AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782268106793
260 pages
Les Editions du Rocher (19/01/2022)
4.33/5   6 notes
Résumé :
Rarement un pays a autant focalisé les attentions et déchaîné les passions. La Turquie, pourtant, reste méconnue, souvent résumée à sa religion majoritaire (l'islam), à des interprétations historiques (l'héritage de l'Empire ottoman) et à un homme, son dirigeant depuis 2003 : Recep Tayyip Erdogan.

La Turquie est un paradoxe. Un pays pétri de contradictions, loin des oppositions binaires. Une société parcourue de lignes de fracture, loin du bloc monoli... >Voir plus
Que lire après La Turquie d'ErdoganVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Tout commence par un petit précis de prononciation, fort utile pour avoir l'air de s'y connaître en turc.
On passe ensuite à « génération Erdogan » qui donne la parole à tout un tas d'acteurs, de témoins anonymes, d'analystes, qui donnent des points de vue disparates sur la réalité turque actuelle.
C'est le point qui m'a un peu embarrassé dans ce livre : les multitudes de « micro-trottoir » qui ne me paraissent pas une bonne approche pour décrire une situation. On peut arriver au résultat décidé selon qui on interroge et quels témoignages on garde et cela ne relève pas du journalisme. La preuve, les JT en sont truffés.
Sinon, l'auteure semble bien connaître la société turque et pour peu qu'on lui accorde une forme d'honnêteté intellectuelle dans ses choix de témoins (ce n'est pas si fréquent de mon point de vue chez les commentateurs accrédités) ceux-ci s'inscrivent dans une réflexion articulée en quelques chapitres fort bien choisis.
Le rôle des femmes dans la société, leur difficile émancipation, le jeu de va et vient des lois qui les protègent puis qui les incitent à retourner au foyer...
La liberté de la presse lentement dévorée par l'appropriation par des magnats proches du pouvoir et de l'AKP, rappelant au lecteur que cela semble être actuellement une orientation universelle...
Les réseaux sociaux restent encore relativement ouverts mais le pouvoir commence à pointer du doigt la menace qu'ils représentent pour l'intégrité de la Turquie, puisque financés par ... d'autres intérêts.
Le chapitre sur M. Erdogan est particulièrement bien construit, qui montre l'espoir qu'il a suscité puis les points de bascule qui ont entraîné les changements opérés dans la vision même de son rôle. C'est saisissant car on retrouve bien l'explication de ses revirements, ses changements d'alliances voire ses retournements idéologiques. Il semble qu'on en soit arrivé maintenant à : peu importe le projet, seul compte le maintien au pouvoir...
Jouant au début la carte du modernisme, via 2004 et la promesse de l'adhésion à l'Europe, cette porte (sublime ?) entrouverte mais jamais franchie (la faute à ?...) a été abandonnée et le président turc s'est retourné vers les forces plus conservatrices...
Je crois que ce rapport à l'Europe est vraiment le noeud important qui explique beaucoup de choses. Ce chapitre « avrupa ou pas ? » (Europe ou pas) sous-tend tellement de contradictions, de tensions de la société que certains chapitres en découlent presque naturellement : retour d'une idée impériale, Sainte Sophie, liens avec la Russie...
Il faut dire que la géographie de la Turquie ne l'aide pas à trouver ses marques, influence européenne à l'Ouest, Kurdes à l'Est et réfugiés Syriens au milieu ...
Istanbul, au carrefour de ces courants puissants et contradictoires cristallise cette tension et ce livre, par l'intermédiaire des observateurs cités par l'autrice, y prophétise une déflagration. On y craint un grand tremblement de terre de magnitude supérieure à 7,5 rappelant celui de 1999, mais on creuse non loin le grand Kanal Istanbul qui reliera la mer Noire à la mer de Marmara...
« Il y a deux choses qui menacent l'indépendance nationale de la Turquie ; une grande guerre et un tremblement de terre ».
Peut-être que le conflit qui vient d'éclater en Ukraine voisine retardera cette prédiction ou même amènera des changements de posture permettant d'éviter le pire. Après tout, ce dernier n'est jamais certain.
Je veux remercier ici les éditions du Rocher, Babélio pour m'avoir permis de lire ce livre très intéressant qui m'a plongé avec cette masse critique au coeur de la société turque. Je le conseille à quiconque souhaite mieux la comprendre ou même l'emmener en voyage sur place dans ses bagages.
Commenter  J’apprécie          372
Qu'aurais-je été heureuse si, étudiante, peinant à rédiger mon mémoire sur La Turquie et l'Europe, j'avais eu quelqu'un comme Anne Andlauer pour m'expliquer clairement et en 260 pages le contexte historique et culturel des grandes problématiques actuelles !
Car, en effet, si la Turquie est facile d'approche, elle est difficile d'accès.

Mais Anne Andlauer, correspondante en Turquie pour de nombreuses radios francophones, elle, a la chance de connaître la Turquie de l'intérieur : mariée à un Turc (ça aide !!), elle y a vécu pendant plus de dix ans.

Grâce à cela, elle peut nous faire découvrir la Turquie de l'intérieur, une Turquie palpitante de vie.

La Turquie d'Erdoğan traite des principaux sujets d'actualité récente de la Turquie actuelle puisque la plupart des Turcs (la moitié de la population a moins de trente ans) n'a pas connu de Turquie « d'avant ». Les différents sujets y sont traités en de longs chapitres : c'est exhaustif sans être bourratif.

Sont dévoilées à nos yeux toute les subtilités des alliances politiques qui ont permis à Tayyip Recep Erdoğan d'accéder au pouvoir, ainsi que les évolutions de sa pensée et les points de rupture.

Anne Andlauer étaie ses explications de nombreuses données chiffrées, mais aussi d'entretiens avec des personnages connus ou non. le tout dans une langue claire et accessible, très agréable à lire.

L'ouvrage est intéressant de bout en bout et permet vraiment de saisir la Turquie de l'intérieur.

Il commence d'ailleurs par un petit cours sur la prononciation du turc, ce qui n'est pas de trop car c'est énervant d'entendre les journalistes écorcher sans vergogne les noms étrangers.

Une mention spéciale pour le chapitre final qui m'a marqué. Anne Andlauer y parle de la grande faille sismique sur laquelle se trouve Istanbul. Un sujet extrêmement intéressant traité au regard de la législation sur l'urbanisme et de la défiance des habitants vis-à-vis des autorités. Un dernier chapitre qui donne des frissons.

Un livre plaisant à lire dont on ressort plus intelligent, aussi bien adapté aux étudiants et aux curieux qui veulent comprendre qu'à ceux qui préparent un voyage en Turquie.
Commenter  J’apprécie          60
C'est une lecture vraiment enrichissante pour mieux comprendre la Turquie contemporaine et ce qu'en pensent ses ressortissants que nous livre ici Anne Andlauer.

L'auteur, correspondante à Istanbul, nous brosse le portrait d'une jeunesse stambouliote avide d'Europe et désespérée face à un horizon bouché en Turquie, laisse la parole aux journalistes qui, parlant de la liberté de la presse mise à mal, déclarent “on meurt moins, mais l'on souffre plus”, et dénonce la dynamique inverse dans laquelle s'est engagée la Turquie, où les droits des femmes reculent.

J'ai particulièrement apprécié les chapitres sur la géopolitique de la Turquie, où le terme "d'ottomanisme" est réfuté, au profit d'une "occidentalisation de la Turquie". Loin d'être un retour à un Empire ottoman fantasmé par les Occidentaux, la stratégie d'Ahmet Davutoğlu est de recentrer la Turquie comme puissance régionale influençant économiquement et politiquement ses voisins. Les succès pour parvenir à cette vision demeurant bien parcellaires du fait des printemps arabes et de la guerre civile en Syrie. L'interventionnisme armé renouvelé, notamment en Syrie, en Libye et au Haut-Karabagh est d'ailleurs vivement critiqué par l'opposition au gouvernement, qui y voit une politique aux objectifs peu clairs, fondée sur la confrontation et décrédibilisant la diplomatie turque. Cette obsession des anciennes frontières d'un Empire dont l'histoire est modelé à la convenance du président (choix des dates anniversaires, omission des autres peuples de l'Empire ottoman, laissant entendre l'existence d'une Turquie homogène avant le génocide) faisant office d'un argumentaire finalement plus utilisé comme outil de politique intérieure que d'une véritable stratégie de projection de puissance turque dans la région.

Anne Andlauer s'attarde également sur les échecs de l'adhésion à l'Union européenne formulée dès 1959 ; les Turcs voyant dans l'arrêt des négociations une intolérance et un racisme des Européens envers les musulmans, sans remettre en cause les importants reculs de la Turquie en matière de protection des libertés ces dernières années.

Le sujet de l'immigration s'invite également dans un ouvrage décidément bien complet, notamment à travers la question syrienne, dont près de 4 millions de ressortissants sont aujourd'hui réfugiés en Turquie, des mineurs pour l'essentiel. Anne Andlauer rappelle d'ailleurs que cet afflux, malgré toutes les critiques dont il fait l'objet, contribue aux objectifs démographiques fixés par Erdogan (atteindre 100 millions de personnes), et renforce une économie aux abois.

Le dernier chapitre, vision anticipatrice des tristes évènements de février 2023, revient sur les ambitions démesurées de construction d'un canal sur le Bosphore et les folies immobilières et écologiques qui l'accompagnent ; et l'auteur de rappeler les risques sismiques immenses de la région, et la faiblesse des infrastructures stambouliotes souvent construites sans aucun respect des règles de sécurité.

Bref, une vraie belle introduction à la Turquie contemporaine, avec des chapitres clairs et bien étayés, à lire !
Commenter  J’apprécie          20
J'ai lu cet essai et je me suis dit - moi qui ne suis plus l'actualité turque au quotidien - que décidément rien ne change en Turquie. Et pourquoi cela changerait-il quand le système politique est figé, que les institutions n'évoluent pas - ou en marge; et que l'idéologie dominante turco-islamique (héritée d'Atatürk) n'est toujours pas questionnée ? Pourquoi cela changerait-il quand rien au fond ne change dans ce pays? Il suffit d'ouvrir les pages de l'Histoire et de la confronter à l'actualité pour se rendre compte qu'au fond rien n'a changé - ou si peu. La Turquie, figée, patauge dans ses déboires car elle se laisse gouverner par des imbéciles (ils sont de l'AKP, du du CHP et pire du MHP) sans jamais interroger ses fondements. Alors ils vont et viennent au pouvoir sans jamais améliorer le sort du pays car ils se prélassent dans l'idéologie héritée du père Mustafa Kemal ; idéologie qui loin de sauver la Turquie la plonge dans la médiocrité. Mais passons... L'essai est brillant car il pondère, tempère, élargit l'horizon. Il sort des préjugés et des stéréotypes éculés sur la Turquie pour la raconter dans sa complexité. Anne Andlauer a, pour moi, le ton et le regard juste. Celui qui remet les pendules à l'heure; qui sort de la vision simpliste de nos médias paresseux; qui rappelle, en citant Etienne Copeaux dont j'apprécie les travaux, qu'Erdogan ne personnifie pas la rupture. Il ne fait qu'asseoir son cul sur un trône déjà prêt. Et il faut, pour le savoir, s'être intéressé un jour à l'Histoire de la Turquie. 

Alors bien sûr, je conseille son essai à toutes celles et ceux qui s'intéressent à la Turquie. Bien sûr car l'essai est, pour moi, brillant, intelligent, juste et évoque l'actualité turque.

Mais... parce qu'il y a un mais ... je ne comprends pas comment la journaliste a pu écarter la "question kurde". Certes, elle le dit elle-même, elle ne peut évoquer tous les thèmes mais celui-là tout de même.... On n'a rien compris ou ne comprend rien à la Turquie si on n'a pas saisi ce que l'on appelle la Question kurde car c'est à partir de cette "question", notamment, que l'Etat turc a pensé sa construction. C'est dans son rapport à ses "minorités" - et les Kurdes sont les plus nombreux - que l'Etat Turc s'est ruiné l'âme. C'est parce qu'il ne bouge pas d'un iota sur ce sujet qu'il est toujours dans l'impasse. Anne Andlauer le dit mais en quelques mots, en quelques phrases quand le thème aurait exigé un chapitre entier (pour ne pas dire un livre). Bref, l'inexistence du sujet kurde dans ce livre est pour moi un bémol que je ne peux que déplorer. 
Commenter  J’apprécie          20
Au fil de recherches documentées, de citations extraites d'entretiens menés par l'autrice au fil des années (c'est à la fois intéressant comme alarmant que des mots de 2010 soient toujours d'actualité en 2021), Anne Andlauer, journaliste qui vit en Turquie depuis 2010, décrypte et explique la situation de "son" pays au fil de chapitres bien choisis : la personnalité d'Erdoğan et d'où il tient son pouvoir, la politique qu'il mène avec plusieurs orientations et qu'il semble vouloir garder qu'importe comment, les alliances politiques, le coup d'état de 2016, la manière dont il est perçu par la population, avec les jeunes en particulier férus de réseaux sociaux (jusqu'à quand le pourront-ils ?), la réforme de l'enseignement avec la bascule religieuse (le laïcisme turc n'ayant rien à voir avec le nôtre) et Sainte Sophie à nouveau/toujours mosquée, la condition des femmes qui a tendance à se confondre avec celle de la famille, l'épineuse question du génocide arménien (toujours non reconnu), la "liberté" de la presse ("médias-pingouins" / "médias-piscine"), l'instrumentation de l'Histoire et le parallèle constant avec l'Empire Ottoman, le rêve européen "je t'aime moi non plus", l'"invitation" aux Syriens et la cohabitation à la fois imposée, conspuée et assimilée.
L'essai se termine sur un funeste présage, à la fois bien réel et terrestre (Istanbul se trouvant sur une faille sismique) et métaphorique (l'avenir, l'après Erdoğan)

Cet essai est aussi passionnant que complexe. Au fil des pages, on ressent l'intérêt, la connaissance, l'amour même de son autrice pour ce pays.
Mention spéciale au guide de prononciation qui ouvre le livre!

Merci à Babelio, sa Masse Critique et aux Editions du Rocher pour m'avoir permis de lire ce livre
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (12) Voir plus Ajouter une citation
« Il y a deux choses qui menacent l’indépendance nationale de la Turquie : une grande guerre, et un tremblement de terre de magnitude 7,5. » Ces propos ne sont pas ceux d’un expert alarmiste, mais du ministre de l’Intérieur en novembre 2020. Le chaos et les destructions causés par une secousse massive dans une ville qui représente près du tiers du PIB auront un impact majeur sur l’économie du pays. L’Agence de planification d’Istanbul s’attend à des pertes de l’ordre de 120 milliards de livres turques, au bas mot.
Le désastre est inéluctable. Il aura également des conséquences sociales, politiques, sociologiques et psychologiques. Quand ? Aucun chercheur ni aucune machine n’est capable de le dire. « Je me lève chaque matin en me disant qu’aujourd’hui sera peut-être le jour J et qu’il faut se réjouir de chaque vie sauvée par les efforts de préparation », confie Tayfun Kahraman. Qu’il survienne en plein jour ou surprenne en pleine nuit, ce « séisme du siècle » sera le souvenir d’enfance d’une génération de Turcs.
Commenter  J’apprécie          40
La génération Erdogan grandit dans une école sous emprise idéologique, instrumentalisée à des fins politiques. Cela n'a rien de nouveau. Bien d'autres, à commencer par les militaires, s'y sont essayés autrefois, et l'enseignement turc n'a jamais eu pour ambition de forger des esprits critiques.
Commenter  J’apprécie          120
Elle est là, l’ambition obstinée de Recep Tayyip Erdoğan. Celle d’un homme politique, ni démocrate ni sultan, mais plus puissant que tous ceux que la Turquie a connus en sept décennies de multipartisme. Un président qui sait que le plus long est derrière lui et qui pense de plus en plus à l’héritage qu’il laissera, tout en s’agrippant au pouvoir et à la prétention flatteuse de guider une puissance de l’ordre des États-Unis ou de la Russie (capable d’imposer ses plans, de jouer les uns contre les autres et de remodeler sa région en fonction de ses intérêts) alors que, dans les faits, la Turquie reste une puissance moyenne – politiquement, économiquement, militairement – et assez isolée.
Ils sont là, les rêves de grandeur auxquels Tayyip Erdoğan essaye de faire croire les Turcs. « C’est bien ça le problème ! Nos moyens ne sont pas à la hauteur de nos ambitions », résume un universitaire. Et de citer un dicton turc qui nous ramène, ironiquement, au passé ottoman : « Quand quelqu’un se berce d’illusions, on dit qu’il fait des rêves de sultan dans sa cabane de berger. Cela s’applique aujourd’hui, peut-être plus qu’ailleurs, à notre politique étrangère. »
Commenter  J’apprécie          10
"La Turquie éveillait l'intérêt du monde tant qu'elle incarnait, malgré tout, une image multi-identitaire et multiculturelle héritée de l'Empire. Le pouvoir est en train de ruiner cette image. Il a ruiné l'image d'un pays qui prend en compte les sensibilités de ses minorités chrétiennes, aussi peu nombreuses soient-elles. Or, une Turquie uniformisée n'intéresse personne. Elle devient un pays banal, qui se soucie uniquement des sensibilités des musulmans." Garo Paylan
Commenter  J’apprécie          20
Comme souvent en Turquie en matière de violations des droits et libertés, ceux qui en souffrent le plus et ont l'âge des comparaisons posent et se posent la question: était-ce pire ou mieux avant?
Commenter  J’apprécie          60

autres livres classés : turquieVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus

Lecteurs (19) Voir plus



Quiz Voir plus

Tête de Turc !

De quelle pièce de Molière cette réplique est-elle extraite ? Que diable allait-il faire dans cette galère ? Ah maudite galère ! Traître de Turc à tous les diables !

Le bourgeois gentilhomme
Monsieur de Pourceaugnac
Les Fourberies de Scapin
La jalousie du barbouillé

10 questions
61 lecteurs ont répondu
Thèmes : turquie , turc , littérature , cinema , humour , Appréciation , évocationCréer un quiz sur ce livre

{* *}