LA START-UP DES QUATRE MOUSQUETAIRES
Margherita Nasi, le Monde
Dans son essai, l'ingénieur
Alain Amariglio revient sur l'aventure qu'aura été quinze ans durant – de 1988 à 2003 – la création, avec trois comparses de l'école Telecom Paris Tech, d'une entreprise d'un genre alors nouveau, la « jeune pousse ».
La nuit est très calme en ce printemps 1988, et la résidence universitaire du 212 rue de Tolbiac plonge dans le sommeil et l'obscurité. Dans la chambre 123 pourtant, la discussion est animée. Trois camarades de Télécom Paris Tech discutent de leur rêve : créer une entreprise. Un sport pas très répandu en 1988, alors que les promesses d'emploi séduisantes affluent sans cesse vers les élèves de la grande école parisienne, mais dont le parfum d'aventure séduit.
Le trio est composé de Jean – véritable bourrasque, énergique et imaginatif –, Jérôme – plutôt sage, connu pour son écoute et ses interrogation existentielles –, et le narrateur – tout feu tout flammes, toujours en quête de raison. « Voilà, vous avez rencontré trois personnages
de cette aventure. le quatrième mousquetaire, Thierry Delbecque, ne va plus tarder . Ensemble, nous formerons le quatuor des associés, petit clan que je continue de juger exemplaire. Un ovni. Les associés, un jour on dira
les fondateurs, symboliseront l'entreprise, ses qualités et ses défauts ».
Dans son ouvrage
Il était une fois une start-up,
Alain Amariglio retrace le récit d'une aventure économique rocambolesque : la création d'une start-up à une époque où personne encore ne connaissait le terme.
L'auteur – actuellement professeur des écoles en ZEP dans la région parisienne – a consacré la première partie de sa carrière à la création et au développement de SLP Infoware, éditeur de logiciels finalement racheté par Gemalto. Ce texte est donc aussi un récit de vie. « Longtemps, j'ai pensé que le seul moyen de raconter cette histoire était un livre à plusieurs mains, pour embrasser
les points de vue , restituer les regards multiples et contradictoires de tous les acteurs. Mais c'était impossible. Ce livre est le mien. Mon regard sur notre aventure. Autant dire une fiction, qui mêle la trace d'une réalité et les reflets d'un rêve ».
Dans la cour des grands
Au départ, le projet des jeunes étudiants relève plutôt du rêve voire de l'utopie : il s'agit de révolutionner l'éducation en développant, grâce aux promesses de la technologie, une pédagogie entièrement individualisée avec l'enseignement assisté par ordinateur. Un projet « ambitieux, aux contours plutôt flou », et qui se heurtera à la réalité. Vite confrontés au besoin d'argent, les entrepreneurs en herbe abandonnent le projet initial pour en choisir un autre, plus rentable, qui leur permet de développer l'entreprise, faire des bénéfices, embaucher.
Ils mettent alors le pied dans un engrenage irréfrénable : la boite grossit, les contrats aussi, les clients se font plus exigeants, les salariés plus nombreux, et la quête d'argent se renouvelle sans cesse, à coups d'investisseurs français, financiers hollandais, et milliardaire américain. Les
quatre amis jouent désormais dans la cour des grands, développent des logiciels vendus partout dans le monde , remplacent les objectifs de l'entreprise par ceux des investisseurs.
Histoire d'une percée fulgurante,
Il était une fois une start-up est aussi un aveu d'incompréhension face au tourbillon parfois frénétique et chaotique de l'économie, alors que l'entreprise finit par disparaître corps et biens à
l'issue d'une ultime transaction.
Margherita Nasi
Il était une fois une start-up, d'
Alain Amariglio (La différence, 288 pages, 17 euros).