentie par tous dans un pays, la Turquie, où les autorités ont condamné l'écrivain à 5 ans de prison sous des prétextes ahurissants. Composé en prison, cette célébration des pouvoirs libérateurs de la littérature prend ici tout son sens.
« La littérature a besoin de courage, et c'est le courage qui distingue les grands écrivains des autres. »
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Ce livre est un hymne à la vie !

Madame Hayat cinquantenaire, électrisante, magnétique, insaisissable & insouciante, ce qui, contrairement à une idée reçue, ne la rendait vulnérable mais au contraire, lucide & déterminée. Elle répétait toujours "Au pire on meurt"
Et Fazil, appréciait sa compagnie comme on espère l'ombre les jours de canicule, et sa couette les jours de pluie.

"J'étais persuadé de la désirer telle qu'elle était, ni plus jeune, ni plus belle. Je me souvenais de la phrase de Proust: Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination" qu'il disait !

Il l'a rencontre sur un plateau TV, il y est figurant pour payer ses études en littérature !
Il fait aussi la connaissance de Sila, une nana de son âge, désargentée, littéraire & perplexe. Son alter ego. Il s'attache à elle !

"À quel point elle m'avait manqué, je le découvris quand elle tomba dans mes bras. On se ment parfois tellement à soi-même. On a beau connaître ses propres sentiments, on ne mesure pas toujours leur profondeur réelle, puis le sol s'ouvre sous nos pieds, on tombe dans ce puits, c'est la stupeur. Mes sentiments pour elle s'étaient accumulés en son absence, et en la voyant, en la touchant, c'était comme une porte qui s'ouvrait, un appel d'air, j'étais aspiré à l'intérieur." disait-il d'elle

Deux femmes, aux antipodes l'une de l'autre, deux femmes que tout oppose, enivrement des sens pour l'une & vertige de l'amour pour l'autre, ou l'inverse, Fazil oscille entre elles, sous le ciel d'une Turquie qui n'est point nommée, où tout commence à vaciller, où un système totalitaire commence à prendre place.

La fin est surprenante & me pousse à m'interroger, sommes-nous obligés de comprendre, de se comprendre ? Existe-t-il un autre monde où les émotions sont moins vives & les déchirures moins bouleversantes ? Et si l'amour, c'est avoir quelqu'un à perdre, faut-il encore le trouver ?

J'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre, j'ai même regretté pour la première fois de ma vie de n'avoir fait d'études en littérature, tant de citations surlignées, de pages écornées & d'auteurs cités.
Un livre écrit en prison & recomposé par le prix Femina étranger !

Une ode à la sensualité, au désir, à la séduction, à la liberté des femmes, à la passion tant charnelle qu'intellectuelle & a l'amour.

Lisez le premier chapitre, après, vous n'allez plus pouvoir vous arrêter !
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Un bien beau roman d'apprentissage, très classique dans sa forme, que ce « Madame Hayat » ! Nous sommes dans un pays qui n'est pas nommé mais que l'on devine être la Turquie et qui sombre peu à peu dans la dictature : terreur, arrestations arbitraires, violence, confiscation des biens…
Fazil, jeune étudiant en lettres, socialement déclassé après la mort de son père et donc sans le sou, trouve un petit travail de figurant pour une émission de télé. Il y rencontre une femme plus âgée que lui et qui pourrait être sa mère : Madame Hayat, une femme plantureuse aux cheveux d'or, à la robe de miel et au parfum de lys… Il tombe fou amoureux d'elle, de cette femme dont il ne sait rien et qui le fascine... Si elle n'est pas une intellectuelle, elle a l'intelligence de la vie : elle n'a pas lu les grands auteurs mais connaît parfaitement bien les moeurs des fourmis, des mantes religieuses, d'Hannibal, des dauphins, des araignées, des lions, des cicindèles, de Shakespeare et des termites. En effet, Mme Hayat aime les documentaires. Elle aime aussi manger et faire l'amour. Tout est grâce chez elle : sa façon de marcher, de danser, d'être. Tout est volupté, sensualité. Elle est une femme libre, insaisissable, dont le narrateur ne parviendra finalement jamais à percer totalement le mystère. « Tout ce qu'elle désirait, elle le désirait avec passion : une lampe, danser, moi, une pêche, faire l'amour, un succulent repas... » Et finalement, auprès de cette femme, le narrateur échappe momentanément à la chape de plomb qui écrase son pays… « Mme Hayat était libre. Sans compromis ni révolte, libre seulement par désintérêt, par quiétude, et à chacun de nos frôlements, sa liberté devenait mienne. » Mme Hayat est une femme qui a vécu. Mais quoi exactement ? Rien que pour elle, ce roman vaut la peine d'être lu : c'est un personnage magique, plein de sagesse, de fantaisie, qu'on a beaucoup de peine à quitter !
Quand on sait que ce roman a été écrit en prison - en effet, alors qu'il était rédacteur en chef du quotidien Tarf, Ahmet Altan fut enfermé plusieurs années car soupçonné d'avoir soutenu le coup d'État militaire de juillet 2016 contre Erdogǎn (il fut libéré en avril 2021)- on comprend que cette femme est la lumière qui a permis à l'auteur de tenir contre l'adversité, la preuve que la littérature se moque des cellules, des barreaux, des chaînes et les fait voler en éclat. “Vous pouvez m'emprisonner, mais vous ne pouvez pas me garder ici. Comme tous les écrivains, je suis magicien. Je peux traverser vos murs sans mal.” écrira l'auteur en prison.
Une ode magnifique à la littérature et à l'amour…
Un bel hommage aux pouvoirs qui sont les leurs...
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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